Mardi 27 avril 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Contrôle de l'action du Gouvernement et évaluation des politiques publiques - Communication

La commission a entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur l'amendement adopté par la commission des finances visant à insérer certaines dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières dans la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé les conditions dans lesquelles la commission a adopté, lors de sa réunion du 6 avril 2010, un amendement visant à donner à la Cour des comptes les moyens d'assurer sa mission d'assistance au Parlement dans le contrôle du gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. L'amendement de la commission des finances reprend certaines des dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé depuis le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais jamais inscrit à l'ordre du jour.

Conformément à l'engagement pris lors de la réunion initiale, la commission des finances est appelée à faire le point sur ce dispositif qui a suscité certaines interrogations. M. Jean Arthuis, président, a précisé qu'il avait reçu dans la matinée des représentants de l'ensemble des associations et syndicats des magistrats et personnels des juridictions financières afin d'entendre leurs arguments et leurs propositions.

Il a déclaré que l'amendement de la commission des finances a pour objectif, d'une part, de faciliter l'échange et la mutualisation entre la Cour des comptes et les chambres régionales et, d'autre part, de rationaliser si nécessaire la répartition géographique des chambres, afin de parvenir à un effectif de magistrats satisfaisant dans chacune d'elles. Il a toutefois souligné que les choix de réorganisation appartiendront à la Cour des comptes et au gouvernement.

Il a souhaité, indépendamment du sort réservé à l'amendement, que le gouvernement s'exprime sur le calendrier de discussion envisagé pour le projet de loi portant réforme des institutions financières, jugeant que la situation actuelle ne favorise pas la sérénité.

Il a aussi écarté l'argument selon lequel les chambres régionales auraient pour mission la défense des collectivités territoriales contre l'Etat et confirmé la recevabilité d'un amendement qui n'est pas sans lien avec l'objet principal de la proposition de loi.

Il a observé, par ailleurs, que deux autres amendements de la commission des finances, relatifs aux enquêtes demandées à la Cour des comptes par les commissions des finances et des affaires sociales, ont été intégrés dans le texte de la proposition de loi adopté par la commission des lois.

M. Jean Arthuis, président, a conclu en estimant que la Cour des comptes doit être un modèle de bonne gestion.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Yann Gaillard a témoigné de l'attachement du premier président Philippe Séguin au projet de réforme des juridictions financières.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que Philippe Séguin la qualifiait de réforme la plus importante depuis 1807, date de création de la Cour des comptes.

Mme Nicole Bricq a excusé l'absence de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle et de l'Etat » soulignant qu'elle parlerait en son nom dans la discussion générale. Elle a exprimé des réserves sur la méthode choisie, rappelant que la même démarche de passage en force, qui aboutit à fédérer toutes les oppositions, avait entraîné l'échec de la réforme relative à l'interlocuteur fiscal unique. Elle a craint que l'accélération de la réforme ne nuise à l'action de l'actuel premier président de la Cour des comptes. Elle a noté, à cet égard, l'avis défavorable donné par la commission des lois à l'amendement de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que les textes législatifs relatifs à la Cour des comptes relèvent très directement de la compétence de la commission des finances, notamment pour les missions d'audit et d'évaluation des politiques publiques. Il a répété son attachement à obtenir du gouvernement des précisions sur le calendrier, regrettant que l'on soit souvent trop prompt à ne pas décider. Il a réaffirmé la nécessité et l'importance du contrôle, souhaitant que la Cour des comptes et les chambres régionales soient des laboratoires de la réforme de l'Etat qui est indispensable à la stabilisation des finances publiques.

M. François Trucy a indiqué que le premier président Didier Migaud, lors d'un récent déplacement à la cour régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, a affirmé son attachement à la réforme des juridictions financières.

M. Jean-Pierre Fourcade a exprimé de forts doutes sur la volonté du gouvernement de fournir un calendrier, compte tenu d'un ordre du jour très chargé. Il a reconnu que la structure actuelle des juridictions financières ne permet pas un fonctionnement satisfaisant.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré partager et soutenir l'initiative de la commission des finances, soulignant que les propositions de loi sont faites pour être amendées. Il a souhaité que la réforme, indispensable, ne soit pas enterrée.

La commission a, alors, donné acte à M. Jean Arthuis, président, de sa communication.

Mercredi 28 avril 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Réforme de la taxe professionnelle - Atelier de travail sur la mise en oeuvre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER)

Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission a tout d'abord procédé à l'audition conjointe de MM. Patrick Amoussou-Adeble, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique à la direction générale des collectivités locales (DGCL), Christophe Bresson, directeur fiscal de France Telecom, Mme Catherine Damelincourt, directeur fiscal du groupe EDF, M. Gérard Gouzes, président délégué de l'assemblée des communautés de France (AdCF), Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale (DLF), MM. Richard Loyen, délégué général d'Enerplan, Denis Merville, président de la commission environnement et développement durable de l'association des maires de France (AMF), et Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la réforme de la taxe professionnelle (TP) a substitué à cette dernière deux impositions : la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Elle a aussi introduit un nouvel impôt propre à certains secteurs, l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), constitué de plusieurs composantes dont l'assiette et le taux varient en fonction de la nature des installations.

L'objet de l'IFER est de neutraliser l'essentiel de l'important avantage fiscal qui aurait résulté de la réforme de la TP pour les entreprises de réseau non délocalisables. Elle concerne donc trois principaux secteurs : l'énergie, les télécommunications et les transports et est différentielle puisqu'elle ne se substitue pas intégralement à l'ancienne TP. La cotisation économique territoriale (CET), composée de la CVAE et de la CFE, ne représente pour certaines installations qu'une fraction minoritaire de l'imposition globale.

Des dotations viendront dès 2010 compenser l'éventuel manque à gagner fiscal pour les collectivités territoriales qui percevaient déjà la TP au titre de certaines installations. En revanche, les engagements se traduisant par des installations imposables à compter du 1er janvier 2010 ne donnent pas lieu à compensation.

Compte tenu de sa nouveauté et de certaines imprécisions sur les paramètres de sa mise en place, l'IFER a donné lieu à d'abondants débats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 et a fait apparaître des divergences d'intérêts. Parmi les questions et inquiétudes figurent par exemple le niveau de « retour » pour les collectivités, le caractère plus ou moins incitatif pour les énergies alternatives, les « effets de bord » à l'égard d'installations incluses ou exclues de l'assiette ou la répartition de la charge entre entreprises redevables et cocontractantes. Plusieurs élus locaux ont ainsi fait part aux membres de la commission des finances de leurs incertitudes ou déceptions.

Pour l'ensemble de ces raisons, M. Jean Arthuis, président, a souhaité que la commission des finances procède à l'examen des principales difficultés posées par l'IFER, dans la perspective de la « clause de rendez-vous » que prévoit l'article 76 de la loi de finances pour 2010 :

- l'IFER correspond-elle à l'objectif de neutralisation de l'avantage fiscal pour les grandes entreprises de réseau non délocalisables ? Le résultat est-il conforme aux négociations engagées avant le vote de la réforme ?

- les modalités de calcul et d'acquittement de la taxe sont-elles suffisamment claires ? L'assiette est-elle pertinente ? Le modèle économique des industries est-il respecté ?

- le niveau de retour aux collectivités est-il cohérent avec les investissements engagés et les nuisances supportées ? Les projets d'implantations décidés avant la réforme mais dont la construction n'est pas achevée ou engagée sont-ils menacés ?

M. Gérard Gouzes, président délégué de l'assemblée des communautés de France (AdCF), a identifié deux principales difficultés concernant l'IFER. D'une part, l'absence d'indexation de leur tarif ou de leur assiette conduira à une diminution tendancielle de leur produit pour les collectivités territoriales. L'AdCF propose donc une indexation sur l'inflation prévisionnelle figurant chaque année dans le projet de loi de finances.

D'autre part, le rendement fiscal de certaines installations paraît très inférieur après la réforme à ce qu'il était avant, notamment pour le secteur éolien. Ainsi, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) estime que le rendement fiscal des éoliennes est au moins cinq fois moindre après la réforme.

M. Denis Merville, président de la commission environnement et développement durable de l'association des maires de France (AMF), a indiqué que l'AMF a été saisie par de nombreuses municipalités engagées dans des projets d'installation d'éoliennes remis en cause par la réforme en raison de la diminution du retour sur investissements qu'elle provoque pour les communes.

Il est convenu avec M. Gérard Gouzes que l'indexation des composantes de l'IFER est une nécessité pour éviter une perte de pouvoir d'achat des collectivités territoriales.

Enfin, les modalités de répartition de l'IFER portant sur les éoliennes entre les communes, les intercommunalités et les départements doivent être clarifiées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les ressources fiscales avant et après réforme doivent être prises en compte globalement. Ainsi, le produit de TP doit être comparé au nouveau produit de CVAE, de CFE et de l'IFER.

Il convient par ailleurs de distinguer les cas des installations existantes, de celles pour lesquelles un permis de construire a déjà été délivré et, enfin, de celles pour lesquelles une négociation est en cours en vue de la délivrance d'un permis de construire.

Concernant le tarif de l'IFER appliqué aux éoliennes, le Sénat avait souhaité le porter à 8 000 euros par mégawatt heure mais le gouvernement a pris l'initiative, en lecture des conclusions de commission mixte paritaire, de le ramener à 2 913 euros par mégawatt heure, soit un tarif légèrement plus élevé que le tarif prévu dans le projet de loi de finances initial. Ce niveau devra probablement être réexaminé, ainsi que la question de l'indexation du tarif.

Enfin, les modalités de répartition du produit des composantes de l'IFER doivent permettre d'éviter les stratégies non coopératives, notamment celles des petites communes isolées, et de favoriser une meilleure collaboration entre la commune, l'intercommunalité et le département dans les décisions d'implantations d'installations soumises à l'IFER.

M. Albéric de Montgolfier s'est déclaré en accord avec les propos de M. Philippe Marini, rapporteur général. Le tarif de l'IFER du secteur éolien finalement voté produit pour les collectivités territoriales des recettes très inférieures à ce qu'elles étaient, en raison de la disparition du plafonnement à la valeur ajoutée antérieurement pris en charge par l'Etat. Une question de principe doit donc être tranchée : faut-il garantir la neutralité de la réforme pour les entreprises du secteur éolien ou pour les collectivités territoriales bénéficiaires des retombées fiscales ?

Le modèle économique du secteur éolien paraît déjà très largement aidé, par un tarif d'achat garanti de l'électricité et par des dispositifs de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune pour les investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME). Il ne serait donc pas choquant que le coût du plafonnement à la valeur ajoutée soit pris en charge par les opérateurs. Enfin, les éoliennes produisent des nuisances visuelles qui justifient des retombées financières au-delà de la seule commune d'implantation.

M. Claude Belot a rappelé que la France s'est engagée dans une politique de développement volontariste des énergies renouvelables et qu'il y souscrit pleinement. Ces énergies sont aujourd'hui compétitives. Or, les modalités du remplacement de la TP par l'IFER nécessitent une clarification afin que les décisions d'implantation puissent être prises en connaissance de cause.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il faut trouver un point d'équilibre entre ce que les entreprises paient et ce que les collectivités reçoivent.

M. Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne, a tout d'abord indiqué que le syndicat qu'il préside, composé de 240 membres, représente les acteurs du secteur éolien. La réforme telle qu'elle a été votée garantit un traitement fiscal équitable des différents secteurs soumis à l'IFER. Une prise en charge par les entreprises du secteur éolien d'une partie du plafonnement sur la valeur ajoutée romprait cet équilibre. Par ailleurs, le secteur éolien est créateur d'emploi et favorise l'aménagement du territoire. Une piste à explorer serait d'appliquer le plafonnement à 3 % de la valeur ajoutée à un panier comprenant non seulement la CET mais également l'IFER. Le secteur éolien n'a pas, à l'inverse de nombreux secteurs industriels, bénéficié fiscalement de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Nicolas Wolff s'est déclaré ouvert à la possibilité, évoquée par M. Jean Arthuis, président, d'indexer le tarif de l'IFER éolien sur le prix de l'énergie. Il rappelé qu'aujourd'hui le coût du mégawatt produit par éolienne est de 80 euros contre 65 euros pour l'énergie nucléaire.

M. Richard Loyen, délégué général d'Enerplan, a présenté Enerplan comme la principale association professionnelle du secteur de l'énergie solaire. A horizon de cinq à dix ans, le coût de l'énergie solaire devrait rejoindre celui des autres formes de production d'électricité. L'énergie solaire contribue à l'objectif de réduction des émissions de carbone.

Il s'est déclaré ouvert à une réflexion sur l'indexation des tarifs de l'IFER, en fonction de l'inflation ou du coût de l'électricité.

Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale (DLF), a rappelé que l'objectif de l'IFER était d'éviter les effets d'aubaine dont auraient pu bénéficier certains secteurs économiques particulièrement gagnants à la réforme de la TP. La volonté initiale du Gouvernement était de traiter de manière préférentielle les énergies renouvelables au travers de tarifs d'IFER incitatifs. Toutefois, le Parlement a retenu une approche différente, uniforme et conforme à l'objectif d'éviter les effets d'aubaine.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a souhaité que soient fournies au Parlement le plus rapidement possible des simulations complètes et fiables sur l'IFER, Mme Marie-Christine Lepetit a indiqué que davantage d'informations seront disponibles à la fin du semestre.

Elle est convenue qu'une approche comparative globale doit être retenue entre, d'une part, l'ancienne TP et, d'autre part, la CVAE, la CFE et l'IFER. La question technique de la base foncière des éoliennes doit encore être clarifiée. Les conséquences de la répartition de la CVAE en fonction des effectifs salariés doivent être étudiées de manière plus approfondie. Enfin, l'indexation de l'IFER est un sujet ouvert qui devra probablement être traité composante par composante, en prenant en compte le dynamisme des bases de calcul de l'impôt.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que deux questions demeurent en suspens : l'appréhension de la valeur foncière d'une éolienne et la répartition de la valeur ajoutée qu'elle génère puisque le critère des effectifs de l'établissement ne lui est pas applicable.

Sur le premier point, Mme Marie-Christine Lepetit a indiqué qu'une règle claire existe.

M. Nicolas Wolff a souligné que les éoliennes constituent un élément d'aménagement du territoire. A ce titre, il importe que le produit des impositions soit à la fois réparti au niveau d'une échelle géographique vaste, comme par exemple le département, et au niveau de la commune d'implantation de l'éolienne. Il a plaidé pour qu'un équilibre soit trouvé entre ces deux objectifs.

M. Richard Loyen a estimé que la détermination du foncier peut poser un problème pour les installations photovoltaïques selon qu'elles sont installées en plein-champ ou sur un immeuble.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé comment s'opère la localisation géographique de l'assiette de la CVAE pour l'énergie photovoltaïque.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la territorialisation des bases en ce qui concerne la CVAE ne semble pas poser de difficultés pour les éoliennes, dès lors qu'il s'agit d'un équipement standardisé. Il n'a pas jugé opportun d'examiner, au cas par cas, la valeur ajoutée générée par chaque éolienne. Ainsi, il serait possible d'envisager un mécanisme dans lequel la répartition de l'assiette de la CVAE s'opère en fonction du nombre, de la puissance et de la technologie des éoliennes installées.

Mme Marie-Christine Lepetit a expliqué que la technique retenue pour les barrages, quoique sophistiquée, pourrait se révéler adaptée. En amont, les services fiscaux identifient, au niveau de l'entreprise, la part de la valeur ajoutée tirée de l'ensemble des barrages. Ensuite, chacun des barrages se voit attribuer une part de celle-ci en fonction de sa puissance. La règle des effectifs ne s'applique donc pas.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si, pour les éoliennes, il ne serait pas préférable de faire masse de l'ensemble des impositions actuelles pour les regrouper dans un impôt unique forfaitaire. Il s'est également interrogé sur la traçabilité de la valeur ajoutée lorsqu'un particulier installe des panneaux photovoltaïques.

M. Richard Loyen a répondu que le particulier n'est pas soumis aux différentes impositions. En revanche, s'il souhaite revendre son électricité, il est lié par un contrat à un prestataire, qui doit s'acquitter de la CVAE. Dans ce cas, la traçabilité de la valeur ajoutée ne soulève pas de difficulté particulière.

Mme Marie-Christine Lepetit a largement approuvé ces propos tout en relevant que de nombreux dispositifs spécifiques sont applicables.

M. Patrick Amoussou-Adeble, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique à la direction générale des collectivités locales, a constaté les difficultés pratiques de la répartition de la CVAE, qui a pu entraîner des pertes de recettes pour certaines collectivités territoriales. Il a toutefois estimé que, si d'autres modalités de répartition apparaissent envisageables, notamment pour les différentes composantes de l'IFER, il n'existe pas de solution idéale qui permette de dépasser les difficultés rencontrées aujourd'hui.

M. Denis Merville s'est demandé pourquoi certains éléments des éoliennes sont exclus de l'assiette foncière. Il a considéré que l'intégralité du bien devrait être assujettie aux impôts fonciers. Il s'est également interrogé sur la répartition des impositions perçues au titre des éoliennes « off-shore » et des hydroliennes. Il a enfin indiqué que l'installation d'équipements photovoltaïques soulève, par leur étendue, de réelles questions en termes d'urbanisme.

En ce qui concerne le premier point, M. Jean Arthuis, président, a jugé qu'il peut apparaître difficile de distinguer la partie proprement mobilière d'une éolienne, qui aurait, auparavant, relevé de l'assiette des équipements et biens mobiliers (EBM).

Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que les éoliennes « off-shore » sont soumises à une imposition spécifique prévue par l'article 1519 B du code général des impôts. Les hydroliennes relèvent désormais de l'IFER.

M. Nicolas Wolff a indiqué que la répartition du produit de l'imposition, pour les éoliennes « off-shore », est respectivement de 50 % pour le département et de 50 % pour les communes proches du parc éolien.

M. François Fortassin a estimé que l'installation d'éoliennes hors du bord de mer constitue une « ineptie » énergétique dans la mesure où elles ont besoin de vents réguliers, ce qui suppose qu'il ne fasse ni trop chaud, ni trop froid. Elles sont donc régulièrement à l'arrêt. Par ailleurs, il a observé que la responsabilité du raccordement au réseau électrique des installations photovoltaïques demeure incertaine. Il a enfin jugé probable que des friches photovoltaïques apparaissent dans un avenir proche.

M. Richard Loyen a précisé que le raccordement au réseau relève de la responsabilité du porteur de projet. Il a également indiqué que, en l'état actuel, le producteur d'énergie photovoltaïque a plus intérêt à vendre la totalité de sa production que de la consommer.

M. Gérard Gouzes a regretté que la réforme de la taxe professionnelle et la mise en place des nouvelles impositions soient un facteur d'incertitude pour les élus locaux alors même que les charges et les contraintes qu'ils doivent assumer sont tangibles. Il s'est ainsi vivement opposé à l'intégration de l'IFER dans la CET car le plafonnement de cette dernière conduirait inéluctablement à une perte de ressources, non compensées par l'Etat, pour les collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président, a constaté que la nouvelle législation ne remet pas en cause les situations antérieures. Elle a pour autant permis de mettre fin à un système dans lequel les ressources perçues par la commune étaient, en réalité, largement acquittées par l'Etat.

M. Claude Belot a déploré que, pour les panneaux photovoltaïques situés en plein champ, la valeur foncière de l'installation soit nécessairement très réduite. Il a également jugé nécessaire de revoir les modalités de répartition du produit de la composante photovoltaïque de l'IFER qui lui semblent inadaptées.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'une ambiguïté persiste sur l'attribution du produit de l'IFER sur les éoliennes. Deux interprétations sont possibles. La commission des finances du Sénat estime que le produit de l'impôt doit revenir pour 30 % à la commune et 70 % à l'EPCI ou, à défaut, au département. Selon une autre lecture, la répartition serait de 15 % pour la commune, 35 % pour l'EPCI et 50 % pour le département ou, à défaut d'EPCI, de 85 % pour le département. Pour l'énergie photovoltaïque, la répartition est de 50 % pour le département et 50 % pour le bloc communal. Dans ce dernier cas, il conviendra cependant de distinguer la part de la commune et celle de l'EPCI.

M. Denis Merville s'est demandé si des aménagements sont envisagés pour les projets engagés.

M. Jean Arthuis, président, a noté que l'application des règles antérieures à ces projets risque de générer un coût substantiel que l'état actuel des finances publiques ne permet pas de supporter.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les projets s'étant vu délivrer un permis de construire avant le vote de la loi de finances pour 2010 pourraient éventuellement bénéficier d'une mesure en leur faveur.

Mme Catherine Damelincourt, directeur fiscal du groupe EDF, a ensuite rappelé qu'EDF demeure un des premiers contributeurs de la CET et de l'IFER. L'effet d'aubaine dû à la suppression de la taxe professionnelle a été entièrement compensé par la création des nouvelles impositions. La charge fiscale de l'entreprise est donc strictement identique avant et après la réforme. De fait, l'IFER relative aux centrales nucléaires et thermiques a été calibrée pour que la réforme soit entièrement neutre pour EDF. Par ailleurs, pour les centrales nucléaires, les règles de calcul de localisation de la valeur ajoutée ont été adaptées pour que les ressources des communes, sur lesquelles sont implantées ces installations, soient stabilisées au niveau précédant le vote de la réforme.

En réponse à une observation de M. Gérard Gouzes sur la péréquation, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la loi de finances pour 2010 a répondu à la volonté du Parlement de raisonner à droit constant. Cela n'exclut toutefois pas une évolution dans la perspective de la « clause de rendez-vous », ainsi que cela a été débattu lors de l'atelier de travail que la commission a organisé sur la péréquation.

M. Claude Belot s'est interrogé sur le seuil d'imposition des réseaux de chaleur alimentés par la biomasse, dont le niveau élevé, de 50 mégawatts de puissance installée, ne permet pas aux collectivités de bénéficier de recettes au titre de l'IFER.

M. Jean Arthuis, président, a également mentionné la situation analogue des stations de compression de gaz. M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé qu'il pourrait être pertinent de réexaminer le seuil d'imposition des installations thermiques pour élargir l'assiette de l'IFER. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Claude Belot a précisé que le produit de la taxe professionnelle versée au titre du réseau de chaleur de sa commune n'était en 2009 que de 189 euros. Il a ajouté que l'entreprise fermière du réseau choisit librement le lieu de domiciliation et d'imposition de l'essentiel de ses moyens d'exploitation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré comme M. Jean Arthuis, président, que l'IFER sur les centrales nucléaires et thermiques ne pose pas de difficultés majeures, pour autant que le régime antérieur de péréquation et de répartition départementales continue de s'appliquer. M. Denis Merville a insisté sur l'enjeu financier que représente cette péréquation pour les communes de son département, et a observé que les salariés des centrales nucléaires peuvent être domiciliés dans des régions distinctes.

M. Edmond Hervé a relevé que des conventions spécifiques lient chaque centrale nucléaire aux communes sièges et environnantes, qui n'ont pour la plupart été jamais publiées mais dont il importe de tenir compte.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite exposé les principales caractéristiques - périmètre, exonérations, tarifs et affectation aux collectivités - de l'IFER sur les stations radioélectriques. Il a évoqué certaines difficultés concernant l'imposition des radios associatives et des radios locales et thématiques indépendantes, l'interprétation favorable aux radios associatives ayant été confirmée lors de l'examen de la première loi de finances rectificative pour 2010. Il a également présenté le régime de l'IFER sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre, dont le produit est intégralement affecté aux régions.

M. Christophe Bresson, directeur fiscal de France Telecom, a considéré que la réforme de la taxe professionnelle n'est pas réalisée à droit constant pour France Télécom, puisque le groupe devra s'acquitter en 2010 d'une imposition globale de 680 à 690 millions d'euros, soit un montant supérieur à celui escompté, de 625 millions d'euros. En outre, la société était déjà la seule de son secteur à se trouver pénalisée par le régime antérieur, compte tenu de l'effet du « plafonnement du plafonnement » de la valeur ajoutée, à hauteur d'environ 200 millions d'euros.

Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que le tarif de l'IFER a été calculé sur la base du montant acquitté par France Télécom en 2008, sans aucune intention de « surtaxer » cette société.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que le régime de taxe professionnelle de France Télécom constitue un édifice complexe, et s'est demandé si le surcroît d'imposition de cette société n'est pas également tributaire du dynamisme des bases de la TP.

M. Christophe Bresson a indiqué que France Télécom est pleinement soumis au droit commun depuis le 1er janvier 2004, date avant laquelle l'entreprise versait l'intégralité de sa TP à l'Etat. Il a relevé qu'elle enregistre jusqu'à présent une baisse tendancielle de cet impôt de 20 à 30 millions d'euros par an, qui s'explique par une diminution de la valorisation de l'assiette des nouveaux équipements et biens mobiliers venant se substituer à l'ancien matériel. Les bases de l'IFER sur les stations radioélectriques et sur la boucle locale cuivre se révèlent quant à elles dynamiques. Il a admis que les tarifs de ces deux composantes ont été calculés d'après les bases de 2008, mais après que France Télécom a déposé sa déclaration pour l'exercice 2009, de sorte que le produit attendu de l'IFER rompt la tendance baissière constatée ces dernières années.

Il a également indiqué ne pas être en mesure de répondre à une question de M. Jean Arthuis, président, sur une éventuelle révision du barème de tarification des opérateurs concurrents qui utilisent la boucle locale. Il a confirmé que l'assiette des deux composantes est aisément localisable et ne pose donc pas de difficultés au regard de l'affectation du produit aux régions.

Puis, en réponse à M. Albéric de Montgolfier, M. Christophe Bresson a précisé que l'imposition due par France Télécom en 2010 devrait comprendre 42 millions d'euros au titre de la cotisation foncière des entreprises, 210 millions d'euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, 35 millions d'euros de frais de chambres de commerce et d'industrie et 405 millions d'euros d'IFER, dont 5 millions au titre de l'imposition des stations radioélectriques. En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, il a ajouté que le coût du « plafonnement du plafonnement » à la valeur ajoutée a été de 214 millions d'euros en 2007, 189 millions d'euros en 2008 et 259 millions d'euros en 2009.

Mme Catherine Damelincourt a considéré qu'EDF supporte également un coût de l'ordre de 500 millions d'euros par an à ce titre.

En réponse à une observation de M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Christophe Bresson a estimé que le contentieux communautaire sur les conditions d'imposition de France Télécom n'est pas encore réglé. En écho à une remarque de M. Jean Arthuis, président, il a ajouté que la TP et les taxes assimilées sont intégrés dans l'EBITDA (Earnings before interests, taxes, depreciation and amortisation), indicateur financier très suivi par les marchés financiers, tandis que l'impôt sur les sociétés exerce un impact en aval sur le résultat net.

Mme Marie-Christine Lepetit a relevé que l'analyse de l'IFER sur la boucle locale cuivre a fait apparaître une question, actuellement examinée par la mission présidée par M. Bruno Durieux, sur la manière dont cet impôt sera répercuté, à l'instar de la TP auparavant, sur les autres opérateurs clients du dégroupage dans le cadre de la formation des prix de la téléphonie mobile. Il s'agit donc de déterminer si ce report de charge d'imposition sera supportable pour les autres opérateurs dans le contexte économique actuel, et s'il convient de modifier les conditions de taxation de France Télécom.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que les présents débats sont, de fait, complémentaires de la réflexion conduite par M. Bruno Durieux.

Il a ensuite abordé l'IFER sur les transports, qui concerne la SNCF et la RATP.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur le produit attendu des deux composantes de l'IFER sur les transports et sur l'état des discussions qui seraient actuellement menées sur les tarifs applicables.

Mme Marie-Christine Lepetit a précisé que le rendement de l'IFER sur le matériel roulant de la SNCF est estimé à 250 millions d'euros, celui de l'IFER sur les rames de métro de la RATP, dont l'introduction dans le projet de loi sur le Grand Paris a permis de combler une lacune à l'égard des « grands gagnants » de la réforme de la TP, étant quant à lui évalué à 60 millions d'euros. En revanche, elle a indiqué ne pas avoir connaissance de nouvelles négociations sur les tarifs qui ont été adoptés dans la loi de finances. L'assiette doit cependant être encore précisée par des arrêtés en cours de rédaction. Evoquant les conventions liant la SNCF et les régions au titre du paiement de la charge de TP, elle a estimé que la continuité devrait prévaloir pour le paiement de la contribution économique territoriale et de l'IFER, de sorte que les régions seront globalement gagnantes puisqu'elles n'acquitteront auprès de la SNCF que la fraction afférente aux trains express régionaux, qui relèvent de leur compétence. En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, elle a considéré que le même raisonnement devrait prévaloir pour les relations financières entre la RATP et le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF).

Puis elle a indiqué à Mme Fabienne Keller que Réseau Ferré de France n'est pas redevable de l'IFER sur les transports, mais contribue à la répartition de son produit puisqu'il déclare chaque année à l'administration le nombre de sillons-kilomètres réservés par les entreprises de transport ferroviaire et répartis par région.

En réponse à une question de M. Philippe Dallier sur le traitement fiscal des dépôts de bus de la RATP, notamment en cas d'implantation sur plusieurs communes, Mme Marie-Christine Lepetit a précisé que ces installations ne sont pas comprises dans l'assiette de l'IFER, et a rappelé que les autocars et camions faisaient l'objet d'un dégrèvement spécifique dans le régime antérieur de TP. Le constat de l'absence de « grand gagnant » dans le secteur du transport de voyageurs par car avait ainsi justifié de ne pas l'imposer à l'IFER. Les entreprises concernées n'en restent pas moins redevables de la contribution économique territoriale et la répartition de la valeur ajoutée demeure fonction des effectifs. M. Philippe Dallier a jugé que l'« effondrement » des bases taxables crée néanmoins un effet d'aubaine.

M. Denis Merville s'est interrogé sur la situation des sociétés d'autoroute et des gestionnaires de tunnels. Mme Marie-Christine Lepetit a indiqué que ces infrastructures ne sont pas soumises à l'IFER, et M. Jean Arthuis, président, a entendu mettre en garde contre la tentation d'une extension des prélèvements.

M. Albéric de Montgolfier s'est interrogé sur les raisons qui ont conduit à ce que l'IFER sur les transformateurs électriques soit intégralement affectée au bloc communal. Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que la répartition du produit des composantes de l'IFER a fait l'objet de débats nourris au Parlement, et que l'administration, dans ses travaux préparatoires, s'était appuyée sur des critères de besoin de financement des collectivités et de proximité des installations imposées. Elle a estimé que la répartition du produit entre communes et départements peut encore être ajustée, et M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'opportunité d'ouvrir à nouveau ce débat après que le Parlement a entendu mettre en place un certain équilibre.

Mme Catherine Damelincourt a considéré que les règles de répartition entre niveaux de collectivités territoriales avaient été vraisemblablement motivées par le souci de ménager l'acceptabilité des installations imposées et de maintenir un lien local fort.

M. Jean Arthuis, président, s'est réjoui de la qualité des débats et a appelé à ce que les parties clarifient leurs positions dans la perspective de la clause de rendez-vous. Il a sollicité auprès de l'administration fiscale des évaluations du produit, pour chaque niveau de collectivité, de la contribution économique territoriale et des composantes de l'IFER.

Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que plusieurs textes réglementaires sont actuellement examinés par le Comité des finances locales.

Mme Catherine Damelincourt a émis le voeu que la dynamique de simplification et d'allègement des formalités déclaratives soit maintenue. M. Jean Arthuis, président, a estimé que les règles de territorialisation risquent cependant de contrevenir à cette démarche.

M. Nicolas Wolff a jugé que l'éolien est une chance pour la France et a vocation à se développer en harmonie avec les intérêts des communes.

Enfin M. Gérard Gouzes a appelé à une vigilance permanente sur cette réforme, compte tenu du maintien de certaines incertitudes.

Nomination de rapporteurs spéciaux

Puis la commission a nommé :

- M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la mission « aide publique au développement », en remplacement de M. Michel Charasse ;

- M. François Fortassin, rapporteur spécial des missions « écologie, développement et aménagement durables » et « contrôle et exploitation aériens », en remplacement de M. Yvon Collin.

Organismes extra-parlementaires - Désignation de candidats

La commission a ensuite désigné comme candidats proposés à la nomination du Sénat :

M. Jean-Pierre Fourcade, pour siéger en tant que titulaire au sein du conseil d'administration de l'établissement public de réalisation de défaisance,

M. Yvon Collin, pour siéger en tant que titulaire au sein du conseil d'orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire,

M. Yvon Collin, pour siéger en tant que suppléant au sein du conseil d'administration de l'agence française de développement (AFD).

En réponse à M. Edmond Hervé, qui a rappelé son souhait de siéger à l'AFD en sa qualité de rapporteur spécial des missions « accords monétaires internationaux » et « prêts à des Etats étrangers », M. Jean Arthuis, président, a demandé que M. Yvon Collin associe M. Hervé à son action au sein de l'agence.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a nommé M. Albéric de Montgolfier, rapporteur sur la proposition de loi n° 381 (2009-2010) de M. Thierry Foucaud et de plusieurs de ses collègues tendant à abroger le bouclier fiscal.

Mme Marie-France Beaufils et M. Edmond Hervé ont déploré que la commission refuse de désigner le premier signataire de la proposition de loi en qualité de rapporteur, soulignant que cette démarche est courante dans les autres commissions.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en avant la position inconfortable qui serait celle d'un rapporteur issu de l'opposition contraint de donner un avis défavorable à un texte dont il est l'auteur.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Après avoir rappelé que la réforme des retraites sera vraisemblablement étudiée par le Parlement à l'automne prochain, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le financement du système de retraites intéresse la commission des finances au premier plan car il modifie profondément l'équilibre des finances publiques. Selon les données publiées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) le 14 avril 2010, le système des retraites, dans son ensemble, devra faire face à un besoin de financement annuel compris entre 40 et 48 milliards d'euros en 2020 et entre 71 et 115 milliards d'euros en 2050.

La réforme du système de retraite doit être replacée dans la problématique plus large du financement de la protection sociale et des différentes politiques publiques menées par l'Etat. Face aux déficits de la branche maladie et au défi de la prise en charge de la dépendance, définir la part des ressources nationales à consacrer au financement des retraites, et plus largement aux dépenses liées au vieillissement, représente un enjeu important. La portée d'une réforme purement « paramétrique » du système de retraite (modification de l'âge de départ à la retraite, de la durée de cotisation, du montant de cotisation ou du niveau de pensions) doit être appréciée au vu de l'ampleur des besoins de financement de la branche vieillesse. Si la résorption totale des besoins de financement est recherchée, la réforme devra nécessairement conduire à s'interroger sur une réforme globale du mode de financement de la protection sociale. Se pose également la question du rôle du Fonds de réserve des retraites (FRR). Le FRR ne sera en effet vraisemblablement pas en mesure d'accomplir la tâche pour laquelle il a été créé, à savoir dégager des réserves financières suffisantes jusqu'en 2020 pour lisser jusqu'en 2040 l'évolution des taux de cotisation aux régimes éligibles au fonds. L'idée d'une utilisation anticipée du fonds a été avancée.

Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV), a tout d'abord rappelé l'importance du choc démographique que représente le départ à la retraite des générations du baby-boom d'après guerre. Actuellement, les départs annuels à la retraite s'élèvent à plus de 700.000 par an contre 400.000 il y a quelques années. Ce choc durable se traduira dans la dégradation du ratio actifs/retraités estimé à 1,21 actif pour un retraité en 2050 contre 1,82 en 2006. Cette situation a été aggravée par la crise financière qui a soustrait au régime général d'importantes recettes et, par conséquent, rend nécessaire la définition d'un nouveau schéma de financement sept ans plus tôt que prévu. S'agissant des différents scenarios adoptés par le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour actualiser les besoins de financement du système, il convient de noter d'une part que la première hypothèse de travail, fondée notamment sur un taux de chômage à long terme de 4,5 %, est optimiste, et d'autre part que les prévisions à horizon 2050 ne sont pas fiables.

Elle a également rappelé les principaux apports des réformes précédentes, en observant que la réforme de 1993 a permis de contenir le déficit du système de retraite pendant dix ans en accroissant substantiellement les ressources par l'augmentation du taux de la contribution sociale généralisée (CSG), et en modifiant le niveau des pensions. En 2003, la durée de cotisation a été allongée de manière à accroître les ressources du système.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé dans quelle mesure le succès du dispositif adopté en faveur des carrières longues n'a pas remis en cause les objectifs financiers de la réforme de 2003.

Mme Danièle Karniewicz a reconnu que le coût de la mesure a été particulièrement élevé ces dernières années atteignant 2,4 milliards d'euros en 2008, ce chiffre devant néanmoins diminuer en 2010 pour s'établir à 1,6 milliard d'euros. Elle a estimé qu'il aurait été préférable de raisonner en termes de pénibilité et non de carrière longue.

Elle a attiré l'attention sur le déficit cumulé actuel du système de retraites qui requiert des solutions rapides et différentes de celles appelées à permettre la prise en charge du financement futur des pensions. Ce déficit appelle un élargissement du financement de la protection sociale, qui devrait, selon elle, être poursuivi en distinguant davantage les risques financés sur une base contributive et ceux financés sur le fondement de la solidarité nationale. Il convient d'une part, d'éviter d'asseoir exclusivement l'effort sur les salaires et d'autre part, de réfléchir à des bases nouvelles d'imposition comme par exemple une TVA sociale affectée.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'interrogeait sur les risques de délocalisation de l'activité en cas de prélèvement supplémentaire, Mme Danièle Karniewicz a précisé qu'il est impératif de trouver de nouvelles ressources car le niveau de pension des salariés du secteur privé ne peut pas être revu à la baisse. A cet égard, il serait opportun de définir un « bouclier retraites » afin de garantir à l'ensemble des actifs un revenu minimum et de restaurer un climat de confiance.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a remarqué que selon de nombreux observateurs, le niveau de vie des retraités français est un des plus élevés en Europe.

Mme Danièle Karniewicz a indiqué que de nombreux pays européens ont pris des mesures défavorables aux retraités. Elle a souligné qu'agir sur ce paramètre dans le cadre de la future réforme représente un risque pour le pacte social français. Si le niveau de vie moyen des retraités français peut paraître satisfaisant d'un point de vue statistique, il convient de noter que celui-ci ne s'apprécie pas à l'aune des seules pensions versées par les régimes obligatoires, et qu'une moyenne masque d'importantes disparités. A cet égard, la question des petites retraites ne doit pas être éludée. Les taux de remplacement varient fortement en fonction du niveau de cotisation et du parcours professionnel. Un taux qui serait inférieur à 50 % ne serait pas acceptable.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité avoir des précisions sur le « bouclier retraites ».

Mme Danièle Karniewicz a indiqué que les principes du minimum contributif ou des pensions de réversion peuvent inspirer différentes solutions. Toutefois, le coût du bouclier peut varier sensiblement en fonction du seuil retenu, ce qui nécessite des simulations qui pourraient être demandées par le Parlement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur les possibilités de calculer un salaire de référence. Mme Danièle Karniewicz a estimé que si cet exercice est relativement aisé pour les salariés du secteur privé, il est plus compliqué pour les fonctionnaires. Elle a insisté sur la nécessité de dégager un consensus sur l'organisme payeur et de mutualiser les règles de fonctionnement du « bouclier retraites » entre l'ensemble des régimes. Elle a également jugé essentiel que cette réforme puisse redonner confiance aux jeunes actifs, ce qui nécessite une transparence totale sur l'ensemble des modifications engagées.

En réponse à M. Jean-Jacques Jégou qui s'interrogeait sur le calendrier de la réforme, elle a indiqué qu'il est indispensable de prendre des décisions dès cette année car les changements structurels ne produisent leurs effets que de manière progressive.

Réagissant à la remarque de M. Jean Arthuis, président, concernant le traitement de la pénibilité du travail dans le cadre de la réforme, elle a observé qu'a priori la problématique de la pénibilité est liée à celle des conditions de travail. Sa prise en compte financière ne peut être fondée que sur la solidarité nationale. Une réflexion pourrait être engagée sur le périmètre de l'allocation pour adulte handicapé.

Après avoir fait remarquer que l'urgence financière actuelle résulte en partie de la crise économique et financière, Mme Nicole Bricq s'est interrogé sur un possible amalgame entre la nécessité de traiter le déficit actuel et l'obligation de garantir le financement futur du système de retraite.

Mme Danièle Karniewicz a confirmé que le déficit actuel du régime général nécessite de nouvelles ressources, et qu'à cet égard un impôt de consommation pourrait être envisagé car cet catégorie de prélèvement repose sur une assiette large et est d'un rendement élevé.

M. François Trucy a jugé alarmants les chiffres présentés par le COR et s'est étonné de cette situation alors même que la France possède un des meilleurs taux de fécondité d'Europe. Il s'est interrogé sur l'opportunité de modifier la durée de cotisation et a souhaité avoir des précisions sur l'âge de départ des femmes à la retraite.

Après avoir confirmé que l'âge de départ à la retraite des femmes est en moyenne plus élevé que celui des hommes, Mme Danièle Karniewicz a expliqué que modifier le nombre d'annuités n'est pas opportun : d'une part, ce n'est pas rentable à court terme car les générations actuelles qui partent à la retraite ont validé de longues durées de cotisation ; d'autre part, cela pénalisera les jeunes actifs qui entrent de plus en plus tardivement sur le marché du travail. Les générations nées après 1974 connaissent en moyenne un déficit de cotisation de sept trimestres avant l'âge de 30 ans par rapport à leurs aînés. Elle a en revanche insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte les parcours professionnels des actifs et de comptabiliser notamment les périodes de stages.

Après avoir demandé quelles sont les principales évolutions des systèmes étrangers, M. Gérard Longuet s'est interrogé sur les limites du système de retraite par répartition et a regretté que la durée des études ne soit pas prise en compte alors même qu'elle permet un accès à des emplois mieux rémunérés assortis de cotisations sociales plus élevées.

Mme Danièle Karniewicz a souligné que le système de retraite par répartition n'a pas vocation à gommer les inégalités issues de parcours professionnels différents. A ce titre, les écarts de salaire en entreprises, notamment entre hommes et femmes, ne relèvent pas de la problématique des retraites. S'agissant des réformes opérées à l'étranger, elle a mis en garde contre le faux attrait de l'épargne retraite qui ne peut être qu'un complément du système de retraite mais non son fondement. Elle a souligné que certains pays comme l'Allemagne ont davantage de capacités à se projeter dans l'avenir et à adopter des mesures préservant l'apparition d'un déficit. L'Allemagne a ainsi décidé de repousser l'âge de départ à la retraite de 65 ans à 67 ans. Elle a enfin expliqué que si l'exemple de la Suède est souvent cité compte tenu de la réforme systémique réalisée avec l'adoption d'un régime par comptes notionnels, il n'est pas possible d'envisager une telle évolution du système français car elle demande du temps et des réserves financières. A titre d'exemple, la réforme de 1993 commence à peine à produire ses effets, dix-sept ans plus tard.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'interrogeait sur le rôle du fonds de réserve des retraites, elle a confirmé que le FRR ne pourra pas remplir la mission pour laquelle il a été créé, ce qui rend indispensable une réforme permettant de pallier cet état de fait. Une utilisation anticipée du fonds peut être envisagée ; toutefois il convient au préalable de prendre les mesures qui permettront un financement pérenne du système de retraites. L'utilisation du FRR ne peut pas être assimilée à une dispense de réforme.

S'agissant des exonérations de charges sociales qui sont en partie compensée par l'Etat, il convient d'être particulièrement prudent car une remise en cause de cette politique pourrait avoir un impact négatif sur la situation de l'emploi. Néanmoins, les allègements généraux créent un problème de financement de la protection sociale et favorisent un écrasement des grilles salariales ainsi que la création de « trappe à bas salaire ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé qu'il convient de cibler davantage les exonérations de charges sur les bas salaires.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité de privilégier la transparence et la lisibilité dans la conduite de la réforme des retraites.

M. Jean-Jacques Jégou a insisté sur la nécessité d'adopter non seulement des mesures en faveur du financement futur du système de retraites, mais aussi des dispositions de nature à traiter le déficit cumulé du régime général et du FSV qui, à la fin 2009, était estimé aux alentours de 28 milliards d'euros.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance et MM. Yves Chevalier et Antoine de Salins, membres du directoire du Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance et MM. Yves Chevalier et Antoine de Salins, membres du directoire du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Avant d'aborder la problématique du « Rendez-vous 2010 » sur les retraites et le rôle du FRR, M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites, a présenté la stratégie d'investissement du Fonds mise en oeuvre depuis juin 2004. Il a rappelé que les trois premières années de gestion ont permis d'enregistrer des résultats positifs avant que les crises financière de 2007 puis économique de 2008 ne provoquent une chute de la valeur des actifs. Le rebond de 2009 a cependant permis au FRR d'absorber une partie de l'impact des crises. Le montant des actifs s'établit aujourd'hui à 34,5 milliards d'euros (30,3 milliards d'abondements et 4,2 milliards de valeur créée). Nonobstant les fortes fluctuations enregistrées par les actifs du Fonds, il a insisté sur la performance réalisée qui fait apparaître un taux annualisé de création de valeur de 3,1 % au 31 mars 2010, net de tous frais de gestion et financiers.

Dès l'origine, le FRR a défini une stratégie de placement à long terme dans la mesure où aucun décaissement ne devrait intervenir avant 2020. En dépit du contexte actuel de crise très dure, il a été décidé de maintenir le même cap, tout en procédant, en raison de la chute des marchés en actions, à des ajustements à la baisse des actifs fondés sur la performance. Ainsi, la répartition du portefeuille a évolué, entre 2006 et 2009, avec une réduction de 60 % à 45 % de la part des titres en actions, une augmentation de 30 % à 45 % de la part des placements obligataires et le maintien de 10 % d'actifs de diversification (dont 5 % dans l'immobilier et 5 % en matières premières).

Les résultats ainsi obtenus confortent la politique d'investissement du Fonds qui vise à optimiser le rendement des investissements tout en permettant la préservation entre 2020 et 2040 de la valeur réelle des abondements reçus depuis la création du Fonds. Il s'agira, dans une optique de clarification du passif, de rendre possibles des décaissements linéaires permettant, a minima, de restituer l'ensemble des abondements perçus augmentés de l'inflation. Dans ce cadre, le portefeuille de référence est piloté en respectant une répartition des titres acquis prévoyant environ 55 % d'actifs de performance et 45 % d'actifs de « taux ». Le conseil de surveillance définit des bandes de fluctuations autour de ces chiffres, l'allocation effective étant arrêtée par le directoire après avis du comité stratégique d'investissement du conseil. La mise en oeuvre de la politique d'investissement repose sur plusieurs principes :

- une diversification dans la répartition sectorielle des actions ainsi que dans leur répartition géographique avec toutefois une surpondération des placements en France et dans la zone euro. A cet égard, M. Raoul Briet a précisé, en réponse à M. Jean Arthuis, président, que les actifs exposés du fait de la crise sont de l'ordre de 800 à 900 millions d'euros, dont 200 millions d'euros d'encours « subprime », 300 millions d'euros en actions sur le marché grecque, ainsi que des investissements au Portugal et en Espagne  ;

- le recours à des mandats de gestion externes, au nombre d'une quarantaine, portant sur des objectifs précis ;

- une gestion à faible coût qui représente 20 points de base à rapporter aux 34,6 milliards d'euros d'actifs du Fonds.

Abordant la mission du FRR dans le contexte de la réforme des retraites, M. Raoul Briet a souligné que l'aggravation sensible des besoins de financement de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) d'ici 2020, telle que décrite dans les nouvelles projections du Conseil d'orientation des retraites, résulte essentiellement de la révision des hypothèses économiques établies en 2003. Celles-ci se sont révélées d'emblée trop optimistes puis ont été démenties dans les faits par la crise. Il en résulte un tarissement du financement du Fonds dans la mesure où celui-ci devait bénéficier des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), eux-mêmes chiffrés sur la base d'une hypothèse de réduction du taux de chômage à 4,5 % dès 2005. Outre les aléas économiques et l'excès d'optimisme des prévisions, il a souligné que l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du « Babyboom » produit un choc démographique qui explique, pour une large part, l'aggravation de 1,5 à 2 milliards d'euros par an des besoins de financement de la CNAV entre 2020 et 2040, quels que soient les scénarios.

M. Raoul Briet a annoncé qu'à l'horizon 2020, les actifs du FRR devraient s'établir à 87 milliards d'euros courants sur la base d'une hypothèse de rendement du portefeuille de 6,3 %. Il a estimé que le Fonds reste dans une perspective à long terme un élément de réponse appréciable et un outil pertinent pour couvrir une partie significative du besoin de financement additionnel, même s'il ne doit pas être considéré comme une solution au problème global de financement des retraites. A cet égard, il a appelé à un débat sur la place du Fonds dans la réforme des retraites.

En effet, le FRR doit contribuer à financer les retraites futures à compter de 2020 pour les seuls régimes relevant du secteur privé (CNAV et régime social des indépendants). Sur ce point, il a souligné que l'élargissement à d'autres régimes du bénéfice des ressources du Fonds n'est pas prévu dans l'état actuel du droit. Par ailleurs, si le « Rendez-vous 2010 » fixe des objectifs dont les effets s'appliqueront au-delà de 2020, il conviendra de définir le rôle précis assigné au FRR et sa participation au financement des retraites. Dans cette éventualité, M. Raoul Briet a insisté sur le fait que si le FRR est un levier utile pour accompagner et compléter temporairement le financement des retraites, il ne peut à lui seul dispenser les pouvoirs publics d'une réforme structurelle. C'est pourquoi, il a estimé que pour conserver au FRR toute sa pertinence politique et financière, son utilisation doit être lisible et prévisible à long terme afin d'adapter en conséquence sa politique de placement financier. Il apparaît nécessaire de déterminer de manière précise et ferme le calendrier des décaissements qui seront demandés au FRR à compter de 2020.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Raoul Briet a précisé que les règles d'utilisation des fonds conditionnent l'efficacité du FRR dans la mesure où celui-ci a été conçu comme un instrument transitoire et non permanent, son existence n'étant prévue que jusqu'à épuisement des actifs.

En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée, d'une part, sur la légitimité d'un éventuel report, de 2020 à 2030, du terme du mandat de gestion confié au FRR, d'autre part, sur la tentation formulée par certains parlementaires de la majorité d'utiliser les fonds avant l'échéance de 2020, M. Raoul Briet a tout d'abord indiqué que toute modification de la date de décaissement des fonds prévue à partir de 2020 doit faire l'objet d'une intervention du législateur. Ensuite, il a considéré qu'une utilisation précipitée et opportuniste des fonds présenterait un risque d'épuisement du portefeuille sur une faible période, ce qui serait contreproductif eu égard à la mission de « lissage » à long terme du financement des retraites confiée au FRR.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'est interrogé sur la prise en compte des actifs du FRR dans le déficit maastrichtien, M. Raoul Briet a indiqué que le résultat comptable annuel du Fonds n'impacte pas en diminution la dette publique française et qu'en tout état de cause la comptabilisation au titre du déficit public ou maastrichtien des abondements versés au FRR ne serait pas pertinente.

M. Jean-Jacques Jégou a confirmé que tout débat sur l'utilisation du Fonds avant 2020 nécessite une loi et mis en garde contre la tentation d'utiliser les ressources du FRR pour apurer dès à présent les quelque 30 milliards d'euros de dettes non reprises par la CADES (à fin 2009), qui pourrait conduire le Gouvernement et les partenaires sociaux à s'exonérer de réformes structurelles.

M. Raoul Briet a considéré que le schéma d'utilisation du FRR doit être clarifié dans la mesure où ses actifs n'ont pas vocation à financer des dettes passées qui concernent en outre également les autres branches, maladie et famille, et qui excèderaient largement ses moyens. Il a rappelé que toute utilisation anticipée du Fonds entrerait en contradiction avec l'objectif de consolidation à long terme du financement des retraites.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur le risque que fait peser le marché sur la performance du Fonds et a relevé que son utilité se limite aux seules périodes où ses placements produisent un rendement supérieur au coût de l'emprunt, dans la mesure où son abondement annuel n'est permis qu'au prix d'un accroissement du déficit de l'Etat.

M. Raoul Briet a admis que la stratégie de gestion des actifs du FRR doit produire un rendement supérieur au coût de la ressource publique pour qu'il soit considéré comme un outil légitime et efficace. C'est pourquoi, avec l'accord des partenaires sociaux, le Fonds complète ses placements en taux par des investissements en actions. Cette stratégie doit permettre d'atteindre un taux de performance de 6,3 % à l'horizon 2020, à condition que les crises ne se succèdent pas d'ici là.

M. Antoine de Salins, membre du directoire, a expliqué que le placement en actions à long terme présente une espérance de rendement supérieur aux valeurs obligataires dans la mesure où l'investisseur bénéficie d'une prime de risque. Dans la mesure où le FRR n'a pas de contrainte de liquidité avant 2020, la stratégie du Fonds demeure pertinente tant que les marchés en actions ne perdent pas 100 à 200 points de base tous les cinq ans.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'est inquiété de l'impact de la crise de la dette souveraine de certains Etats tels que la Grèce et, tout récemment, l'Espagne sur la capacité d'adaptation de la stratégie du Fonds, M. Antoine de Salins a précisé que trois milliards d'encours en actions et obligations, soit 10 % du portefeuille du FRR, concernent les pays membres du « Club méditerranée » (Grèce, Italie, Espagne et Portugal), mais aussi la Grande-Bretagne et l'Irlande.

Sans remettre en cause la politique d'investissement du Fonds, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il ne serait pas pertinent de renforcer les investissements en France, qui ne représentent que 20 % du portefeuille en actions du FRR, afin d'orienter la ressource vers le financement de l'économie nationale.

M. Raoul Briet a rappelé que la logique patrimoniale du Fonds nécessite une diversification des actifs, y compris sur le plan géographique, et précisé que la part relative des sommes investies sur des valeurs françaises est en tout état de cause surpondérée car elles représentent 12 % du portefeuille global du FRR au lieu de 4 % si aucune priorité en faveur des titres français n'avait été retenue.

En réponse à M. Philippe Dallier qui s'est inquiété de la crise de confiance des français dans la pérennité du régime de retraite que ne manquerait pas de susciter un retournement des marchés à la veille des décaissements prévus à partir de 2020, M. Raoul Briet a admis qu'il est politiquement difficile de justifier qu'un aléa économique pèse sur le financement des retraites mais a toutefois indiqué que la structure du Fonds sera de moins en moins exposée aux risques à mesure que l'échéance se rapprochera.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Benoît Coeuré, directeur général adjoint, économiste en chef, et de M. Nicolas Carnot, sous-directeur des politiques sociales et de l'emploi, à la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Benoît Coeuré, directeur général adjoint, économiste en chef, et de M. Nicolas Carnot, sous-directeur des politiques sociales et de l'emploi, à la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Benoît Coeuré, directeur général adjoint, économiste en chef du Trésor, a, tout d'abord, présenté le cadrage macroéconomique retenu par le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour l'actualisation de ses projections sur les besoins de financement des systèmes de retraite. Ce cadrage est un exercice indispensable - pour déterminer les prévisions de recettes des régimes de retraites à l'horizon 2030-2050 -, mais complexe compte tenu des incertitudes qui pèsent sur les prévisions de croissance à long terme dans le contexte de crise économique.

Les effets de la crise sur la croissance potentielle et la croissance réelle peuvent en effet transiter par trois canaux différents : le ralentissement des investissements, la modification de la productivité globale des facteurs de production et donc de la productivité du travail à long terme, et enfin l'augmentation du chômage structurel.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Benoît Coeuré a précisé que l'hypothèse de croissance potentielle retenue dans les projections du COR pour la période 2009-2013, soit 1,7 % par an, est également celle qui sous-tend le programme de stabilité 2010-2013 présenté par la France à la Commission européenne.

Les trois scenarios macroéconomiques envisagés par le COR combinent deux facteurs : d'une part, la productivité du travail à long terme et, d'autre part, le taux de chômage structurel.

S'agissant du premier facteur, deux hypothèses sont retenues : un taux annuel de progression de la productivité du travail à long terme de 1,8 % dans le meilleur des scenarios contre 1,5 % dans le scenario le plus défavorable. Ces projections sont à comparer à la dégradation tendancielle des gains de productivité constatée depuis le début des années 1980. En particulier, il est à noter que sur la période 2001-2007, soit avant la crise, l'augmentation de la productivité du travail a été de 1,5 % par an en moyenne, ce qui tend à montrer que même le taux le plus défavorable retenu par le COR est relativement optimiste compte tenu de la crise économique de 2008 et de son impact durable sur la croissance.

M. Benoît Coeuré a précisé que ces hypothèses tiennent compte de la « tertiarisation » de l'économie française. En effet, le développement du secteur des services a pour conséquence le ralentissement de la progression tendancielle de la productivité du travail.

En ce qui concerne le second facteur, le COR retient également deux hypothèses : un taux de chômage de long terme de 4,5 % à l'horizon 2030-2050 dans le cadrage macroéconomique le plus favorable, contre 7 % dans le pire des scenarios.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Benoît Coeuré a relativisé le caractère optimiste de l'hypothèse de chômage la plus haute, indiquant que, dans ce scenario, est envisagée une stabilisation du chômage structurel à 7 % jusqu'en 2050 en dépit d'un retour de la croissance sur longue période.

Il a rappelé qu'un débat avait eu lieu au sein du COR sur les hypothèses macroéconomiques, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) souhaitant notamment retenir des taux de progression de la productivité du travail plus faibles.

Pour répondre à M. Jean-Jacques Jégou qui s'est interrogé sur le différentiel de productivité du travail dans le secteur industriel et le secteur tertiaire, M. Nicolas Carnot a indiqué qu'il y a cinq à dix ans, l'évolution tendancielle de la productivité du travail dans le secteur secondaire était compris entre 3 % et 3,5 % par an contre une fourchette comprise entre 0 % et 1 % dans le domaine des services. L'ordre de grandeur devrait être le même aujourd'hui.

Pour conclure le débat sur la désindustrialisation et l'impact de la crise économique sur l'outil industriel français, ouvert par M. Edmond Hervé, M. Aymeri de Montesquiou et M. Jean Arthuis, président, M. Benoît Coeuré a indiqué que plusieurs politiques publiques contribuent au maintien d'une industrie manufacturière en France, notamment le crédit d'impôt recherche et la réforme de la taxe professionnelle. Si, comme l'a souligné M. Jean Arthuis, président, le crédit d'impôt recherche peut faire l'objet d'abus qui doivent être corrigés, l'administration fiscale manque cependant aujourd'hui de recul sur le fonctionnement de ce dispositif.

Abordant la question du coût du vieillissement, M. Benoît Coeuré a indiqué que s'agissant des dépenses de retraite, leur dynamique s'explique par des flux de retraités plus nombreux - en raison de l'arrivée de la génération du baby boom à l'âge de la retraite -, ainsi que par l'allongement de l'espérance de vie. L'écart entre l'espérance de vie à soixante ans et l'âge moyen de liquidation des droits à la retraite est ainsi passé de 15 à 23 ans entre 1970 et 2008. L'augmentation du nombre de retraités et l'allongement de la durée de perception des retraites expliquent ainsi une croissance des pensions plus rapide que le produit intérieur brut (PIB).

En réponse à M. Yann Gaillard, il a précisé qu'il n'existe aucune corrélation entre l'évolution de l'espérance de vie, d'une part, et l'évolution de l'âge moyen de liquidation, d'autre part, qui dépend des paramètres pris en compte pour le calcul des droits à la retraite.

En ce qui concerne les dépenses de santé, elles sont également historiquement plus dynamiques que le PIB, même si l'écart de croissance annuelle entre, d'une part, la consommation de soins et, d'autre part, la richesse nationale s'est réduit depuis 1993 : alors qu'il était de 3 points en moyenne sur la période 1961-1993, il a été de 0,5 point en moyenne sur la période 1994-2008. Cette tendance s'explique par les différentes réformes mises en oeuvre dans le domaine de l'assurance maladie.

Il a enfin attiré l'attention sur le ratio de dépendance démographique, c'est-à-dire le rapport entre, d'une part, le nombre de personnes inactives âgées de moins de 20 ans et de plus de 60 ans et, d'autre part, le nombre de personnes actives âgées de 20 à 60 ans. A long terme, la hausse de ce ratio entraîne un « conflit de répartition » entre les actifs et les inactifs pour le partage des gains de productivité. Afin de faire face à ce défi, il convient de stimuler la croissance potentielle, à savoir augmenter les gains de productivité (grâce au progrès technique et aux réforme structurelles) et baisser le chômage structurel (en favorisant l'emploi des jeunes et des seniors). Il convient également de saisir les opportunités du vieillissement et notamment les gisements de croissance et d'emplois qu'il peut offrir dans certains secteurs (industrie médicale, services à la personne, tourisme). Ces emplois correspondront cependant moins à des créations nettes qu'à des transferts d'un secteur à un autre.

M. Benoît Coeuré a indiqué, confirmant les propos de Mme Nicole Bricq, que le taux d'activité des femmes est une donnée importante à prendre en considération dans les moyens devant permettre d'accroître la croissance potentielle, même si le taux d'activité des femmes en France est déjà parmi les plus élevés.

Il a ensuite présenté les travaux du sous-groupe « Vieillissement » du Comité de politique économique qui comparent, au sein de l'Union européenne, les conséquences du vieillissement de la population sur les dépenses de retraites, de santé, de dépendance, de chômage et d'éducation. Ces travaux montrent que le vieillissement de la population devrait avoir un impact moins important en France que dans le reste de l'Union européenne : le vieillissement de la population devrait entraîner des besoins sociaux supplémentaires de l'ordre de 2,7 points de PIB entre 2007 et 2060 en France contre plus de 4,5 points de PIB en moyenne dans l'Union européenne. Cependant, cette donnée doit être analysée au regard de deux éléments :

- d'une part, le poids actuel des dépenses liées au vieillissement est plus élevé en France que dans le reste de l'Union européenne ;

- d'autre part, une part importante de ces dépenses n'est dès aujourd'hui pas financée. Les « pressions » à la hausse des dépenses liées au vieillissement viennent à la fois des retraites (+1 point de PIB), des dépenses de santé (+1,2 point de PIB) et de la dépendance (+0,8 point), sans que des gains massifs ne puissent être espérés de la diminution du chômage (-0,3 point).

Pour conclure sur le coût lié au vieillissement de la population, M. Benoît Coeuré a insisté sur la forte sensibilité du besoin de financement en la matière aux hypothèses macroéconomiques retenues. Une augmentation de 1,5 an de l'espérance de vie au delà de l'hypothèse retenue pour cette variable accroîtrait ainsi de 25 % le besoin de financement.

Sur la question du lien entre le vieillissement de la population et la soutenabilité des finances publiques, il a indiqué que deux problèmes se cumulent :

- d'une part, un problème de court terme qui provient de la situation actuelle des finances publiques de la France : le déficit structurel de 2009 est trop creusé pour envisager une stabilisation la dette ;

- d'autre part, un problème de long terme dû au dynamisme futur des dépenses liées au vieillissement de la population : les dépenses de retraites, de santé et de dépendance devraient progresser plus rapidement que les ressources d'ici à 2050.

Poursuivant son analyse, il a indiqué que la soutenabilité peut s'apprécier par l'estimation de l'ajustement structurel qu'un pays doit réaliser aujourd'hui de manière pérenne pour stabiliser sa trajectoire de dette à long terme compte tenu du dynamisme des dépenses liées au vieillissement. Cet ajustement correspond à l'indicateur « S2 » utilisé par la Commission européenne dans son évaluation de la soutenabilité des finances publiques des Etats-membres. Cet indicateur, encore appelé « écart de soutenabilité », correspond à la somme de deux termes : d'une part, la position budgétaire initiale qui correspond à l'écart du solde primaire structurel actuel à celui stabilisant la dette et, d'autre part, le coût de long terme du vieillissement qui correspond au coût actualisé des dépenses liées au vieillissement sur le long terme. Or l'ajustement structurel inscrit dans le programme de stabilité de la France ne suffit pas à restaurer entièrement la soutenabilité des finances publiques de la France à cause du coût de long terme du vieillissement. Pour y parvenir, la réforme des retraites devra avoir un impact équivalent à 1,6 point de PIB, ce qui n'est pas irréaliste au regard de l'effet de la réforme des retraites de 2003. Celle-ci a eu un impact équivalent à 1,5 point de PIB (1 point de PIB par effets directs et 0,5 point de PIB de façon indirecte par son effet sur la croissance potentielle).

En réponse à Mme Nicole Bricq, il a indiqué que le 2 juin prochain, la France transmettra à la Commission européenne les conclusions de la deuxième conférence sur les déficits publics qui se tiendra le 20 mai. En revanche, il sera trop tôt pour que la France communique des données sur la réforme des retraites. Dans le domaine de la sécurité sociale, la Commission européenne sera néanmoins très attentive aux mesures concrètes que la France entend mettre en oeuvre pour assurer le respect d'un objectif national des dépenses d'assurance maladie inférieur à 3 %.

Mme Nicole Bricq s'est interrogé sur le fait qu'à aucun moment, au cours de la présentation qui venait d'être faite, n'a été abordée la question des recettes des régimes de retraites.

Un débat s'est enfin engagé sur le coût du dispositif dit « des longues carrières » introduit par la réforme des retraites de 2003.