Jeudi 21 mars 2019

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Audition de Mme Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la Fédération française de football

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la Fédération française de football (FFF). La FFF représente un interlocuteur incontournable dans le cadre de nos travaux sur le football féminin et la Coupe du monde féminine de football de 2019. Nous accueillons à cette occasion nos collègues du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». Je remercie le président Savin pour sa présence.

La délégation aux droits des femmes a décidé à l'unanimité de s'intéresser au football féminin, dans la perspective du Mondial féminin qui se tiendra en France du 7 juin au 7 juillet 2019. Nous souhaitons mettre à l'honneur l'équipe française à l'occasion d'une compétition qui représente une occasion de valoriser les joueuses portant nos couleurs.

Cette thématique s'inscrit dans le cadre général de l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle illustre notre souci constant de promouvoir une meilleure visibilité des femmes, quel que soit le domaine où elles exercent leurs talents, ainsi qu'un meilleur accès aux responsabilités. Notre objectif est aussi d'encourager le développement de la pratique du football féminin dans nos territoires.

Pour mener ce travail, nous avons désigné quatre co-rapporteures représentant différentes sensibilités politiques de notre assemblée : Céline Boulay-Esperonnier, Victoire Jasmin, Christine Prunaud et moi-même. Nos travaux ont débuté le 13 décembre dernier avec l'audition de Roxana Maracineanu, ministre des Sports. Nous nous efforçons de compléter nos auditions par des déplacements dans les territoires. Nous étions d'ailleurs en Vendée le 18 mars pour rencontrer des clubs locaux. Enfin, la table ronde que nous organiserons au mois de mai se concentrera sur cette Coupe du monde, sous le prisme de la visibilité et de la médiatisation de ce grand événement sportif.

Malgré des avancées certaines, le football féminin ne suscite pas encore autant d'engouement que le football masculin auprès du grand public et des médias. Cependant, nous constatons que le Mondial de foot féminin crée une dynamique favorable, les billets se vendant très bien. Nous avons également noté une augmentation du nombre de reportages à la radio ou à la télévision et des articles dans la presse écrite sur l'organisation de ce Mondial, cent jours avant le début de l'événement. C'est très encourageant !

Nous comptons sur vous, Madame Jossinet, pour nous présenter les actions menées par la FFF en faveur de la féminisation du football, de la démocratisation de la pratique féminine, de l'augmentation du nombre de licenciées, du renforcement de la visibilité des joueuses et de l'amélioration de leurs perspectives de carrière de sportives de haut niveau. Vous êtes vous-même une grande championne !

La place des femmes dans le football reflète celle qu'elles occupent dans notre société, et la problématique du football féminin recouvre la plupart des combats de notre délégation : égalité salariale, stéréotypes, visibilité insuffisante des femmes dans les médias, place des femmes dans l'espace public.

Dans ce contexte, quel bilan peut être dressé du plan de féminisation du football initié par Noël Le Graët en 2011 ? Quels sont les principaux axes du second plan ? Quelle est la stratégie adoptée par la FFF pour faire de ce Mondial un grand succès populaire susceptible d'attirer les jeunes filles vers le football féminin ? Comment la FFF compte-t-elle utiliser cet événement pour développer ce sport dans les territoires ? Le sport représente en effet un outil d'émancipation pour les jeunes générations - vous le savez au regard de votre parcours. Enfin, nous sommes intéressés par votre vécu en tant que femme au sein d'un univers encore plutôt masculin.

M. Michel Savin, président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». - Je vous remercie d'avoir convié les membres de notre groupe d'études à la présente audition. Le sport féminin est en plein essor, notamment le football, grâce à la prochaine Coupe du monde féminine, qui mobilise les instances sportives comme les collectivités territoriales. Le nombre de licenciées augmente et la qualité du sport pratiqué s'améliore. Les Français s'intéressent de plus en plus aux sports collectifs féminins - football, basket-ball, hand-ball, rugby -, dont ils apprécient le spectacle. Notre groupe d'études travaille sur la reconnaissance du sport féminin et sur son financement, lequel, à la différence du sport masculin, qui bénéficie de partenariats et de droits télévisés, repose majoritairement sur les collectivités territoriales. Comment faire en sorte que le sport féminin bénéficie des financements nécessaires à son développement ? Quelle est, à cet égard, votre position sur la création d'une ligue féminine de football, comme cela existe par exemple pour le volley-ball ? Nous réfléchissons notamment aux moyens de renforcer le mécénat pour permettre au football féminin d'asseoir son autonomie financière par rapport à son homologue masculin.

Mme Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF. - Je suis fière de vous présenter le travail réalisé par la FFF et par le comité d'organisation de cette Coupe du monde. Déjà, la Coupe du monde des moins de 20 ans organisée l'an dernier en Bretagne s'est révélée être un succès populaire. Les grands événements sportifs contribuent indéniablement, grâce aux politiques publiques menées en appui, à l'essor du sport féminin.

L'évolution positive du foot féminin n'est pas un hasard. Je vais faire un rapide retour en arrière pour insister sur deux moments clés dans cette trajectoire favorable. D'une part, lors du Mondial de football de 2010, l'attitude de l'équipe de France masculine en Afrique du sud a donné du football une image dégradée. D'autre part, l'élection de Noël Le Graët en 2011 à la tête de la FFF a marqué un tournant pour le football féminin, comme l'accession, pour la première fois, de l'équipe de France féminine à une demi-finale de Coupe du monde contre l'Allemagne, retransmise en direct à la télévision de façon non payante. Les Français ont découvert à cette occasion la qualité du jeu ainsi que le bon état d'esprit du football féminin. La FFF a alors lancé le premier plan fédéral érigeant la féminisation de la pratique comme priorité sur l'ensemble des territoires. La France ne comptait alors que 46 000 licenciées pratiquantes et peu d'équipes intégralement féminines, en raison d'un accueil parfois frileux des filles par les clubs. L'objectif affiché était alors d'atteindre, à l'horizon 2016, 100 000 licenciées et de renforcer l'encadrement de la pratique par des femmes - dirigeantes, éducatrices et arbitres. Puis, en 2014, un dossier de candidature a été déposé à la Fédération internationale de football association (FIFA) pour organiser le Mondial féminin de 2019. Les grands événements suscitent en effet un élan populaire, comme cela fut le cas pour l'équipe masculine lors de la Coupe du monde de 1998. La FFF a donc souhaité déclencher un tel élan vers l'équipe féminine.

Avec la réélection de Noël Le Graët en 2017, et sous l'égide de la directrice générale de la FFF, Florence Hardouin, un deuxième plan intitulé « Ambition 2020 » a été lancé, assorti d'un plan « Impact et héritage » attaché au projet de la Coupe du monde féminine. L'objectif, en effet, n'est pas tant l'organisation logistique de 52 matchs, mais le développement et la structuration du football féminin français. À cet effet, outre l'objectif de 200 000 licenciées en 2020, la FFF s'est fixé quatre priorités : accueillir et fidéliser les licenciées de la Coupe du monde de 2019, rayonner sur l'ensemble du territoire, devenir la référence de l'élite mondiale du football féminin et permettre aux femmes d'accéder à des postes d'encadrement pour davantage de mixité dans les instances dirigeantes du football.

L'objectif de 200 000 licenciées est ambitieux mais atteignable. Un audit a permis d'identifier les freins spécifiques à l'accueil des joueuses, qui portent essentiellement sur les infrastructures. Ainsi, le manque de vestiaires féminins tend à décourager les jeunes filles de pratiquer le football au moment de la puberté.

Dans ce contexte, les enjeux de l'organisation en France du Mondial féminin de 2019 sont triples : développer et structurer le football féminin grâce au plan « Impact et héritage », créer une adhésion en amont pour assurer à l'événement un succès populaire et mobiliser les acteurs du football - les 13 ligues, les 90 districts et les 16 000 clubs - autour du football féminin.

Le plan « Ambition 2020 » décline plusieurs indicateurs chiffrés. Outre la cible de 200 000 licenciées, il vise ainsi 8 000 équipes intégralement féminines, 4 000 clubs dotés d'au moins une équipe féminine, 1 500 arbitres, 1 500 écoles féminines de football, 8 000 éducatrices et animatrices (contre 1 300 aujourd'hui répertoriées), dont cent disposant d'un diplôme supérieur. Je précise que  des bourses seront versées à cet effet. De nombreuses joueuses assurant également la fonction d'éducatrices ou d'animatrices, nous nous attachons à les répertorier.

Enfin, le plan « Ambition 2020 » s'attelle à la création d'un groupe de cent femmes accompagnées par la FFF parmi 35 000 femmes dirigeantes au sein des instances du football. Il s'agit de faire monter ces femmes en compétences pour les préparer à exercer de hautes responsabilités. Dans ce cadre, elles bénéficient d'un accompagnement personnalisé (coaching, mentoring, prise de parole, formation à la gestion financière d'un club et à l'économie du football....). Aujourd'hui, nous sommes ainsi 70 femmes accompagnées et formées.

De plus, en 2016, la distance moyenne entre le domicile et un club accueillant des filles était de 35 kilomètres ; nous souhaitons la réduire à 15 kilomètres en 2020. Pour y parvenir, nous accompagnons les clubs dans le cadre d'une labellisation.

La Coupe du monde féminine de 2019 constitue un événement de la Fédération internationale de football (FIFA), qui dispose donc des droits afférents. La FFF, pour sa part, l'organise via un comité ad hoc. La compétition s'ouvrira le 7 juin par un match opposant la France à la Corée du Sud au Parc des Princes ; la finale se tiendra à Lyon le 7 juillet. La huitième Coupe du monde féminine de la FIFA comptera 31 jours de compétition et verra 24 équipes jouer 52 matchs dans neuf stades et autant de territoires. Notre ambition à l'égard de l'événement peut se résumer en quatre objectifs : célébrer une fête familiale et un succès populaire, laisser un héritage fort pour le sport féminin, faire preuve d'excellence organisationnelle et assurer une performance sportive.

Outre la FIFA, la FFF, les ligues, districts et clubs et les neuf villes hôtes - Paris, Lyon, Rennes, Le Havre, Grenoble, Valenciennes, Reims, Montpellier, Nice - concourent à l'organisation de ce Mondial. Pour les collectivités territoriales concernées, les enjeux sont majeurs. Afin de sélectionner les stades qui accueilleront cette Coupe du monde, nous avons évalué les équipements envisageables à l'aune de critères techniques, mais également de l'héritage espéré par les territoires. Chaque ville sélectionnée s'appuie ainsi sur une politique publique phare. À titre d'illustration, Édouard Philippe, maire du Havre en 2015, a fait valoir son souci de développer une politique de santé par le sport, au regard de la croissance préoccupante de l'obésité chez ses administrés, notamment chez les jeunes. À Valenciennes, territoire durement touché par le chômage et privé de match lors de l'Euro 2016, les élus ont souhaité, en candidatant pour accueillir cette Coupe du monde, donner un objet de fierté à la population et renforcer la cohésion sociale.

Pour garantir un héritage fort à l'événement, la FFF mobilise 15 millions d'euros au bénéfice du football amateur, notamment pour le financement d'infrastructures. Les clubs déposent un dossier auprès de leur district, validé ensuite par la ligue concernée avant d'être examiné par la FFF. L'aide versée correspond à 50 % du coût des infrastructures, abondée de 20 % supplémentaires si les investissements sont destinés au football féminin. La FFF mène également des actions sur l'ensemble du territoire (environ une par mois) ; en 2019, toutes sont pavoisées aux couleurs de l'équipe de France féminine, dans le cadre du #fiersd'êtrebleues. Ligues et districts s'investissent également ; ils disposent à cet effet d'un outil pédagogique fourni par la FFF. Lors d'un séminaire organisé la semaine passée à la Fédération, il est apparu que, dans chaque territoire, entre 60 et 80 actions avaient été menées depuis le mois de septembre autour de cette Coupe du monde : organisation de plateaux de jeu, accueil de nouvelles dirigeantes, animation pour faire découvrir l'arbitrage, développement de nouvelles pratiques à l'instar du footness et du foot en marchant. Ces initiatives, je l'espère, seront pérennes. Outre les 9 millions d'euros destinés aux infrastructures, l'enveloppe de 15 millions d'euros précédemment évoquée servira, à hauteur de 5,4 millions d'euros, à la promotion et au développement du football féminin et 0,6 million d'euros bénéficiera à des actions de formation pour les dirigeantes. Notre politique d'héritage permettra également de structurer les clubs en labellisant et en accompagnant les écoles féminines de football. Le fait que Canal Plus diffuse des matchs de D1 féminine apporte, en outre, un véritable rayonnement à ce sport.

Deux ans après le lancement du plan « Ambition 2020 », le football féminin compte près de 140 000 licenciées, 8 500 clubs accueillant des filles, dont plus de 3 000 dotés d'au moins une équipe féminine, 905 écoles féminines de football, 1 550 éducatrices et animatrices, dont 85 diplômées du supérieur et 1 000 arbitres. Notre objectif à cet égard apparaît particulièrement difficile à atteindre et nous avons mis en place un plan de développement pour accompagner les arbitres au plus haut niveau. Nous devons poursuivre nos efforts, notamment pour être en mesure d'accueillir les filles qui souhaiteraient s'inscrire dans un club après ce Mondial, à la rentrée 2019. Il y a là un véritable enjeu. Les licenciées, pour leur part, se réinscrivent souvent dès le mois de juin, craignant de ne pas avoir de place au sein des clubs. Or il convient que chaque fille qui souhaite pratiquer le football, quel que soit son âge, puisse le faire.

Pour conclure, je souhaite dire quelques mots sur notre équipe de France féminine de football, qui véhicule des valeurs de rigueur, d'humilité, de plaisir. Elle doit permettre d'accroître la notoriété de son sport, notamment en faisant valoir l'histoire et le parcours de chacune. Près de 80 % des Français ont connaissance de la tenue prochaine de cette Coupe du monde ; ils soutiennent notre équipe et déclarent vouloir la soutenir.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Je vous remercie de votre présentation. Les valeurs portées par l'équipe de France féminine de football - la rigueur, l'humilité, le plaisir - sont-elles partagées par l'équipe masculine ? En 2010, en Afrique du Sud, nous avons pu nous interroger... Parmi les neuf stades sélectionnés pour accueillir cette Coupe du monde, peu se situent à l'ouest, notamment au sud-ouest de la France. Comment expliquer ces disparités ?

Lors de notre déplacement en Vendée, lundi 18 mars, nous avons effectivement observé l'importance des infrastructures en matière de développement du football féminin : mise à disposition de vestiaires dédiés et terrain synthétique pour améliorer le confort de jeu en hiver notamment. Il apparaît donc logique de prendre en compte les équipements en matière de labellisation des clubs pour la pratique féminine. Les crédits supplémentaires attribués dans ce cadre seront-ils exclusivement fléchés sur les équipements destinés aux équipes féminines ? Il semble en outre pertinent de renforcer les liens avec les parents, notamment avec les mères qui accompagnent leurs enfants au club : en Vendée, l'équipe féminine a été créée il y a cinquante ans par des femmes de joueurs qui souhaitaient elles aussi pratiquer.

M. Michel Savin. - Je vous remercie à mon tour pour la grande qualité de votre présentation. Je regrette toutefois qu'en évoquant les différents partenaires de cette Coupe du monde, vous n'ayez pas mentionné les collectivités territoriales. Elles se mobilisent pourtant pour mettre à disposition des équipements et développent des politiques au bénéfice du sport féminin dans les domaines de la santé et de l'éducation notamment. Ce Mondial participera de cet effort, dont nous espérons qu'il perdurera au-delà de l'événement. Les collectivités territoriales jouent un rôle majeur ; elles doivent en conséquence être étroitement associées à l'organisation. La construction d'équipements s'avérant parfois complexe, il apparaît nécessaire que les différents partenaires travaillent en harmonie. Accompagnons en bonne intelligence l'essor du football féminin.

Mme Victoire Jasmin, co-rapporteure. -  Je vous remercie pour cet exposé complet et vivant. Il me semble effectivement nécessaire que les collectivités territoriales s'impliquent, en particulier en développant des infrastructures. Par ailleurs, pensez-vous que cette Coupe du monde puisse être une opportunité de donner un réel statut professionnel aux joueuses de haut niveau ? Je rappelle que nombre d'entre elles exercent un métier parallèlement à leur pratique sportive et dépendent, contrairement à leurs homologues masculins, de la ligue amateur. Je souhaiterais également vous interroger sur les relations qu'entretient la FFF avec l'Éducation nationale. La création de sections de sport-études en football féminin est-elle notamment envisagée ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure. - Je m'interroge également sur l'opportunité de créer des sections de sport-études dédiées au football féminin et sur la différence existant entre les éducatrices et les animatrices.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons effectué un déplacement très instructif au centre de formation et d'entraînement du Paris football club à Orly. Nous y avons rencontré des encadrants motivés et des jeunes filles particulièrement investies dans leur pratique sportive comme dans leur projet de vie. Elles ne disposent cependant pas des moyens de vivre dignement du football. Quelle est votre opinion sur les doubles projets ? Représentent-ils une solution d'avenir ? Comment, selon vous, est-il possible d'améliorer la professionnalisation et la rémunération des joueuses ? L'établissement d'une convention collective représenterait-il une piste intéressante ?

M. Michel Savin. - Canal Plus, vous l'avez signalé, retransmet désormais certains matchs de football féminin. La chaîne négocie le montant des droits télévisés avec la ligue de football, soit 700 millions d'euros pour le championnat masculin. La somme versée bénéficie-t-elle pour partie au football féminin ? La création d'une ligue spécifique ne permettrait-elle pas au football féminin de négocier directement des droits et, partant, de bénéficier de ressources propres ?

Mme Maryvonne Blondin. - Le district de football du département du Finistère compte quatre femmes et cinq hommes. Le conseiller technique se montre particulièrement attaché à la féminisation du football. Les mères, bien souvent, jouent, hélas ! un rôle subalterne, bien qu'utile, au sein des clubs.

Le Mondial Pupilles de football dans le Finistère accueillera début juin, 90 équipes en provenance de 23 pays différents, des filles et des garçons. Envisagez-vous une action particulière pour accueillir ces jeunes ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Bravo pour votre belle présentation. Vous êtes en train de casser les stéréotypes de genres et de briser le plafond de verre, de montrer que les femmes peuvent jouer au football, être dirigeantes, arbitres, animatrices ou éducatrices. Votre travail, qui contribue à faire évoluer les mentalités, est en train de payer. Il se traduit par une augmentation du nombre de licenciées et par un engouement de la population. Comment comptez-vous le pérenniser ? Avez-vous un plan d'action auprès des médias afin d'accroître les retransmissions des matchs ?

Mme Frédérique Jossinet. - Nous organisons une coupe du monde féminine : pendant un mois, ce sont des femmes qui vont faire le spectacle ! Tous les matchs de l'équipe de France seront retransmis sur Canal Plus et TF1. TF1 étant le partenaire historique du football masculin, c'est dire la révolution qui est en train se produire ! Les joueuses - et pas uniquement les Françaises - porteront nos enjeux en tant que femmes dans la société. Elles l'ont bien compris, même si leur objectif est de réaliser la meilleure performance. C'est grâce à cette performance que le football féminin français s'installera ensuite définitivement dans le paysage du sport français. Le succès de cette équipe de France, au-delà de la réussite de l'organisation de la Coupe du monde, sera important. On sait que cette équipe est la meilleure et qu'elle ira au bout de la compétition !

Pour répondre aux questions sur la professionnalisation des joueuses, j'évoquerai la manière dont les choses se passent dans le football féminin.

Certaines choses avaient été faites avant 2011, date à laquelle une véritable impulsion politique a été donnée. Le premier championnat de foot féminin remonte à 1970... Aujourd'hui, notre championnat phare est la D1, avec 12 clubs impliqués, dont le Paris football club que vous avez cité. Ce championnat amateur est entièrement accompagné par la Fédération française de football. Les joueuses sont sous contrat avec la Fédération et leur club. Ce contrat tripartite entre joueuse, club et fédération permet d'aider et de réguler les clubs. Le football féminin est un produit nouveau. Nous sommes encore très loin du développement et de la structuration du football masculin. Nous avions quarante ans de retard, nous en avons rattrapé la moitié, mais du chemin reste à faire.

La D1 compte trois profils de clubs : ceux qui dépendent d'une société anonyme sportive professionnelle (SASP), comme l'OL ou le PSG, ceux qui dépendent de l'association du club de l'équipe professionnelle de garçons et ceux qui sont 100 % féminins. Ces clubs, qui ont peu de ressources financières, sont accompagnés soit par les collectivités, soit par la Fédération. C'est aussi cette diversité des profils qui fait la force du football féminin.

Il y a cinq ans, seuls 30 contrats étaient signés avec la Fédération, aujourd'hui, on en dénombre plus de 120. En outre, il s'agissait de contrats à mi-temps, quand ils sont aujourd'hui, dans 80 % des cas, à plein temps. Nous accompagnons les joueuses et les clubs dans cette semi-professionnalisation. Tous les clubs n'ont pas les mêmes moyens - c'est d'ailleurs un peu pareil chez les hommes. D'un côté, il y a des clubs comme le PSG et l'OL, qui ont les ressources économiques les plus importantes ; de l'autre, il y a des clubs dont les moyens financiers sont inférieurs à un million d'euros.

La FFF accompagne au quotidien tous les clubs féminins, y compris ceux qui sont liés à la SASP, car ils ont besoin de se structurer, notamment au niveau de l'encadrement. Pour la première fois en 2019, une licence club a été mise en place. Ce n'était pas possible auparavant. Les clubs ne pouvaient pas alors répondre à un cahier des charges. Cela montre que nous sommes très loin du modèle idéal et d'une professionnalisation à 100 %. Michel Savin évoquait il y a un instant la ligue féminine de volley. Je voudrais nuancer quelque peu ses propos, car les résultats ne sont pas forcément probants. Les clubs n'étaient pas prêts pour cette professionnalisation ; ils sont allés trop vite et en reviennent un peu. En outre, s'il existe des ligues féminines de handball et de basket-ball, elles ne sont pas professionnelles.

On pourrait dire que notre D1 est une ligue 1 féminine qui dépend de la Fédération, mais nous aimons montrer, à travers la dénomination des championnats, le niveau de structuration du club. Nous travaillons à un véritable championnat pour l'année prochaine, avec des montées et des descentes. Si on voulait à tout prix professionnaliser le football féminin, on irait certainement trop vite. Beaucoup de chemin reste à faire pour rendre une ligue professionnelle viable, avec des ressources économiques propres.

Pour la première fois, nous avons vendu les droits télévisuels de la D1 féminine pour cinq ans à Canal Plus. Certes, le montant de ces droits est encore loin d'égaler celui des championnats masculins de L1 et L2. Je dirais donc qu'il s'agit là davantage d'un échange de marchandises : nous sommes en train de faire du football féminin un véritable produit médiatique. Ce football sera vu à la télévision de façon récurrente, dans des émissions phares, ce qui, nous l'espérons, permettra de susciter des vocations. C'est un premier pas, en attendant de pouvoir chercher de nouvelles ressources économiques d'ici cinq ans. D'un point de vue économique, cela va mieux. Les clubs professionnels et amateurs féminins bénéficient d'aides importantes qui leur permettent d'être viables.

Pour répondre à votre question sur les sections de sport-études, nous avons mis en place un parcours de performances sportives. À partir du collège, nous avons des sections sportives. Notre objectif est d'en compter plus de 90, soit une par district. Nous avons créé il y a deux ans une « team espoirs », pour les meilleures joueuses de 14 ans, afin de les préparer aux concours d'accès au pôle France et aux pôles régionaux. On comptait un seul pôle il y a dix ans, le pôle France. Nous avons aujourd'hui, en plus du pôle France, huit pôles régionaux, qui couvrent tout le territoire métropolitain. Nous envisageons d'en ouvrir un ou deux autres d'ici deux ans, afin d'augmenter le nombre de joueuses formées et accompagnées par la Fédération et de les rendre plus performantes. Dans ce cadre, les collégiennes bénéficient d'un emploi du temps adapté et d'un encadrement de qualité pour préparer les concours. À leur sortie des pôles, elles continueront d'être formées par les clubs. Tel est le parcours de formation que nous avons mis en place depuis quatre ans pour former les jeunes joueuses.

La raison pour laquelle aucun stade dans l'ouest, à part celui de Rennes, ne figure parmi les stades retenus pour la Coupe du monde, tient tout simplement au fait qu'aucune ville de l'ouest, notamment du sud-ouest, n'a souhaité se porter candidate. Ce sont d'abord des territoires tournés vers le rugby ou le basket.

En ce qui concerne les collectivités, les clubs ont en effet des relations étroites avec elles, dans la mesure où elles sont généralement propriétaires des équipements sportifs. Lorsqu'un club sollicite une aide visant à améliorer ses équipements, cela se fait bien sûr en relation étroite avec la collectivité concernée. Indirectement, à travers le Fonds d'aide au football amateur, nous aidons donc les collectivités à structurer leurs infrastructures sportives.

La labellisation EFF est destinée exclusivement au football féminin et aux écoles de foot féminines. Elle permet d'obtenir des dotations fléchées sur la section féminine, au prorata du nombre de licenciées féminines dans le club. Il existe d'autres labels, comme le label jeune, avec d'autres dotations fléchées vers les écoles de garçons.

Enfin, vous m'avez interrogée sur la stratégie de médiatisation. Je rappelle que la Ligue de football professionnel (LFP) gère les droits de retransmission associés aux championnats de ligue 1 et de ligue 2 (football masculin). Mediapro a acheté l'an dernier ces droits pour un montant de plusieurs milliards d'euros. Ces ressources seront redistribuées sur les clubs de L1 et L2. Aujourd'hui, le football féminin accuse un retard d'une vingtaine d'années par rapport au football masculin en termes de médiatisation. Les droits télévisuels sont donc vendus à hauteur de ce que représente le football féminin. Nous faisons aussi appel à des partenaires et à des sponsors pour le valoriser. Les ressources économiques dans le football féminin ont été multipliées par dix, mais elles ne sont pas du tout au même niveau que dans le football masculin. D'où la nécessité d'accompagner nos joueuses dans un double voire triple projet. Cela leur permet de conserver un certain équilibre en n'étant pas entièrement tournées vers la performance sportive. Cela évite également certaines dérives, le monde professionnel n'étant pas idéal, compte tenu des problématiques résultant des enjeux économiques. De plus, nous mettrons en place l'année prochaine un diplôme spécifique pour les joueuses qui souhaitent devenir entraîneuses à un haut niveau.

Aujourd'hui, de fortes disparités de rémunération subsistent entre les différents clubs, comme dans le football masculin.

Mme Victoire Jasmin, co-rapporteure. - Quelles sont vos relations avec les clubs de football féminins, en particulier en Guadeloupe ? Selon une étude de la délégation du Sénat aux outre-mer sur le sport, les infrastructures ne sont pas toujours en bon état, ce qui pénalise les équipes féminines, les équipements étant utilisés d'abord par les hommes, dont les effectifs sont plus nombreux.

Mme Maryvonne Blondin. - Votre stratégie de professionnalisation des joueuses me semble réaliste.

Il nous a récemment été indiqué que les sportifs de haut niveau ne bénéficient pas de droits sociaux et que, en cas d'accident, ils ne sont pas pris en charge. Est-ce le cas dans le football féminin ?

Mme Frédérique Jossinet. - Les joueuses de football sont entièrement prises en charge dans le cadre de leur contrat avec la Fédération. Nous veillons à leur statut juridique et social durant leur carrière, mais également si elles sont blessées et mettent fin à leur carrière. D'où l'importance de l'accompagnement et du double projet de formation, je le répète. Depuis trois ans, nous travaillons avec un prestataire extérieur, Collectif sports, qui forme dans tous les clubs un référent socioprofessionnel pour accompagner les joueuses dans leur parcours professionnel.

Les outre-mer bénéficient, au même titre que les autres territoires, d'un accompagnement spécifique de la part de la Fédération. Nous avons envoyé il y a quelques mois un cadre technique en Guadeloupe. Chaque territoire a un ADN qui lui est propre et rencontre des problématiques particulières. Certains territoires, pas seulement la Guadeloupe, ont pris du retard en matière de rénovation des infrastructures. Le Fonds d'aide au football amateur permet d'aider les collectivités, en métropole et dans les outre-mer, à les rénover.

Une problématique est récurrente : dans la plupart des cas, ce sont les collectivités qui mettent à disposition des clubs les créneaux horaires. Nous leur demandons d'exercer une vigilance accrue sur la prise en compte du public féminin, à qui il est préférable de ne pas octroyer le créneau horaire de 18h30. L'idée est de permettre aux jeunes joueuses de pratiquer quelle que soit la saison. Des négociations doivent avoir lieu avec les clubs, via les subventions.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Merci, madame la directrice, pour la qualité de votre présentation et pour la précision de vos réponses.

On l'a vu, l'identification à des sportifs de haut niveau est nécessaire pour avoir envie de pratiquer. Il est donc important que les footballeuses professionnelles soient visibles afin de donner aux jeunes filles l'envie de s'inscrire dans les clubs, le football étant un sport identifié comme étant masculin.

Désignation d'un comité de suivi pour l'organisation de la célébration du vingtième anniversaire de la délégation

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, nous en venons à notre second point de l'ordre du jour concernant les vingt ans de la délégation. Je souhaiterais que nous mettions en place un groupe de travail où chacun des groupes politiques serait représenté pour organiser cet événement particulier festif et marquant pour la délégation.

Pour le groupe LR, notre collègue Marta de Cidrac m'a fait part de son intérêt pour cette mission. Qu'en est-il pour les autres groupes ?

Je propose que vous en discutiez entre vous et que nous procédions à la désignation définitive des membres de ce comité au cours de notre réunion du jeudi 4 avril.

Je ne vois pas d'opposition.

Par ailleurs, je vous informe que j'ai écrit au président du Sénat pour lui faire part de l'idée, qui a émergé le 7 mars, d'inaugurer des plaques, dans l'hémicycle, en hommage à des membres éminents de la délégation.

Un nom fera l'unanimité entre nous : Dinah Derycke, première présidente de la délégation, décédée prématurément en fonctions en 2002.

Je trouverais intéressant que, parallèlement à cette première plaque féminine, une plaque en l'honneur de Lucien Neuwirth soit également inaugurée le 10 octobre. Ce sénateur a fait partie de la délégation dès 1999 jusqu'à son départ du Sénat.

Son engagement mérite à mon avis une plaque à son effigie dans l'hémicycle.

Cela ferait un tandem gauche droite, homme femme...

Je constate un consensus sur ces propositions.

Je vous remercie.