Mardi 25 mai 2010

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Réforme des collectivités territoriales - Egal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs - Audition de M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France

La délégation procède à l'audition de M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), sur les modes de scrutin retenus par le projet de loi n° 61 (2009-2010) relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale et du projet de loi organique n° 62 (2009-2010) relatif à l'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale tirant les conséquences en matière électorale des articles premier et 2 du projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales, déposés sur le bureau du Sénat le 21 octobre 2009.

Mme Michèle André, présidente. - Notre délégation travaille depuis plusieurs mois sur les conséquences de la réforme territoriale et des modes de scrutin qu'elle propose, sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Mais le mode de scrutin envisagé par le Gouvernement a évolué et il semble, si on en croit l'amendement qu'il a proposé à la commission des lois de l'Assemblée nationale, qu'il s'oriente maintenant vers le scrutin majoritaire à deux tours. Au regard de notre volonté de garantir l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs, cette proposition n'est pas très encourageante : alors que la parité est respectée dans les Conseils régionaux élus au scrutin proportionnel, la proportion des femmes dans les Conseil généraux élus au scrutin majoritaire à deux tours est faible, de l'ordre de 12 %. Nous souhaiterions savoir si des débats ont eu lieu au sein de l'Assemblée des départements de France (ADF) sur ce sujet et si des suggestions ont été émises pour permettre un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes.

M. Claudy Lebreton. - Le mode de scrutin vers lequel on semble s'orienter aujourd'hui pour l'élection des conseillers territoriaux est le scrutin uninominal à deux tours dans le cadre de circonscriptions reconfigurées, en tenant compte du poids démographique.

Je vous rappelle à cet égard que, à l'heure actuelle, il existe une grande disparité dans la représentation démographique des Conseils généraux élus : à titre d'exemple, le département des Côtes d'Armor, qui compte 576 000 habitants, élit 52 conseillers généraux, alors que le département du Vaucluse, dont la population dépasse les 500 000 habitants, n'en élit que 24.

S'agissant du mode d'élection des conseillers territoriaux, l'Assemblée des départements de France est majoritairement opposée à leur création. Néanmoins, elle a délibéré à plusieurs reprises sur le mode de scrutin des conseillers généraux, et je vous présenterai la position de l'Assemblée, avant de vous exposer mes opinions personnelles, que je prendrai bien soin de distinguer de la position majoritaire.

S'agissant de la position de l'Assemblée des départements de France, outre le fait que nous aurions préféré la dénomination de « conseiller départemental » à celle de conseiller général, la majorité des membres s'est prononcée en faveur du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sans que ce mode de scrutin ne fasse pour autant l'unanimité.

Deuxièmement, l'Assemblée des départements de France est favorable à ce que l'élection des conseillers généraux ait lieu en une fois tous les 6 ans, ce que l'adoption de la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux en février dernier devrait satisfaire.

Troisièmement, l'Assemblée des départements de France est favorable à un redécoupage des cantons qui prenne mieux en compte le critère démographique, sachant qu'à l'heure actuelle, sur un total de 4220 conseillers généraux (dont 182 élus à la proportionnelle), un conseiller général représente une moyenne de 15 000 habitants, avec des disparités importantes d'un canton à l'autre.

L'assemblée des départements de France a conscience que le mode de scrutin uninominal à deux tours pose un certain nombre de problèmes, en particulier au regard de la représentation des « diversités », entendues au sens large, c'est-à-dire pas seulement les femmes, mais aussi certaines catégories socioprofessionnelles, qui seraient sous-représentées.

C'est la raison pour laquelle nous avons formulé un certain nombre de propositions visant à rééquilibrer cette sous-représentation. En ce qui concerne les femmes, nous estimons qu'il faut renforcer les sanctions financières de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les hommes et les femmes : les étendre aux autres élections, tant pour le premier volet de l'aide financière qui est fonction du nombre de candidates que pour le second volet qui prend en compte le nombre d'élues.

Nous regrettons que les sanctions financières visant les partis politiques qui ne respectent pas la parité ne s'appliquent actuellement qu'aux élections législatives. Nous estimons que les incitations financières doivent s'appliquer à toutes les élections, y compris sénatoriales, mais aussi à l'échelon intercommunal, puisque la loi du 6 juin 2000 imposant des listes paritaires ne vise que les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, ce qui ne garantit pas la représentation paritaire dans les intercommunalités.

D'ailleurs on ne peut plus prétexter aujourd'hui un manque de candidates femmes. Elles ont prouvé leur implication à tous les échelons territoriaux. Les sanctions doivent donc être suffisamment élevées et suffisamment ciblées pour que les femmes candidates ne se trouvent pas, comme c'est fréquemment le cas, dans des positions non éligibles.

C'est l'objet de la seconde proposition de l'Assemblée des départements de France : il s'agirait de moduler le financement des partis politiques, non plus proportionnellement au nombre de candidatures, mais aussi proportionnellement au nombre de femmes effectivement élues, et ceci pour toutes les élections.

J'ajoute, pour terminer, que cette position défendue par l'Assemblée des départements de France, en faveur d'un mode de scrutin majoritaire à deux tours, corrélé au durcissement et à la généralisation des sanctions financières visant les partis politiques qui ne respectent pas la parité, est également partagée par un certain nombre de femmes, membres des assemblées ou des exécutifs des conseils généraux.

Mme Michèle André, présidente. - Tel que je l'entends, la position de l'Assemblée des départements de France se rapproche donc du dispositif de deux propositions de loi récemment déposées, la première par Bruno Le Roux, visant à renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives, la seconde par Mme Chantal Brunel, rapporteure de l'Observatoire de la parité, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux pourvus au scrutin uninominal majoritaire. Ces deux textes visent à moduler le financement public des partis politiques, non plus en fonction des candidatures féminines, mais en fonction du nombre de mandats électifs effectivement exercés par les femmes. L'Assemblée des départements de France a-t-elle pris connaissance de ces propositions de loi ?

M. Claudy Lebreton. - L'Assemblée des départements de France s'en est tenue, jusqu'à maintenant, à exprimer des positions de principe, et non à prendre position en faveur d'un dispositif précis.

Néanmoins, à titre personnel, j'estime que, parallèlement à une meilleure prise en compte de l'objectif de parité, il est essentiel de réfléchir à la rénovation de l'exercice du mandat : le maintien de l'attractivité du mandat et le respect du principe d'égal accès aux responsabilités supposent que les conditions dans lesquelles on propose aux candidats d'exercer leurs fonctions, mais aussi de les quitter à l'issue de leurs mandats, soient profondément rénovées.

A l'heure actuelle, il me semble que les conditions d'exercice n'encouragent pas les citoyens à s'engager, que ce soit à des responsabilités politiques, syndicales ou associatives. On ne devrait pas faire l'économie d'une réflexion sur la reconversion des élus à l'issue de leurs mandats, mais également sur la question du cumul des mandats, puisqu'il semble que ce sujet soit d'actualité.

Mme Michèle André, présidente. - Il est vrai que l'on a d'abord abordé la question du statut de l'élu par le seul biais de la question indemnitaire, ce qui était réducteur, alors que beaucoup d'autres sujets, tels la protection sociale, sont en jeu. L'Assemblée des départements de France a-t-elle pris position à ce sujet ?

M. Claudy Lebreton. - Les lignes de clivage sur ces sujets dépassent les appartenances partisanes, et il me semble qu'à l'heure actuelle, la réflexion évolue en faveur de la possibilité de cumuler un mandat local avec un mandat parlementaire, à condition de ne pas exercer de fonctions exécutives. Mon expérience d'élu local me pousse à croire que, pour beaucoup d'élus locaux, en particulier ceux exerçant des responsabilités exécutives, la recherche d'un mandat parlementaire permet de compenser les insuffisances de leur rémunération et de leur couverture sociale d'élu local, qui ne correspondent pas actuellement à l'investissement en temps et aux responsabilités qu'ils assument.

La situation était encore plus délicate, lorsque la rémunération des présidents d'exécutifs locaux avait été alignée sur celle des maires des grandes villes, avant que M. Jean-Paul Delevoye, alors ministre de la fonction publique, ne rétablisse la situation antérieure.

Mme Michèle André, présidente. - Il semble donc que les préoccupations des élus concernent moins aujourd'hui les conditions de rémunération que la possibilité de bénéficier d'une protection pendant l'exercice du mandat et de voies de reconversions professionnelles à son terme.

M. Claudy Lebreton. - Il faut ajouter, il me semble, la nécessaire conciliation entre l'exercice du mandat et les obligations de vie privée, qui sont particulièrement difficiles à assumer pour les femmes quand elles sont mères ou cadres supérieures dans une entreprise.

Mme Michèle André, présidente. - Il faudra revenir sur cette question de la rénovation du statut de l'élu.

M. Claudy Lebreton. - J'ajoute que l'Assemblée des départements de France est favorable au maintien de ce « remplaçant » pour le conseiller général, et que celui-ci succède au titulaire dans tous les cas de figure et pas seulement, comme aujourd'hui, dans un certain nombre de cas limitativement énumérés par la loi.

Mme Catherine Procaccia. - A cet égard, il est intéressant de souligner que le texte de la proposition de loi de Mme Chantal Brunel propose de faciliter l'accès du remplaçant d'un conseiller général, en l'étendant à toutes les hypothèses de démission du titulaire, ce qui permettrait une augmentation sensible du nombre de conseillères générales.

Mme Maryvonne Blondin. - Je tiens à souligner, tout d'abord, que la présence de 30 % de femmes au Conseil général du Finistère, tant parmi les membres qu'au sein de l'exécutif, place notre département en bonne position au regard de l'objectif de parité. Je m'étonne, ensuite, que l'obligation de présenter un « binôme » respectueux de l'objectif de parité se solde le plus souvent par la présentation d'un titulaire masculin et d'un remplaçant féminin. Les dernières élections sénatoriales n'ont, à cet égard, pas dérogé à cette pratique.

M. Claudy Lebreton. - A cet égard, j'estime que la préconisation de la formation européenne « Equal » de formuler la parité en terme de « femme-homme » et non l'inverse, a son importance. Par ailleurs, la question de la représentation paritaire au sein des exécutifs locaux est un point essentiel : il faut que la représentation paritaire des assemblées régionales et municipales de plus de 3 500 habitants se retrouve au niveau des exécutifs.

M. Yannick Bodin. - Comme vous le savez, la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives impose actuellement que, dans les élections cantonales, le candidat et le suppléant soient de sexe différent. Cette mesure a bien été présentée, à l'origine, comme favorable à la parité, mais son influence s'avère assez réduite.

Mme Michèle André, présidente. -Le remplacement par le suppléant était initialement prévu en cas de décès du titulaire, d'absence au sens de l'article 112 du code civil ou lorsqu'il accepte les fonctions de membre du Conseil Constitutionnel. Le remplacement intervenait également dans l'hypothèse de la démission du titulaire pour des raisons liées au cumul de mandats, mais de façon limitative. La loi du 26 février 2008 facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général a complété le dispositif en permettant au suppléant de remplacer le conseiller général qui aurait démissionné en raison d'un cumul avec un mandat de député ou de sénateur.

M. Yannick Bodin. - Je m'interroge sur les conséquences concrètes de ce mécanisme que l'on a pu qualifier de « mandat en viager ». Il a été appliqué à partir de 2008 : trois ans plus tard, à mi-mandat, combien de femmes ont aujourd'hui remplacé des hommes ? Je cherche, en réalité, comme l'a deviné notre présidente Michèle André, à estimer combien de temps il faudra pour que cette réforme atteigne son objectif.

M. Claudy Lebreton. - Nous avons calculé qu'au rythme actuel, il faudrait environ 250 ans pour parvenir au rééquilibrage entre femmes et hommes. Je rappelle que la démission volontaire entraine nécessairement la tenue une élection partielle en cas de démission.

M. Yannick Bodin. - Je citerai également, pour mémoire, le cas d'un député-maire qui s'est présenté aux élections cantonales en indiquant qu'après son élection, il démissionnerait aussitôt pour laisser sa place à sa suppléante : je précise qu'il n'a pas été élu, mais le procédé existe.

Mme Mireille Schurch. - Je souhaite revenir sur le fait que le conseiller territorial sera à la fois conseiller général et conseiller régional : comme on l'a maintes fois souligné, son emploi du temps et sa charge de travail seront bien lourdes, particulièrement pour des femmes, par ailleurs accaparées par leur vie professionnelle et leurs charges de famille.

M. Claudy Lebreton. - La très grande majorité des présidents de conseils généraux est contre l'institution du conseiller territorial, même si tous ne peuvent l'exprimer publiquement. Sur la base de l'expérience du fonctionnement des collectivités locales, il apparait assez clairement que l'institution du conseiller territorial conduira à terme à la transformation de la région telle qu'elle était conçue initialement, et à la disparition du département par l'effet de la mutualisation. Selon une étude réalisée par KPMG, la réforme entraînera dans les premiers temps de son application non pas une réduction mais une augmentation des dépenses publiques, notamment par le biais de l'alignement par le haut du statut des personnels dans la phase de rationalisation des structures administratives.

J'ajoute que l'exercice de leur mandat représente, pour les conseillers généraux comme pour les conseillers régionaux, a minima un mi-temps. Le conseiller territorial qui conjuguera ces deux mandats sera donc occupé à plein temps. Cette charge de travail s'accompagnera d'un allongement des délais de transports, et pourrait avoir pour effet une augmentation des dépenses d'hébergement et de secrétariat. Sans compter, au niveau politique, que chaque député aura derrière lui au moins quatre conseillers territoriaux qui seront autant de rivaux.

Mme Catherine Procaccia. - Je souhaite nuancer ce propos pour rappeler que les fonctions de conseiller général ne sont pas toujours si prenantes, particulièrement quand on siège dans l'opposition. Par ailleurs, on affirme souvent que la réforme envisagée porte en elle-même la disparition du conseiller régional, à travers la disparition de son ancien mode de scrutin, avez-vous ce sentiment ?

M. Claudy Lebreton. - Aujourd'hui, nous sommes en pleine préparation des élections de l'année prochaine, et je constate d'ailleurs que par la nature de leurs enjeux ces élections sont de plus en plus des élections départementales, plutôt que des élections cantonales. Je rappelle aussi que les conseillers régionaux ont été élus l'an dernier. On discerne dès aujourd'hui les prodromes d'une concurrence électorale très vive et si l'on ne durcit pas la loi sur la parité, nous risquons de voir émerger des assemblées élues très masculines. Dans ce contexte, j'entends des responsables de départements qui disent qu'ils vont « manger les régions » et des responsables régionaux qui évoquent la cantonalisation des départements.

Sur la base de mon expérience de conseiller territorial avant l'heure, puisque j'ai été à un certain moment à la fois conseiller général et conseiller régional, je considère que le mandat de conseiller territorial devrait représenter une véritable charge à plein temps.

Mme Michèle André, présidente. - Avez-vous eu des échanges récents avec le Gouvernement sur la taille et le nombre des cantons, car nous avons entendu des chiffres qui ont beaucoup varié ?

M. Claudy Lebreton. - Sur ce point, nous en sommes restés aux données divulguées au moment de la présentation du projet de loi ; nous devons prochainement nous entretenir avec le Gouvernement à ce sujet. En tout état de cause, il était prévu au moins quinze conseillers généraux par département: cependant, les interrogations subsistent quant à la façon de prendre en compte les différences démographiques entre départements peu et très peuplés.

Mme Michèle André, présidente. - Il nous a également été indiqué que tous les cantons devraient respecter les frontières des circonscriptions législatives.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Le plus important, à mon sens est d'assurer une juste représentation des différents départements à l'intérieur de chaque région. S'agissant des sanctions financières, et tout en préférant des incitations positives en faveur de la parité, je suis favorable à un durcissement fondé sur la prise en compte du nombre d'élus et non pas de celui des candidatures, car il y aurait inévitablement des candidatures dissidentes pour contourner la loi si les sanctions se fondaient sur le nombre de candidatures.

S'agissant de la charge de travail, et comme Mme Catherine Procaccia l'a bien dit, quand on fait partie de l'exécutif d'une assemblée locale, on travaille certes beaucoup plus qu'en étant dans l'opposition. Mais, je suis convaincue que le mandat de conseiller territorial porte en lui-même sa professionnalisation et sera, à terme, un mandat unique. Ne devrait-on pas, dans ces conditions, travailler sur le thème du statut du remplaçant du conseiller territorial? Je remarque, au passage, que ce statut et la rémunération qui l'accompagnera ne vont pas dans le sens des économies budgétaires souhaitées. Cependant, il s'agirait là d'un excellent moyen de mettre en avant les femmes car, pour l'instant, la règle suivant laquelle le suppléant doit être de sexe opposé au niveau du conseil général n'a pas donné grand-chose.

Mme Michèle André, présidente. - L'idée du binôme a été développée à plusieurs reprises, en particulier par Charles Gautier. Notre collègue Jacqueline Panis avait également formulé une proposition en ce sens.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il me semble que, pour améliorer les conditions d'exercice du mandat, la reconnaissance par la loi d'un rôle particulier au « remplaçant » constitue une piste intéressante : on pourrait ainsi véritablement instituer un « binôme » exerçant conjointement le mandat.

M. Claudy Lebreton. - Tout d'abord, pour répondre à Mme Procaccia je crois que, en matière de charge de travail, la distinction est moins entre conseiller général appartenant à la majorité ou à l'opposition qu'entre ceux qui ont des fonctions dans l'exécutif et ceux qui n'en ont pas.

En ce qui concerne l'objectif de parité, il me semble que seul l'objectif à atteindre compte, qu'on l'atteigne par le biais de sanctions ou de bonifications.

Concernant le statut du remplaçant, il ne faut pas faire l'impasse sur un problème juridique important : quand il siège au conseil d'administration de certains établissements, le conseiller général engage sa collectivité par son vote : est-on prêt à reconnaître ce pouvoir au remplaçant ?

Ce sont ces questions auxquelles il faut apporter des réponses. Enfin, je m'étonne qu'on légifère sans coordonner notre organisation territoriale avec celles des autres démocraties européennes ! A titre d'exemple, dans certains pays d'Europe, les collectivités territoriales peuvent se dissoudre elles-mêmes, sans que le préfet n'intervienne !

A titre personnel, je préconiserais une autonomie qui irait jusqu'à confier à l'Assemblée locale la responsabilité de procéder au découpage territorial qui la concerne. Sous la réserve de garde-fous, imposant par exemple un vote à la majorité des 2/3, il me semble que le découpage des circonscriptions pourrait ainsi être beaucoup mieux adapté à la réalité de terrain. En cette matière, édicter des règles identiques sur l'ensemble du territoire me semble contraire à la grande disparité des réalités géographiques et démographiques, qui conditionne le niveau pertinent d'intervention.

Mme Maryvonne Blondin. - Si je prends pour exemple la communauté d'agglomération de Quimper, dont l'exécutif ne compte qu'une seule femme, il me semble nécessaire de nous interroger sur la façon d'assurer une représentation paritaire dans les intercommunalités, et, plus largement, au sein des exécutifs.

Mme Michèle André, présidente. - L'obligation légale de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les exécutifs communaux devrait être étendue aux exécutifs intercommunaux.

Jeudi 27 mai 2010

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Nomination d'un rapporteur

Mme Michèle André, présidente. - Le premier point de notre ordre du jour comporte la désignation d'un rapporteur sur les propositions de loi relatives aux violences faites aux femmes dont nous a saisis la commission des lois.

Je vous propose, comme nous l'avions évoqué lors de notre dernière réunion de désigner notre collègue Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde est désignée rapporteure de la proposition de loi n° 340 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et de la proposition de loi n° 118 (2009-2010) relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste.

Organisation des travaux de la délégation - Communication

Mme Michèle André, présidente. - J'en profite pour vous rappeler le calendrier de ces prochains jours qui s'annonce chargé. Le projet de loi relatif aux violences est inscrit en séance publique les 22 et 23 juin 2010 dans la soirée. La commission des lois l'examinera le jeudi 17 juin 2010 dans la matinée et la date butoir pour le dépôt des amendements en commission est fixée au lundi 14 juin 2010 à midi. Cela nous impose, dans ces conditions, de l'examiner en délégation la semaine précédente, le jeudi 10 juin 2010 à 14 heures. Notre rapporteure devrait procéder à quelques auditions qui seront ouvertes aux membres de la délégation et dont les dates vous seront communiquées ultérieurement.

Mme Françoise Laborde. - Elles devraient avoir lieu le jeudi 3 juin 2010.

Mme Michèle André, présidente. - La réforme territoriale est inscrite à l'ordre du jour des séances des lundi 28, mardi 29 et mercredi 30 juin 2010. La commission des lois l'examinera le mercredi 16 dans la matinée et la date butoir pour le dépôt des amendements en commission, est, là aussi, fixée au 14 juin 2010 à midi. Dans ces conditions, nous examinerons également notre rapport lors de notre réunion du jeudi 10 juin 2010 à 14 heures. Sur ce sujet, je vous rappelle que nous procéderons à deux séries d'auditions en délégation des représentants des principaux partis politiques le mercredi 2 juin 2010 entre 14 heures et 16 heures, et le mercredi 9 juin 2010 entre 14 heures et 18 h 30. Le 3 juin 2010 je recevrai, en qualité de rapporteure, les représentantes d'un certain nombre d'associations de femmes qui luttent en faveur de la parité et cette audition sera, bien entendu, également ouverte aux membres de la délégation qui pourront venir.

Enfin, je vous rappelle que notre question orale avec débat relative à la politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse est inscrite à l'ordre du jour du mardi 15 juin 2010 à 17 heures. Je vous invite à vous inscrire dans cette discussion auprès de vos groupes politiques respectifs.

Comme vous le constatez, notre programme de travail pour les prochains jours est bien rempli !

Mme Gisèle Printz. - On peut même dire surchargé !

Mme Michèle André, présidente. - Notre secrétariat administratif est, de ce fait, très sollicité. Je souhaite à ce propos vous tenir informés des conséquences qu'auront sur celui-ci la réforme en cours de l'organisation du Sénat dont vous avez sans doute entendu parler.

Mme Françoise Laborde. - Nous avons reçu un projet d'organigramme.

Mme Michèle André, présidente. - J'avais pris les devants pour expliquer à M. le Président du Sénat ainsi qu'à MM. les Questeurs la réalité de nos besoins en termes de secrétariat administratif.

L'idée d'incorporer les secrétariats des délégations dans un vaste service des commissions a finalement été abandonnée et je m'en réjouis. Ceux-ci devraient finalement être rassemblés dans un service distinct. Notre délégation devrait donc disposer à la fois d'un pôle administratif qui lui serait propre, et bénéficier, en tant que de besoin, de l'appoint d'autres fonctionnaires de ce nouveau service. Cette organisation me paraît bien répondre à nos contraintes spécifiques et aux pics d'activité que nous avons, comme en ce moment.

Mme Maryvonne Blondin. - La délégation au Conseil de l'Europe y sera-t-elle rattachée aussi ?

Mme Michèle André, présidente. - Je ne le pense pas.

Mme Gisèle Printz. - Cette réforme affectera-t-elle notre façon de travailler ?

Mme Michèle André, présidente. - Non, les démarches que j'ai entreprises auprès du président du Sénat et des questeurs avaient précisément pour but que nous puissions continuer à disposer à la fois d'un secrétariat spécifique et de forces d'appoint.

C'est la condition pour pouvoir traiter de front les différents dossiers législatifs dont nous sommes saisis, effectuer notre travail de contrôle, et prendre position sur des thèmes d'actualité, comme je viens de le faire, en diffusant un communiqué de presse pour regretter que la Fédération internationale de Football Association (FIFA) ait finalement accepté que les joueuses iraniennes puissent porter un « couvre-chef » sur leurs chevelures, lors des prochains Jeux olympiques de la jeunesse à Singapour.

Réforme des collectivités territoriales - Egal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs - Audition de Mme Naïma Charaï, présidente de la commission de lutte contre les discriminations et pour l'égalité à l'Association des régions de France (ARF), accompagnée de Mme Claire Bernard, directrice des études de l'ARF

La délégation procède ensuite à l'audition de Mme Naïma Charaï, présidente de la commission de lutte contre les discriminations et pour l'égalité à l'Association des régions de France (ARF), accompagnée de Mme Claire Bernard, directrice des études de l'ARF, sur les modes de scrutin retenus par le projet de loi n° 61 (2009-2010) relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale et du projet de loi organique n° 62 (2009-2010) relatif à l'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale tirant les conséquences en matière électorale des articles premier et 2 du projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales, déposés sur le bureau du Sénat le 21 octobre 2009.

Mme Naïma Charaï. - C'est en tant que présidente de la commission nationale de lutte contre les discriminations et pour l'égalité de l'Association des Régions de France (ARF), déléguée par M. Alain Rousset, Président de l'ARF, que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter la position de l'ARF sur le mode de scrutin retenu pour l'élection des conseillers territoriaux au regard de l'objectif de parité.

Je commencerai par un bref historique des éléments juridiques qui encadrent la mise en application de l'objectif de parité : la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a permis l'adoption d'un certain nombre de lois tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Je vous rappelle à cet égard les deux principaux dispositifs législatifs, le premier visant à rendre obligatoire la présentation de candidatures mixtes au scrutin de liste, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ; le second visant à sanctionner financièrement les partis politiques qui ne respectent pas l'objectif de parité pour les scrutins uninominaux.

En complément de ce dispositif initial, la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 a étendu aux élections régionales et européennes l'obligation de présenter des listes composées alternativement d'un candidat de chaque sexe.

La loi du 31 janvier 2007 est venue ensuite briser un « plafond de verre », en imposant la parité pour l'élection des membres des exécutifs régionaux et municipaux.

Bien que permettant de réelles avancées, ce dispositif reste à consolider. En ce qui concerne les fonctions exécutives régionales en particulier, les femmes restent encore aujourd'hui trop souvent cantonnées à des postes de « vice-présidentes », chargées de délégations dites « féminines », telles les affaires sociales, l'éducation ou la jeunesse, alors que les hommes se réservent les compétences « lourdes » (développement économique, finances, transports...).

Il est indéniable que la loi a permis de faire progresser la parité pour les scrutins de liste. J'en veux pour preuve le résultat des élections régionales : représentant 27,5 % des conseillères régionales en 1998, les femmes étaient 47,6 % en 2004 et 48 % en 2010. Le faible écart qui nous sépare encore d'une exacte parité tient au fait que les femmes sont rarement investies en tête de liste.

Les femmes ne représentent encore que 18 % des députés élus à l'Assemblée nationale, mais elles forment 22,4 % au Sénat grâce au scrutin proportionnel utilisé dans les départements qui élisent au moins quatre sénateurs.

Les élections cantonales restent le « point noir » au regard de l'objectif de parité : les femmes ne représentent que 12,3 % des conseillers généraux en 2008, ce qui représente une faible progression par rapport à 2001, et à 1998. La disposition introduite par la loi du 31 janvier 2007 imposant au titulaire et au suppléant d'être de sexes différents n'a guère eu d'effet.

Mme Michèle André, présidente. - La délégation a interrogé Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des Départements de France, il y a quelques jours. Selon lui, le dispositif du code électoral visant à prévoir que le « remplaçant » du conseiller général est obligatoirement de sexe opposé n'a pas permis à un nombre significatif de femmes d'accéder au mandat de conseiller général.

Mme Naïma Charaï. - A titre personnel, je n'étais pas favorable à ce dispositif quand il a été institué. D'ailleurs, aux élections cantonales de 2008, 80 % des investitures étaient masculines.

Il me semble donc que, pour garantir la représentation féminine dans les assemblées élues, l'alternative est simple : soit l'on opte pour un mode de scrutin proportionnel qui a fait ses preuves pour les élections régionales, soit l'on impose des pénalités financières vraiment sévères aux partis politiques qui ne respectent pas l'objectif de parité. Il me semble que les sanctions financières actuelles ne sont en effet pas assez dissuasives pour être efficaces.

Au regard de l'objectif de parité, le nouveau mode de scrutin proposé pour les futurs conseillers territoriaux constitue donc une régression grave.

D'après les projections de l'Observatoire de la parité, l'application de ce mode de scrutin aurait pour effet de limiter à 17 % la proportion des femmes parmi les futurs conseillers territoriaux.

Mme Michèle André, présidente. - Ces projections ont été réalisées en prenant en compte le mode de scrutin mixte initialement proposé par le projet de loi. Mais le retour au scrutin majoritaire à deux tours proposé par amendement en commission des lois conduirait, s'il était adopté, à revoir à la baisse ces projections : la proportion de femmes dans les futurs conseils territoriaux serait tout au plus celle que l'on trouve actuellement dans les conseils généraux, avec le même mode de scrutin. Notre collègue Catherine Procaccia pensait que cette proportion pourrait même tomber en dessous des 12 %.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je vous rappelle qu'un amendement du groupe centriste, visant à garantir le respect de plusieurs objectifs, et en particulier celui de la parité, avait été adopté à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi n° 60 devant le Sénat. Je regrette que cet article ait été supprimé à l'Assemblée nationale.

Mme Michèle André, présidente. - Je n'ai pu entendre que le début de l'intervention de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, ce matin en séance lors de l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Celle-ci portait un regard critique sur les conséquences de ce mode de scrutin pour la parité, et, d'une façon générale, nos deux délégations partagent les mêmes analyses.

Mme Naïma Charaï. - Je souhaite également vous mettre en garde sur les effets de la réduction du nombre d'élus, prévue par le projet de loi ; ceux-ci passeront de 5 660 en 2010 à 3 471 en 2014 ; la concurrence accrue qui en résultera risque de pénaliser en priorité les femmes. Je crains donc que les futures assemblées territoriales ne soient à l'image des actuels conseils généraux, composées de quinquagénaires masculins et « blancs » au détriment des femmes et de la diversité.

Plus fondamentalement, la réforme du conseiller territorial m'apparait faire un procès d'intention injustifié à l'encontre des élus locaux, dont on ne cesse de rappeler qu'ils seraient trop nombreux et qu'ils coûteraient trop cher. Conseillère régionale à Bordeaux, mon expérience d'élue locale me permet de m'inscrire en faux contre les propos de certains ministres qui ont récemment qualifié les conseillers régionaux d'« ovni politique » du fait de leur élection au scrutin de liste. Ayant eu l'occasion de tester sur le terrain l'appropriation par les électeurs des compétences et l'identification des élus de la région, j'estime qu'il faut rompre avec l'idée selon laquelle seul le scrutin uninominal permettrait aux élus d'être reconnus et légitimes.

J'estime, par ailleurs, qu'il faut soulever la question de la conformité des dispositions du projet de loi à la Constitution, au regard de l'objectif de parité.

Enfin, il me semble que la confusion des missions des conseils régionaux et généraux va appauvrir le travail des futurs conseillers territoriaux, qui privilégieront la gestion de leur territoire au détriment de la prospective développée à l'heure actuelle au sein des conseils régionaux. Je crains, alors, que ces assemblées de gestionnaires locaux perdent la vision d'avenir, pourtant essentielle à toute politique territoriale.

Mme Michèle André, présidente. - Avez-vous des données précises sur la moyenne d'âge des élus régionaux ? Il me semble discerner, au moins dans ma région, et au terme des dernières élections, un assez net rajeunissement ainsi qu'un renouvellement important des élus. De plus, je me demande si les conseillers généraux ne sont pas sensiblement plus âgés que les conseillers régionaux.

Mme Claire Bernard. - D'après nos statistiques, la moyenne d'âge des conseillers régionaux s'établissait, en 2005, autour de 50 ans ; nous allons très rapidement les actualiser. Notre intuition est que l'on a fait porter le poids du renouvellement des élus, en termes de générations ou de diversité, sur les femmes plus que sur les hommes : je pourrais prendre des exemples précis qui témoignent du fait que c'est surtout aux conseillères régionales sortantes que l'on a demandé de ne pas se représenter et de laisser leur place à de nouvelles générations d'élues.

Mme Michèle André, présidente. - Dans mon département, elles ont plutôt été préservées. Mais il ne faut pas tirer trop vite de conclusions générales à partir d'observations ponctuelles. Il est vrai que les élues sont souvent plus fragiles que leurs homologues masculins et, par conséquent, la tentation est plus grande de leur demander des sacrifices.

Mme Claire Bernard. - Nous mesurerons attentivement ce phénomène.

Mme Catherine Procaccia. - Hormis un nouvel accroissement des pénalités financières, quelles autres solutions envisagez-vous pour favoriser la parité ? Peut-on imaginer un mécanisme de pénalités non plus seulement financières mais aussi électorales qui comporterait, par exemple, l'obligation pour les partis de présenter une proportion de femmes aux élections suivantes ? Par ailleurs, la dernière version du projet de réforme prévoit-il des dispositions de nature à favoriser la parité des conseillers territoriaux dans les exécutifs départementaux et régionaux ?

Mme Michèle André, présidente. - Ces dispositions risquent d'être difficiles à appliquer. J'ai entendu ce jeudi matin, lors des débats de l'Assemblée nationale, Mme Marie-Jo Zimmermann demander au Gouvernement dans quelle mesure il n'allait pas être conduit à abroger les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives qui instaurent une obligation de parité dans les exécutifs des régions.

M. Yannick Bodin. - C'est malheureusement dans la logique du projet de réforme : comment ferait-t-on dans les départements dans lesquels aucune femme ne serait élue en tant que conseiller territorial ?

Mme Claire Bernard. - Cette disposition défavoriserait les hommes pour l'accès aux exécutifs : ainsi dans l'hypothèse où très peu de femmes seraient élues, elles pourraient alors presque toutes occuper des fonctions de vice-présidente, ce qui ne manquerait pas de susciter, de la part des hommes, des recours en inconstitutionnalité contre un tel projet, au titre de l'inégalité qu'il susciterait pour l'accès aux exécutifs.

Mme Naïma Charaï. - Il faut tout d'abord se battre en faveur du mode de scrutin proportionnel ; s'il n'est pas retenu, il conviendra alors d'envisager un recours devant le Conseil constitutionnel. Je constate que les pénalités financières existent déjà mais elles ne sont pas suffisamment dissuasives d'autant qu'elles prennent en compte le nombre de candidatures présentées et non le nombre d'élues, ce qui incite les partis politiques à présenter des candidatures de femmes dans des circonscriptions perdues d'avance.

Mme Michèle André, présidente. - L'idée de Mme Catherine Procaccia sur l'instauration de sanctions électorales est une piste intéressante : reste à réfléchir sur ses modalités d'application.

Par ailleurs que pensez-vous de la proposition de loi n° 2529 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux pourvus au scrutin uninominal majoritaire que vient de déposer la présidente de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Mme Chantal Brunel, et qui prévoit un dispositif intéressant et audacieux sur les pénalités financières, en prenant en compte à la fois les élections nationales et locales.

Mme Catherine Procaccia. - S'agissant de l'idée qui consisterait à prendre en compte la parité au niveau des élus et pas seulement des candidatures, je rappelle qu'en 2006, nous avions lancé cette idée au Sénat : on nous avait alors indiqué qu'un tel dispositif était inconstitutionnel. La proposition de loi de Mme Chantal Brunel étend également les sanctions financières aux élections locales et prévoit la diminution des dotations aux partis politiques si la parité n'est pas respectée au niveau de l'élection des conseillers territoriaux.

Mme Naïma Charaï. - Il conviendrait de diminuer de façon drastique les financements des partis qui ne respectent pas la parité de candidatures en ne prenant pas pour base les candidatures mais les résultats des élections.

Mme Michèle André, présidente. - Je me demande si les esprits n'ont pas évolué au sujet de l'inconstitutionnalité d'une telle mesure depuis 2006.

Mme Naïma Charaï. - Pour favoriser l'accès des femmes aux fonctions électives, nous préconisons également le non-cumul des mandats, y compris dans le temps.

M. Yannick Bodin. - D'auditions en auditions, un constat majeur s'impose : le projet de réforme annonce un recul en matière de parité politique. Constitutionnellement, il s'agit de déterminer si un tel recul est compatible avec la disposition qui prévoit que la loi « favorise » la parité. En tout état de cause, la première conclusion à tirer de ce débat est que seul le scrutin proportionnel garantit la parité de façon satisfaisante.

En second lieu, je crains qu'en termes de conformité à la Constitution, la prise en compte des résultats des élections à la fois parlementaires et locales pour l'attribution des dotations aux partis se heurte à deux difficultés. D'une part, seuls les partis politiques seraient sanctionnés ; or, j'observe que, dans notre droit, rien n'empêche à un candidat de se présenter aux électeurs en dehors de tout rattachement à un parti. Par conséquent, le dispositif de sanction envisagé traite donc de manière inégale les candidats. D'autre part, le Conseil constitutionnel pourrait considérer qu'un parti politique ne doit pas être sanctionné sur la base du choix des électeurs. Même si en termes politiques cette affirmation est contestable, en particulier lorsque des partis présentent des candidates dans les circonscriptions les plus difficiles, elle demeure juridiquement envisageable.

Cependant, même en sachant qu'elle est semée d'embuches, une telle initiative pourrait être retenue par la délégation puisque, après tout, les plus hautes autorités de l'Etat n'hésitent pas, sur d'autres sujets, à prendre des risques juridiques. Au demeurant, s'il est saisi, le Conseil constitutionnel devra également se prononcer sur bien d'autres aspects de la réforme dont il n'est pas sûr qu'ils soient conformes à la Constitution, à commencer par la création d'un conseiller territorial qui doit siéger dans deux assemblées différentes.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je voudrais demander aux intervenants une précision : combien de conseils régionaux ont-ils voté la Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale ?

Mme Naïma Charaï. - Plusieurs régions, mais pas toutes, se sont engagées dans cette démarche. Nous avons participé à divers colloques, organisés sous l'égide du Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE).

Mme Michèle André, présidente. - A l'occasion de notre déplacement à la prison de Rennes, j'ai constaté les initiatives prises en Bretagne dans ce domaine. C'est d'ailleurs une illustration qui montre à quel point nous devons préserver, au niveau régional, une dynamique prospective aujourd'hui menacée par le projet de réforme.

Réunion des présidents des commissions à l'égalité des chances des parlements nationaux des Etats membres de l'Union européenne et du Parlement européen - Communication

Mme Michèle André, présidente. - J'ai demandé à Catherine Morin-Desailly de nous rendre compte, en quelques mots, de la réunion qui s'est tenue à Madrid, aux Cortes, le 29 avril dernier, à laquelle elle a représenté notre délégation.

Mme Catherine Morin-Desailly. - C'était une mission courte, sur une journée, mais qui m'a permis d'assister à des débats denses et intéressants. J'ai été heureuse d'y représenter notre délégation.

Mme Michèle André, présidente. - Notre délégation est fréquemment sollicitée pour participer à des réunions internationales de ce type et je suis heureuse de savoir que je peux faire appel aux membres de notre délégation pour nous y représenter quand je suis moi-même empêchée.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Organisée dans le cadre de la présidence espagnole de l'Union européenne, cette manifestation réunissait les présidents - ou leurs représentants - des commissions et délégations chargées de l'égalité hommes-femmes des différents parlements nationaux des États membres, ainsi que du Parlement européen.

Une trentaine de parlementaires représentant les assemblées parlementaires de vingt pays s'y sont retrouvés pour évoquer, successivement, les priorités de la présidence espagnole en matière d'égalité, puis le problème général de la violence de genre, problème sur lequel l'Espagne s'est dotée d'une législation assez en pointe, et dont les autres pays européens pourraient s'inspirer. Je crois d'ailleurs que la mission d'information de notre délégation qui s'était rendue en Espagne en octobre dernier, s'était, entre autre, intéressée à la politique espagnole de lutte contre les violences de genre.

Les priorités de la présidence espagnole en matière d'égalité nous ont été présentées par la ministre de l'égalité, Mme Bibiano Aido : une ministre d'une trentaine d'années dont la jeunesse, l'engagement et la fougue retiennent particulièrement l'attention.

La ministre a d'abord insisté sur les efforts accomplis par la présidence espagnole pour promouvoir la création d'un Observatoire européen des violences de genre.

La lutte contre les violences dont sont victimes les femmes, en tant que femmes, passe en effet par l'établissement de la réalité du phénomène. Songeons au rôle qu'a joué, chez nous, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes, réalisée en 2000 : elle a constitué un révélateur de ce phénomène social, et a permis une véritable prise de conscience.

Le gouvernement espagnol insiste sur l'intérêt de disposer, à l'échelle européenne, d'indicateurs officiels, communs aux différents États, qui permettent d'établir un suivi et des comparaisons homogènes entre les pays de l'Union européenne.

La ministre s'est réjouie que cette proposition ait été adoptée à l'unanimité des États membres. Elle a cependant précisé que cette décision ne déboucherait pas sur la création d'un nouvel organisme européen spécifique, mais reviendrait à rattacher cette nouvelle responsabilité à un organisme déjà existant : l'Institut européen de l'égalité.

Cet institut a été créé par un règlement du Parlement et du Conseil du 20 décembre 2006, en vue d'aider les États membres à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques communautaires et les politiques nationales. Basé à Vilnius, en Lettonie, cet institut a été mis en place le 16 décembre 2007 et dispose d'un budget de 52,5 millions d'euros pour la période 2007-2013.

La ministre a également rappelé le soutien de la présidence espagnole à un projet de directive sur la mise en oeuvre d'une ordonnance de protection européenne, et à la proposition de la commission européenne de mettre en place un numéro de téléphone unique et gratuit à l'échelle européenne (le 116.016) pour l'assistance aux victimes de violences à caractère sexiste.

Je ne reviens pas sur la politique espagnole de lutte contre les violence de genre, déjà étudiée par notre mission d'information de l'automne dernier, sinon pour évoquer deux aspects de son actualité la plus récente : une politique d'éducation, dès le plus jeune âge, pour faire évoluer les mentalités, et le « plan intégral contre la traite des êtres humains » qui aborde cette question sous l'angle de la défense des droits de l'Homme et non plus sous un angle strictement policier de lutte contre les mafias.

Les débats, qui se sont déroulés dans la matinée et l'après-midi, ont permis aux délégations des différents parlements d'insister sur l'intérêt de disposer d'indicateurs pertinents et de présenter leurs politiques nationales de lutte contre les violences de genre.

Mme Danièle Bousquet, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, et moi-même avons présenté les grandes lignes de la politique et de la législation française de lutte contre les violences.

Mme Bousquet a décrit les principales dispositions de la proposition de loi dont elle est cosignataire, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, et que nous allons discuter au sénat les 22 et 23 juin prochain.

Pour ma part, j'ai insisté sur la nécessité de nous montrer attentifs à l'image de la femme et aux attitudes envers elles que diffusent les médias et internet. J'ai rappelé que chez nous, la télévision « classique » était régulée par une autorité indépendante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais que le contrôle des contenus de l'internet, qui ne connait pas les frontières, était plus problématique, et devait donc être envisagé au moins à l'échelle européenne.

Complétant mon propos, la représentante du Parlement européen a indiqué que le Conseil de l'Europe avait répertorié 100 000 sites pédopornographiques, principalement basés en dehors des frontières de l'Union européenne, mais accessibles sur son territoire.

Je ne tenterai pas de vous résumer ici les interventions, très riches et intéressantes, présentées par les représentantes et les représentants des différents Parlements, sinon pour constater une très large convergence de vues sur la gravité de ce phénomène des violences de genre, et sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de prendre des mesures appropriées.

J'ai été heureuse de pouvoir représenter notre délégation à cette réunion, et je tiens à remercier notre présidente, Michèle André, qui m'en a fait la proposition.

Programme de travail - Echange de vues

M. Yannick Bodin. - Je souhaite revenir sur cette surcharge de nos agendas qui constitue souvent un obstacle à l'entrée des femmes en politique. Je me souviens a contrario de l'exemple que nous avait donné une ministre québécoise qui avait reçu notre groupe interparlementaire d'amitié en fin d'après-midi. Elle nous avait annoncé qu'elle s'éclipserait à 19 heures pour s'occuper, comme tous les soirs, de ses enfants mais qu'elle nous rejoindrait ensuite pour le dîner.

Mme Catherine Morin-Desailly. - La réforme des retraites devrait prochainement venir en discussion. Ne faudrait-il pas commencer à travailler sur le problème spécifique des retraites des femmes ?

Mme Michèle André, présidente. - Le projet de loi devrait être adopté en Conseil des ministres en juillet, puis transmis à l'Assemblée nationale. Il n'arrivera qu'ensuite au Sénat. Cela nous laisse un peu de temps. En outre, nous devons attendre d'avoir été saisis par la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Procaccia. - La délégation avait rendu un avis sur la réforme des retraites des mères de famille.

Mme Françoise Laborde. - Le champ des problèmes abordés cette fois sera plus large.

Mme Michèle André, présidente. - Nous pourrions, le moment venu, et si elle le souhaite, solliciter pour ce rapport Mme Jacqueline Panis, qui avait déjà travaillé sur les majorations de durée d'assurance des mères de famille.

Je vous rappelle que, dans la discussion générale des textes relatifs, respectivement, à la violence envers les femmes et à la réforme territoriale, la Conférence des présidents a accordé, chaque fois, quinze minutes à la délégation qui permettront à nos rapporteures d'exprimer notre point de vue. Mais je vous engage à participer à ces discussions générales sur le temps de parole de votre groupe politique.