Mardi 23 février 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances

La mission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Michel Charpin a d'abord dressé un panorama d'ensemble des réformes des retraites menées depuis 1999, date à laquelle il avait présenté un rapport sur les retraites au Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. En 1999 en effet, la France était en retard sur les autres pays ; depuis, la situation s'est beaucoup améliorée.

Trois séries d'éléments favorables sont intervenus même s'il reste encore un certain nombre de problèmes à régler. Tout d'abord, la loi Fillon de 2003 a mis en place une réforme bien construite, intelligente et puissante. Elle a énoncé un principe robuste et subtil selon lequel il doit y avoir une proportionnalité entre la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein et l'espérance de vie moyenne de la population au moment du départ en retraite. C'est ainsi qu'a été fixé l'objectif d'une durée de cotisation de quarante et un ans en 2012, durée qui devra encore augmenter au cours des années suivantes. Dans le rapport de 1999, une durée de cotisation de quarante-deux années et demie avait de la même façon été envisagée à l'horizon 2020 ; il ne s'agissait alors pas de chercher à équilibrer les régimes mais simplement de tenir compte du recul de l'âge moyen d'entrée en activité. Celui-ci est d'environ vingt-deux ans et demi aujourd'hui ; il rend légitime un âge moyen de soixante-cinq ans pour le départ en retraite. Le principe posé par la loi Fillon a donc permis de placer les régimes de retraite sur une bonne trajectoire.

Le deuxième élément favorable est le rapprochement intervenu entre les régimes des secteurs public et privé, grâce à la loi de 2003 et à la réforme des régimes spéciaux de 2008. La réforme Balladur de 1993 avait considérablement accru les écarts ; au cours des dernières années, on a, à l'inverse, cherché à réduire la principale différence, à savoir la durée de cotisation, ce qui est une très bonne chose.

Enfin, le caractère absurde des nombreux barèmes, mis en exergue dans le rapport de 1999, a été corrigé avec la création de la surcote et la modification des décotes. Désormais, les barèmes sont quasiment alignés sur le principe de la neutralité actuarielle à la marge, ce qui permet une vraie liberté de choix pour les individus.

Au total, s'il y a donc eu une véritable évolution des régimes de retraite depuis 1999, la question est de savoir pourquoi on souhaite faire une nouvelle réforme en 2010. En effet, la loi Fillon a prévu un dispositif très perfectionné de rendez-vous d'ici 2020, horizon final de la loi, en 2008, 2012 et 2016. Le rendez-vous de 2008 s'est certes révélé décevant mais il a au moins parfaitement confirmé la trajectoire définie en 2003. L'anticipation de deux ans du rendez-vous suivant, de 2012, s'explique sans doute par la très forte dégradation des équilibres financiers des régimes de retraite. Or, cette dégradation est entièrement due au jeu des stabilisateurs automatiques puisque aucune décision n'est venue aggraver les dépenses ; seule la baisse des assiettes a entraîné une chute des recettes. Le Gouvernement souhaite donc, par un effet d'annonce, commencer à redresser les comptes, même si l'essentiel des décisions ne pourra avoir qu'un effet à long terme sur l'amélioration des comptes publics.

A la demande du Sénat, le conseil d'orientation des retraites (Cor) a réalisé un travail très remarquable et complet sur le système des comptes notionnels. Ce système était connu depuis plusieurs années, en particulier depuis les lois suédoises de 1994 et 1998 et la loi italienne de 1995, mais il n'avait jamais encore été aussi bien analysé. Ses avantages sont certains : il offre plus de transparence, une meilleure visibilité, il est plus facile à comprendre, il « endogénéise » le facteur de l'espérance de vie et établit un lien direct entre la période travaillée et le montant de la retraite. Il a toutefois un défaut majeur, celui d'être très éloigné du système actuel et donc de rendre obligatoire, s'il était choisi, la programmation d'une longue période de transition. En outre, une telle réforme systémique ne résoudrait en rien le problème de l'équilibrage financier des comptes, ce qui est pourtant le principal problème aujourd'hui.

En 1999 déjà, il avait été estimé trop difficile de mener de front les deux réformes ; il avait donc été préconisé de commencer par un rééquilibrage des comptes, ce qu'a fait la loi Fillon, puis d'envisager, le cas échéant, une réforme de plus grande envergure, à caractère structurel. La question se pose pratiquement dans les mêmes termes aujourd'hui ; la mise en place d'une réforme telle que celle des comptes notionnels nécessiterait le déploiement d'une énergie considérable.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité savoir quel levier devrait être privilégié dans le cadre de la réforme de 2010.

M. Guy Fischer est revenu sur le constat fait par Jean-Michel Charpin selon lequel la situation s'est considérablement améliorée depuis une dizaine d'années. Il a demandé si la durée de cotisation de quarante-deux ans en 2020 était désormais officiellement confirmée et si le rendez-vous de 2010 n'avait pas d'abord pour objet de remettre en cause les statuts des trois fonctions publiques ainsi que les statuts particuliers. En voulant revenir sur le critère du calcul des pensions à partir des six derniers mois, les promoteurs actuels de la réforme vont au-delà de ce que prévoit la loi de 2003.

M. Jean-Michel Charpin a fait valoir que le principal levier est celui de la durée d'activité. Tout dépend en effet de la possibilité de décaler l'âge de la cessation d'activité, ce qui a une logique puisque, avec l'allongement de l'espérance de vie, tous les âges de la vie ont progressivement été repoussés : âge de la fin des études, âge de l'entrée dans un logement indépendant, âge du premier enfant, etc. Il serait donc absurde que l'âge de la cessation d'activité soit le seul à ne pas bouger. La particularité de la situation des taux d'emploi et d'activité en France rend cependant le sujet complexe. Par rapport aux autres pays, la France connait un taux d'activité élevé pour les 25-55 ans, plus faible pour les 55-60 ans et extrêmement bas au-delà de 60 ans. Pour la tranche d'âge 60-65 ans, le taux d'emploi s'apparente plus à ce que l'on constate ailleurs pour les 70-75 ans, même si, dernièrement, le taux a sensiblement augmenté dans notre pays, passant de 7-8 % à 15-16 %. Dans ce contexte, le seul sens que peut avoir le rendez-vous de 2010 est celui d'une modification du seuil des soixante ans. En effet, pour tous les autres aspects de la réforme, les décisions ont été prises, que ce soit pour la durée de cotisation, les barèmes, la création du Cor, la procédure de suivi. Quant à un éventuel développement de la capitalisation, le moment n'est certainement pas le plus opportun.

Les deux sujets sur lesquels les discussions devraient porter sont donc l'âge légal de soixante ans et la pénibilité. Modifier le seuil de soixante ans, qui n'existe dans aucun autre pays, est certainement très difficile car il guide largement aujourd'hui les comportements sociaux : plus de la moitié des assurés liquident actuellement leur retraite à soixante ans. Cela étant, si des contreparties sont prévues, le sujet pourra évoluer. L'une des idées actuellement avancées a cependant l'inconvénient d'être très complexe ; elle consisterait à instaurer un double système de décotes et surcotes, l'un autour de la durée de cotisation, l'autre autour de l'âge de départ en retraite.

Une autre difficulté de la réforme en cours est liée à la mise en oeuvre de la procédure technique préparatoire avec la réalisation de projections qui doivent être lancées très en amont, ce qui sera difficile cette année. Maintiendra-t-on par ailleurs le rendez-vous de 2012 ?

Sur la question de l'alignement des régimes, il est certain que, dans un système par répartition, l'existence de régimes différents n'a pas de justification. Dans le cas de la France, la situation résulte d'un héritage de l'histoire qu'il est difficile d'effacer. Par comparaison, il existe aux Etats-Unis un régime par répartition unique qui fonctionne mieux, notamment parce qu'il n'a pas nécessité la mise en place de modalités spécifiques de compensation liées à la situation démographique des différentes corporations qui, dans notre pays, disposent de régimes différents. La question la plus importante est néanmoins celle d'une durée de cotisation qui soit identique quel que soit le régime.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir si le rapport du Cor, qui sera publié préalablement à la négociation avec les partenaires sociaux, contiendra des éléments nouveaux ou s'il consistera en une simple actualisation du rapport de 2007. Il s'est demandé si le système actuel pourra tenir jusqu'en 2020-2050 sans réforme plus substantielle et si l'adoption d'un système par comptes notionnels ne permettrait pas de mettre en place des garanties, notamment en termes de rééquilibrage financier, que le système actuel n'apporte pas. Peut-on par ailleurs espérer une forme de consensus sur la réforme à venir et sur quels leviers est-il raisonnable de penser que pourrait intervenir un accord ? Est-il exact que si l'on prend des bases de calcul comparables, il n'y a pas tant de différences dans les pensions servies entre les régimes de la fonction publique et les régimes du secteur privé ? Le principe posé par la loi Fillon conduit-il à un automatisme dans l'augmentation de la durée de cotisation si l'on constate un accroissement de l'espérance de vie ou bien donne-t-il une liberté d'action au Gouvernement ? Enfin, doit-on considérer l'âge de soixante ans comme un levier essentiel dès lors que l'augmentation de la durée de cotisation va peu à peu le rendre moins effectif ?

M. Jean-Michel Charpin a estimé que le prochain rapport du Cor procédera avant tout à une actualisation du rapport de l'automne 2007, élaboré avant la crise. Ces ajustements sont indispensables compte tenu de la modification des assiettes de masse salariale intervenues au cours des derniers mois. Il ne devrait cependant pas comporter de grands bouleversements, en raison notamment de la brièveté des délais dans lesquels il doit être élaboré. L'adoption d'un système par comptes notionnels présente à l'évidence de très nombreux avantages, en particulier du fait de son mécanisme stabilisateur lié à l'espérance de vie. Il serait aussi pédagogique et incitatif dès lors que le lien entre la retraite et le travail est directement établi. Toutefois, dans le contexte actuel où de nombreuses réformes sont en cours, il nécessiterait une très grande énergie pour sa mise en oeuvre. Si cette voie n'est pas choisie, il faudra néanmoins veiller à ne pas apporter plus de complexité au système actuel. L'obtention d'un consensus sur la réforme des retraites n'est pas forcément la bonne approche car l'enregistrement d'accords explicites des différentes parties prenantes n'apparait pas possible à ce stade ; en revanche, l'objectif doit plutôt être d'obtenir une forme de consentement. En tout état de cause, la décision finale appartiendra au Parlement et non aux partenaires sociaux, ni même au Gouvernement. Certaines marges existent, notamment autour de la pénibilité qui est une piste à explorer même si, dans la pratique, elle s'avère éminemment complexe.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si l'on peut imaginer que la pénibilité devienne le seul critère d'obtention d'une retraite à taux plein à soixante ans.

M. Jean-Michel Charpin a estimé que cette hypothèse mériterait d'être instruite, et donc la possibilité de décaler progressivement l'âge minimal de liquidation des retraites en contrepartie de dérogations ou d'ajustements liés à des situations particulières.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a considéré que le facteur de l'espérance de vie est un élément déterminant et qu'il justifie que soit prise en compte la pénibilité dans l'équilibre à rechercher.

M. Jean-Michel Charpin a fait valoir que, dans le mécanisme des comptes notionnels, aucune différence n'est établie entre les diverses catégories socioprofessionnelles pour le calcul de l'espérance de vie qui s'effectue par génération, toutes professions ou métiers confondus. La prise en compte de la pénibilité serait une grande nouveauté ; elle devrait être définie de manière objective par la loi et renvoyée aux négociations pour sa mise en application. Sur la question du rapprochement du mode de calcul des pensions entre le secteur public et le secteur privé, il conviendrait au préalable de réaliser une étude précise sur les écarts de revenus, de primes et autres éléments spécifiques de rémunération en les ventilant par catégories. Une telle étude est sans doute très complexe à mener à bien. Par ailleurs, si les primes étaient intégrées dans le calcul des retraites, on créerait des droits à la retraite sur des sommes n'ayant pas supporté de cotisations, ce qui est évidemment contraire aux principes fondateurs du système de retraite français selon lesquels les retraites sont liées aux cotisations versées. Le débat sur le seuil de soixante ans est important et délicat. Certes, avec l'augmentation de la durée de cotisation, il viendra un jour où personne ne pourra partir en retraite à soixante ans avec un taux plein et les effets de seuil constatés actuellement se retrouveront à l'âge de soixante-cinq ans. Il est donc souhaitable qu'à moyen terme, le seuil de soixante ans, comme celui de soixante-cinq ans, soient repoussés, ce qui est bien l'esprit de la loi Fillon. Dans l'immédiat, il est certain qu'une modification de l'âge légal de soixante ans, en le portant, par exemple, de trimestre en trimestre, à soixante et un ans, pourrait avoir un effet financier puissant mais ce serait une mesure relativement brutale compte tenu du nombre de personnes qui partent en retraite aujourd'hui à soixante ans.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines, rapporteur de la mission d'information sur la pénibilité au travail

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines, rapporteur de la mission d'information sur la pénibilité au travail, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Frédéric Poisson a d'abord rappelé le contexte dans lequel les négociations interprofessionnelles sur la pénibilité ont débuté à la fin de l'année 2004. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites invitait en effet les partenaires sociaux à engager, avant le 22 août 2006, une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. Les séances de négociation entre les partenaires sociaux ont été axées autour de trois questions : qu'est-ce que la pénibilité ? Comment la prévenir ? Comment la compenser ou la réparer ? Après trois ans et demi de débat, les négociations se sont soldées par un échec en juillet 2008.

L'absence d'accord ne signifie pas que les partenaires sociaux n'ont réussi à s'entendre sur aucun de ces sujets, bien au contraire. Ainsi, sur les questions de la définition et de la prévention, une position unanime a pu être dégagée. Sur la définition de la pénibilité tout d'abord, les partenaires sociaux sont arrivés à la conclusion que la pénibilité résulte de conditions de travail qui laissent des traces durables et irréversibles sur la santé et l'espérance de vie d'un travailleur. Elle ne doit donc pas être confondue avec d'autres notions qui peuvent lui sembler proches comme les accidents du travail, les maladies professionnelles, la violence, le harcèlement ou le stress. Cette définition présente néanmoins trois difficultés :

- elle pose la question de l'appréciation objective de la pénibilité. Autrefois, la pénibilité résultait en effet du constat objectif d'atteintes portées à l'intégrité physique du travailleur. Or, aujourd'hui, se développent de nouvelles formes de pénibilité - comme les atteintes psychiques - qui rendent très complexe son objectivation ;

- elle se heurte aux difficultés de mesure de l'espérance de vie de chaque individu ;

- elle soulève le problème de la responsabilité juridique des entreprises dans la mise en place de conditions de travail difficiles.

Au-delà de la définition de la pénibilité, les partenaires sociaux ont réussi à s'entendre sur l'identification de ses principales causes. Ils en ont identifié quatre : l'existence de contraintes physiques (exigences de posture, port de charges lourdes, bruit intense...) ; le rythme ou la cadence de travail imposés (horaires alternés ou atypiques, travail de nuit, travail à la chaîne...) ; l'exposition à des agents toxiques ; les risques psychosociaux (harcèlement, isolement, absence de solidarité...). Le plus souvent, la pénibilité résulte d'un cumul de ces facteurs.

Sur la prévention ensuite, les partenaires sociaux sont parvenus à formuler plusieurs propositions communes : une meilleure formation des managers aux questions liées à la pénibilité et aux conditions de travail, une refonte du document unique de prévention et d'évaluation des risques professionnels, une réforme de la médecine du travail, une collaboration plus étroite avec l'ensemble des partenaires institutionnels concernés par le sujet. Les négociations sur le volet prévention ont toutefois achoppé sur la question du renforcement du rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il est vrai que ces instances fonctionnent assez mal pour diverses raisons : faible implication des chefs d'entreprise, mode de désignation des membres discutable, mauvaise formation de ces derniers aux questions de santé au travail, etc. Par ailleurs, certaines entreprises sont dépourvues de CHSCT alors que la loi les oblige à en mettre en place. Actuellement, plus de 30 % des entreprises de plus de cinquante salariés n'en sont pas dotées. Sur cette question, deux camps s'affrontent : d'un côté, les organisations syndicales plaident pour une extension des pouvoirs du CHSCT, une meilleure formation de ses membres aux problématiques de santé au travail, un renforcement de son budget ; de l'autre, le patronat se montre réticent à l'idée d'accroître les pouvoirs des représentants de salariés au sein du CHSCT mais approuve la nécessité d'améliorer la formation de ses membres. Depuis peu, on observe néanmoins une évolution de la position du patronat sur ces sujets.

L'échec des négociations résulte avant tout de l'absence d'accord sur le volet compensation ou réparation de la pénibilité qui comporte trois questions : qui a le droit à compensation pour l'exercice d'un travail pénible ? Sous quelles formes la pénibilité doit-elle être compensée ? Comment financer cette compensation ?

Sur ce point aussi, deux thèses s'opposent : d'une part, les syndicats de salariés plaident pour un modèle de compensation collective qui n'est pas accepté par le patronat au motif qu'il ignore les facteurs personnels entraînant une réduction de l'espérance de vie ou un accroissement de la morbidité ; d'autre part, le patronat défend un modèle de compensation individualisée que les syndicats considèrent comme injuste car il dédouane l'entreprise de ses responsabilités dans l'organisation du travail pénible. Sur la question du financement de la compensation et des formes que celle-ci pourrait prendre, force est de constater que le patronat n'a pratiquement rien proposé lors des négociations. Quant aux syndicats de salariés, ils soutiennent l'idée d'un départ anticipé à la retraite en restant cependant très flous sur les sources de financement de cette mesure. Il semble toutefois que, dans leur esprit, les entreprises devront être les principaux financeurs puisqu'elles sont responsables de l'organisation du travail.

Après avoir dressé ce panorama des négociations interprofessionnelles, M. Jean-Frédéric Poisson a estimé que les avancées obtenues sur la définition de la pénibilité, l'identification de ses causes et les moyens de la prévenir doivent utilement servir aux négociations sur les retraites qui vont s'ouvrir dans les prochaines semaines. Assurément, la prise en compte de la pénibilité constitue, pour les organisations syndicales, une contrepartie à une nouvelle réforme du système de retraite qui pourrait se traduire par un allongement de la durée de cotisation et/ou par un report de l'âge légal de départ à la retraite.

A l'heure où l'on tend à mettre progressivement fin aux régimes spéciaux, il faut veiller à ce que le dossier de la pénibilité n'aboutisse pas à la création d'un nouveau régime spécial. Ce risque semble pour l'instant écarté dans la mesure où le Premier ministre en a rejeté catégoriquement l'éventualité. Ceci ne résout pas pour autant le problème de la prise en compte de la pénibilité auquel il est indispensable d'apporter des solutions. L'une d'entre elles pourrait consister en l'ouverture d'une possibilité de réduction de temps de travail en fin de carrière ou de départ anticipé à la retraite, mesures qui seraient financées à la fois par les entreprises et la collectivité. Recourir à un système de compensation purement collectif n'est pas souhaitable car cela reviendrait à nier l'influence des facteurs individuels. En outre, le coût financier serait très lourd puisqu'il faudrait indemniser tous les salariés exposés à au moins un facteur de pénibilité, soit entre 20 et 28,6 millions de personnes. Seule une prise en compte individuelle de la pénibilité est donc envisageable. Celle-ci suppose toutefois que les circonstances professionnelles à l'origine de la pénibilité au travail soient appréciées de manière pluridisciplinaire et paritaire. Une telle procédure n'est pas évidente à mettre en place.

M. Jean-Frédéric Poisson a enfin mis en garde contre un argument régulièrement utilisé dans le débat sur la pénibilité qui consiste à dénoncer les écarts d'espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles, notamment entre les ouvriers et les cadres. Même si cet argument est fondé, il donne à croire que l'objectif est de tendre vers une égalisation des espérances de vie de l'ensemble des travailleurs, ce qui est impossible. En outre, il accrédite la thèse selon laquelle seul un modèle de prise en charge collective permettrait de compenser ce type d'inégalité.

Soulevant le problème du choix d'un bon niveau intermédiaire entre une prise en compte trop globale ou trop fine de la pénibilité, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité savoir si des mesures individuelles négociées collectivement sont envisageables. Elle a également demandé s'il est possible de progresser sur la mesure des espérances de vie individuelles.

M. Alain Gournac a estimé que les résultats des négociations interprofessionnelles sont relativement maigres. Depuis juillet 2008, date à laquelle celles-ci ont échoué, y a-t-il eu la volonté de la part du patronat et des syndicats de renouer le dialogue ?

M. Guy Fischer a fait observer que les négociations à venir s'annoncent très difficiles dans la mesure où chacun campe sur ses positions. Force est notamment de constater que les entreprises ont de plus en plus tendance à ne pas assumer leurs responsabilités en matière de pénibilité au travail. Par ailleurs, certains syndicats se sont prononcés pour une disjonction du dossier de la pénibilité de celui des retraites ; en sait-on davantage sur leurs intentions ?

Evoquant l'hypothèse d'un ralliement des syndicats de salariés à une prise en compte individuelle de la pénibilité, M. Jacky Le Menn a demandé si, dans ce cas, le patronat pourrait faire évoluer sa position sur le financement de la compensation. Il a également souhaité avoir des précisions sur les écarts d'espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles.

M. André Lardeux a dit craindre que la compensation de la pénibilité par le système de retraite ne dédouane les entreprises de leurs responsabilités en matière d'amélioration des conditions de travail et ne reporte la charge sur la collectivité.

S'interrogeant sur la pertinence du lien entre réparation de la pénibilité et départ anticipé à la retraite, M. Alain Vasselle, président, a demandé si d'autres voies sont à l'étude. Ne peut-on pas envisager de prendre en compte la pénibilité au cours de la carrière professionnelle via, par exemple, l'octroi de primes ? Par ailleurs, ne serait-il pas opportun d'utiliser le dossier de la pénibilité pour activer le paramètre de l'âge minimal légal de départ à la retraite ?

M. Jean-Frédéric Poisson a tout d'abord insisté sur la distinction entre la pénibilité réductible et la pénibilité irréductible. Certaines formes de pénibilité ne pourront en effet ni être éliminées, ni même atténuées, sauf à supprimer l'activité professionnelle en cause. Ainsi, le travail de nuit ne pourra pas être effectué dans une ambiance diurne, le travail en sous-sol s'effectuera toujours dans un espace confiné, certains services publics comme les hôpitaux ou les services de police devront toujours fonctionner 24 heures sur 24, etc. Aucune organisation du travail, quelle qu'elle soit, n'est en mesure d'éradiquer totalement la pénibilité. Au regard de cette distinction, il appartient donc aux pouvoirs publics d'intervenir prioritairement pour prévenir et compenser la pénibilité irréductible. Cela peut passer, conformément aux propositions de certains syndicats, par la mise en place d'un « curriculum laboris » ou d'un carnet de santé individuel qui permette d'effectuer la traçabilité dans le temps de l'exposition aux facteurs de pénibilité subis par chaque travailleur. Il est également impératif que les entreprises s'impliquent directement dans la politique de prévention de la pénibilité. Trop de patrons se montrent encore aujourd'hui réticents à l'idée d'oeuvrer pour une meilleure organisation du travail. D'où la volonté des syndicats de salariés de mettre en place un système de compensation collective financé par les entreprises.

Le départ anticipé à la retraite comme solution à la compensation de la pénibilité présente le risque de décharger les entreprises de leurs responsabilités en matière d'amélioration des conditions de travail. A partir du moment où les salariés pourront partir plus tôt à la retraite, plus rien n'incitera les entreprises à faire des efforts en ce sens. Le meilleur système consisterait en une prise en charge individuelle négociée dans le cadre collectif que sont les branches professionnelles. A un moment où à un autre, il faudra en effet que les branches se saisissent du problème de la pénibilité afin que soient définis en leur sein les métiers concernés par d'éventuelles mesures de réparation.

M. Jean-Frédéric Poisson a ensuite précisé que les discussions entre les partenaires sociaux sont au point mort, bien que ces derniers aient été encouragés à revenir à la table des négociations en octobre 2008 par le ministre du travail de l'époque, Xavier Bertrand. Tout semble aujourd'hui indiquer que le dialogue ne se renouera pas. La stratégie de syndicats comme la CFDT, consistant à découpler le dossier de la pénibilité de celui des retraites, est habile : ce qu'ils obtiendront sur la pénibilité ne pourra pas être remis en cause dans le cadre d'une réforme des retraites. Un seul scénario permettrait sans doute de débloquer la situation : mise en place d'un système de compensation individuelle défini au niveau des branches professionnelles, engagement direct des entreprises dans la politique de prévention de la pénibilité en veillant à ne pas les tenir pour seules responsables des problèmes actuels. Dans l'hypothèse où les partenaires sociaux n'aboutiraient pas à un accord, il conviendrait que le législateur reprenne la main, non seulement pour définir la pénibilité et préciser les sources de financement de sa prise en charge, mais aussi pour enjoindre les partenaires sociaux à négocier à partir d'un cadre donné. S'agissant enfin de la prise en compte des écarts d'espérance de vie, peu de solutions sont pour l'instant avancées mais l'implication des branches professionnelles permettrait sans doute d'en dégager de nouvelles.

Jeudi 25 février 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Yves Struillou, conseiller d'Etat

La mission a procédé à l'audition de M. Yves Struillou, conseiller d'Etat, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Yves Struillou a expliqué que la pénibilité du travail est un sujet à la fois simple et complexe. Simple, parce que l'existence de travaux plus pénibles que d'autres est une évidence : les individus ne sont en effet pas tous égaux devant les conditions de travail. Complexe, parce que la prise en compte de la pénibilité oblige à opérer des choix de société sur des sujets aussi essentiels que la vie et la mort. Le rapport remis au conseil d'orientation des retraites (Cor) en 2003 portait sur le lien entre pénibilité et système de retraite. Son objectif était, d'une part, d'analyser les motifs pouvant justifier que la pénibilité soit intégrée dans la définition des règles relatives au bénéfice des pensions de retraite et les modalités de cette prise en compte, d'autre part, de suggérer les voies permettant d'articuler prévention et compensation de la pénibilité.

De nombreuses enquêtes ont montré qu'il existe, y compris au sein d'une même catégorie sociale, une corrélation très forte entre les conditions de travail et l'espérance de vie. Dès lors, se pose la question suivante : la société doit-elle chercher à compenser, dans le cadre du système de retraite, tout ou partie des inégalités d'espérance de vie qui sont directement liées à la pénibilité du travail ? Il s'agit assurément d'un choix de société majeur.

Une fois le principe de cette prise en charge par la collectivité accepté, encore faut-il préciser de quelle pénibilité on parle. La pénibilité est en effet une notion complexe car protéiforme. Certaines formes de pénibilité résultent du fonctionnement normal d'une entreprise ou de tout autre organisme employeur (administration, par exemple) ; elles ne peuvent être éliminées sauf à supprimer l'activité professionnelle en cause. C'est le cas des travaux de nuit qui supposent des horaires alternés ou atypiques, du métier d'ouvrier en bâtiment qui implique une exposition à des risques professionnels (port de charges, froid, chaleur...), des activités qui nécessitent un travail à la chaîne comme la production automobile, ou des services publics ouverts 24 heures sur 24 (hôpitaux, services de police...). Toute la question est alors de savoir si la société est prête à accorder un avantage en termes de retraite aux personnes travaillant dans ces secteurs. Il faut néanmoins préciser que toute forme de pénibilité du travail ne justifie pas l'octroi d'un tel avantage. Par exemple, le stress au travail - qui est un sujet de préoccupation majeure actuellement - n'a pas vocation à être compensé par le système de retraite. Si une organisation du travail donnée est facteur de stress, c'est à l'employeur - garant de la préservation de la santé de ses salariés - d'être tenu pour responsable de cette situation.

Avant d'envisager les dispositifs de prise en compte de la pénibilité, il est indispensable de parvenir à la définir. Une loi de 1975 portant notamment sur les retraites ouvrières tentait déjà de dégager des critères de pénibilité comme le travail à la chaîne, le travail en horaires décalés ou les travaux en bâtiment. De nombreux experts - ergonomes, médecins, sociologues - ont proposé des définitions de la pénibilité. Celle-ci est difficile à appréhender dans la mesure où elle englobe à la fois une composante objective et une composante subjective, liée à la perception par les travailleurs eux-mêmes de la pénibilité de leur activité. Des études réalisées par le ministère du travail montrent ainsi que la perception d'un même métier évolue au cours du temps : il y a vingt-cinq ans, les infirmières estimaient qu'elles ne portaient pas de charges lourdes ; aujourd'hui, elles considèrent qu'elles exercent un travail pénible du fait notamment du port de telles charges. Globalement, l'amélioration des conditions de travail dans la seconde moitié du vingtième siècle s'est traduite par une réduction de la pénibilité au travail. Cependant, les situations de travail pénibles persistent encore aujourd'hui. Elles se concentrent essentiellement sur le monde ouvrier et le personnel intérimaire. Les contraintes physiques n'ont pas disparu des sociétés contemporaines, bien que la majorité de la population active travaille dans le secteur des services.

M. Yves Struillou a ensuite abordé la question de l'articulation entre la prévention et la compensation de la pénibilité, en insistant sur le danger que constitue le choix d'un système axé exclusivement sur la réparation. Dans ce cas en effet, rien n'incitera les entreprises et les pouvoirs publics à faire des efforts pour prévenir les situations de travail pénible. In fine, celles-ci perdureront. La solution la plus pertinente consiste donc à combiner un volet compensation, pour gérer le stock, et un volet prévention, pour agir sur le flux. En aucun cas, l'instauration d'un système de réparation ne doit pénaliser les efforts réalisés en matière de prévention : les deux approches sont complémentaires. Agir en amont sur les conditions de travail est du domaine du possible, comme en témoigne la politique de prévention mise en oeuvre par Renault Trucks : l'entreprise a fait appel à une équipe d'ergonomes chargée de coter les postes en fonction de leur degré de pénibilité ; à la suite de cette étude, chaque manager s'est vu confier la mission de diminuer progressivement le nombre de postes considérés comme très ou assez pénibles. Grâce à cette politique, on a constaté un desserrement des contraintes de travail pesant sur les salariés. La mise au point d'une politique de prévention nécessite cependant de répondre à deux questions : comment récompenser les entreprises vertueuses ? Comment pénaliser celles qui ne le sont pas ?

La prise en compte de la pénibilité suppose également de s'interroger sur l'articulation entre l'intervention de l'Etat et le rôle de la négociation interprofessionnelle. Dans l'idéal, il faudrait privilégier une approche de la pénibilité combinant négociation au niveau des branches professionnelles et/ou des entreprises et implication des pouvoirs publics par la voie législative et/ou réglementaire. Il pourrait également être décidé soit de créer un système de bonus-malus à destination de l'ensemble des entreprises, soit de relever leur taux de cotisations retraite et de prévoir une modulation de cette augmentation pour celles qui jouent le jeu de la prévention (dispositif de bonus). Dans l'hypothèse où les partenaires sociaux ne parviendraient pas à un accord, il conviendrait que le législateur reprenne la main, au moins pour définir la pénibilité et en préciser les causes. En tout état de cause, il est grand temps de faire avancer le dossier de la pénibilité qui a déjà pris un retard regrettable.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a d'abord insisté sur le fait que mettre en place des dispositifs de compensation n'exonère pas de traiter aussi le problème de la prévention. Puis elle a demandé des précisions sur la loi de 1975 traitant des retraites ouvrières. Que prévoyait-elle en matière de prise en charge de la pénibilité ? S'agissant de la question de la responsabilité des entreprises, quels sont les outils qui permettraient de les inciter à lutter, en amont, contre la pénibilité ? Force est de constater qu'actuellement, nombre d'entre elles se séparent de leurs travailleurs considérés comme inaptes au travail en les mettant d'office à la retraite ou en les licenciant. Quelle forme pourrait prendre un système de bonus-malus ?

M. Guy Fischer a dit craindre que la charge financière de la réparation soit reportée sur la collectivité, alors que celle-ci devrait être prioritairement assumée par les entreprises. En effet, ce sont elles qui sont responsables des situations de travail pénible, en raison de l'organisation du travail qu'elles mettent en place et les employeurs ont trop tendance à vouloir s'exonérer de cette responsabilité. Il a ensuite souhaité avoir des précisions sur la pénibilité qui touche le monde ouvrier et le personnel intérimaire. Aujourd'hui, les emplois atypiques sont le lot commun d'un grand nombre de travailleurs.

Sur l'articulation prévention-réparation, M. Yves Struillou a indiqué que l'approche compensatrice n'empêche pas l'approche préventive ; la première stimule même la seconde. La mise en place d'un système de bonus-malus pour la prévention de la pénibilité, voire d'un simple dispositif de bonus, représenterait un progrès considérable. La prise en compte de la pénibilité nécessite aussi de déterminer le critère pertinent pour la mesurer. Faut-il prendre en compte l'espérance de vie « brute » -  seraient alors exclus les postes où les personnes sont exposées à des contraintes physiques entraînant des troubles musculo-squelettiques qui ne réduisent pas l'espérance de vie mais peuvent fortement handicaper ceux qui en sont victimes - ou l'espérance de vie sans incapacité - seraient alors pris en compte les travaux susceptibles de provoquer de tels troubles - ?

La mise en place d'un dispositif de compensation collective coûterait non seulement très cher à la collectivité, mais risquerait aussi de faire l'objet de restrictions a posteriori. Ainsi la mesure « carrières longues » prévue par la loi de 2003 portant réforme des retraites, initialement très généreuse, a été progressivement durcie afin d'en limiter l'incidence financière. C'est pourquoi il vaut mieux concentrer le système de réparation sur la population qui en a le plus besoin, c'est-à-dire les travailleurs confrontés à une pénibilité qui affecte leur espérance de vie sans incapacité. Pour autant, il n'est pas question de négliger les autres formes de pénibilité ; celles-ci appellent simplement des réponses différentes.

Concernant la loi de 1975, celle-ci prévoyait un abaissement de l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans pour l'exercice d'un travail à la chaîne, de nuit, ou nécessitant une exposition à des intempéries. Par ailleurs, inciter les entreprises à participer activement à la politique de prévention de la pénibilité suppose de jouer sur le levier financier. Le mécanisme idéal consisterait en l'instauration d'un bonus-malus, sachant toutefois que le malus peut entraîner des effets pervers et aller à l'encontre des objectifs poursuivis. Une autre option, moins ambitieuse, serait de mettre en place un simple bonus sous la forme d'une modulation du relèvement du taux des cotisations retraite au profit des entreprises qui font des efforts en matière de prévention. Pourquoi ne pas également réformer le régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) en y intégrant les conditions de travail ? Il serait alors possible de moduler les taux de cotisations AT-MP en prévoyant, d'un côté, des majorations pour les entreprises peu impliquées, de l'autre, des ristournes pour les plus vertueuses.

En réponse à la demande de précisions de Guy Fischer, M. Yves Struillou a expliqué que les intérimaires sont souvent des ouvriers, généralement des hommes travaillant dans l'industrie ou le bâtiment. Ce sont les plus jeunes d'entre eux qui sont victimes d'accidents du travail en raison d'un manque de formation aux consignes de sécurité. Les entreprises ont également leur part de responsabilités dans ces drames car elles affectent fréquemment les jeunes ouvriers aux postes les plus pénibles.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de l'Ecole nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S)

La mission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de l'Ecole nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Marie Spaeth a tout d'abord rappelé que, pour des raisons historiques, le système de retraite français s'est construit sur la base de multiples régimes de base en dépit des projets du conseil national de la résistance. Par la suite, ont été créés les principaux régimes complémentaires pour permettre l'octroi de droits au-delà du plafond de la sécurité sociale : association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) en 1947, association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) en 1961 ; ces régimes ont été rendus obligatoires un peu plus tard. En 2003, un régime complémentaire a également été créé pour les fonctionnaires.

Par ailleurs, des mécanismes de compensation, puis de surcompensation, ont été mis en oeuvre entre les différents régimes.

Enfin, les principaux paramètres des différents régimes ont été harmonisés avec la fixation de l'âge minimal de départ à la retraite à soixante ans, qui existait depuis 1946 pour certaines catégories, avec l'alignement, plus récent, des durées de cotisation prévues par les régimes et avec l'indexation des pensions liquidées sur les prix.

Le seul point essentiel qui n'a fait l'objet d'aucune harmonisation est celui du rendement des différents régimes. Ainsi, dans le régime des mineurs, en voie d'extinction, chaque assuré paye un pourcentage de cotisations et tout le monde reçoit une retraite de base uniforme. A l'inverse, dans les régimes spéciaux, les pensions n'ont aucun lien avec les cotisations versées mais représentent une fraction du salaire servi au cours des six derniers mois d'activité. Le régime général se situe entre les deux. Quant au régime de l'Agirc-Arrco, il se caractérise par la possibilité de faire varier plusieurs paramètres : le taux d'appel des cotisations, la valeur d'achat ou la valeur de service du point.

La question qui se pose aujourd'hui est celle de la soutenabilité financière et de l'équité du système de retraite. Deux types d'équité ou de solidarité doivent être pris en considération : la solidarité intergénérationnelle est assurée par la répartition qui consiste à opérer un prélèvement sur la richesse du pays pour payer les retraites actuelles ; la solidarité interprofessionnelle est également importante et suscite aujourd'hui une inquiétude sur l'avenir des services publics. Dans les régimes des trois fonctions publiques, les cotisations patronales constituent le paramètre d'ajustement du système. Or, pour la fonction publique d'Etat, la cotisation patronale est en réalité composée d'une subvention d'équilibre de l'ordre de 60 % du montant des pensions versées. Pour les deux autres fonctions publiques, il existe une caisse de retraite. Dans quelques années, les cotisations patronales devront probablement être augmentées, ce qui impliquera une hausse des impôts locaux pour les fonctionnaires territoriaux et des versements de l'assurance maladie pour les fonctionnaires hospitaliers. Une telle situation, dans un contexte où s'exprime une certaine forme de populisme, pourrait conduire à utiliser le débat sur les retraites comme un moyen de remettre en cause les services publics.

Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit que les facteurs qui influencent le plus l'évolution des régimes de retraite et leur équilibre sont l'âge d'entrée dans la vie active et l'âge de cessation d'activité. Or, alors que l'entrée dans la vie active est de plus en plus tardive, les comportements en matière d'âge de cessation d'activité ne se sont que peu modifiés malgré l'augmentation continue de l'espérance de vie, et de l'espérance de vie en bonne santé. Les évolutions sur ces questions sont lentes et impliquent d'adapter certains emplois aux seniors, dès lors que les capacités ne sont plus tout à fait identiques à soixante ans qu'à cinquante. En outre, pendant longtemps, les retraites ont été utilisées comme élément de restructuration industrielle, par l'utilisation massive des préretraites.

Abordant alors la réforme du système de retraite, M. Jean-Marie Spaeth a estimé que deux difficultés doivent être surmontées. D'une part, certaines décisions ne font sentir leurs effets qu'après un temps très long, d'autre part la réussite de la réforme ne dépend pas seulement de la modification de paramètres mais surtout d'évolutions des mentalités. L'heure est désormais venue de modifier en profondeur le système pour créer un régime universel. Pour ce faire, le Parlement devrait adopter une loi-cadre définissant le cahier des charges du futur régime tout en procédant aux ajustements paramétriques immédiatement nécessaires, qu'il s'agisse de la modification des durées de cotisation ou de la fixation d'un nouvel âge pivot. La loi devrait définir les conditions de passage de l'ancien au nouveau régime sans remettre en cause les droits acquis jusqu'alors. Ce nouveau système devrait comporter des éléments susceptibles d'influencer les comportements relatifs à l'entrée dans la vie active et à la cessation d'activité. A cette occasion, le mode de financement de la protection sociale pourrait être réexaminé. Ainsi, la politique familiale reste aujourd'hui financée par la masse salariale, ce qui n'est pas totalement cohérent au regard des objectifs de cette politique. Les cotisations destinées à financer cette politique pourraient être prélevées sur l'ensemble des revenus, ce qui pourrait permettre de dégager des marges autorisant le transfert des cotisations vers le financement de la retraite. La transition entre l'ancien et le nouveau système nécessitera en effet des recettes supplémentaires pendant quelques années.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité avoir des précisions sur la notion de régime universel de retraite et s'est interrogée sur la prise en compte de la pénibilité et des inégalités devant l'espérance de vie.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que l'incapacité des partenaires sociaux à parvenir à un accord sur la pénibilité n'est pas un hasard. Cette notion est en effet particulièrement difficile à cerner de manière précise et surtout évolutive. La pénibilité aujourd'hui n'est pas la même qu'il y a cinquante ans et ne se trouve pas toujours là où on s'attend naturellement à la trouver. Dans ce contexte, la mise en place d'un régime universel fonctionnant plutôt selon une technique de points permettrait beaucoup plus facilement de prendre en considération la pénibilité que le système par annuités actuel. Les conditions de prise en compte de la pénibilité pourraient évoluer de manière souple sans recréer des régimes spéciaux pour des catégories entières. Quant à l'inégalité face à l'espérance de vie, il est souhaitable que la technique du nouveau système soit conçue de manière à permettre de réaliser les arbitrages individuels et collectifs intégrant ces écarts.

M. Guy Fischer s'est déclaré inquiet face au risque d'une attaque frontale contre les régimes de retraite et plus particulièrement ceux des fonctionnaires dans un contexte où les déficits publics sont mis en avant pour justifier une remise en cause des services publics. Il s'est demandé si le rendez-vous 2010 ne conduira pas à une prise en compte minimale de la pénibilité.

M. Jean-Marie Spaeth a tout d'abord souligné que la réforme la plus lourde de conséquences pour les retraites, à savoir l'indexation sur les prix des pensions et des salaires reportés au compte, a été réalisée en catimini en 1993 sans que personne n'ait conscience des conséquences de cette évolution sur les futures retraites. De la même manière, on peut avoir des craintes pour les régimes des fonctions publiques car, dans quelques années, il sera nécessaire d'augmenter les cotisations de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Une augmentation des impôts locaux ou de la CSG destinée à financer les retraites des fonctionnaires, même si elle est légitime, risque de susciter une forte incompréhension et de conduire alors à une véritable attaque contre ces régimes. Dans ces conditions, il est nécessaire de maintenir les acquis mais aussi d'inscrire, pour l'avenir, l'ensemble des salariés du public et du privé dans un régime universel, en faisant en sorte que tous les droits reposent sur une solidarité commune.

La question du déficit public reste posée et peut être traitée, en fonction de choix qui appartiennent aux politiques, en intervenant sur les dépenses ou sur les recettes. En ce qui concerne les régimes de retraite, l'ajustement se fait toujours par le biais des cotisations avec une possibilité d'intervenir sur la répartition de ces cotisations entre l'employeur et le salarié. Enfin, il est souhaitable que le débat sur les retraites soit l'occasion d'une discussion sur le contenu du travail, à l'entrée et à la sortie de la vie active. Le législateur prend des mesures depuis des années pour maintenir les seniors au travail, mais les évolutions sont particulièrement lentes.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité des précisions sur les changements préconisés pour le régime de retraite des fonctionnaires territoriaux.

M. Jean-Marie Spaeth a constaté que la CNRACL va connaître de graves difficultés lorsqu'elle devra augmenter les cotisations patronales qui, en l'espèce, ne sont rien d'autre que des impôts locaux ou des contributions de l'assurance maladie. Il est donc préférable, sans remettre en cause les droits acquis, que les fonctionnaires territoriaux rejoignent, comme tous les salariés, le futur régime universel, à l'intérieur duquel s'exercera une solidarité interprofessionnelle complète.

M. Jacky Le Menn a relevé que, dans le futur système, les collectivités territoriales resteraient l'employeur des fonctionnaires territoriaux et continueraient à verser des cotisations patronales, de sorte que le changement n'apparaît pas considérable.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que l'intérêt de cette évolution est de faire disparaître tout risque de conflit entre catégories de salariés. Les nouveaux droits seraient universels, donc identiques pour tous en fonction des sommes cotisées. Ce système permettra de clarifier les choix de la société en matière de solidarité et d'assurer une harmonisation du rendement des régimes en évitant les conflits intergénérationnels et interprofessionnels.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir s'il demeure possible de conserver un âge minimum de départ à la retraite à soixante ans, compte tenu des évolutions intervenues en matière d'espérance de vie.

M. Jean-Marie Spaeth a relevé que certaines études ont montré qu'à long terme, le décalage de l'âge minimum de retraite a les mêmes effets sur l'équilibre financier que l'augmentation de la durée de cotisations réalisée sans modification de l'âge légal. En revanche, le décalage de l'âge minimum a un effet immédiat non négligeable. En définitive, la principale différence réside dans le fait que la modification de l'âge pénalise prioritairement les salariés qui ont des carrières longues et sont entrés tôt sur le marché du travail, alors que l'augmentation de la durée de cotisations pèse prioritairement sur ceux qui ont commencé plus tardivement à travailler, ce qui paraît plus juste. Le futur régime universel devrait reposer sur une durée de cotisations et un âge pivot, sans que celui-ci ait le rôle de couperet qu'il exerce dans le système actuel. Les techniques de fonctionnement du système de retraite doivent être conçues pour influencer les comportements relatifs à l'entrée sur le marché du travail et à la cessation d'activité.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Antoine Bozio, chercheur à l'Institute for fiscal studies (IFS) de Londres

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Antoine Bozio, chercheur à l'Institute for fiscal studies (IFS) de Londres, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Avant d'évoquer ses propositions et le sujet de la pénibilité, M. Antoine Bozio a dressé un état des lieux du système de retraite en France. Celui-ci est soumis à deux chocs démographiques distincts, dont les conséquences en termes d'équité sont différentes : d'une part, une tendance lente et progressive à l'augmentation de l'espérance de vie, d'autre part, l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom. En outre, le système français revêt une complexité paradoxale, dès lors que les systèmes publics par répartition ont en principe l'avantage d'être plus simples et moins coûteux en termes de gestion que les systèmes par capitalisation. Les régimes de base et complémentaires sont multiples et morcelés et ils obéissent à des règles de solidarité parfois divergentes. Au total, les Français ont plus l'impression de payer un impôt que d'acquérir des droits pour l'avenir. D'un côté, les gestionnaires du système peinent à évaluer les conséquences d'une modification de paramètres ; de l'autre, tant les personnes proches de l'âge de la retraite que les jeunes appréhendent mal le niveau de leur future pension. Enfin, le système est largement défaillant en termes d'équité : il combine plusieurs formes de redistribution, dont les effets sont souvent mal évalués, ce qui amène en définitive à s'interroger sur son but final. Ainsi, la prise en compte des vingt-cinq dernières années de carrière pour le calcul du salaire de référence a des effets redistributifs importants, qui conduisent à pénaliser les personnes connaissant des carrières longues et uniformes.

Dans ce contexte, toute réforme doit être envisagée sur le long terme, c'est-à-dire sur une période de quarante ou cinquante ans, et n'utiliser que des éléments paramétriques conduirait à multiplier les ajustements tous les trois ou quatre ans ; cela ne ferait que renforcer les incertitudes et affaiblir in fine l'ensemble du dispositif. L'objectif de toute réforme doit donc consister à unifier, rendre plus transparent et simplifier. De ce point de vue, un passage à des comptes notionnels, comme l'a fait la Suède, serait bénéfique. Les cotisations sont en effet accumulées sur un compte virtuel permettant de mesurer les droits à pension et sont revalorisées chaque année en appliquant un rendement garanti, qui correspond au taux de croissance des salaires. Le système n'est pas uniquement contributif, puisque la solidarité nationale vient abonder un fonds de réserve permettant de financer à la fois les accidents de carrière personnels et les chocs économiques conjoncturels. Surtout, le niveau des pensions prend mécaniquement en compte l'évolution de l'espérance de vie des générations. En conséquence, ce système intègre en permanence les contraintes budgétaires, évite la brutalité des réformes et est compréhensible pour la population.

Il est vrai que le passage d'un système à un autre pose un problème important de transition. C'est pourquoi il est nécessaire de prendre le temps de redéfinir l'ensemble des paramètres et des éléments redistributifs avant d'adopter un nouveau régime. La Suède a pris ce temps nécessaire de mise en place, contrairement à l'Italie qui a réalisé sa réforme trop rapidement. Par ailleurs, la France connaît un système qui prend en compte les revenus jusqu'à un niveau très élevé, ce qui est rare pour un système public obligatoire. En ce qui concerne le secteur public, les pensions sont aujourd'hui souvent considérées comme une rémunération différée et il serait utile de mieux les distinguer en vue d'unifier les régimes. Enfin, la mise en place d'un système à comptes notionnels ne règle pas en lui-même les dettes du passé ; il sera toujours nécessaire de financer la génération du baby-boom. En revanche, les comptes notionnels permettraient de gérer plus aisément des chocs futurs. Afin de conforter la confiance de la population dans la stabilité du système, il serait utile d'identifier clairement cette dette et d'affecter à son financement des prélèvements obligatoires spécifiques, distincts des cotisations.

En ce qui concerne la pénibilité, il n'est pas certain que ce soit de la responsabilité du système de retraite de traiter cette question. Elle devrait d'abord être réglée par le niveau des rémunérations, comme c'est par exemple le cas pour les personnels affectés sur des plates-formes pétrolières. Elle devrait ensuite être abordée sous l'angle des conditions de travail : sa prise en compte dans le calcul des pensions reviendrait d'une certaine manière à subventionner la pénibilité plutôt que de lutter contre. Surtout, il serait extrêmement difficile d'identifier précisément, tout au long de la vie, les métiers concernés et le niveau de la prise en compte par le système.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a relevé que les propositions qui viennent d'être présentées apparaissent cohérentes et entraînent une différence structurelle avec le système en vigueur, permettant de sortir d'une simple évolution paramétrique. En ce qui concerne les comptes notionnels, de quelle manière la solidarité nationale peut-elle intervenir en cas d'accident de carrière et comment prendre en compte les inégalités individuelles devant l'espérance de vie ? Par ailleurs, comment envisager la période de transition en cas de changement de système ?

Alors que les Français sont particulièrement inquiets sur l'avenir du système et que les précédentes réformes ont vu leurs effets limités par des hypothèses de base qui se sont révélées inexactes, comment s'assurer que les paramètres qui seront retenus seront fiables ?

M. Antoine Bozio a précisé que dans un système en comptes notionnels, une éventuelle absence de points due à un accident de carrière est compensée par la solidarité nationale dans une mesure prédéfinie. Le financement est alors assuré par des prélèvements obligatoires différents des cotisations sociales. Par ailleurs, les inégalités d'espérance de vie doivent être prises au sérieux mais posent des problèmes considérables, car elles ne relèvent pas toujours des conditions de travail mais parfois de la responsabilité individuelle et des choix de vie. De plus, leur mesure reste actuellement mal évaluée au-delà de catégories socioprofessionnelles très larges. Dans ces conditions, il est difficile de faire des propositions robustes sur cette question. Finalement, l'actuelle complexité du système renforce la difficulté de le faire évoluer sensiblement et justifie le temps pris à le réformer. En outre, face à la nécessaire progressivité de toute réforme, il est important de garantir certaines conditions à ceux qui partiront en retraite dans les années à venir. La période de transition doit alors être suffisamment longue pour que la réforme soit correctement mise en oeuvre, mais elle ne doit pas l'être trop pour conserver son objectif de justice et d'efficacité. Une période proche de dix ans paraît raisonnable.

M. Guy Fischer a relevé que dans un système en comptes notionnels, il existe un lien entre le niveau de pension et le taux de croissance des salaires. Or, on constate aujourd'hui une tendance à l'écrasement des rémunérations et des retraites, ce qui pose un problème d'équité. Ainsi, dans le secteur public, les salaires ont très peu augmenté ces dernières années.

M. Antoine Bozio a rappelé que la mesure la plus importante de la réforme conduite en 1993 a consisté à indexer les pensions, mais aussi les salaires portés au compte de chaque assuré, sur les prix et non plus sur les salaires. Une telle modification a été très efficace en termes financiers mais n'a fait l'objet d'aucun débat public et ne renforce pas la transparence du système. Un régime en comptes notionnels permet a contrario de donner des perspectives claires, à la fois collectivement et individuellement.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité avoir des précisions sur les modalités du financement de la dette relevant du passé lors de la transition vers un système en comptes notionnels. Un choix politique doit en effet être opéré entre le financement des retraites, de la dette existante et des autres charges publiques. Par ailleurs, si la question de la pénibilité relève de la politique salariale des entreprises et des conditions de travail, comment la prendre en compte pour les salariés qui sont d'ores et déjà en fin de carrière et ont exercé des tâches pénibles ?

M. Antoine Bozio a confirmé que la part de la richesse nationale consacrée aux retraites relève d'un choix politique et social, et non de celui des experts. En effet, tout peut être imaginé mais les conséquences doivent être durablement pesées ; c'est ce que permet d'ailleurs plus aisément le mécanisme des comptes notionnels. Par ailleurs, alors que la création d'un système par répartition à la fin de la Seconde Guerre mondiale répondait clairement à une question de justice entre générations du fait des pertes patrimoniales massives des Français, le financement de la dette actuelle, qui correspond à l'arrivée en retraite de générations moins frappées par des événements dramatiques, ne devrait-il pas être partagé entre les actifs et ces nouveaux retraités ? Enfin, un système en comptes notionnels permettrait d'attribuer des points liés à la pénibilité pour les personnes partant en retraite dans les années à venir, à condition de prévoir les ressources financières nécessaires.