Jeudi 16 mai 2013

- Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente -

Femmes et culture - Audition de Mme Karine Saporta, chorégraphe, présidente fondatrice de l'Association des Centres chorégraphiques nationaux, présidente de la commission Danse et vice-présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

La délégation procède tout d'abord à l'audition de Mme Karine Saporta, chorégraphe, présidente fondatrice de l'Association des Centres chorégraphiques nationaux, présidente de la commission Danse et vice-présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Dans le cadre de nos travaux sur la place des « Femmes dans le secteur de la culture », nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Karine Saporta, chorégraphe.

Mme Saporta connaît parfaitement le monde de la danse : elle a fondé sa propre compagnie et a également dirigé, jusqu'en 2004, le Centre chorégraphique national de Caen/Basse-Normandie ; elle est la présidente fondatrice de l'Association des centres chorégraphiques nationaux ; elle préside la commission Danse de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), dont elle est également vice-présidente.

Son approche de la danse est très variée : elle a réalisé la chorégraphie d'un opéra de Lully pour l'inauguration du nouvel opéra de Lyon, mais elle s'intéresse aussi depuis 1996 aux cultures « urbaines » et au hip-hop.

Sa biographie indique qu'elle s'est aussi produite comme chanteuse et qu'elle mène également des travaux en direction de la photographie et du cinéma.

Nous sommes donc très heureux de pouvoir aujourd'hui recueillir votre point de vue sur la place des femmes dans le secteur de la culture et, plus particulièrement, dans celui de la danse.

Les auditions que nous avons déjà conduites nous ont permis de dresser un tableau très préoccupant dans les divers secteurs que nous avons étudiés, qu'il s'agisse de l'accès à des postes de direction ou à des responsabilités d'ordre artistique et créatif, sans parler des aspects peu reluisants d'un harcèlement sexiste, pour ne pas dire davantage, qui semble beaucoup plus répandu qu'on ne voudrait le croire dans les milieux artistiques.

Cette mainmise masculine se retrouve-t-elle dans les milieux de la danse où les femmes sont cependant très présentes ?

Mme Karine Saporta, chorégraphe, présidente fondatrice de l'Association des Centres chorégraphiques nationaux, présidente de la commission Danse et vice-présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). - J'ai choisi de consacrer mon exposé à la place des femmes créatrices, c'est-à-dire chorégraphes, aujourd'hui, dans la danse. Même si je n'ignore pas les autres problématiques - en particulier la question de l'accès aux responsabilités - j'estime que la situation des artistes est la plus préoccupante dans ce secteur.

Je commencerai par situer cette question dans une perspective historique.

Longtemps considérées comme des prostituées, et ce dans toutes les cultures ayant développé un art de la danse savant : en Europe, en Inde, en Asie, au Moyen Orient... les femmes ayant fait le choix de s'exprimer à travers leur corps ont eu à subir des traitements portant atteinte à leur dignité, voire à leur intégrité physique.

Plus près de nous, en France au XIXème siècle, les ballerines, se produisant non pas au cabaret mais à l'Opéra de Paris, se trouvaient être financièrement dépendantes de leur protecteur, pour la simple raison qu'elles ne gagnaient pas leur vie avec leur métier. Métier qu'elles exerçaient pourtant dans des conditions de souffrance et de danger extrêmes. Tout était organisé - par la direction de l'Opéra même - pour que les « bourgeois » de l'époque puissent accéder avant les spectacles à une certaine proximité avec les danseuses qui s'échauffaient dans le foyer des abonnés. Ce système que l'on pourrait taxer sans exagérément forcer le trait d'« esclavagiste » ne pouvait en effet se perpétuer qu'à la condition que « protecteurs » et « protégées » puissent continuer librement « d'échanger » leurs services. Les « protecteurs » se devaient généralement d'installer leurs danseuses dans « leurs meubles », c'est-à-dire de leur assurer un logement et de les entretenir. Il y avait bien, de temps en temps, des soulèvements dans les rangs du corps de ballet, peut-être ceux-ci survenaient-ils à l'occasion de l'un de ces accidents hélas multiples où des danseuses pouvaient périr brûlées vives, le tulle des tutus étant particulièrement inflammable au contact de la flamme des bougies qui éclairaient les plateaux de l'époque. Ces rébellions étaient réprimées de la manière la plus simple qui soit : les artistes frondeuses devaient quitter l'établissement sur le champ et l'on raconte qu'il arrivait au directeur de remplacer les ballerines au pied levé, si je puis dire, en descendant dans la rue chercher de très jolies péripatéticiennes - dont le quartier s'étendant jusqu'à la jusqu'à la rue Godot-de-Mauroy ne manquait pas - pour renflouer les rangs du corps de ballet.

Je souhaiterais montrer ici la manière dont, au début du XXème siècle, sous l'impulsion émancipatrice des premiers courants féministes intellectuels parfois lesbiens, l'idée d'une révolution possible du statut du corps des femmes se fait jour favorisant l'émergence d'une forme totalement moderne d'expression dansée. Ce sont majoritairement des femmes qui, en marge des courants classiques puis néoclassiques du siècle passé, opèrent une mutation des fondements-mêmes de l'art chorégraphique : Isadora Duncan, bien sûr, Loïe Fuller, Martha Graham, Doris Humphrey, Agnès de Mille, Katherine Dunham, pour citer quelques-unes des très célèbres pionnières américaines, Mary Wigman en Allemagne... suivies plus tard dans le siècle par bien d'autres dont, plus près de nous, des auteures chorégraphes comme Jennifer Muller, Carolyn Carlson, Pina Baush... jusqu'à cette fameuse génération des années 1980 déterminée très jeune à opposer - pour la première fois en France - au style néoclassique dominant incarné par des chorégraphes masculins, une danse moderne toute autre.

Pour mieux comprendre la redoutable régression dont nous sommes aujourd'hui victimes, nous femmes chorégraphes en Europe et en France en particulier, il me semble intéressant d'évoquer brièvement ce que la création chorégraphique des pionnières de la danse moderne apporte de révolutionnaire à un art dit « classique ». Lequel, en réalité, est un art romantique et post-romantique, héritier des styles baroques, des danses de cour, des danses populaires.

C'est dans le contenu même des oeuvres et des démarches des auteures femmes que résident, selon moi, les raisons du déchaînement récent, sournois mais manifeste, du milieu contre les chorégraphes femmes. Face à la rigidité académique et aux connotations bourgeoises « consensuelles » instaurées par les sociétés européennes du XIXème siècle, les pionnières, Isadora Duncan en tête, prônent la libération du corps et du désir, la révélation des tréfonds de l'inconscient dans le mouvement dansé, le lyrisme et « l'affleurement » des émotions au détriment de la forme ou du code. Martha Graham ose deux formules devenues célèbres « on danse avec son vagin » et « le mouvement ne ment pas ». La danse part du centre du corps, du bassin, du ventre, des entrailles... Elle est plus dionysiaque qu'apollinienne. Elle séduit alors cette partie de la société ouverte à des transformations artistiques et esthétiques profondes en peinture, en littérature, en musique. Cette nouvelle forme d'expression par le corps est porteuse d'énergie, de vitalité, d'aspiration à la liberté. Elle ouvre l'imaginaire. Elle sera tout au long de l'histoire du XXème siècle parfaitement en phase avec ces moments où les artistes sont mis à l'honneur pour ce qu'ils communiquent à l'ensemble de la société de sensibilité, de fragilité, de déraison, de ... féminin peut-être. Elle sera condamnée et réprouvée partout et à tous ces moments où les blocages politico-institutionnels dominent la société.

La dernière page de l'histoire du siècle passé, propice à l'évolution des mentalités comme aux mutations dans les domaines de l'art et de la culture, remonte aux années 1980-1990 - ce qui correspond en France à la période Mitterrand-Lang -. Or, c'est à ce moment-là que se produit ce que l'on a très vite nommé « l'explosion de la danse contemporaine française ».

Les chorégraphes emblématiques de ce phénomène en France sont tous extrêmement jeunes lorsqu'ils se font connaître. Les femmes sont particulièrement nombreuses et remarquables au sein de ce qui s'impose comme un mouvement artistique dont l'importance semble comparable à celle de la « Nouvelle Vague » cinématographique des années 1960. La période pionnière est marquée par deux femmes, Carolyn Carlson et Maguy Marin, suivies de près par deux chorégraphes masculins, Dominique Bagouet et Jean-Claude Galotta. Puis de nouvelles élues - dont je fais partie avec Régine Chopinot, Odile Duboc, Catherine Diverrès, Mathilde Monnier pour ne citer que les plus célèbres - apparaissent sur la scène chorégraphique française. Notre image est extraordinairement valorisée sur la scène médiatique. Nous faisons la couverture des plus grands journaux, participons aux émissions de télévision et de radio les plus en vue. Nous sommes régulièrement consultées sur les questions de société qui font débat. Bref nous devenons enfin de véritables références intellectuelles et artistiques. Et ce infiniment plus que nos homologues masculins.

Le phénomène se produit à un moindre degré ailleurs en Europe. La danse belge, en particulier flamande, voit émerger ses propres stars.

La création chorégraphique allemande est aussi incarnée - exclusivement - par des femmes. Elle produit, aux côtés de Pina Baush qui devient le monstre sacré que l'on sait, des chorégraphes telles que Susanna Linke ou Reinhild Hoffman.

Le phénomène commence à s'inverser au milieu des années 1990. Issus des compagnies fondées par des femmes, les chorégraphes qui deviennent les valeurs montantes sont, non pas majoritairement, mais exclusivement des hommes. Depuis lors plus aucune femme en Europe - à l'exception de Sasha Waltz très rapidement maltraitée par l'institution : elle ne fait qu'un bref passage à la Schaubühne à Berlin - n'accède à un niveau de visibilité honorable.

A l'inverse des chorégraphes femmes, les chorégraphes masculins affichent une démarche plutôt cynique ou distanciée. Conceptuelle à l'extrême chez certains, elle marque très nettement un retour aux codes chez les autres : codes du néoclassique ou encore du hip-hop. Quoiqu'il en soit, l'érotisme qui émane de leur danse est très nettement masculin : avec des danseurs dont la désinvolture ou la technicité selon les cas est bien moulée dans un corps musclé ou fluide. Cette invasion subite par les chorégraphes masculins n'aurait en soi rien de négatif - bien au contraire - si elle n'allait sournoisement de pair avec l'éviction des femmes au cas par cas, parfois féroce et brutale, de l'institution comme des programmations. Le milieu se retrouve soudain structuré par des programmateurs et des décideurs au plus haut niveau - Délégation à la danse au ministère de la Culture, conseillers danse dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), responsables de la danse au sein de certaines collectivités importantes - très majoritairement masculins. Il se déchaîne littéralement contre certaines. La sortie de l'institution se produit parfois en un temps record : elle peut prendre des formes d'une violence inouïe. C'est le cas à Marseille pour Marie-Claude Pietragalla, à Roubaix pour Maryse Delente pour ne citer que les exemples les plus terrifiants. Pour les autres, la sortie se négocie plus discrètement, mais la souffrance s'installe, d'autant plus lancinante que le discrédit jeté sur les « sorcières » semble irréversible : Catherine Diverrès, Emmanuelle Huynh récemment. Il faut être habitée par la foi de la « charbonnière » pour ne pas se laisser anéantir. Ceux qui font la loi font aussi la rumeur : il ne fait pas bon dénoncer le fait que ces personnalités, dont le pouvoir est immense, sont majoritairement des hommes. Qu'ils sont, de fait, plus sensibles au charme et à la sensibilité qui émane de l'écriture chorégraphique des hommes pour des raisons toutes subjectives que l'on peut parfaitement comprendre.

Le phénomène de régression que nous vivons correspond-il à un effet à retardement dans notre milieu de la bombe du sida ? La maladie aurait-elle eu pour effet de resserrer les liens entre les rescapés ? Cette théorie n'est pas à exclure tant les déflagrations ont été meurtrières, dans la danse en particulier.

Quoiqu'il en soit, le champ de bataille est aujourd'hui jonché de victimes féminines et il s'agit de les relever, de cesser aussi l'hécatombe, de permettre au milieu de se prémunir contre des difficultés prévisibles toutes celles, plus jeunes, qui tentent aujourd'hui de construire une démarche singulière.

Nous le savons, seuls les chorégraphes masculins sont maintenus à la tête des institutions parmi les arrivants des années 1980 et 1990. En outre, leur subvention n'a pas été entamée par les problèmes budgétaires dont les femmes ont fait gravement les frais.

Nombreuses sont celles qui ayant subi un traitement injuste et humiliant, ne se remettront pas de la violence qui leur a été faite. Mais il n'est pas trop tard pour réagir. Cela semble en revanche urgent. Urgent de ne pas laisser se perdre des oeuvres et des démarches encore vivantes et importantes aux yeux de l'histoire. Urgent de permettre aux jeunes femmes qui ont beaucoup à faire et à dire à travers l'expression du corps d'influer par leur création sur le corps social dans son ensemble.

La régression est d'autant plus affligeante que le progrès avait été symboliquement éclatant et idéologiquement important. Ce qui est en jeu, c'est la représentation du corps des femmes, la représentation du corps par les femmes, la représentation du monde à travers le geste créateur ... féminin.

Il est urgent de dénoncer, d'affirmer que nous ne voulons pas retourner à l'époque où nous pouvions être brûlées vives, prostituées... pour finir oubliées ou réduites à la pauvreté extrême à l'âge où la séduction des hommes s'avère un gagne-pain impossible.

Les femmes chorégraphes sont des auteures à part entière, leur créativité ne peut se mesurer à l'aune de leur jeunesse. A l'instar des grands écrivains, des grands plasticiens, des grands chorégraphes masculins dont personne ne conteste la légitimité lorsque leur propre corps change ou vieillit, le talent des femmes chorégraphes ne peut s'évaluer en fonction de leur aptitude à être sexuellement consommables.

Il se pourrait que des signes avant-coureurs de la régression d'une société à l'égard de ces questions soient aujourd'hui à l'oeuvre dans notre champ d'expression, ce qui rendrait d'autant plus nécessaire le fait de réagir et de continuer à défendre notre place au sein d'un art que les interdits et les rigidités des sociétés précédentes nous avaient déjà rendu trop cruel.

Des mesures s'imposent : pour restaurer le statut des créatrices dans la danse, il importe de leur donner des moyens. Il m'apparaît que le ministère de la Culture et de la Communication n'ayant pas vocation à défendre prioritairement les femmes, il serait important que soit passé un accord interministériel ou que des dispositifs soient créés au sein de la délégation aux droits des femmes.

L'enjeu le mérite, il s'agit là non seulement d'une forme d'expression mais du statut du corps des femmes.

Étant donnée l'urgence extrême, il me semble donc important de mettre en place :

- un fonds de soutien temporaire permettant à des chorégraphes « historiques » en péril et à de jeunes auteures aussi particulièrement menacées de prendre le temps de faire face à des difficultés graves : en un mot de ne pas disparaître ;

- un observatoire composé exclusivement de femmes chorégraphes : lequel serait systématiquement impliqué dans les décisions de la délégation à la danse ;

- un festival permettant de mettre en lumière la spécificité des auteures-chorégraphes et de leur redonner une visibilité importante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Votre exposé est effroyable, mais il a le mérite de nous rappeler que rien n'est jamais acquis et qu'il faut rester extrêmement vigilant.

J'ai particulièrement apprécié ce que vous avez dit sur la « déraison » qui serait l'apanage des femmes, mais dont on omet de dire qu'elle permet la transgression, porteuse d'émancipation pour l'ensemble de la société.

Dans l'historique que vous avez tracé, je retiens une évolution positive de la place des femmes artistes dans la danse, dont le corps a d'abord été traité comme une marchandise, qu'on ne rémunère même pas, puis qu'on considère progressivement en tant qu'artiste, avant la rupture brutale que vous datez des années 1990.

Comment expliquez-vous cette rupture et quels en sont les facteurs ?

Concernant l'urgence de la situation, nous en sommes pleinement conscients : c'est au cours d'une audition menée dans le cadre de notre précédent rapport « Femmes et travail » que les représentants des institutions publiques dans le secteur du spectacle vivant nous ont donné l'alerte, et nous ont convaincus de consacrer nos travaux à ce sujet.

Alors, quels sont les leviers d'action face à de telles situations ?

Mme Michelle Meunier. - Au fil des auditions, nous « découvrons » des situations catastrophiques, que ce soit dans la musique, le théâtre ou la danse.

Dans mon département, la Loire-Atlantique, je peux moi-même constater la régression dont vous nous parlez. Ainsi, depuis l'installation il y a vingt ans, au centre chorégraphique national de Nantes, de la co-direction de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, il me semble qu'on voit de moins en moins de pièces chorégraphiées et dansées par des femmes.

Quant à la régression des années 1990, il me semble qu'elle tient en partie à l'essoufflement des mouvements féministes des années « post-68 », mais je suis intéressée par votre point de vue sur ce sujet.

Mme Maryvonne Blondin. - Votre intervention nous confirme la gravité d'une situation que l'on nous présente sous un jour très sombre depuis le commencement de nos travaux. Mais vous y ajoutez un élément nouveau avec le constat d'une régression forte de la place des femmes chorégraphes depuis le début des années 1990.

Au contraire, dans d'autres disciplines, on entend parler de l'émergence d'une nouvelle génération de femmes créatrices ou à la tête des institutions culturelles. Pourquoi en va-t-il différemment pour les femmes chorégraphes ? Qu'en est-il également du sort réservé aux danseuses, au corps de ballet ? Le langage courant véhicule une image très singulière de ces artistes qui fait écho à vos propos : on emploie le terme de « danseuse » pour désigner, dans le langage courant, la maîtresse d'un homme connu ou un hobby masculin : on entend dire « c'est sa danseuse » en parlant de la passion d'un homme pour l'automobile par exemple.

Mme Françoise Laborde. - Ce que nous venons d'entendre nous laisse en effet « sous le choc », en particulier s'agissant du sort réservé à la génération des chorégraphes des années 1980, les « anciennes ».

Étant sénatrice de Haute-Garonne, la salle de spectacle dont je m'occupe à Blagnac travaille traditionnellement tant avec des jeunes chorégraphes, comme Blanca Li, qu'avec des chorégraphes plus âgées, comme Germaine Acogny. Cette dernière travaille beaucoup au Sénégal et, en vous entendant, je m'aperçois qu'en effet la plupart des danseurs avec lesquels elle travaille sont des hommes.

Vous nous faites prendre conscience d'une situation des femmes dans la danse bien plus catastrophique que ce qu'on aurait pu penser. Que peut-on concrètement faire pour remédier à cette situation ?

Mme Gisèle Printz. - Je connais peu le monde de la danse, mais je constate que dans ce secteur où les femmes sont réputées être majoritaires, les hommes ont peur de perdre le pouvoir et s'efforcent de leur reprendre les places qu'elles ont chèrement gagnées, de façon à se retrouver, en quelque sorte, « entre eux ».

Tout ceci s'inscrit dans une tendance générale de monopolisation des institutions par les hommes.

Mme Karine Saporta. - Merci d'avoir pris pour exemple les chorégraphes Claude Brumachon et Benjamin Lamarche à Nantes, d'une part, et d'autre part Blanca Li, parce qu'ils ont des parcours et des trajectoires très caractéristiques.

Pour les premiers, que je connais bien pour avoir travaillé avec eux, ils ont été nommés à Nantes en 1985. Trente ans plus tard, ils sont encore à la tête de cette institution ! Il en va de même pour Jean-Claude Gallotta, nommé à la tête du centre chorégraphique national de Grenoble en 1986.

Je ne connais aucune femme qui ait été nommée dans ces années-là et qui soit encore en poste aujourd'hui...

En ce qui concerne Blanca Li, avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises, l'ensemble des subventions publiques qui lui ont été accordées en treize ans de carrière s'élève à environ 13 000 euros, ce qui rend le travail impossible !

Jamais retenue par les commissions d'experts, la compagnie de Blanca Li a tout de même suscité l'intérêt du directeur de la Maison des arts de Créteil, Didier Fusillier, qui l'a programmée à diverses reprises. La qualité de son travail a convaincu le maire de Créteil de la possibilité de lui confier la direction du centre chorégraphique national.

Comme cela se fait traditionnellement, un appel d'offres a été lancé. Mais la violence suscitée par la candidature de Blanca Li, venant notamment des représentants de l'État, a abouti à l'annulation de la première procédure, à la suite de laquelle un second appel d'offres a dû être lancé, pour lequel Blanca a de nouveau fait acte de candidature.

Le résultat de la procédure a été édifiant. L'État a nommé un homme à la tête du centre chorégraphique national de Créteil, réservant à Blanca Li une place indéterminée (co-direction ? artiste associée ?) dont les conditions d'exercice paralysaient totalement le travail. Bien sûr, un an après, Blanca Li avait quitté le centre chorégraphique national de Créteil.

Or, la notoriété et la qualité du travail de cette chorégraphe n'ont plus à être prouvées. Elle a travaillé avec les plus grands, parmi lesquels Almodovar, elle a réalisé des films diffusés dans les festivals de cinéma... Alors qu'est-ce qui explique la violence déchaînée contre elle ?

Tous les arguments utilisés contre elle - notamment tenant au fait qu'elle ferait de la danse « populaire » - ne sont pas tenables. Plus profondément, je pense que la révolution esthétique et symbolique qu'a suscitée la danse contemporaine dans le paysage chorégraphique dominé par le néo-classicisme a profondément dérangé le milieu « professionnel ».

Alors que le public, curieux, remplit les salles, on entend les conseillers du ministère ou de la délégation à la danse qualifier notre travail d'« excessif », de « singulier » ou d'« inutilement provocateur ».

Il n'est pas neutre, à cet égard, de constater que les nouveaux chorégraphes hommes proposent de la danse « codée », que ce soit le « hip hop » ou le néo-classicisme. De nombreux centres chorégraphiques nationaux accueillent aujourd'hui des compagnies de « répertoire » ou néo-classiques. Même Angelin Prejlocaj, dont le travail au sein du centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence est remarquable depuis plus de vingt ans, « flirte » aujourd'hui avec le néo-classicisme.

En résumé, pour être aujourd'hui accepté dans l'institution, il vaut mieux ne pas trop bousculer les esthétiques et ne pas être une femme.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Comment peut-on faire évoluer les pratiques qui existent dans le domaine de la danse afin d'améliorer le sort des femmes chorégraphes et des danseuses ?

Mme Karine Saporta. - Il faut tout d'abord opérer un constat lucide et quitte à paraître un peu radicale, je milite pour l'introduction de quotas visant à accroître la représentation des femmes dans les institutions chorégraphiques.

L'argent demeurant le nerf de la guerre, on pourrait envisager aussi la création de fonds d'aide spécifiques destinés à promouvoir les créations de chorégraphes féminines, en participant au financement de leurs équipes artistique, administrative, technique et les locaux de leur compagnie.

La délégation à la danse du sein du ministère de la Culture et de la Communication pourrait piloter un dispositif spécifique pour aider ou compléter les fonds non attribués par celui-ci afin que l'oeuvre et les acquis des femmes chorégraphes ayant marqué la création chorégraphique, je pense notamment à Mathilde Monnier et à Régine Chopinot, ne soient pas oubliés et qu'elles puissent aussi continuer à créer après leur départ de l'institution.

Ce dispositif devrait aussi permettre à des nouvelles chorégraphes talentueuses d'émerger. J'en connais beaucoup de fascinantes à la parole très engagée, impliquées avec une forte présence charnelle que je programme d'ailleurs au sein d'une structure, « le dansoir », et qui méritent toutes d'être soutenues.

Je propose aussi de créer un observatoire dont les membres seraient principalement des femmes chorégraphes et pas seulement des représentantes de la sphère politique ou administrative afin qu'elles puissent s'exprimer, parler, dénoncer, observer et veiller à ce que les femmes soient justement représentées dans les institutions chorégraphiques.

A défaut d'être sélectionnées pour le festival de Cannes, les femmes dans la profession du cinéma font connaître leurs oeuvres lors du festival de films de femmes de Créteil.

Une manifestation semblable dans le domaine chorégraphique, vitrine des créations des femmes chorégraphes, pourrait être organisée quelques jours par an pour un coût limité, en ces temps de budgets contraints.

Ces trois idées concrètes demandent cependant une volonté politique pour voir le jour.

Mme Gisèle Printz. - Quelle est la situation des femmes dans le milieu de la danse dans les autres pays ?

Mme Karine Saporta. - Je vais commencer par la situation de la danse en Belgique, où l'art chorégraphique est l'un des plus vivants d'Europe.

La situation y est similaire à la France, les femmes chorégraphes reconnues sont apparues à la même « grande période » : Anne Teresa De Keersmaeker, Michèle Anne De Mey et Michèle Noiret, trois femmes qui cependant n'ont pas été exclues et continuent d'être soutenues.

Mais tous les chorégraphes flamands qui sont apparus depuis le milieu des années 1990 sont des hommes : Alain Platel, Jan Fabre, Sidi Larbi Cherkaoui ; ils sont programmés dans l'ensemble des grands festivals de danse et de spectacle vivant, dont le festival d'Avignon.

En Europe, une seule femme a émergé depuis cette période, Sasha Waltz, très bien diffusée et soutenue pendant une dizaine d'années, mais sa carrière a depuis subi une éclipse, y compris en Allemagne ; s'il existe de nombreuses femmes chorégraphes, peu sont soutenues et reconnues.

Aux États-Unis, la situation est terrible depuis l'arrivée au pouvoir de l'administration Reagan, au début des années 1980 ; celle-ci a porté un coup d'arrêt fatal à la danse contemporaine américaine jadis brillantissime ; la présentation d'oeuvres artistiques a beaucoup souffert des interdits portant sur les représentations de l'homosexualité ; l'herbe n'a pas repoussé depuis.

En Asie, on trouve surtout des ballets plutôt classiques ou néo-classiques, tous dirigés par des hommes.

Je n'ai malheureusement pas d'exemples très encourageants à vous donner.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Vous évoquiez tout à l'heure la situation des femmes au sein du ballet russe du Bolchoï, pourriez-vous nous en dire plus ?

Mme Karine Saporta. - Les danseuses russes qui travaillent au Bolchoï sont fortement encouragées à trouver des moyens étrangers à la danse pour survivre et sont très exposées.

Nous essayons d'obtenir des informations plus précises sur les problèmes de rémunération et je cherche à me faire communiquer la grille des salaires pratiqués dans le corps de ballet du Bolchoï.

Je m'interroge, d'une façon générale, sur la mainmise des hommes sur le milieu de la danse. Parmi les hypothèses à envisager, je crois qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact de l'épidémie de sida qui, en décimant un milieu où l'homosexualité masculine est présente et affichée - contrairement à une homosexualité féminine encore frappée d'un certain interdit - l'a amené à « resserrer les rangs ».

Tout cela a pu influencer les choix, inévitablement subjectifs, des programmateurs, des responsables culturels de certaines collectivités territoriales ou de ceux de la délégation à la danse du ministère de la Culture qui n'est plus constitué de femmes comme cela avait pu être le cas dans le passé.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Pourriez-vous nous rappeler l'historique de cette délégation à la danse ?

Mme Karine Saporta. - La délégation à la danse a été fondée par une femme remarquable vers la fin des années 1980, Brigitte Lefèvre, qui a été ensuite longtemps directrice de la danse à l'Opéra de Paris et a encouragé l'activité créatrice des femmes dans le domaine de la danse. Anne Fischer lui a ensuite succédé et a continué son travail en soutenant la nomination des femmes à la tête des centres chorégraphiques nationaux. Puis ce fut un homme, Didier Deschamps, qui fut ensuite nommé à la direction du centre chorégraphique national de Nancy, puis au théâtre national de Chaillot.

Depuis lors, plus aucune femme n'a été nommée au poste de délégué à la danse ce qui conduit à favoriser quasi systématiquement les chorégraphes masculins.

La direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France a une femme à sa tête mais, en revanche, les secteurs de la danse et de la musique y sont confiés à des hommes, et les conseillers danse sont aussi, le plus souvent, des hommes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - On voit bien comment le fait que les femmes n'accèdent pas aux postes de responsabilité peut ensuite constituer une entrave à l'expression des créatrices.

Mme Gisèle Printz. - La nomination d'une femme ministre de la Culture et de la Communication a-t-elle changé la donne ?

Mme Karine Saporta. - Nous ne pouvons que nous en réjouir mais inverser la tendance est difficile, d'autant que, je l'ai rappelé tout à l'heure, la danse n'est pas le secteur le plus médiatisé des activités culturelles.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Le tableau que vous nous avez présenté nous paraît effarant mais la précision de votre constat et la force de vos exemples nous aideront à formuler des recommandations.

Madame, je vous remercie de votre participation à cette audition.

Enseignement supérieur et recherche - Nomination d'un rapporteur

La délégation procède ensuite à la nomination d'un rapporteur sur les dispositions du projet de loi n° 835 (AN, XIVème législature) relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, sous réserve de sa saisine par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - A ma demande, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication va nous saisir du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Ce texte comporte des dispositions intéressantes destinées à garantir un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes dans la gouvernance des universités et, d'une façon générale, des établissements d'enseignement supérieur. Il peut être aussi l'occasion pour nous de rappeler la préoccupation que nous avons exprimée dans notre rapport « Femmes et travail » pour que le système éducatif s'attache à remédier aux biais qui existent aujourd'hui en matière d'orientation.

J'ai reçu la candidature de Mme Françoise Laborde, vice-présidente de notre délégation.

Y a-t-il d'autres candidatures ?

Je vous propose donc de confier à Françoise Laborde la responsabilité d'être notre rapporteure.

Mme Françoise Laborde est désignée à l'unanimité rapporteure sur les dispositions du projet de loi n° 835 (AN, XIVème législature) relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (sous réserve de la saisine de la délégation par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission au Sénat).

Mme Françoise Laborde. - Je vous ferai connaître les dates des auditions auxquelles je procéderai en qualité de rapporteure, de façon à ce que les membres de notre délégation qui le souhaiteraient puissent y assister.

 Adaptation du droit français au droit de l'Union européenne dans le domaine de la justice - Examen du rapport d'information

La délégation procède enfin à l'examen du rapport d'information et des recommandations de Mme Maryvonne Blondin, rapporteure, sur les dispositions du projet de loi n° 582 (2012-2013) (procédure accélérée) portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, dont la délégation a été saisie par la commission des Lois.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - La commission des lois nous a saisis le 10 avril 2013 sur le projet de loi n° 736 rectifié (14ème législature) (procédure accélérée) portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France.

Dans ce texte, deux séries de dispositions intéressent directement notre délégation : celles qui transposent la directive européenne de 2011 sur la prévention de la traite des êtres humains et celles qui adaptent notre législation à la Convention d'Istanbul, une convention adoptée par le Conseil de l'Europe en mai 2011 et qui porte sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique.

Je passe la parole à Maryvonne Blondin, notre rapporteure, pour qu'elle nous présente son rapport et ses recommandations.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure. - La délégation aux droits des femmes a été saisie le 10 avril 2013 par notre commission des Lois du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Deux chapitres l'intéressent plus particulièrement :

- le chapitre premier qui transpose la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, et

- le chapitre XI qui adapte la législation française à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011. J'observe que la France n'a pas encore soumis cette convention à l'approbation du Parlement. Le Gouvernement a jugé rationnel d'en adapter les dispositions pénales en droit interne préalablement.

L'Assemblée nationale vient hier d'adopter ce texte.

Pour préparer mon rapport, j'ai entendu la direction générale de la police nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale, et deux associations spécialisées : l'association « Voix de femmes », et le dispositif national Accueil-Sécurisé (AC-SE), qui ont l'expérience de l'aide aux victimes. J'ai par ailleurs interrogé par écrit la direction de l'action criminelle et des grâces du ministère de la justice. Tous se montrent disponibles et motivés, malgré les difficultés de ces sujets.

La traite des êtres humains et les violences faites aux femmes sont deux sujets connexes et bien souvent imbriqués, des fléaux mondiaux aux ramifications internationales, qui nécessitent à la fois une intense coopération policière et judiciaire et une réponse pénale adaptée en droit interne. Nous nous sommes penchés à de nombreuses reprises sur ces thèmes.

Les modifications de notre droit interne induites par ces textes internationaux sont d'ampleur assez modeste, car notre arsenal pénal est pour l'essentiel déjà conforme à nos engagements vis-à-vis de nos partenaires.

Elles comportent néanmoins des avancées qui doivent avoir pour effet, en assouplissant et en élargissant la définition des faits en cause, de faciliter leur établissement par les services judiciaires, et par voie de conséquence d'améliorer leur prévention et leur répression. Elles faciliteront aussi la coopération internationale, fondamentale sur ces sujets, de nombreux États se dotant du même ordonnancement juridique en ces matières.

J'aborderai en premier lieu la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains.

En France, les victimes de traite des êtres humains sont à 80 % étrangères. L'exploitation sexuelle est en cause dans 80 % des cas également.

Les principaux pays de provenance sont la Roumanie, la Bulgarie, le Nigéria, le Brésil, l'Équateur et la Chine.

En matière de traite des êtres humains, il est essentiel de frapper les trafiquants au portefeuille, les forces de l'ordre françaises développent donc systématiquement les recherches visant à identifier et à saisir les avoirs criminels.

La répression de la traite des êtres humains rencontre des difficultés de plusieurs natures, certaines sont matérielles, mais d'autres sont juridiques.

La coopération progresse au sein de l'Union européenne, en particulier avec la Roumanie et la Bulgarie, qui sont les États membres principalement concernés. Mais certains États ne coopèrent pas. La Russie et le Nigéria par exemple, ne répondent pas aux demandes d'entraide de la France.

La détection et la protection des victimes sont également difficiles, car celles-ci sont bien souvent en situation irrégulière, et sont souvent amenées à commettre elles aussi des actes de délinquance forcée, le vol notamment.

Le principal problème juridique rencontré est celui de l'établissement de la preuve de l'infraction par les enquêteurs.

L'infraction de traite des êtres humains n'est retenue que dans à peu près 10 % des cas où elle pourrait l'être, les services préférant recourir à la seule qualification de proxénétisme, plus facile à établir.

Dans le droit actuel il faut en effet établir à la fois l'existence de menaces, contraintes, violences ou autres sur la victime et la recherche d'un profit financier de la part du trafiquant, l'un des deux types d'éléments ne pouvant suffire à lui seul.

Par ailleurs notre droit ne prévoit actuellement pas de lier la traite à l'esclavage ou au prélèvement d'organe, ce qui impose dans ces deux derniers cas de recourir à d'autres qualifications criminelles même lorsque, ce qui est le plus souvent le cas, ces crimes sont commis dans le cadre d'un trafic organisé d'êtres humains.

La directive et le présent projet de loi tendent à remédier à ces lacunes.

La directive du 5 avril 2011 concernant la traite des êtres humains remplace une décision-cadre du 19 juillet 2002, qui était le premier texte de l'Union européenne à coordonner les politiques de lutte contre la traite.

Un coordinateur national à la lutte contre la traite des êtres humains a été récemment nommé, au sein de la Mission interministérielle à la protection des femmes contre les violences (MIPROF). Il s'agit d'un lieutenant-colonel de gendarmerie.

Je vous renvoie au rapport écrit pour le détail des dispositions de la directive.

La définition de la traite adoptée par la directive est plus large que celle qui prévalait auparavant. Elle englobe notamment l'exploitation d'activités criminelles et le prélèvement d'organes. Les niveaux de sanction sont aggravés : l'infraction principale doit être punie d'une peine maximale d'au moins cinq ans d'emprisonnement et de dix ans dans certaines circonstances aggravantes.

La directive préconise en outre des moyens de procédure facilitant la poursuite de ces crimes et délits.

Les enquêtes ou les poursuites ne doivent pas dépendre de la plainte ou de l'accusation émanant d'une victime. Les victimes, lorsqu'elles ont-elles-mêmes commis des délits, peuvent ne pas être poursuivies. Des outils d'investigations puissants, similaires à ceux utilisés dans les affaires de criminalité organisée doivent être mis à la disposition des autorités.

En raison du caractère souvent international de ces phénomènes, et pour les combattre plus efficacement, les États membres doivent établir leur compétence à l'égard des infractions commises en tout ou partie sur leur territoire ou lorsque l'auteur de l'infraction est l'un de leurs ressortissants. L'engagement des poursuites ne doit pas être conditionné à une dénonciation de l'État sur le territoire duquel l'infraction a été commise.

Des dispositions spécifiques sont prévues en matière d'aide et d'assistance aux victimes.

La directive devait être transposée dans le droit interne des États membres au plus tard le 6 avril 2013. On peut considérer qu'il n'y a donc pas de retard dans cette transposition.

La définition de la traite des êtres humains figurant actuellement dans notre code pénal est très proche de l'esprit de la directive. Dans la lettre, elle va parfois au-delà, mais elle peut être aussi lacunaire par rapport aux évolutions de la criminalité dont les textes internationaux s'efforcent de tenir compte.

Le projet de loi cherche à gommer ces différences.

La directive définit la traite comme une combinaison de trois éléments incluant : une action (« le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes ») ; un moyen (« la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre ») ; un but (« aux fins d'exploitation » laquelle « comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude, l'exploitation d'activités criminelles, ou le prélèvement d'organes »).

S'agissant de l'action, notre droit est conforme à la directive.

S'agissant du moyen, le projet de loi intègre les moyens autres que les avantages ou rémunérations promis ou accordés à la victime, à savoir : l'emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manoeuvres dolosives visant l'intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui, ou le recours à un abus d'autorité ou à un abus d'une situation de vulnérabilité. Ces éléments, qui deviennent constitutifs de l'infraction, ne sont, dans le droit en vigueur, retenus qu'au titre de circonstances aggravantes. La recherche d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération était, elle, systématiquement nécessaire pour établir l'infraction dans notre droit.

Cette modification dans la définition du moyen devrait faciliter l'établissement des faits : l'existence d'une rémunération n'est plus systématiquement nécessaire à la qualification des faits et les différents critères deviennent alternatifs alors qu'ils étaient auparavant cumulatifs. Si un seul de ces critères manquait, la qualification de traite des êtres humains ne pouvait pas être retenue.

S'agissant du but, le projet intègre l'exploitation aux fins de travail ou de services forcés et les prélèvements d'organes.

La protection des mineurs sera accrue.

L'infraction sera constituée à l'égard des mineurs dès lors qu'elle en comprendra l'action et le but, même en l'absence de moyen.

De nouvelles garanties de procédure sont également prévues en faveur des enfants victimes. Mon rapport écrit vous en donnera le détail.

Pour le Conseil de l'Europe, la convention de Lanzarote prévoit la répression des abus sexuels sur les enfants. Je suis parlementaire référente sur ce sujet. J'ai interpellé la ministre déléguée chargée de la famille pour qu'une sensibilisation et des moyens soient apportés sur ce sujet.

Je pense que dans l'ensemble le projet de loi répond aux besoins de la transposition de la directive. Mais il faut en garder à l'esprit la finalité : simplifier la prévention et la répression de la lutte contre la traite des êtres humains pour les rendre plus efficaces qu'aujourd'hui.

Le principal problème rencontré par nos services dans la lutte contre la traite des êtres humains est la caractérisation de l'infraction, qui exige des procureurs et des magistrats instructeurs qu'ils réunissent les preuves de ses différents éléments constitutifs.

Il est indispensable de ne pas perdre de vue la nécessaire simplification du travail des services judiciaires dans ce domaine, pour que des cas manifestes de traite n'échappent à la répression prévue à cause de ce type de difficultés.

Le fait de traite des êtres humains devrait pouvoir en particulier être constitué dès lors qu'il est établi que des personnes sont victimes d'une exploitation ou d'une tentative d'exploitation, ce qui apparaît bien souvent alors que les victimes elles-mêmes nient subir une quelconque contrainte ou incitation. Trouver une preuve qu'il y a eu contrainte, menace, abus d'autorité, tromperie, promesse de rémunération ou tout autre moyen risque de rendre plus difficile l'établissement des faits. Le Haut Conseil à l'égalité hommes-femmes a attiré notre attention là-dessus.

C'est pourquoi je pense que nous devrions, comme le projet de loi le prévoit pour les mineurs, considérer qu'il y a traite des êtres humains lorsque l'action de traite et le but d'exploitation sont établis, même en l'absence de moyen.

Sur cette partie du projet de loi, je vous proposerai de faire 6 recommandations. La première découle de ce que je viens de dire.

Recommandation n° 1. - La délégation recommande que le fait de traite des êtres humains soit constitué dès lors que le but d'exploitation est établi.

Recommandation n° 2. - La délégation demande que la traite des êtres humains devienne rapidement une priorité de la politique pénale, et que les enquêteurs soient formés à cette fin. Les services susceptibles de détecter des victimes de traite doivent être sensibilisés, en particulier les services du travail et de l'emploi.

Je propose cette recommandation car aujourd'hui la répression de la traite des êtres humains « ne marche pas » en tant que telle. C'est une incrimination relativement nouvelle, il faut que les policiers, gendarmes et magistrats se l'approprient concrètement pour qu'elle soit davantage utilisée. De façon générale, la formation des fonctionnaires sur ce fléau est primordiale pour gagner en efficacité. C'est le cas notamment des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) au sujet des cas de travail forcé. Même un agent de la Poste peut repérer un cas de traite dans une famille avec laquelle il a un contact épisodique.

Recommandation n° 3. - La délégation propose que la France prenne une initiative au sein de l'Union européenne pour améliorer la coopération internationale et faire pression sur les États récalcitrants.

Cette recommandation me paraît nécessaire car beaucoup dépend dans ce domaine de la coopération internationale, or de nombreux États sont non coopératifs.

Recommandation n° 4. - La délégation recommande que la protection des victimes continue à être améliorée pour faciliter leur soustraction à l'influence des trafiquants, et en particulier de se doter des moyens d'hébergement nécessaires.

Les victimes de traite sont particulièrement fragiles et vulnérables, elles fuient en général les représentants de l'ordre, il faut donc leur accorder une attention toute particulière. Or les moyens d'hébergement font souvent défaut, ce qui rend matériellement très difficile de protéger les victimes.

Recommandation n° 5. - La délégation juge indispensable l'implication des juridictions et magistrats spécialisés dans les affaires financières pour que puissent être portés des coups significatifs aux avoirs des trafiquants à l'étranger.

Cette recommandation me paraît nécessaire, car on ne peut bien souvent atteindre les donneurs d'ordre principaux sans s'attaquer à leurs avoirs financiers, qui le plus souvent sont logés dans leur pays d'origine ou de résidence.

Recommandation n° 6. - La délégation soutient les recommandations du Groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).

Le GRETA est constitué de quinze membres ; il inspecte les pays de l'Union et publie des recommandations pertinentes.

J'en viens maintenant au second point : la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

L'arsenal répressif contre les violences faites aux femmes est de plus en plus complet en France. La vraie innovation en application de la convention d'Istanbul est l'incrimination de la tromperie en vue d'envoyer une personne à l'étranger pour lui faire subir un mariage forcé. Il est difficile de lutter contre ce phénomène, et l'État français se trouve assez impuissant quand la personne se trouve en territoire étranger.

La convention d'Istanbul entraîne par ailleurs deux autres changements : l'incrimination de la tentative d'interruption de grossesse non souhaitée, et l'incitation d'une mineure à subir une mutilation sexuelle non suivie d'effet.

Depuis plusieurs années, la lutte contre les violences faites aux femmes fait l'objet d'une priorité de nos politiques pénales, donc de l'action des Parquets et de la Chancellerie. Ceci se traduit par un taux élevé de réponse pénale et une forte augmentation du nombre de condamnations.

Les condamnations pour violences conjugales ont augmenté de plus de 80 % de 2004 à 2011.

Les condamnés sont quasi exclusivement des hommes.

Il est probable que les victimes sont le plus souvent des femmes, même si le ministère de la justice n'établit pas de statistiques officielles en la matière.

Il est assez probable aussi que l'augmentation du nombre des condamnations n'est pas pour l'essentiel imputable à une augmentation des faits, mais plutôt à une volonté croissante de les révéler et de les réprimer.

La convention d'Istanbul invite à porter le regard sur un phénomène connu, et qui va désormais pouvoir être combattu : l'escroquerie au mariage forcé.

Il n'est pas rare que des familles envoient leurs enfants à l'étranger contre leur gré, suite à une tromperie. Croyant partir en vacances ou rendre visite à une grand-mère malade, des jeunes filles et des femmes sont ensuite contraintes à un mariage.

Ces victimes sont très majoritairement binationales.

Mme Françoise Laborde. - Cela ne les protège pas.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure. - Une des conséquences concrètes du départ à l'étranger suite à tromperie est le non-retour en France des femmes et filles victimes. Certaines ne reviendront jamais en France.

Cet empêchement du retour fait partie intégrante du mode opératoire utilisé par de nombreuses familles pour se soustraire à l'application de la loi française.

Notre droit est pour le moment mal armé pour faire face à ce phénomène, qui se répand d'autant plus que la répression des mariages forcés devient plus efficace sur le territoire national.

Le 11 mai 2011, a été signée à Istanbul une convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Cette convention a pour objet de prévoir des règles minimales en matière de prévention, de prise en charge des victimes, ainsi que de poursuite et de répression des auteurs d'infractions auxquelles les femmes sont particulièrement exposées, telles que les violences sexuelles (viols et agressions sexuelles), les violences physiques et psychologiques, le harcèlement, les mariages forcés, les mutilations génitales ou encore les « crimes d'honneur ». Mon rapport écrit reviendra plus longuement sur le contenu de la convention. Le projet de loi adapte notre droit pénal aux éléments qui sont novateurs par rapport à la situation actuelle.

Cette mise en conformité de la législation française avec la convention du 11 mai 2011 suppose cinq adaptations, dont trois concernent le code pénal et deux le code de procédure pénale.

Les trois modifications au sein du code pénal sont les suivantes : une nouvelle incrimination sanctionnant le fait de tromper autrui de manière à lui faire quitter le territoire national dans le but de le forcer à conclure un mariage ; l'incrimination de la tentative d'interruption de grossesse sans le consentement de la personne intéressée ; l'incrimination de l'incitation non suivie d'effet d'une mineure à subir une mutilation sexuelle.

La répression des mariages forcés est déjà prévue en France. En revanche, notre droit ne prévoit pas le cas où le but de la manoeuvre est d'emmener la victime hors du territoire de son État de résidence.

Le projet de loi crée ainsi dans le code pénal un nouvel article incriminant « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l'étranger, d'user à son égard de manoeuvres dolosives - c'est-à-dire une tromperie - afin de la déterminer à quitter le territoire de la République ».

La convention impose également aux États signataires de sanctionner la tentative d'un certain nombre de faits dont elle prévoit qu'ils doivent constituer des infractions pénales. Le droit français est conforme à cette stipulation, hormis pour une infraction, celle d'interruption de grossesse sans le consentement de la personne intéressée. Le fait d'avoir administré à son insu une pilule abortive à une femme ou une fille sera désormais punissable, même s'il n'y a pas eu avortement.

La convention prévoit également la répression de l'incitation d'une jeune fille mineure à subir une mutilation génitale, même si cette incitation n'est pas suivie d'effet. Le projet de loi ne limite pas l'application de cette disposition nouvelle aux seules jeunes filles, mais la rend applicable à tout mineur, fille ou garçon. Ce nouveau dispositif pourra avoir un effet préventif : en permettant de poursuivre des adultes (parents par exemple) ayant échoué dans leur tentative d'obtenir la mutilation sexuelle d'un mineur, il permettra plus facilement d'éviter qu'ils n'y réussissent ultérieurement.

Le projet de loi prévoit enfin deux dispositions de procédure rendues nécessaires par la directive : l'information de la victime en cas d'évasion de l'auteur de l'infraction ; la suppression des conditions liées à la nationalité ou à la régularité du séjour pour bénéficier de l'indemnisation par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

Sur cette partie du projet de loi, je vous propose dix recommandations.

Recommandation n° 7. - La délégation recommande que la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique soit rapidement soumise à l'approbation du Parlement.

Recommandation n° 8. - La délégation demande que la connaissance des phénomènes de violences faites aux femmes et domestiques soit améliorée, au-delà de ce qui en est perçu par les services judiciaires, notamment par des enquêtes statistiques.

C'est un point important, car les violences faites aux femmes se produisent le plus souvent à huis clos et dans des cercles sociaux fermés, notamment familiaux. Il est à craindre que ce qui en est connu de la justice soit la partie émergée de l'iceberg. Des études pluridisciplinaires, notamment statistiques, sont nécessaires pour mieux combattre ce fléau.

Recommandation n° 9. - La délégation recommande que la formation et la sensibilisation de l'ensemble des services publics en contact avec la jeunesse, l'enfance et les familles aux questions de violence domestique soient généralisées pour améliorer la détection et la prévention.

Cette recommandation est dans le même esprit que la précédente. Les victimes de violence sont souvent au contact de services publics (notamment d'enseignement) qui, faute de sensibilisation, ne décèlent pas les problèmes. Si un collège ou un lycée alerte une famille de l'absence de sa fille alors que celle-ci est précisément en voie de partir pour un mariage à l'étranger contrainte par sa famille, cela n'aura aucun effet. Ce n'est bien sûr pas le rôle de l'Éducation nationale de combattre ce problème, mais une meilleure détection de sa part pourrait permettre un gain d'efficacité considérable dans le but d'empêcher le départ.

Recommandation n° 10. - La délégation recommande de ne pas s'interdire le recours aux médiations familiales.

Il s'agit d'une suggestion des services de la Chancellerie.

Les médiateurs familiaux peuvent être des auxiliaires précieux pour détecter les comportements de victimes contraires à leurs propres intérêts, très fréquents sur ces sujets.

Les six dernières recommandations que je vous suggère portent sur les mariages forcés. Elles tendent à rendre plus efficace la lutte contre l'escroquerie au mariage forcé à l'étranger.

Recommandation n° 11. - La délégation recommande une identification précise des États de destination des mariages forcés et l'engagement avec eux de négociations en vue de faire face au phénomène.

Recommandation n° 12. - La délégation propose que puissent être incriminées les manoeuvres dolosives en vue d'un départ à l'étranger même si la finalité n'est pas strictement un mariage forcé.

Il arrive en effet que des personnes soient transférées frauduleusement à l'étranger dans d'autres buts qu'un mariage, pour les faire changer d'orientation sexuelle ou les couper des milieux qu'elles fréquentent par exemple. Même s'il n'y a pas alors mariage, il y a alors le plus souvent au moins exil forcé.

Recommandation n° 13. - La délégation propose que le fait de tromperie au départ à l'étranger puisse être constaté a posteriori dès lors que la victime, initialement consentante au départ et au mariage, a ensuite subi sur le territoire de l'État d'arrivée, une autre des infractions prévues par la convention d'Istanbul.

Je propose cette recommandation car il peut arriver que des jeunes filles consentent à partir tout en sachant que c'est pour un mariage, sans savoir ce qui les attend réellement après. Si nous nous en tenons là, la France ne pourra rien faire si ces jeunes filles souhaitent ensuite revenir.

Recommandation n° 14. - La délégation recommande que soit réprimé l'empêchement au retour sur le territoire français.

C'est une suggestion de l'association « Voix de femmes » qui est confrontée à ce genre de difficultés.

Recommandation n° 15. - La délégation recommande que puisse être prononcée une interdiction de sortie du territoire à l'encontre d'un mineur qui se trouverait exposé au risque d'un mariage forcé à l'étranger.

Il s'agit d'une recommandation pragmatique, une sorte de principe de précaution. Les conditions juridiques précises de cette procédure seraient à définir si le gouvernement devait en retenir l'idée. Mais cela permettrait de prévenir certains départs.

Recommandation n° 16. - La délégation recommande que nos postes diplomatiques situés dans les États de destination des mariages forcées soient sensibilisés et dotés de guides de bonnes pratiques dans ce domaine en vue de la protection et du retour des victimes.

Le rôle de nos consulats est en effet essentiel pour « récupérer » les victimes, prendre connaissance des faits, et créer les conditions d'un retour si nécessaire.

Les consulats peuvent assurer l'aide aux victimes et leur retour. Mais certains sont très en pointe, d'autres plus en retrait. Un partage des bonnes pratiques serait donc très utile.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je tiens à remercier Maryvonne Blondin pour la qualité de son rapport. Cette tâche était particulièrement délicate à conduire dans les délais qui lui étaient impartis, délais d'autant plus serrés qu'ils englobaient la période de suspension des travaux parlementaires.

Je vais ouvrir la discussion générale sur les orientations de son rapport, puis nous poursuivrons avec l'examen de ses recommandations.

M. Roland Courteau. - Je me réjouis de la recommandation n° 9. Des séances d'information dans les collèges et les lycées pour prévenir les violences étaient prévues, mais ce dispositif n'avait pas été mis en oeuvre.

Sur les mariages forcés, la loi de 2010 prévoyait la possibilité pour les officiers d'état civil de procéder à une audition séparée des futurs époux. Elle prévoit que toute personne qui a fait l'objet d'une ordonnance de protection figure sur le fichier des personnes recherchées pour qu'on puisse l'empêcher de quitter le territoire. Je suis favorable aux recommandations proposées.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure. - Cette difficulté s'étend aux territoires étrangers.

Mme Gisèle Printz. - Je suis en plein accord avec les recommandations.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je mets aux voix chaque recommandation.

Sur la recommandation n° 2, je propose d'ajouter les professionnels de santé.

La délégation adopte à l'unanimité le rapport d'information de Mme Maryvonne Blondin ainsi que ses seize recommandations ainsi modifiées.

Mme Christiane Demontès. - Il serait utile d'auditionner le coordinateur national à la traite des êtres humains.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Cela pourrait être à l'occasion de la présentation de son rapport, en octobre 2013.

Questions diverses

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur l'insuffisance des moyens humains mis à la disposition de notre délégation compte tenu de sa charge de travail.

En dehors d'un conseiller responsable du secrétariat, nous ne disposons en effet, au niveau administrateur, que d'une seule collaboratrice et celle-ci doit très prochainement partir en congé de maternité - ce dont nous nous réjouissons pour elle -. Elle ne sera pas remplacée pendant la durée de son congé et le secrétariat de notre délégation va donc se trouver fortement amputé alors que plusieurs textes importants qui intéressent très directement notre délégation sont annoncés pour la rentrée prochaine.

J'avais déjà eu l'occasion, l'an dernier, d'attirer l'attention de M. le Président du Sénat et de MM. les Questeurs sur la faiblesse des effectifs qui sont alloués à notre secrétariat.

Le contexte actuel m'incitera, dans les prochains jours, à revenir à la charge et je compte sur le soutien que vous pourrez m'apporter.

Mme Gisèle Printz. - C'est un comble que l'on ne prévoie pas le remplacement des fonctionnaires pendant la durée de leur congé de maternité !