Jeudi 7 avril 2016

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Audition de M. Michaël Sibilleau, sous-directeur des finances au sein de l'administration centrale, et de M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes, sur le rapport de l'Institut Montaigne : « Décentralisation : sortons de la confusion »

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je remercie Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes, et Michaël Sibilleau, sous-directeur des finances au sein de l'administration centrale, d'avoir accepté d'être auditionnés par notre délégation. Ils sont les auteurs d'un rapport de l'Institut Montaigne sur la décentralisation, dont le titre : « Décentralisation : sortons de la confusion » est évocateur. J'ai beaucoup apprécié ce rapport et j'ai souhaité approfondir leurs arguments avec vous.

J'ai connu l'époque de la première décentralisation, qui fut un grand changement. Nous sommes aujourd'hui tombés dans une certaine confusion, sans parler des problèmes de dotation. Un « think tanks » comme l'Institut Montaigne contribue au mouvement des idées et à l'émergence des réformes à venir. Il est intéressant que nous prenions connaissance de la vision que nous proposent ses travaux, plus globale que celle de notre quotidien d'élu local. Pour cette raison, j'ai jugé utile de vous auditionner.

M. Michaël Sibilleau, sous-directeur des finances au sein de l'administration centrale. - Merci infiniment pour l'écoute que vous nous accordez. Nous étions trois rapporteurs dans le cadre de la rédaction de ce rapport de l'Institut Montaigne. J'étais pour ma part chargé de l'investissement, des normes et des finances locales.

J'ai exercé des fonctions de sous-préfet d'arrondissement et j'ai également été chargé du bureau des collectivités locales à la direction du Budget. J'occupe actuellement des fonctions dans le domaine de la finance, qui ne sont cependant pas liées aux collectivités locales.

Pour synthétiser les propositions qui ont été formulées, en particulier sur les normes, il existe une volonté de simplification des processus et de l'organisation administrative, à tous les échelons, ainsi que de renforcement du principe de subsidiarité.

De nombreux rapports ont été publiés depuis les années 1990, qui constatent tous une inflation normative préjudiciable au bon fonctionnement des administrations publiques, comme au développement économique et social. Je pourrais l'illustrer par des exemples concrets de situations que j'ai été amené à traiter dans mes fonctions de sous-préfet d'un petit arrondissement en milieu rural, où s'appliquait notamment la loi Montagne. Les normes ayant trait à l'urbanisme vous intéressent probablement plus particulièrement dans cette délégation.

M. Jean-Marie Bockel, président. - C'est un autre sujet, sur lequel nous réalisons un travail spécifique d'importance avec le Président Larcher, le Premier Vice-Président de notre délégation et les cinq commissions permanentes concernées, mais ce n'est pas notre seul centre d'intérêt. La remise en perspective de la suite du processus de décentralisation nous intéresse également.

M. Michaël Sibilleau, sous-directeur des finances au sein de l'administration centrale. - Je citerai le rapport de 2013 de Jean-Claude Boulard et Alain Lambert, que j'ai relu avec intérêt car il est d'une grande actualité. Ce rapport sur la subsidiarité suggérait que le rôle des préfets de département monte en puissance dans le domaine de l'interprétation des normes. En effet, les normes peuvent être simplifiées à l'initiative du législateur ou du gouvernement dans le domaine de l'urbanisme. Les principes fondateurs fixés au moment de la décentralisation et de la loi SRU font l'objet d'une interprétation, qui peut être confiée au préfet sous réserve du respect des principes liés à l'habitat, au développement économique et social, à l'environnement et à la continuité de l'urbanisme.

Nous proposons de réaffirmer le rôle du préfet de département dans l'interprétation des normes, ce qui semblerait légitime compte tenu de sa proximité avec les populations et les collectivités locales. Les avis rendus en appel pour les architectes des bâtiments de France pourraient également être une prérogative qui relèverait de l'échelon départemental. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de rendre à l'échelon départemental un rôle de proximité, voire un rôle d'appel dans certaines décisions, sans qu'il soit nécessaire de porter ces décisions au niveau régional.

La région est effectivement une structure clé - comme le sont les métropoles - dans le développement économique et l'aménagement du territoire, mais les opérations proches des citoyens, notamment dans les communes rurales, ont besoin de la présence et de l'accompagnement d'un État bienveillant.

Il est difficile pour les élus locaux de petites communes de développer un projet en totale sérénité. Dans ce contexte, l'État doit jouer son rôle d'accompagnement, de conseil, et de développeur de l'ingénierie territoriale. C'est le sens de la réforme de l'administration territoriale de l'État engagée il y a quelques années auparavant, qui s'appuyait sur un accompagnement des sous-préfectures et des préfectures.

Nous avons en outre suggéré dans le rapport qu'il serait utile de donner davantage d'autonomie réglementaire aux collectivités territoriales, car ce pouvoir est actuellement subsidiaire et subordonné au pouvoir réglementaire du Premier ministre. Nous suggérions dans le rapport d'augmenter le pouvoir réglementaire des collectivités locales afin qu'elles soient en mesure d'adapter des dispositions concrètes et pragmatiques à un échelon approprié, lorsque cela s'avère nécessaire.

En synthèse, nous recommandons davantage de subsidiarité et d'accompagnement. Plusieurs rapports récemment publiés, notamment par le Sénat, émettent également des recommandations en ce sens.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Lorsque vous avez évoqué le travail d'Alain Lambert sur les normes et la simplification, j'aurais dû signaler que notre collègue François Calvet, présent à cette audition, est l'un des rapporteurs du rapport de simplification des normes d'urbanisme en cours de préparation au sein du groupe de travail constitué sous l'égide de notre délégation.

Je donne à présent la parole à Bertrand Faure.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - Je vous remercie pour votre invitation. La complexité des normes a plusieurs causes, dont certaines semblent imparables. Le monde moderne est effectivement complexe, et nous ne pouvons rien y faire. Si l'on souhaite protéger le consommateur lorsqu'il boit de l'eau, des normes de pureté de l'eau s'imposeront au service public de distribution et d'assainissement.

En France, nous prêtons trop de vertus à la loi depuis la Révolution française. Nous en faisons un catalyseur de toutes les vertus de la démocratie et de la rationalité. Par ailleurs, nous voulons placer tout le monde à égalité devant la loi, mais pour autant, nous devons tenir compte des situations concrètes. La loi n'est en effet pas toujours bien adaptée au contexte local de son application. Nous nous trouvons devant une contradiction, car la loi devrait énoncer pour tous de manière claire et simple, alors que la réalité est complexe.

L'héritage de 1982 me semble être une autre cause de la complexité. La loi du 2 mars 1982 est claire, simple et empreinte de souffle et de décision. Elle est un véritable modèle, que je présente à mes étudiants. Elle s'inscrit certes dans un contexte de renversement du système antérieur, qui était donc plus simple à gérer que le contexte actuel.

M. Jean-Marie Bockel, président. - À l'époque, je faisais partie de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Au cours des travaux de la commission des lois, j'ai constaté qu'au-delà des postures, il existait un large consensus en faveur du mouvement proposé.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - Il me semble que la réforme de 1982 est un lourd héritage, qui a construit pour tous les réformateurs suivants des « cages en verre », à l'intérieur desquelles il est impératif de réfléchir. Les principes d'attribution des compétences des départements, des régions et des communes, les principes de tutelle et les principes des ressources locales sont identiques depuis 1982. Nous n'avons donc pas osé réfléchir au-delà des parois de verre.

Par ailleurs, le modèle français de décentralisation est caractéristique, mais pas nécessairement par le nombre de niveaux de son administration territoriale. À l'étranger, l'administration territoriale se compose généralement d'un niveau communal, d'un grand niveau régional et d'un niveau intermédiaire. Dans le modèle français, l'égalité entre tous ces niveaux est frappante. Il semble qu'aucune réflexion ne soit conduite sur l'emboîtement de tous ces niveaux. Ils ont tous la même structure fonctionnelle, la même organisation, une méthode identique de détermination des compétences, le même pouvoir réglementaire et le même principe de détermination des ressources. Nous ne disposons pas d'un système d'association. Certes, l'évocation d'un système dans lequel se profilerait l'idée d'un fédéralisme effraie les Français...

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous nous dirigeons vers ce modèle avec les grandes régions.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - Je considère que nous nous y dirigeons effectivement, bien que lentement. La mise en place des grandes régions est un appel à davantage de responsabilités, à l'exercice d'un pouvoir normatif et à des services administratifs plus structurés, avec des effets de dimension.

Le millefeuille territorial fait également partie des causes de la complexité des normes. L'intercommunalité est d'une complexité telle que je renonce à l'expliquer à mes étudiants. Si on ajoute des couches dans le millefeuille, comme les métropoles, le droit des collectivités locales devient un droit des relations entre les institutions locales qui ne s'adresse plus aux citoyens mais aux élus. Ce droit leur permet de faire vivre ensemble toutes ces institutions. La multiplication des institutions compliquera encore davantage ce droit.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Pouvez-vous développer le sujet des intercommunalités ? Dans ce système figé, l'intercommunalité, qui monte en puissance, doit prendre garde à la crispation communale. Compte tenu de la vitesse de progression des intercommunalités, il sera nécessaire de redéfinir la répartition des rôles entre l'intercommunalité et la commune. Considérez-vous que l'intercommunalité ne représente pas un progrès ?

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - L'intercommunalité est une nécessité, dans un pays qui compte 36 000 communes. Le nombre de communes n'est pas gênant en soi ; ce qui pose problème c'est l'uniformité du droit communal, héritée de la Révolution française. En prenant modèle sur des systèmes étrangers, les plus petites communes pourraient sortir du droit public pour évoluer vers des méthodes de recours au droit privé, par exemple, le code de copropriété. Il serait nécessaire de définir plusieurs statuts communaux en fonction de la taille des communes. L'intercommunalité me semble constituer un palliatif à l'absence de réflexion globale sur le statut communal. Toutefois, de nombreux Français sont attachés à leurs petites communes. Il s'agit d'un des sujets tabous de la décentralisation.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Notre délégation travaille actuellement sur les communes nouvelles. La première série de fusions de communes avait peu fonctionné, mais la commune nouvelle crée un certain mouvement et nous réalisons que les citoyens sont en avance sur les élus locaux. Les élus ont peut-être une attitude conservatrice. Mais le système allemand, qui comporte 8 000 communes, a aussi des effets pervers. En revanche, si le nombre de communes françaises était réduit de moitié pour être porté à 15 000 à 20 000 communes, le système fonctionnerait aussi. L'intercommunalité peut aussi constituer un progrès, mais pas obligatoirement.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - L'intercommunalité se construit progressivement, en fonction des besoins. Les règles de répartition des compétences sont très complexes et il existe de nombreuses possibilités d'arrangements à la carte. Nous pourrions imaginer des lois qui soient des franchises, des lois de plein pouvoir, voire des clauses générales. La décentralisation permet de lutter contre la complexité, à condition de jouer le jeu de la décentralisation. En effet, si les départements ou les régions sont contraints d'édicter un schéma pour exercer une compétence qui leur serait attribuée, et que pour ce faire ils doivent consulter les autorités intéressées, élaborer le schéma en six mois et obtenir l'approbation du préfet, la décentralisation n'a pas de sens. En France, on décentralise en centralisant, mais en jouant le jeu de la décentralisation, il est possible de réaliser des gains de simplification.

Mme Nelly Tocqueville. - Je suis sensible à vos propos. Dans le cadre du rapport d'information que j'élabore avec François Grosdidier, nous avons auditionné Philippe Richert, président de la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, qui a expliqué la difficulté qu'il rencontre dans son vécu de président de région. Depuis 1982, la décentralisation a entraîné une évolution des compétences, surtout depuis la constitution des grandes régions. Nous avons senti un malaise, car l'État et la région sont parties prenantes des contrats de plan. Or, le vécu du président de région est différent. En effet, des compétences lui sont attribuées, mais les moyens de les exercer ne lui sont pas accordés : l'État reste décideur.

Par exemple, les transports ferroviaires sont organisés par la région, mais les tarifs sont fixés par l'État. Dans sa région, des ouvriers et des professions libérales se déplacent et passent parfois la frontière, mais il est impossible au président de région de moduler les tarifs régionaux qui correspondent aux déplacements des personnes travaillant sur son territoire. En revanche, le Bundesrat en Allemagne - qui peut être en partie comparé au Sénat français - a un vrai pouvoir de décision. En France, le système bloque l'exercice du pouvoir régional, et l'État finit par recueillir le pouvoir de décision. Pour les lycées, par exemple, la région a toutes les compétences de gestion des lycées et donc de gestion des personnels qui y travaillent, mais le recteur a le pouvoir de fermeture ou d'ouverture. Avec cette dichotomie, la décentralisation se trouve au centre du discours politique, alors que le vécu sur le terrain n'est pas en adéquation.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Philippe Richert est président de l'Association des régions de France. Il note qu'un changement est donc en train de s'opérer dans la façon dont l'État central considère les régions et se comporte avec leurs dirigeants.

Mme Nelly Tocqueville. - Certains ministres ont effectivement compris la nouvelle logique dans laquelle nous entrons, mais ce n'est pas le cas de tous.

M. François Calvet. - Je suis originaire de Perpignan, en Catalogne. Je m'interroge, car nous vivons dans un jacobinisme permanent et la République ne fait pas suffisamment confiance aux élus. Quand nous avons voté la loi Raffarin, en 2004, des expérimentations étaient possibles mais l'expérience n'a pas abouti. Je voulais que la région Languedoc-Roussillon ait, à titre expérimental, un hôpital transfrontalier, mais je n'y suis pas parvenu. Je ne parvenais pas à rapatrier simplement les corps des personnes qui décédaient à l'hôpital espagnol, ni à régler facilement les questions d'état civil des personnes qui y naissaient, à quelques centaines de mètres de la frontière française, car il s'agissait d'un pays étranger.

Je considère qu'il serait nécessaire de laisser des respirations aux régions, comme un droit à l'expérimentation ou à la différenciation. Une décision du Conseil constitutionnel de 2001 permet de différencier. Il n'est effectivement pas possible d'appliquer les mêmes règles à la montagne ou à la plage. Nous sommes enserrés dans des règles qui ne correspondent absolument pas à la vie économique.

M. Jean-Marie Bockel, président. - L'aéroport de Bâle-Mulhouse est un grand succès et a généré près de 7 000 emplois, mais il rencontre régulièrement des problèmes juridiques, fiscaux et de droit social. La construction de cet aéroport a été décidée par une convention en 1949, dans une France centralisée ; nous aurions aujourd'hui trop d'obstacles à surmonter pour y parvenir.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - L'aspect constitutionnel doit également être pris en compte, dans la mesure où il existe des verrous dans la Constitution qui empêchent le changement de modèle. Le principe d'égalité entre toutes les collectivités territoriales et l'absence de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre empêchent de créer des super-régions. Le contenu normatif des schémas régionaux limite leurs effets sur l'exercice des compétences des collectivités inférieures.

Les collectivités locales ne sont pas toutes à égalité pour exercer un pouvoir réglementaire. Lorsqu'une loi demande aux collectivités de créer une commission et d'y intégrer les organisations syndicales représentatives, ces normes sont plus difficiles à élaborer pour des communes de moyenne importance que pour une région. Pourquoi ne pas envisager un pouvoir réglementaire régional qui ne serait pas le pouvoir réglementaire local des collectivités inférieures ? Pourquoi ne pas créer un statut type constitutionnel différencié entre les niveaux de collectivités locales ?

L'interdiction pour une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre crée un système à fonctionnement horizontal sur le plan juridique.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous, les élus locaux, et nos grandes associations, éprouvons parfois de l'appréhension face à l'incertitude des évolutions. Ceci concerne plus les petites collectivités que les grandes. Je ne critique pas cet état de fait, car il est parfois nécessaire d'être défensif, mais il fut un temps où nous étions davantage force de proposition qu'aujourd'hui.

Mme Patricia Schillinger. - Avec le recul que me permettent 14 ans d'exercice d'un mandat local, il me semble que les petites communes ont pris trop de compétences et de responsabilités, alors qu'elles n'étaient pas capables de les gérer. Les agglomérations et la mutualisation de ces compétences donneront aux communes des compétences plus précises et plus proches des habitants. Nous sommes dans une période de transition. Les régions, les départements et les cantons ont déjà changé en quelques années ; un temps d'adaptation du fonctionnement est nécessaire.

M. François Calvet. - L'exercice du contrôle de légalité a un effet terrible, car l'État est décentralisé mais il reprend tout le pouvoir brusquement. Cela a figé les relations entre les pétitionnaires, les communes et l'État, et il n'existe plus de point de dialogue. Nous cherchons un espace où établir le dialogue pour adapter les normes et faire de la différenciation, voire de l'expérimentation. Or, il est difficile de trouver ce lieu de dialogue entre les collectivités et les services de l'État. Par ailleurs, il serait utile que nous ayons un unique référent juridique.

Par exemple, un urbanisme de projet sans dialogue ne peut pas exister. Nous devons procéder à d'importantes évolutions pour l'économie. Nous devons en effet produire économiquement des projets. Plus de 200 projets sont bloqués pour des raisons mineures.

M. Michaël Sibilleau, sous-directeur des finances au sein de l'administration centrale. - Selon mon expérience de sous-préfet d'arrondissement rural, à Die dans la Drôme, département de 60 000 habitants pour 104 communes, il ne faut pas oublier l'interaction entre l'État territorial et les collectivités, non pas dans un rôle de contrôle de légalité, mais dans un rôle de développement des territoires et d'accompagnement des collectivités locales. J'ai envisagé ma mission de sous-préfet comme celle d'un partenaire des collectivités locales, pour les accompagner dans leurs projets.

Le centre de gravité se déplace actuellement vers les régions, qui se renforcent, mais nous devons avoir un État territorial proche des préoccupations des élus. Par exemple, dans la commune de Beaumont-en-Diois, une dizaine de maisons construites en contrebas de falaises étaient menacées par des éboulements rocheux. En 2006, des spécialistes concluaient à un risque certain entre cinq et vingt ans et recommandaient de mettre en place des filets de rétention. Le coût de l'opération s'élevait à 800 000 euros, ce qui était considérable pour cette collectivité. Il était donc nécessaire de réunir des cofinancements. Après avoir rassemblé 80 % des cofinancements nécessaires, la collectivité avait des difficultés pour trouver les 20 % restants. Le maire rencontrait donc des problèmes d'acceptabilité par ses propres citoyens. Dans des cas semblables, l'État doit se trouver aux côtés des collectivités et examiner leur capacité de financer les 20 % qui lui reviennent. J'avais alors demandé s'il était envisageable de déroger au décret de 1999, si l'autofinancement de 20 % était susceptible de mettre en danger l'équilibre financier de la commune. Ce décret devrait être révisé, car le financement limité à 80 % pourrait être étendu dans des cas mettant en cause la sécurité ou l'intérêt général.

L'organisation territoriale de la République ne doit pas omettre le rôle de l'État territorial comme partenaire des collectivités.

M. Bertrand Faure, professeur de droit public à l'université de Nantes. - Lorsque des critères sont fixés dans une règle, il en découle nécessairement des aménagements, des assouplissements et des cas particuliers. L'alternative à cet engrenage est le jeu de la liberté. Je suis toujours abasourdi par la suppression de la compétence générale des départements et des régions.

Je vous fais part d'un exemple de l'utilité de cette règle de liberté : lorsque la région devait créer une commission, sans que le mode de scrutin pour en désigner les membres ne soit précisé dans la loi instituant cette obligation, la région pouvait fixer le mode de scrutin en s'appuyant sur la clause générale de compétence. C'est une illustration de la notion d'intelligence des territoires. La clause générale de compétence était une des règles les plus riches du droit des collectivités territoriales.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie pour votre présence. Votre éclairage sur le rapport de l'Institut Montaigne était stimulant et utile pour nous.

Notre délégation ne doit pas se limiter à la défense légitime des intérêts de nos collectivités, elle doit aussi faire preuve de capacité d'anticipation.