COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mardi 21 février 2012

- Présidence de M. Serge Grouard, président -

Commission mixte paritaire relative à l'organisation du service dans les entreprises de transport aérien de passagers

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, s'est réunie le mardi 21 février 2012 à l'Assemblée nationale.

Après que le président Serge Grouard eut procédé à l'appel des membres de la commission mixte paritaire, le Bureau de celle-ci a été ainsi constitué :

- M. Serge Grouard, député, président,

- Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente.

Puis ont été désignés :

- M. Eric Diard, député,

- M. Claude Jeannerot, sénateur,

respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

M. Serge Grouard, président. - Je rappelle que l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi le 24 janvier tandis que le Sénat l'a rejeté par une question préalable le 15 février. En l'absence d'accord entre les deux assemblées et comme nous discutons dans le cadre de la procédure accélérée, le Gouvernement a convoqué cette commission mixte paritaire en application de l'article 45 de la Constitution. L'objectif de cette commission consiste à rédiger un texte commun sur les dispositions restant en discussion ce qui concerne, pour le cas présent, la totalité du texte. J'ai le sentiment qu'il sera délicat de réunir les points de vue, mais je remercie chacun d'être présent pour tenter d'y parvenir.

Mme Annie David, vice-présidente. - Je partage la crainte énoncée par le président Serge Grouard : il sera difficile de construire un consensus. Je profite aussi de l'occasion pour saluer la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, avec laquelle la commission des affaires sociales du Sénat n'a que rarement l'occasion de travailler dans le cadre d'une commission mixte paritaire.

M. Serge Grouard, président. - C'est effectivement un plaisir rare et partagé. Je suggère que nous écoutions maintenant nos deux rapporteurs.

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat. - Concilier les intérêts des salariés, qui font usage d'un droit fondamental pour une revendication professionnelle, et ceux des usagers, qui peuvent subir les conséquences d'une grève, est un exercice délicat qui mérite une vraie réflexion. Je ne pense pas, et la majorité sénatoriale avec moi, que la période actuelle soit le moment approprié pour la mener. N'y voyez pas là une marque d'immobilisme : convenez plutôt qu'à moins de trois mois de l'élection présidentielle, le temps des réformes sociales est passé.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a choisi d'opposer la question préalable à cette proposition de loi qui, si elle ne le dit pas explicitement dans son titre, a pour conséquence d'encadrer l'exercice du droit de grève dans les entreprises du secteur du transport aérien. Ce n'est pas dans un climat serein que le texte a été examiné : celui-ci a contribué à exacerber les tensions dans les aéroports, dans un contexte médiatique simplificateur. L'objectif est bien de faire adopter - coûte que coûte - un texte avant la fin de la session parlementaire, afin de conforter une certaine opinion publique, sans se soucier des conséquences sur des salariés dont la situation est souvent précaire.

Pour autant, je ne veux pas verser dans la caricature : certains ont pu le faire en annonçant que cette proposition de loi vise à mettre en place un service minimum ou garanti. Mais elle ne constitue pas une réponse adaptée au problème qu'elle prétend résoudre. Il faut cesser d'opposer systématiquement les salariés aux voyageurs. Une telle attitude est un facteur lourd de division au sein de notre société.

Compte tenu de la divergence de nos positions, il n'est pas utile de revenir sur chaque article, mais j'aimerais simplement souligner les deux points qui ont semblé les moins acceptables au Sénat.

D'abord, la transposition au secteur aérien, quasiment telle quelle, de la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social dans les transports terrestres n'est pas réalisable compte tenu des différences majeures qui existent entre ces secteurs. Imposer aux salariés de déclarer à leur employeur leur intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance aura pour principal effet de rendre l'exercice de ce droit plus malaisé. C'est tout particulièrement vrai pour les dizaines de milliers de salariés de l'assistance en escale dont la situation, souvent précaire, ne permet pas d'obtenir par la négociation une amélioration de leurs conditions de travail. Leur voix risque de devenir inaudible si, du fait de pressions de leur employeur, ils ne peuvent plus défendre leurs droits par la grève.

Ensuite, le second délai imposé aux salariés grévistes - ou qui ont fait part de leur intention de grève - aurait des effets plus néfastes encore. Les obliger à informer leur employeur, vingt-quatre heures à l'avance, qu'ils renoncent à la grève ou qu'ils veulent reprendre le travail, sous peine de sanction disciplinaire, constitue une atteinte à leur capacité de libre détermination. C'est d'autant plus injustifié que cette contrainte serait inopérante dans le secteur aérien, où il serait impossible de rétablir l'activité dans un si court délai. En poussant cette logique à son terme, on pourrait conduire à prolonger la grève une journée de plus : un salarié qui renonce à faire grève un soir ne pourrait pas reprendre son service le lendemain matin. Singulière conception des intérêts des passagers...

Je vois donc mal comment ce texte apaisera les tensions observées sur les plateformes aéroportuaires. Il risque d'entraîner un effet inverse. Je crois davantage aux efforts entrepris par tous les acteurs - pouvoirs publics, donneurs d'ordres et employeurs - pour revaloriser le statut et améliorer les conditions de travail de tous ceux dont l'action est invisible ou mal comprise du passager.

Faut-il rappeler que ce n'est jamais par plaisir qu'un salarié fait grève ? C'est son dernier recours en cas de désaccord profond au sein de l'entreprise. Et il faut cesser de croire que ce texte n'affectera que les pilotes. Ce sont les dizaines de milliers d'employés qui exercent des tâches de manutention et d'entretien, souvent peu qualifiés, qui en seraient les principales victimes.

Avant de conclure, permettez-moi un mot sur la méthode employée. Nous sommes à trois semaines de la clôture de l'ultime session parlementaire d'un quinquennat marqué par l'hyperactivité législative et par une sensibilité aiguë aux soubresauts de l'actualité. Sans remettre en cause le travail d'Eric Diard dans l'élaboration de cette proposition de loi, je regrette qu'elle soit le moyen de faire voter le Parlement sans se soumettre aux obligations d'un projet de loi. Il n'y a pas eu de concertation formelle avec les partenaires sociaux, alors que ce texte encadre le droit de grève. Le Conseil d'Etat n'a pas été sollicité alors qu'il soulève de sérieuses questions de constitutionnalité. Nous ne disposons pas d'une étude d'impact. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ne s'est même pas saisie du texte pour avis et n'a pas engagé le processus de concertation avec les partenaires sociaux prévu par son protocole de consultation.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je ne peux qu'exprimer devant vous le rejet de cette proposition de loi par le Sénat. Je suis convaincu qu'il n'appartient pas au législateur de supplanter les partenaires sociaux : il doit les inviter au dialogue, ce qui aurait pu être le cas s'ils avaient été préalablement consultés. Je ne doute pas de leur capacité d'aboutir, par voie conventionnelle, à des accords généralisant un mécanisme d'alerte sociale qui satisferont les intérêts des salariés comme des voyageurs.

M. Eric Diard, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le 24 janvier, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi que j'avais moi même déposée le 22 novembre 2011.

Ce texte vise à répondre à une exigence forte dans ce secteur du transport aérien, exigence que nous connaissons tous : la continuité de l'activité et le bien-être des passagers. Nous avons cherché à concilier cette exigence avec le respect intransigeant du droit de grève que garantit la Constitution. Nous devons tenir compte du fait que le secteur aérien est marqué depuis plusieurs années par une conflictualité forte, que c'est un domaine d'activité particulièrement fragile, mais aussi que les salariés doivent pouvoir y défendre leurs droits - le cas échéant en recourant à la grève.

Le texte que l'Assemblée nationale a adopté s'inspire de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui est parvenue à des résultats réels. Il est bâti sur trois éléments. On y trouve d'abord un encouragement au dialogue social et à la prévention des conflits, par des dispositions incitant les partenaires sociaux à conclure des accords-cadres en ce sens. Il contient également l'obligation, pour les compagnies aériennes, d'informer les passagers de perturbations dues à des grèves, vingt-quatre heures avant le début de ces perturbations. Il commande enfin que les salariés dont l'absence est de nature à affecter la réalisation des vols doivent informer leur employeur de leur intention de cesser le travail, quarante-huit heures au plus tard avant de participer à la grève.

Ce texte, comme le déroulement de nos débats l'a montré, a fait l'objet de plusieurs critiques que je voudrais dissiper rapidement devant vous.

Ce serait un texte de circonstance, présenté en réponse à la grève des personnels de la sûreté aérienne survenue en décembre 2011. Cela est inexact : j'avais déposé ma proposition de loi dès le 22 novembre 2011, alors que le mouvement de grève en question n'avait pas du tout commencé.

M. Jean Mallot, député. - C'est donc la proposition de loi qui a déclenché la grève !

M. Eric Diard, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les discussions à l'Assemblée nationale se seraient faites sans véritable concertation. Je note que M. Mariani, ministre chargé des transports, a fait remarquer lors des débats au Sénat que j'avais auditionné personnellement vingt-huit personnes.

On invoque parfois l'article L. 1 du code du travail dont les dispositions n'auraient pas été appliquées en l'espèce. Là encore, le ministre a rappelé que ce dispositif de consultation des partenaires sociaux ne paraissait pas applicable en l'espèce, puisque nous sommes en présence d'une proposition de loi et non d'un projet, et que ce texte relève de la négociation de branche et non de la négociation interprofessionnelle.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale porterait atteinte au droit de grève. Elle ne le limite en rien ; elle oblige simplement certains travailleurs ayant l'intention de faire grève à le faire savoir à l'employeur, pour que ce dernier organise l'activité et informe les passagers. Les déclarations individuelles des salariés sont couvertes par le secret professionnel et les employeurs sont passibles de sanctions pénales s'ils détournent ces informations.

M. Alain Vidalies, député. - Ce n'est pas l'avis des salariés grévistes !

M. Eric Diard, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Enfin, la proposition de loi serait déséquilibrée, limitant donc le droit de grève des salariés tout en favorisant les employeurs. Je rappelle qu'un important dispositif d'encouragement au dialogue social et à la prévention des conflits, tenant compte du caractère concurrentiel du secteur aérien, est prévu à l'article 2. J'ajoute que les conditions de travail de nombreux personnels du secteur de la sûreté aéroportuaire restent insatisfaisantes voire précaires, ce qui les conduit parfois à la grève.

Ce droit de grève, nous le défendons en prenant en compte d'autres principes : la liberté d'aller et venir, la sécurité publique et la défense des passagers que nous sommes tous.

Pour toutes ces raisons, je suis donc très attaché au maintien des dispositions que l'Assemblée nationale a retenues en première lecture.

M. Didier Gonzales, député. - Très bien !

M. Serge Grouard, président. - Je constate une divergence complète dans les exposés de nos deux rapporteurs. Il me semble que cette opposition se retrouve parmi les membres de la commission mixte paritaire. Dans la mesure où chacun y consent, je vous propose de lever notre séance sur cet échec. Je le déplore d'autant plus qu'il s'agit du premier dans la jeune histoire de la commission du développement durable.

La commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à élaborer un texte commun.

Mercredi 22 février 2012

- Présidence de M. Christian Kert, député, président -

Commission mixte paritaire relative à la responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d'accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants s'est réunie le mercredi 22 février 2012 à l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire désigne son bureau, qui est ainsi constitué :

- M. Christian Kert, député, président ;

- Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, vice-présidente ;

- M. Éric Berdoati, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- M. Jean-Jacques Lozach, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen du texte.

M. Christian Kert, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir nos collègues du Sénat pour ce qui pourrait être la dernière commission mixte paritaire de cette législature. Cela me donne l'occasion de me féliciter de l'atmosphère très constructive dans laquelle nous travaillons avec le Sénat depuis de nombreux mois.

En ce qui concerne le texte qui nous rassemble aujourd'hui, je forme le voeu que nous aboutissions, une nouvelle fois, à un résultat satisfaisant pour chacune de nos assemblées.

Je précise que notre commission mixte paritaire est saisie de six articles restant en discussion, les articles 1er, 1er bis, 3, 4, 5 et 6. J'indique, enfin, que l'esprit de l'article 45 de la Constitution, qui doit guider nos travaux, implique que si nous parvenons à un texte commun, celui-ci doit pouvoir être adopté par les deux assemblées. Rien ne servirait, en effet, que la commission mixte paritaire adopte un texte qui serait rejeté par l'une ou l'autre assemblée.

Mme Marie-Christine Blandin, vice-présidente. - Les sénateurs qui représentent ici la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat remercient chaleureusement leurs collègues députés de les recevoir. Au Sénat, le débat sur ce texte a été particulièrement constructif et notre rapporteur, M. Jean-Jacques Lozach, y a grandement contribué.

À la suite d'un incident survenu lors d'une dernière commission mixte paritaire, je souhaiterais rappeler qu'il doit y avoir, conformément aux règles qui président à la composition de ces commissions, une parfaite homothétie du nombre de sénateurs et de députés ; le recours à des suppléants ne peut intervenir que dans la mesure où il n'affecte pas l'équilibre politique entre les deux assemblées. Dans les cas, extrêmement rares, où un membre titulaire d'une des deux assemblées ne peut être présent et qu'en plus il n'est pas remplacé par un suppléant, le nombre de représentants de l'autre assemblée doit être réduit d'une unité, et ce dans le respect des équilibres politiques.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - J'observe que nous sommes partis d'une proposition de loi dont l'objet était au départ limité mais dont l'intitulé révélait toute la complexité. Nous avons simplifié ce dernier tout en enrichissant les problématiques abordées par le texte - je pense, bien entendu, à la lutte contre le dopage ou à la situation des agents sportifs.

Les conditions du débat ont, semble-t-il, été différentes d'une assemblée à l'autre, le Sénat ayant disposé de plus de temps pour examiner ce texte et ayant, de ce fait, pu auditionner les acteurs concernés. Cela étant dit, je crois pouvoir affirmer que nous abordons cette réunion dans un esprit ouvert et constructif, comme en témoignent les propositions rédactionnelles soumises de concert avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale à la commission mixte paritaire.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souscris aux derniers propos de mon homologue et propose d'entrer dans le vif du sujet.

M. Pascal Deguilhem, député. - Il convient de souligner que ce texte a beaucoup évolué, ce qui explique d'ailleurs la tenue de cette commission mixte paritaire. Comme le prouvent les différents articles dont nous allons débattre, notamment ceux sur le passeport biologique - des initiatives dont nous nous félicitons -, le texte que nous examinons aujourd'hui n'a plus rien à voir avec son objet initial.

D'une manière générale, les conditions d'examen auxquelles nous avons été confrontés, à travers le recours à la procédure accélérée, que nous regrettons, illustrent la nécessité de donner plus de temps au législateur, ne serait-ce que pour permettre la tenue d'auditions bien utiles. Cela aurait pu être le cas si cette proposition de loi avait pu bénéficier d'une navette parlementaire normale.

Malgré tout, ce texte a été considérablement enrichi et amélioré. Nous-mêmes, nous avions proposé d'enrichir, par des dispositions similaires, la proposition de loi précédente, qui visait à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs, mais nos initiatives s'étaient alors heurtées à une fin de non-recevoir du Gouvernement. Or, à presque un mois d'intervalle, nos propositions réapparaissent à l'occasion de la réunion de cette commission mixte paritaire, ce qui ne peut manquer de poser un problème de cohérence aux yeux des députés SRC. Les voies du Gouvernement sont décidément insondables...

Enfin, nous pensons que même si la rédaction de l'article 1er, telle qu'adoptée par le Sénat, permet des avancées, ses implications réelles mériteraient de faire l'objet d'une réflexion plus approfondie en raison du flou persistant quant à ses incidences pour les pratiquants et le monde sportif.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je comprends les difficultés que vient d'évoquer notre collègue. Elles concernent surtout le passeport biologique, qui n'a jamais posé de sérieux problèmes de fond aux députés de la majorité. Toutefois, il faut rappeler que les attentes - réelles - du monde sportif nous imposaient, le mois dernier, de privilégier un vote conforme sur le texte visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs, adopté le 30 mai 2011 par le Sénat. Depuis lors, la loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs a été publiée au Journal Officiel du 2 février 2012. Encore une fois, il ne nous semblait pas opportun, pour des raisons évidentes de calendrier, d'enrichir un texte attendu par le monde sportif.

Ceci étant rappelé, je crois pouvoir faire part d'une convergence sur le dispositif du passeport biologique. Sur l'ensemble du texte, d'ailleurs, notre approche est devenue commune, à l'exception de l'article 6. Les questions soulevées par ce dernier mériteraient de faire l'objet d'un texte à part entière et la sagesse veut que nous ne nous précipitions pas pour légiférer de nouveau sur l'encadrement des agents sportifs, quelques mois seulement après la promulgation de la loi n° 2010-626 du 9 juin 2010.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - Je partage les interrogations et les doutes de Pascal Deguilhem sur la portée exacte de l'article 1er de la proposition de loi. Au Sénat, nous nous sommes attachés à revenir à la théorie de l'acceptation des risques qui prévalait avant l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010, mais notre dispositif ne règle que très partiellement une problématique complexe. J'observe, en outre, que nous restons dans le flou quant au fonds d'indemnisation des dommages corporels, annoncé par le ministre des sports. Au final, ce texte restera imparfait, faute d'avoir pu être porté par une réelle ambition.

La commission mixte paritaire passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Exonération, pour les pratiquants d'une activité sportive, de la responsabilité sans faute pour les dommages matériels causés dans les lieux dévolus à leur discipline à l'encontre d'autres pratiquants du fait des choses sous leur garde

Conformément à la recommandation des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis
Rapport du Gouvernement au Parlement sur les enjeux et perspectives d'évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive

La commission mixte paritaire est saisie d'une proposition rédactionnelle émanant des deux rapporteurs.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La rédaction proposée vise à préciser les modalités de la concertation devant être menée par le Gouvernement en vue de la remise au Parlement d'un rapport sur les enjeux et perspectives d'évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive. D'une part, cette concertation ne doit pas se limiter au comité national olympique et sportif français mais associer également les parties concernées ; d'autre part, elle doit intervenir préalablement à la remise de ce rapport.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - L'essentiel, c'est qu'il y ait cette concertation élargie au monde sportif et que le régime de responsabilité prévu par le dispositif fasse l'objet d'une évaluation régulière.

M. Pascal Deguilhem, député. - Nous pouvons constater, ici, les effets d'un calendrier contraint. L'examen d'un projet de loi sur un tel sujet nous aurait permis de disposer d'une étude d'impact qui aurait été utile à nos débats. Nous en sommes privés avec cette initiative parlementaire, dont je rappelle que l'objectif initial était d'apporter des solutions aux difficultés rencontrées par une seule fédération sportive - la fédération française du sport automobile pour ne pas la nommer. Il est vrai que l'article prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement sur les enjeux du nouveau régime de responsabilité, ce qui en soi est une bonne chose. Cependant, j'insiste sur le fait que l'examen d'un projet de loi aurait permis au Parlement, grâce à la transmission avant nos débats d'une étude d'impact, de se prononcer de manière plus éclairée sur une telle problématique. Cette situation aurait été bien plus satisfaisante.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis ainsi rédigé.

Article 3
Mise en place du profilage de paramètres biologiques des sportifs dans le cadre de la lutte contre le dopage

M. Pascal Deguilhem, député. - Je voudrais intervenir sur le passeport biologique car c'est quand même ce qui sera retenu de ce texte. Nous y sommes favorables. Toutefois, il convient de remettre certaines choses à leur place. J'ai repris le compte rendu de la discussion générale lors de l'examen en séance, au mois de janvier dernier, de la proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs. Je n'y retrouve pas tout à fait la position défendue aujourd'hui par notre rapporteur. De surcroît, vous évoquiez alors un autre aspect, tenant au budget voté dans la continuité de celui de l'année 2011 et à l'absence des crédits nécessaires pour l'Agence française de lutte contre le dopage. Ceci pose une interrogation quant à la capacité réelle de l'agence d'assurer la mise en place du passeport biologique.

Le ministre des sports semble aujourd'hui se rallier à l'idée de ce passeport, faisant ainsi évoluer dans le bon sens la lutte contre le dopage. Très attachés à la sincérité des compétitions sportives, nous souhaitons que la France soit en première ligne dans ce domaine. Nous avons néanmoins du mal à saisir pourquoi le ministre nous disait il y a un mois que la mise en place du passeport biologique risquerait, les choses n'étant pas tout à fait finalisées en matière scientifique et technique, d'ouvrir trop tôt un champ qui pourrait être utilisé par les tricheurs.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Puisque notre collègue m'invite à un rappel des choses, je confirme que, lors de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs le mois dernier, j'avais exprimé deux réserves à l'égard d'une instauration immédiate du passeport biologique ; je les ai rappelées dans mon propos liminaire. Tout d'abord, nous avions besoin d'avoir un texte conforme à celui voté par le Sénat, dans l'intérêt du monde sportif ; je maintiens ce choix. Ma deuxième réserve était liée aux crédits. Cela dit, dans la rédaction aujourd'hui proposée par le Sénat, il est prévu que l'application commence en juillet 2013 de sorte que le problème des crédits pour l'année 2012 ne se pose pas. J'ajoute que j'ai rencontré récemment M. Bruno Genevois, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage. Il s'est montré formel sur le fait que des crédits supplémentaires n'auraient de toute façon pas été nécessaires pour une mise en application dès 2012.

Au demeurant, je rappelle que le passeport biologique, sur des populations cibles, existe déjà dans notre pays. Nous ne parlons pas ici d'une pure invention. Je n'ai donc aucun état d'âme sur la rédaction proposée puisqu'il n'y aura pas d'incidence budgétaire pour l'année 2012. Il en irait d'ailleurs de même si la mise en application était avancée au 1er janvier 2013 dans la mesure où les crédits pour l'année en cause n'ont pas encore été votés.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - Même si cette pratique existe déjà dans les faits, il est très important pour nous d'introduire dans la loi la création du passeport biologique. Nous sommes en effet tous soucieux d'équité et de sincérité sportives. Cela dit, nous avons préféré prévoir un certain temps pour la mise en place de ce dispositif complexe du point de vue administratif, scientifique, technique ou encore moral, et qui comporte des enjeux aussi bien nationaux qu'européens. Nous avons proposé le 1er juillet 2013 afin également de pouvoir anticiper sur d'éventuels contentieux dans les années à venir. Une grande prudence s'impose dans la mise en place concertée de ce passeport biologique.

M. Christian Kert, président. - Il n'y a pas d'opposition à la rédaction proposée par le Sénat. Nous pouvons donc la retenir.

Conformément à la recommandation des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction du Sénat.

Article 4
Instauration d'un comité de préfiguration du passeport biologique, chargé de remettre au Gouvernement et au Parlement un rapport sur les modalités de mise en place du profil biologique des sportifs

La commission mixte paritaire est saisie d'une proposition rédactionnelle émanant des deux rapporteurs.

M. Pascal Deguilhem, député. - Je souhaiterais juste faire une observation. L'Agence française de lutte contre le dopage est une instance qui doit fonctionner dans la plus grande indépendance. C'est la garantie pour que cette agence ne subisse pas de pressions. Le comité chargé de préfigurer le passeport biologique, dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé des sports, ne devra bien entendu pas être un instrument pour peser sur cette indépendance. Je demande simplement qu'on soit attentif à ce point.

M. Christian Kert, président. - Cette observation est actée. Cette réserve ayant été faite par notre collègue Pascal Deguilhem, il n'y a pas d'opposition. Nous sommes donc d'accord pour adopter l'article 4 ainsi rédigé.

Conformément à la recommandation des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire adopte l'article 4 ainsi rédigé.

Article 5
Procédure disciplinaire et sanctions applicables dans le cadre du profilage des paramètres biologiques des sportifs

La commission mixte paritaire est saisie d'une proposition rédactionnelle émanant des deux rapporteurs.

Conformément à la recommandation des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire adopte l'article 5 ainsi rédigé.

Article 6
Fin de la possibilité pour les clubs de rémunérer les agents de leurs sportifs et entraîneurs

M. Christian Kert, président. - Sur l'article 6, le rapporteur de l'Assemblée nationale considère que le maintien de cette disposition serait inacceptable pour la majorité de l'Assemblée. Dans l'esprit de l'article 45 de la Constitution, il ne nous appartient de constater la réussite de la commission mixte paritaire que si elle aboutit à un texte qui recueille l'accord des deux assemblées. Il nous faut donc consulter les deux rapporteurs.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - Cet article 6 nous renvoie à un texte qui avait déjà été débattu sous la forme d'une proposition de loi. Il y a ici un vrai clivage entre nous. Nous sommes au coeur de cette loi qui remonte à plusieurs mois, c'est-à-dire la question de savoir qui finance les agents sportifs dans notre pays. À notre sens, par souci de transparence, c'est le sportif lui-même qui doit payer son agent. Sinon, on s'expose à des dérives.

Toutefois, nous avons conscience qu'une opposition de notre part sur ces dispositions mettrait en péril tout l'agencement prévu par le présent texte. C'est pourquoi au final nous ne demanderons pas le maintien de cet article 6.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je salue la sagesse du rapporteur du Sénat. Le fond n'est pas forcément divergent entre nous. Je suis peut-être simplement moins allergique aux volumes financiers qui sont générés et qui me paraissent cantonnés au football. En revanche, j'admets qu'une transparence est nécessaire compte tenu des enjeux moraux. Il est vrai également, pour prendre une comparaison, que ce ne sont pas les théâtres qui payent les agents des comédiens.

Ce sujet mérite qu'on y travaille afin d'apporter les clarifications utiles. Les agents ont plusieurs statuts. Il y a divers intervenants. Les avocats jouent également un rôle dans ce domaine. Je les ai d'ailleurs auditionnés dans le cadre d'une autre proposition de loi dont j'avais été le rapporteur. Il s'agit donc d'un vrai sujet sur lequel il faut se pencher. Il est nécessaire en particulier de prendre le temps d'auditionner le monde sportif, que ce soit les clubs, les joueurs, les agents ou encore l'Ordre des avocats.

Au demeurant, je pense que ce qui était envisagé par le Sénat ne permettait pas d'appréhender l'intégralité du problème. Je me réjouis en conséquence que cet article ne soit pas maintenu.

M. Pascal Deguilhem, député. - Le rapporteur du Sénat nous a convaincus et nous nous rallions à sa position alors qu'au départ nous étions réticents à céder sur ce point.

En tout cas, c'est un sujet sur lequel il faudra revenir. Il y a de bons agents sportifs. D'autres pourrissent le système. Le système de paiement par le club, avec des rétrocommissions, est quelque chose d'inacceptable qui se fait au détriment des sportifs. Les voix les plus autorisées le disent. C'est le cas, par exemple, de M. Michel Platini, mais aussi du président du syndicat des joueurs professionnels. La seule solution, en vue de moraliser la situation, est que les joueurs rémunèrent les agents et que le financement par les clubs soit interdit. On sait que les joueurs ne paieront leurs agents que jusqu'à un certain point.

Cela dit, nous nous rallions à la proposition des rapporteurs afin de ne pas faire échouer la commission mixte paritaire.

Conformément à la recommandation des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire supprime l'article 6.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie-Christine Blandin, vice-présidente. - Le Sénat a modifié l'intitulé de la proposition de loi. Nos deux rapporteurs proposent à la commission mixte paritaire d'adopter cette rédaction plus large, qui tient notamment compte des dispositions introduites dans le texte afin de mettre fin à la spéculation sur le prix des titres d'accès aux manifestations culturelles et aux spectacles vivants.

La commission mixte paritaire adopte l'intitulé de la proposition de loi dans la rédaction du Sénat.

M. Éric Berdoati, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je me réjouis d'un travail effectué en bonne intelligence entre nos deux assemblées, qui a permis de consacrer une importante avancée dans le domaine des ventes de titres d'accès aux manifestations culturelles. Cette avancée doit être saluée car on ne peut promouvoir la démocratisation de l'accès aux manifestations sportives et culturelles, sans veiller à ce que soient sanctionnés ceux qui veulent s'enrichir indûment.

Je me félicite également des dispositions relatives au passeport biologique, qui constituent elles aussi une avancée majeure.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat. - Les dispositions relatives à la revente illicite de billets pour des manifestations sportives et culturelles constituent en effet un élément très positif. Elles étaient très attendues car l'article 2 de la présente proposition de loi intervient après pas moins de cinq tentatives législatives.

Ce texte mérite dans l'ensemble une appréciation bienveillante, en dépit des quelques réserves qui peuvent subsister.

M. Christian Kert, président. - Au nom des députés membres de cette commission, je tiens à saluer la participation à nos travaux de notre collègue Muriel Marland-Militello, dont c'était la dernière commission mixte paritaire puisqu'elle ne se représente pas à un nouveau mandat de député lors des élections législatives de juin prochain.

La commission mixte paritaire adopte à l'unanimité l'ensemble du texte ainsi élaboré.