Mercredi 25 septembre 2019

- Présidence de Mme Michèle Vullien, présidente -

La réunion est ouverte à 13 h 35.

Examen et adoption du rapport de la mission d'information

Mme Michèle Vullien, présidente. - Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence.

Créée à l'initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, notre mission d'information a entamé ses travaux le 7 mai dernier. Après avoir entendu 56 personnes et mené 47 heures d'auditions, d'une part, recueilli les avis ou contributions de plus de 10 000 internautes et des collectivités qui ont bien voulu répondre au questionnaire que nous leur avions adressé, d'autre part, nous nous sommes réunis, le 18 juillet dernier, pour examiner le rapport de la mission.

Le projet de rapport établi par notre rapporteur Guillaume Gontard n'avait alors été ni adopté ni rejeté, et nous avions décidé de poursuivre notre réflexion, une décision empreinte de la sagesse qui caractérise le Sénat. Il aurait été en effet dommage de ne pas publier les éléments que nous avions pu rassembler au cours de nos auditions ; c'eût été une déception pour tous. Si nous l'adoptons aujourd'hui, notre rapport constituera l'analyse la plus exhaustive des expérimentations portant sur la gratuité totale ou partielle, en France comme à l'étranger. Le rapport s'attache également à élargir la réflexion aux enjeux globaux de la mobilité : incidence en termes d'étalement urbain, Mobility as a Service (MaaS), véhicules autonomes, entre autres, des points évoqués lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM).

Nous examinons aujourd'hui une version sensiblement modifiée du rapport, qui retrace fidèlement, me semble-t-il, l'ensemble de nos auditions et ne ferme aucune option entre absence de mesure spécifique de gratuité, mise en place d'une tarification solidaire, gratuité pour certains usagers ou - plus rarement, il faut le dire - gratuité totale. Je remercie le rapporteur avec qui j'ai travaillé en bonne collaboration.

Je reste, pour ma part, persuadée que la gratuité totale est possible lorsque la demande est inférieure à l'offre de transports - c'est la caractéristique commune à toutes les villes ou agglomérations qui l'ont mise en oeuvre en France. En revanche, dans la situation inverse, c'est-à-dire dans la très grande majorité des cas, la demande est supérieure à l'offre et la priorité est évidemment d'augmenter l'offre. Pour m'occuper de la question des transports depuis pratiquement vingt-cinq ans, je puis vous dire que l'on me demande toujours davantage d'offre de transport, du maillage territorial, des véhicules doubles, le wifi dans le bus, des services supplémentaires, mais jamais la gratuité ! Dans l'agglomération lyonnaise, Annie Guillemot pourra le confirmer, personne ne la revendique.

Pour mettre en oeuvre la gratuité intégrale, il faudrait résoudre une équation financière très difficile : faire face à une perte de recettes et une hausse des dépenses, sans paupériser les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Le projet de rapport a le mérite de laisser la porte ouverte, sans négliger aucune piste, et ce sans tabou. Il faut le dire, la gratuité est une forme d'iniquité pour les territoires ruraux. Notre collègue Olivier Jacquin l'avait souligné, certains territoires sont totalement dépourvus de transports, alors même que les habitants en veulent ! Ils se sentiront les plus pauvres d'entre les pauvres s'ils apprennent que ceux qui profitent d'une multitude de transports bénéficient aussi de la gratuité. Il faut bien appréhender les différences qui existent dans les territoires.

Mercredi dernier, nous avons tenu une réunion de travail. Nos échanges me laissent à penser que nous pourrions nous rejoindre sur ce nouveau projet de rapport.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Je m'associe à vos remerciements, madame la présidente. Je me félicite de l'important travail que nous avons réalisé en commun dans un temps contraint. Nous avons eu beaucoup de réponses à la consultation en ligne que la mission avait lancée sur le site Internet du Sénat, ainsi que de nombreuses contributions des collectivités.

Comme l'a souligné Mme la présidente, nous n'étions pas forcément d'accord sur le projet de rapport présenté en juillet dernier. Chacun de nous ayant des positions différentes, nos échanges nous ont permis d'avancer sur la question de la gratuité. Le rapport que je vous propose me semble donc équilibré.

Il semblait en effet intéressant au groupe CRCE que les responsables politiques disposent, à la veille d'échéances électorales importantes, d'éléments précis leur permettant d'apprécier la question de la gratuité des transports collectifs en toute connaissance de cause. Car si nos positions divergent en la matière, après plusieurs mois de travaux approfondis personne ne peut dire que ce sujet ne présente pas d'intérêt. Pour s'en convaincre, il suffit de voir le nombre d'annonces, parfois précipitées et peu étayées, que des responsables politiques ont faites ces derniers mois, pour mettre en oeuvre prochainement la gratuité, ou, au contraire, pour écarter cette possibilité au bénéfice, souvent, de l'instauration d'une tarification solidaire.

Pour toutes ces raisons, il était important que le Sénat, au regard de son rôle institutionnel de représentant des collectivités territoriales, soit à même d'éclairer le débat. Comme l'a relevé Mme la présidente, le rapport fournit une analyse inédite : aucune étude d'ensemble ou comparative n'a été menée jusqu'à présent sur ce sujet, que ce soit à l'échelon national ou international. Toutes les collectivités que nous avons interrogées ne nous ont pas répondu, mais les éléments que nous avons pu recueillir auprès d'elles ainsi qu'au cours de nos auditions permettent de dégager quelques lignes forces.

Avant de vous les présenter, je voudrais insister sur un point : le sujet de la mission d'information portait exclusivement sur la gratuité des transports collectifs, et non pas sur la tarification en général et encore moins sur la politique des transports dans son ensemble. Je le rappelle pour nos collègues qui ne sont pas membres de la commission du développement durable et qui n'ont pas suivi les débats sur le projet de loi d'orientation des mobilités. Il ne s'agit pas de faire comme si la question de la mobilité n'existait pas en zone rurale et péri-urbaine ; je suis l'élu d'une commune de montagne de 170 habitants et je sais combien elle y est présente - je l'ai d'ailleurs indiqué dès l'avant-propos du rapport. Je vous propose d'ailleurs une recommandation forte à ce sujet.

Autre préalable - c'est l'objet d'une autre recommandation -, tous nos travaux montrent qu'il faut dépassionner le débat. Si nous ne pouvons pas sortir des grandes déclarations de principe - « la gratuité ça n'existe pas », « les entreprises n'ont qu'à payer », « si les transports étaient gratuits, ils seraient vandalisés », « la gratuité peut être financée par la suppression de la billetterie et des contrôles » -, nous n'irons pas bien loin, alors qu'il existe une forte attente : 10 000 réponses à notre questionnaire en ligne le confirment ! Je vous invite sur ce point à vous reporter au rapport, qui conclut très clairement que la gratuité est une idée ni bonne ni mauvaise en soi.

En revanche, s'il faut lui reconnaître un mérite spécifique, c'est la simplicité qu'elle introduit : la gratuité totale est le seul système qui permet à tout un chacun de bénéficier de l'offre de transport sans aucune démarche. Toute autre méthode ou tarification, même solidaire, ne présente pas la même facilité ; j'en veux pour preuve les « gratuités » partielles pour les jeunes telles qu'elles existent désormais dans plusieurs collectivités importantes : il s'agit en réalité d'un remboursement, ce qui ne supprime pas la nécessité de faire l'avance des frais. Avec la gratuité intégrale, plus de question à se poser, de démarche à entreprendre, d'argent à avancer.

En ce sens, elle ouvre la voie à une révolution sociale des mobilités. Je suis d'accord avec vous, madame la présidente, les collectivités qui ont mis en place la gratuité totale l'ont fait d'autant plus facilement que l'offre y était supérieure à la demande. Le maire de Niort nous a expliqué comment il avait pu rendre le bus gratuit, tout en diminuant l'offre. À Dunkerque, le maire « préfère transporter des gens que des banquettes vides », pour reprendre son expression. J'irai plus loin, la gratuité totale permet aussi à des personnes éloignées de la mobilité, et par conséquent de la vie économique et sociale, de s'y retrouver. La gratuité totale est simple : elle ne suppose aucune démarche, ne demande aucun effort particulier. Si la gratuité aide des personnes isolées à se réinsérer et à renouer du lien social, pourquoi s'en priver ?

C'est évidemment une formule provocatrice, et je sais que toute décision politique suppose des choix : faut-il, pour financer la gratuité, diminuer les moyens prévus pour accroître l'offre de transports ? Là aussi, il nous faut sortir d'une opposition stérile. À juste titre, les usagers réclament de l'offre, mais il ne faut pas nécessairement raisonner à enveloppe finie. C'est ce que nous enseigne le cas de Dunkerque : certes, le versement transport (VT) avait été augmenté avant même le passage à la gratuité, mais la mairie a également renoncé à construire un grand équipement de spectacles de type Arena ainsi que le tramway. De son côté, la communauté de communes Moselle et Madon a mis en place un système de bus gratuits, au prix d'un effort financier important à son échelle. Le débat ne doit donc pas être binaire : ce n'est pas la gratuité contre l'offre, ni même la gratuité plutôt que l'offre. La gratuité totale a été considérée par toutes les collectivités l'ayant mise en place comme un élément d'un projet global. Je vous renvoie sur ce point à l'expression employée par le gouvernement luxembourgeois : la gratuité comme « la cerise sur le gâteau de l'intermodalité ». En France, quelle que soit la motivation principale ayant présidé à sa mise en oeuvre - amélioration du pouvoir d'achat, revitalisation du centre-ville, décongestion -, la gratuité n'est qu'un moyen, et non une fin en soi.

Autre élément important, la gratuité n'est pas seulement la suppression d'une recette. Elle répond également à la nécessité de faire face à une hausse très sensible de la fréquentation, souvent rapide, et qui perdure. Il faut penser la gratuité dans la durée - c'est une autre de mes recommandations. Il est trop facile de formuler des propositions généreuses, sans évaluation préalable, à court comme à long terme.

Sur le plan écologique, le bilan est plus mitigé. Surtout, il est âprement disputé, y compris au sein de la communauté scientifique. Certains insistent sur le report modal de la voiture, d'autres sur l'échec relatif résultant du report des modes actifs, notamment du vélo ou de la marche à pied. Les parts de la voiture et des modes actifs sont trop dissemblables pour que l'on puisse en tirer des conclusions définitives : si la part de la voiture diminue peu, c'est avant tout parce qu'elle représente l'essentiel des trajets dans les collectivités où la gratuité a été mise en place. Mais nous manquons encore de recul, et ce n'est qu'avec le temps que nous pourrons dire, par exemple, si les habitants de Dunkerque ont renoncé à l'achat d'une voiture.

Pour être tout à fait complet, le rapport contient des éléments innovants sur les effets structurants de la gratuité, notamment en termes d'étalement urbain et d'éviction de certaines populations des zones desservies par des transports gratuits. Le bilan écologique global de la gratuité totale des transports collectifs est difficile à établir : il pourrait constituer un champ d'étude de l'observatoire de la tarification des transports, dont je vous propose de recommander la création.

Reste le point le plus épineux, celui du financement. Nous connaissons tous l'allergie fiscale des Français ; il est très difficile de modifier les équilibres en profondeur, comme l'ont bien montré les débats de la LOM. C'est pourquoi le rapport dresse un simple état des lieux des pistes envisageables. Le VT - versement mobilité (VM) à l'avenir - est une ressource vertueuse, qu'il est fondamental de ne pas remettre en cause.

Par ailleurs, tout comme vous, madame la présidente, je suis très sensible au risque de paupérisation des AOM : ce n'est vraiment pas le moment de leur couper les ailes, alors qu'elles vont devoir faire face à des investissements importants, en particulier pour financer l'acquisition de matériels plus écologiques. C'est pourquoi je ne formulerai qu'une recommandation en matière financière : le retour à une TVA à 5,5 % sur les services de transports de voyageurs.

Vous me permettrez de noter que l'un de nos collègues membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, appartenant à la majorité sénatoriale - Jean-François Longeot - vient de déposer une proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, afin que les investissements publics de la transition écologique et énergétique soient exclus du déficit budgétaire. C'est la preuve que la piste consistant à exclure les dépenses liées à la transition écologique de la limitation des dépenses des collectivités territoriales, que je propose dans le rapport, commence à faire son chemin. Dans un souci de responsabilité, je n'ai cependant pas formulé de recommandation à ce sujet.

Le débat sur la gratuité des transports nous fournit également l'opportunité de penser la mobilité à l'heure du numérique. Je ne me risquerai pas à dire ce que seront les transports collectifs dans dix ou vingt ans, mais il est clair que le numérique est en train de bouleverser les usages en profondeur. Il offre de nouvelles possibilités en matière de réduction de la fracture territoriale, notamment en facilitant le covoiturage. Il constitue également le support à de nouvelles formes de tarification des transports collectifs - je pense au MaaS (Mobility as a Service) -, qui sont exactement à l'opposé de la gratuité : système universel d'un côté, tarification individualisée de l'autre.

Enfin, le rapport évoque ce que j'appelle la « dé-mobilité ». Considérant les préoccupations croissantes en matière de climat, nous ne pourrons faire l'économie d'un débat plus général sur notre course-poursuite effrénée à toujours plus de mobilité, quitte à créer dans le futur une véritable congestion propre.

En conclusion, le rapport traduit un point d'équilibre entre aspiration à une mobilité écologique pour tous et préservation des grands équilibres de notre politique de transports collectifs, qui a fait ses preuves. Il offre une boîte à outils à tous ceux qui s'intéressent à cette question, notamment les collectivités qui voudraient engager cette réflexion dans le cadre des prochaines élections.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Jusqu'à présent, et sauf en période pré-électorale, je n'ai jamais entendu ceux que je représente exprimer le souhait d'obtenir la gratuité des transports. J'approuve les sages conclusions formulées par le rapporteur, car elles ne ferment aucune porte et permettent de tenir compte des diverses situations.

Dans la métropole lyonnaise, la politique des transports en commun a commencé en 1989 sous l'impulsion de Michel Noir, qui avait alors décidé de réduire la place de la voiture dans le centre de Lyon. Or il faut penser non pas seulement aux habitants des centres-villes, qui constituent une population privilégiée, mais aussi à ceux de la périphérie qui viennent faire fonctionner notre métropole.

Une piste évoquée dans le rapport m'a particulièrement intéressé : l'accès libre, qui permet aux automobilistes de stationner sur les parkings de voiturage, puis de prendre les transports en commun.

M. Dany Wattebled. - Il était bon de réfléchir à la question. Des investissements importants sont nécessaires pour répondre à la demande en matière de transports. Que pourrait-on faire en se privant d'une recette ? La question se pose différemment dans les intercommunalités, qui peuvent absorber une perte de recettes et les collectivités plus importantes. Comment une métropole peut-elle compenser une perte fiscale de l'ordre de 80 à 100 millions d'euros et investir afin de développer l'offre de transport ?

Il n'y a pas de recette miracle. Comme l'a souligné Gilbert-Luc Devinaz, il faut se préoccuper des zones périurbaines si l'on veut résorber le flux. Par ailleurs, les populations qui vivent intra-muros sont d'ores et déjà favorisées en termes de mobilité.

Notre mission d'information donne des pistes. Chaque territoire agira ensuite en fonction de la possibilité, ou non, de se priver des recettes de billettique.

M. René Danesi. - Je n'aurais pas voté le rapport dans sa version du 18 juillet ; celle-ci, en revanche, ne me pose pas de problèmes métaphysiques. Un point d'équilibre a été trouvé, le débat ayant été recentré sur la gratuité, mais aussi élargi.

À la page 16, le rapport indique à juste titre que l'équité territoriale est défaillante : 18 millions de nos concitoyens ne sont en effet pas couverts par une AOM. Or, page 104, on propose - avec un point d'interrogation - de financer la gratuité des transports collectifs par l'affectation d'une part de la fiscalité d'État. Il revient aux AOM d'assurer ce financement ! Faire appel à l'État, cela revient à faire payer ceux qui ne bénéficient d'aucun autre moyen de transport que leur voiture.

Également évoquée page 104, l'idée de renationaliser les sociétés concessionnaires d'autoroutes me rend dubitatif.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Moi aussi !

M. René Danesi. - Si une telle renationalisation avait lieu, il faudrait la rembourser pendant des années ; aucun bénéfice ne pourrait donc être fléché vers le financement des transports collectifs. À moins que l'on ne préfère alourdir encore la dette ? Je précise que j'ai toujours été scandalisé par la privatisation des autoroutes, faite à la va-vite par M. de Villepin. Et j'ai également voté contre celle d'Aéroports de Paris !

Je tique aussi sur les mots « demande citoyenne » figurant à la page 32 : « À l'inverse d'une forme de demande citoyenne, les associations d'usagers sont fondamentalement hostiles à la gratuité des transports collectifs. » Comme le disait le président Kennedy, avant de se demander ce que le pays peut faire pour soi, il faudrait d'abord se poser la question de ce que l'on peut faire pour son pays... Une demande qui consiste à augmenter les charges du contribuable ne me paraît pas « citoyenne » en tant que telle !

Enfin, l'intitulé « Rendre du pouvoir d'achat aux personnes défavorisées », page 42, ne me convient pas : on ne peut rendre que ce que l'on a pris ! On peut en revanche leur « donner » du pouvoir d'achat. Les mots sont parfois lourds de sens politique.

Cela étant dit, je voterai le rapport.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - On peut le rectifier.

Mme Michèle Vullien, présidente. - On écrira : « Donner du pouvoir d'achat aux personnes défavorisées. » Quant au mot « citoyenne », c'est ainsi que se qualifient nombre d'associations que nous avons reçues.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous sommes tous citoyens.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Il s'agissait de distinguer les associations d'usagers, qui sont soit opposées à la gratuité, soit surtout préoccupées par l'amélioration de l'offre, des associations...

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Militantes.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - ... qui militent pour la gratuité.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Je n'emploie jamais le terme « usagers » ; je préfère parler de citoyens voyageurs. Nous écrirons donc « associations militantes ».

M. François Grosdidier. - Les usagers ne sont pas moins citoyens que les autres.

Mme Annie Guillemot. - D'ailleurs, 75 % sont des usagères.

M. Olivier Jacquin. - Le rapport a beaucoup évolué qualitativement, et les arguments sont équilibrés. La démarche était au départ militante, et nous en sommes sortis par le haut. Didier Mandelli s'était interrogé, la semaine dernière, sur son titre - je l'avais, pour ma part, défendu, car il est accrocheur - et avait souhaité qu'il fasse mention des termes « gratuité partielle ou totale ». L'alternative n'est pas, en effet, entre gratuité et contrepartie payante. Enfin, le rapport fera-t-il l'objet d'un débat en séance plénière ?

Mme Michèle Vullien, présidente. - Les collègues les plus intéressés sont membres de la mission.

M. Olivier Jacquin. - On pourrait organiser un colloque.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Le rapport est non pas une fin en soi, mais un outil. Mon groupe souhaitera peut-être demander l'organisation d'un débat sur ses conclusions dans l'hémicycle. Un colloque serait intéressant.

M. Olivier Jacquin. - La question des politiques immobilières et foncières a été effleurée. Il faudrait travailler sur l'équilibre entre celles-ci et les politiques de mobilité, qui ont pu être qualifiées de « soins palliatifs des politiques du logement ».

Mme Michèle Vullien, présidente. - Et de l'emploi !

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Les remarques de Didier Mandelli portaient plutôt sur le sous-titre du rapport, lequel a été supprimé.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Ce titre est très percutant, nous le gardons.

M. Frédéric Marchand. - Il est en effet parfait.

La question de la gratuité dans les transports collectifs a infusé dans le débat public. Ce rapport permet d'apporter une palette de réponses d'une utilité que l'on ne mesure pas encore. Dans l'opinion, les injonctions sont parfois contradictoires. Je souhaite donc que ce document soit diffusé le plus largement possible, notamment dans le cadre du débat pré-élections municipales, car il pose les bonnes questions.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Il est vrai que certains prônent la gratuité, mais en prévoyant tant de conditions qu'il n'est finalement pas possible de la mettre en place...

M. Jean-Marie Mizzon. - Le droit à la différenciation permet de traiter de façon distincte des situations qui ne sont pas équivalentes, afin d'établir une plus grande égalité entre les territoires. Selon Aristote, il faut traiter de manière égale ce qui est semblable et de manière inégale ce qui diffère. Le système actuel permet de mettre en place la gratuité ou pas, et laisse les responsables locaux décider quel est le dispositif le plus adapté à leur situation. Tout ne doit pas venir d'une loi et de Paris. Il faut accorder une marge d'appréciation aux territoires.

La part payée par l'usager ne cesse de baisser depuis quinze ans, quand celles du versement transport et de la subvention publique augmentent. Nous sommes donc sur le chemin de la gratuité. Je voterai ce rapport de grande qualité.

Mme Annie Guillemot. - Je salue ce très bon travail. La responsabilité est nécessaire en matière de gratuité des services publics. Des investissements lourds seront prochainement nécessaires dans les métropoles pour répondre aux enjeux liés à la transition écologique, à la jeunesse et à la lutte contre l'étalement urbain, et pour permettre à nos concitoyens de se déplacer en transports collectifs. Il importe que ce rapport, équilibré et responsable, soit publié.

M. François Grosdidier. - Ce travail exhaustif sera un outil précieux d'aide à la décision pour les élus locaux. Le rapporteur a bien voulu atténuer son postulat de départ en faveur de la gratuité des transports. Nous avons constaté, au fil des travaux, qu'il n'y avait pas de vérité universelle, mais des vérités par territoire, et qu'il fallait laisser une place à la démocratie locale. Le Sénat veut non pas imposer une vision jacobine, mais défendre la pluralité des choix.

Le rapport a été excellemment retravaillé cet été. Il subsiste, certes, quelques résidus sémantiques... Il n'y a pas de position plus « citoyenne » qu'une autre en la matière. Il n'en demeure pas moins que ce travail de fond sérieux et rigoureux sera utile.

Mme Mireille Jouve. - Je n'avais pas d'a priori sur cette question, qui mériterait un débat dans l'hémicycle. Je remercie Guillaume Gontard de l'avoir soumise à notre réflexion et Michèle Vullien d'avoir permis la confrontation des idées. La gratuité des transports, si elle est tentante, n'est pas applicable dans tous les territoires.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Je renvoie à cet égard à la page 97 du rapport et à l'encadré intitulé : « L'exemple de la métropole Aix-Marseille-Provence : une nouvelle tarification plutôt que la gratuité. »

Mme Françoise Ramond. - Félicitations pour ce rapport dans lequel j'ai retrouvé la teneur des différentes auditions.

Mme Michèle Vullien, présidente. - Je remercie le rapporteur, avec lequel nous avions des divergences au départ. Il était intéressant d'entendre les divers avis, notamment lors des auditions. Nos parcours et nos territoires étant différents, cela nous a permis d'avancer et de réfléchir.

Je propose de modifier, page 104, la phrase suivante : « Il serait tout d'abord envisageable, dans le cadre d'une renationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, de prévoir que les dividendes ainsi récupérés puissent être fléchés vers le financement des transports collectifs », en ajoutant le mot « éventuelle » devant celui de « renationalisation ».

M. René Danesi. - Le problème, c'est que 28 % de nos concitoyens qui n'ont que leur voiture pour se déplacer vont contribuer à financer la gratuité des transports pour les 72 % restants !

Mme Michèle Vullien, présidente. - Nous pourrions aussi adopter une tournure interrogative commençant par « Serait-il envisageable... ? ».

M. René Danesi. - Si les Parisiens devaient payer le prix réel de leurs transports...

Mme Michèle Vullien, présidente. - Toute la France paye pour Paris !

M. François Grosdidier. - Soyons moins binaires : l'État est toujours intervenu pour soutenir les investissements dans les territoires et les élus locaux sont demandeurs. On regrette ainsi que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) n'ait plus d'argent pour le faire, ce qui a accru les inégalités entre Paris et la province... L'accompagnement par l'État n'est donc pas illégitime, et c'est un Girondin convaincu qui le dit !

Mme Michèle Vullien, présidente. - On ne trouve plus de Jacobins !

Il ne faut pas confondre égalité et équité. Il est équitable que la capitale ait un réseau de transport plus important que celui d'une ville plus modeste.

Le rapport est adopté à l'unanimité.

La réunion est close à 14 h 40.