Mercredi 16 octobre 2019

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Table ronde avec l'association France urbaine (métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et grandes villes), sur l'actualité et les enjeux des métropoles et des pôles urbains

M. Jean-Marie Bockel, président. - Madame la Présidente et Messieurs les Présidents, j'ai plaisir à vous recevoir devant notre délégation et je remercie France urbaine d'avoir répondu à notre invitation. M. Jean-Luc Moudenc, son président, est excusé car il est retenu à Toulouse pour le sommet franco-allemand qui s'y tient. Mais, à en juger par la population représentée par les élus autour de la table, vous vous exprimez aujourd'hui pour près de huit millions d'habitants.

Si nous souhaitions échanger à cette période de l'année sur l'actualité et les enjeux des métropoles et des pôles urbains dans le format d'une table ronde, c'est parce que l'agenda de cette rentrée parlementaire est dense du point de vue des collectivités territoriales, avec notamment l'examen, en cours jusqu'à la fin de la semaine, du projet de loi Engagement et Proximité.

Nos préoccupations se rejoignent sur bien des aspects de ce texte. Je pense évidemment à une meilleure prise en compte des besoins des élus dans l'exercice de leurs mandats, qui a fait l'objet d'un rapport publié par notre délégation en 2018 et n'est pas sans lien avec le contenu du projet de loi en discussion. Je pense aussi aux idées de pacte de gouvernance, de conférences territoriales ou de conseils des maires qui figuraient dans le récent rapport de nos collègues Antoine Lefèvre et Patricia Schillinger sur l'association des élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités. Ils vous ont d'ailleurs rencontrée, Madame la Présidente.

Le projet de loi sur l'économie circulaire est un autre texte sur lequel vous aurez probablement des observations à partager. Vous aurez sans doute à coeur de nous dire également quelles sont les positions de France urbaine sur le sujet sensible de la réforme de la fiscalité locale.

L'un de vos principaux sujets de préoccupation est de mieux faire reconnaître la responsabilité des territoires urbains par une véritable différenciation territoriale qui pourrait se résumer par ces mots : plus de différenciation, plus d'expérimentation. L'enjeu est de mieux répondre aux attentes de la population. Lors de la Conférence des Villes que vous avez organisée le 18 septembre dernier, et à laquelle j'ai participé, j'ai été frappé par l'expression de votre volonté de coopération interterritoriale dans un esprit de « République des Territoires », comme l'a rappelé André Rossinot.

La perspective de l'examen en 2020, peut-être à partir du mois de juin, du projet de loi « 3 D » (différenciation, décentralisation et déconcentration) constitue un enjeu de taille. Ce texte devrait s'articuler autour des axes de la proximité et de la subsidiarité. Quel est le bon échelon ? Quelle responsabilité politique et quelles ressources accorder aux collectivités ? Comme l'a rappelé Jacqueline Gourault, que nous avons auditionnée le 3 octobre dernier : « le texte devrait se traduire par la suppression des doublons État-collectivités et par davantage de différenciation territoriale ». Vous pourrez nous préciser vos attentes.

J'invite M. Louis Nègre à ouvrir nos échanges.

M. Louis Nègre, président délégué de la métropole Nice Côte d'Azur et maire de Cagnes-sur-Mer. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je salue mes collègues ou anciens collègues, que je retrouve avec plaisir.

J'aborderai des sujets qui me sont familiers. France urbaine regroupe les collectivités urbaines les plus significatives d'un point de vue démographique, comme vous l'avez évoqué, Monsieur le Président. Pour ma part, je représente la métropole Nice Côte d'Azur. Elle comprend 49 communes et plus de 500 000 habitants. Cependant, dans leur majorité, ces communes demeurent rurales. La plus petite ne compte pas plus d'une centaine d'habitants. La métropole exprime donc le fait urbain dans sa diversité et sa complexité. Nous y partageons l'idée généralement admise, notamment au sein de France urbaine, selon laquelle la métropole ne saurait se développer indépendamment du reste du territoire.

M. Olivier Landel, délégué général de France urbaine. - Les 22 métropoles qui constituent France urbaine réunissent en effet plus de 2 000 communes. La moitié compte moins de 1 000 habitants.

M. Louis Nègre, président délégué de la métropole Nice Côte d'Azur et maire de Cagnes-sur-Mer. - Le système en place au sein de la métropole Nice Côte d'Azur me paraît efficace. Depuis sa création, il repose sur la Conférence des maires. Les premiers magistrats de nos 49 communes s'y retrouvent pour former le véritable pouvoir exécutif de la métropole. On y prend les principales décisions. Au sein de la Conférence, le président de la métropole rappelle régulièrement sa qualité de maire.

L'occasion m'a été donnée de rédiger une manière de constitution interne, ou règlement intérieur, de la métropole. À la lecture de ce texte, il apparaît immédiatement que la commune reste l'élément fondamental. Elle tempère la puissance de la métropole, dont le budget atteint près de 1,5 milliard d'euros.

Tous les membres qui forment l'exécutif de la métropole possèdent donc la même qualité de maire. Cette situation implique des efforts de compréhension mutuels et le respect d'un équilibre général. Si quelques-unes de nos 49 communes ne partagent pas les opinions du président de la métropole, le travail s'organise néanmoins toujours selon le principe du consensus. Autrement dit, la plus petite commune conserve la possibilité de provoquer à tout moment la discussion. Le règlement intérieur lui permet par ailleurs de bloquer la réalisation d'un projet si son conseil municipal, à la demande du président de la métropole, confirme l'opposition de son maire.

La remarque vaut pour ma commune de Cagnes-sur-Mer. Quoique la deuxième en importance, avec 50 000 habitants, elle se tient sur le plan démographique loin derrière la première ville de la métropole.

Le transfert de compétences communales vers la métropole ne remet pas en cause le rôle de la commune. Il permet simplement de dépasser les limites de son action, par exemple en matière de transports, de lutte contre le réchauffement climatique, de gestion de l'eau ou des déchets. Dans nombre de domaines, un travail de nature transversale renforce la pertinence de l'action publique.

À ce jour, aucune des 49 communes de la métropole Nice Côte d'Azur, y compris parmi les plus petites ou celles dont les orientations politiques ne sont pas majoritaires, n'entend se retirer.

Devant vous, je tiens à insister sur le fait que les responsables de France urbaine sont conscients de la nécessité de prendre en compte la ruralité et de respecter les petites communes. Il s'agit de travailler en symbiose, avec, et non contre ou à côté d'elles. Par suite, je souhaite que l'intercommunalité jouisse d'une meilleure reconnaissance. Elle ne doit pas inspirer de défiance et il n'y a pas lieu de la remettre en question.

Pour reprendre les propos relatifs aux « 3 D » de Mme Jacqueline Gourault, désormais ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, j'admets qu'il nous faut peut-être entrer dans une nouvelle phase de décentralisation. Nous pourrions, par exemple, reconnaître certaines possibilités d'expérimentation locale sans porter pour autant atteinte à la légitimité de la République. Pour s'en convaincre, il suffit de porter son regard vers des pays limitrophes tels l'Italie ou l'Espagne. Dans ces pays, les régions disposent d'un pouvoir de nature législative. En France, nous sommes encore fort éloignés d'une situation de ce type. L'idée d'une deuxième étape de décentralisation, qui mettrait l'accent sur la différenciation et l'adaptation aux particularités locales, ne manque pas d'attrait.

M. Jean-Marie Bockel, président. - La métropole Nice Côte d'Azur effectue un travail remarquable. Il était important d'entendre ce témoignage. Notre collègue Françoise Gatel, qui doit retourner en séance où elle est rapporteure sur le texte Engagement et Proximité, voudra certainement nous faire part de ses commentaires sans plus attendre.

Mme Françoise Gatel. - Merci, Monsieur le Président. Pour le projet Engagement et Proximité, nous avons eu, avec Mathieu Darnaud, le plaisir d'auditionner France urbaine, ainsi que vous Monsieur le Président Ollier. Je remercie aujourd'hui vivement M. Louis Nègre pour les propos qu'il nous a tenus.

Dans l'hémicycle, j'ai eu l'occasion de dire combien j'appréciais peu le terme de « détricotage » que nous entendons dans les débats qui ont cours. La représentation, assez commune, d'un Sénat opposé à l'intercommunalité est fausse. Ne faisons pas de mauvais procès. Sans l'intercommunalité, j'estime que des territoires ruraux ne seraient pas parvenus à mettre en oeuvre certaines compétences majeures pour leur désenclavement. Je songe tout particulièrement à la question des mobilités.

Nos débats actuels tirent cependant leur origine de difficultés réelles, qui tiennent à la contre-performance de l'initiative publique en plusieurs endroits de notre territoire. Les raisons sont multiples : politique nationale, applications diverses des mêmes lois au niveau local, unions forcées, mauvais choix d'élus à la suite de la baisse de leur dotation, je ne m'y étendrai pas. Notre rôle de législateur consiste à réintroduire une forme de souplesse, à apaiser les relations, enfin à réconcilier l'intercommunalité et ses communes. Si les secondes doivent revenir au coeur du dispositif, elles ne sauraient se passer de la première, qui leur apporte une vraie valeur ajoutée. Il importe que les maires puissent à nouveau accorder leur confiance à l'intercommunalité.

L'affirmation de la diversité des territoires, l'enjeu de la gouvernance, ainsi que l'appropriation par l'ensemble des élus, restent déterminants.

M. Jean-Marie Bockel, président. - En toile de fond de nos échanges, de nombreuses questions se posent en effet. Elles alimentent un débat aussi passionnant que foisonnant. Des sensibilités très diverses à l'égard du fait intercommunal s'y manifestent. Des sénateurs regrettent l'organisation passée. D'autres, auxquels je m'associe, considèrent que l'expérimentation permet souvent d'anticiper d'utiles évolutions.

Nous écoutons à présent l'éclairage que M. Patrick Ollier peut nous apporter, avec l'expérience large de la réalité française qui est la sienne.

M. Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris. - De fait, j'ai été pendant de longues années maire de La Salle-les-Alpes, petite commune du domaine skiable de Serre Chevalier à proximité de Briançon, dans les Hautes-Alpes. Comme député et rapporteur à l'Assemblée nationale, j'ai eu à connaître des questions relatives aux territoires ruraux et à leur aménagement. Je peux par conséquent parler aujourd'hui de l'intercommunalité sous différents angles de vue.

Je partage avec Louis Nègre la conception qu'il nous a exposée. L'intercommunalité consiste par définition à obtenir que plusieurs communes travaillent de concert. Le problème principal qui se pose alors à ses représentants que nous sommes tient à la structure même de la coopération.

En 1996, je participais à la création de l'intercommunalité du Briançonnais. Elle réunissait une trentaine de communes et sa population n'excédait guère 15 000 habitants. Je suis désormais président de la métropole du Grand Paris, qui compte 131 villes avec une population de 7,2 millions de personnes. Or, les deux ensembles constituent des intercommunalités.

Le niveau de l'intercommunalité nous conduit inévitablement à nous interroger sur les objectifs que nous lui assignons et sur son mode de fonctionnement.

Quoique je connaisse les difficultés inhérentes à l'acte de légiférer, je suis surpris par l'absence de vision cohérente de l'État sur les modalités de fonctionnement de l'intercommunalité. L'expérimentation présente d'indéniables mérites, cependant elle ne saurait s'appliquer à tout propos. La structure de base du fonctionnement d'une intercommunalité peut répondre à des principes équivalents partout en France. L'expérimentation et le pragmatisme concerneront plus pertinemment sa mise en oeuvre selon le niveau de population.

Comment d'abord définir le fait métropolitain ? Oublions les images et représentations sommaires que tout territoire véhicule à l'extérieur. De manière concrète, il s'agit de prendre en compte la zone dense continue qui permet à des maires de se réunir pour apporter les solutions qui répondent aux besoins des populations.

Ce périmètre défini, il convient ensuite de déterminer quelles compétences à attribuer à la métropole. Je m'étonne ici que la métropole du Grand Paris ne dispose pas des mêmes compétences que ses homologues de Toulouse ou Marseille. C'est par exemple le cas en matière de transports et de circulations douces ou pour la gestion des déchets. Alors qu'elle pourrait être une Autorité organisatrice de transports (AOT) de deuxième rang, la métropole du Grand Paris ne se voit conférer aucune compétence dans ce domaine.

Il importe de distinguer les compétences stratégiques et les compétences de gestion. Une métropole doit à l'évidence assurer l'attractivité économique d'un territoire. Elle se doit cependant aussi d'assurer l'harmonisation et la coordination au sein de son périmètre, et par conséquent de favoriser les bonnes pratiques de ses communes. Il lui faut enfin organiser le rééquilibrage territorial et la solidarité. Ces derniers ne sont pas envisageables lorsque plusieurs organismes intercommunaux coexistent dans le périmètre d'une même zone dense continue.

Comme nous l'a dit Louis Nègre, l'assemblée des maires se place au coeur de ce dispositif de rééquilibrage, de solidarité, d'harmonisation et de coordination. Elle le sera d'autant plus qu'il se mettra en place une gouvernance partagée. Droite et Centre sont majoritaires au sein de la métropole du Grand Paris. J'ai néanmoins refusé la mise en oeuvre du principe majoritaire et proposé à la Gauche de rejoindre la gouvernance. Ainsi, sur les trente vice-présidents qui m'accompagnent, six sont socialistes, dont le maire de Paris avec le titre de premier vice-président, trois sont communistes et un est écologiste.

En trois ans d'existence de la métropole, nous n'avons jamais connu en réunion de bureau ou lors des conseils métropolitains de discussions de nature politique. Nos 209 conseillers métropolitains adoptent la très grande majorité des décisions à l'unanimité. Nous sommes donc parvenus à obtenir une culture du partage de la décision et du consensus adaptée à la gouvernance locale. Elle se concentre sur l'intérêt public. La validation préalable des décisions par l'assemblée des maires puis par les présidents de groupes l'a rendue possible. Nous pourrions nous en inspirer pour nos communes.

Le périmètre de la métropole du Grand Paris me semble convenir. En revanche, l'étendue de ses compétences m'apparaît insuffisant.

La difficulté majeure tient à ce que la République délaisse la question de l'aménagement du territoire. Cette situation remonte en fait au gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. J'avais eu l'occasion de m'en expliquer avec lui à une époque où j'étais rapporteur général du commissariat au Plan. J'estimais qu'il était inapproprié de supprimer cette institution et, par suite, de se passer de sa vision prospective. La situation actuelle confirme l'analyse que je portais alors. La décentralisation en faveur des pouvoirs locaux manque désormais de coordination. Qui mesure l'injustice inhérente à l'effet de seuil des périmètres qui s'appliquent ? Qui donc prend en charge les communes maintenues en dehors de ces périmètres ? Ce rôle revient en principe à l'État, par le moyen de l'aménagement du territoire.

Pour résoudre ce problème, j'ai proposé à tous les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) limitrophes, ainsi qu'aux départements concernés, de signer des conventions stratégiques de coopération avec la métropole du Grand Paris. Ces conventions détermineraient les contours de la participation et de la contribution financière de la métropole. Pour l'heure, cette proposition n'a pas abouti en raison de divergences d'opinions qui subsistent au sujet de l'existence de la métropole.

La véritable question n'est pourtant pas celle de savoir ce que la métropole enlève en termes de compétences, mais bien plutôt celle de ce qu'elle peut apporter. Je prendrai l'exemple de la commune de Chelles. Située en Seine-et-Marne, elle se trouve à l'extérieur du territoire de la métropole. Son maire, M. Brice Rabaste, est néanmoins venu me rencontrer afin de me manifester son intérêt pour un concours que nous avions lancé. D'un montant de 10 milliards d'euros financés par le secteur privé, le projet concerne plus de 2 millions de mètres carrés à bâtir dans 81 villes différentes, induisant à terme la création de 60 000 emplois. Les premières réalisations ont commencé. À sa demande, nous avons signé avec le maire de Chelles une convention pour que sa commune participe au concours. Un site de 12 hectares a en définitive été retenu pour une opération d'envergure qui prévoit la réhabilitation du musée des transports urbains de France.

Pour compléter mon évocation de ce que la métropole accomplit, je signale que nous avons élaboré notre Schéma de cohérence territoriale (SCOT). Après trois ans de travail, son vote est sur le point d'intervenir. Nous avons par ailleurs mis en place le plan Climat air énergie métropolitain (PCAEM), qui a été voté à l'unanimité le 12 novembre 2018.

Dans la continuité de ce plan, nous avons décidé depuis le mois de juillet 2019 la création d'une zone à faibles émissions (ZFE). Son périmètre concerne 80 % de nos communes, soit 5 millions d'habitants. Cette ZFE permettra, durant certaines plages horaires, d'interdire la circulation des véhicules les plus polluants, identifiés par une vignette Crit'Air 5. Les premiers procès-verbaux seront dressés à compter de 2021. Je précise que sur le territoire de la métropole, 6 600 personnes décèdent chaque année du fait de l'émission de particules fines. Nous devions prendre nos responsabilités. Pour l'heure, nous attendons du Gouvernement qu'il nous précise les modalités d'une aide que nous pourrions octroyer aux plus défavorisés de nos concitoyens pour les encourager à changer de véhicule.

Pour répondre à la transition énergétique, nous avons créé une fédération métropolitaine des Agences locales de l'énergie et du climat (ALEC). Nous sommes également en train d'élaborer un schéma directeur énergétique métropolitain et engageons des actions de renaturation des rives des fleuves pour y protéger la biodiversité. Pour l'anecdote, j'indique que nous avons organisé l'été dernier une transhumance des moutons à travers le territoire de la métropole du Grand Paris. Nous souhaitons que les habitants comprennent notre volonté d'un retour de la nature dans nos villes. Notre objectif est d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

Dans un autre domaine, nous avons conçu et venons de valider un Schéma métropolitain d'aménagement numérique (SMAN). Daniel-Georges Courtois, conseiller à la Cour des comptes et vice-président de la métropole, en est le promoteur. Nous avons exposé ce schéma à l'occasion du grand salon VivaTech consacré à l'innovation technologique. Par des financements adéquats, nous aiderons au développement des projets numériques de nos villes.

J'évoquerai encore plusieurs actions.

Notre plan de prévention du bruit dans l'environnement nous conduit à financer des bitumes silencieux, des murs antibruit et, lorsqu'ils s'avèrent nécessaires, d'autres dispositifs.

Un vaste programme de franchissements par des passerelles et des ponts a été engagé. Son financement atteint 25 millions d'euros. Nous souhaitons qu'il participe d'une meilleure communication entre les villes et contribue ainsi à forger une nouvelle cohérence du territoire métropolitain.

Depuis trois ans, un fonds d'investissement métropolitain a permis de distribuer des subventions à hauteur de 100 millions d'euros.

Depuis six mois, l'opération « centres-villes vivants » s'est révélée des plus intéressantes. MM. Patrick Braouezec, président communiste de Plaine Commune, et Jean-Michel Genestier, maire de droite du Raincy, dirigent cette opération. Sans doute a-t-elle inspiré celle des « coeurs de villes » que le Gouvernement a engagée à sa suite. Cinquante villes y ont participé. Chaque projet retenu par un jury bénéficiait d'une dotation de 500 000 euros. À Rueil-Malmaison, où je suis maire, elle a sauvé les 70 commerces du centre-ville en donnant les moyens nécessaires à la préemption des baux commerciaux.

Je terminerai par deux sujets d'importance.

La prise en compte des ZAC métropolitaines intervient au service du développement économique. Ce vendredi 11 octobre, la ZAC de Noisy-le-Grand a par exemple été déclarée d'intérêt métropolitain à la majorité, requise, des deux tiers des membres de notre conseil. Elle s'ajoute aux ZAC des Docks à Saint-Ouen, de Villeneuve-la-Garenne, de la Plaine Saulnier à Saint-Denis, toutes trois en relation avec l'organisation des prochains Jeux olympiques. La dernière accueillera ainsi le centre aquatique olympique, dont la métropole, de par la loi, assure la maîtrise d'ouvrage. Je rappelle qu'il sera, avec le village olympique, le seul équipement maintenu après la compétition.

La Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) constitue la dernière compétence à laquelle la métropole du Grand Paris se consacre. Non sans stupéfaction, je me suis aperçu que, dans ce domaine, toutes tendances politiques confondues, l'État n'a jamais pris les décisions stratégiques nécessaires à la coordination des actions de protection de la capitale française et de ses villes voisines contre les inondations. Dès que nous en avons reçu la compétence juridique, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2018, nous nous sommes mis au travail pour présenter au plus vite un plan de coordination. Récemment encore, je me suis déplacé dans l'Aube en compagnie de Mme Anne Hidalgo et de M. François Baroin pour y observer les lacs et réservoirs de rétention. Avec la perspective des Jeux olympiques, nous nous apprêtons à y investir quelque 34 millions d'euros pour un projet destiné à diminuer de huit centimètres la hauteur de l'eau qui risque d'affluer jusqu'à Paris.

Je me rends prochainement à Gournay-sur-Marne, une petite ville de la métropole qui, tous les ans, subit des dégâts d'inondations. Il s'agit pour nous de l'aider à bâtir les murets et digues qui l'en protégeront.

La métropole du Grand Paris exerce donc les compétences qu'elle tient de la loi. Elle s'efforce d'agir avec célérité afin d'acquérir toute crédibilité. Sa remise en question s'avérerait désormais un exercice au résultat des plus aléatoires. De toute évidence, la métropole existe, elle s'implique dans une multitude de dossiers et bénéficie de la solidarité étroite de ses maires. Avant toute chose, elle se révèle la métropole des maires. Je remercie France urbaine, qui nous incarne, nous représente et nous soutient dans nos aspirations.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci, Monsieur le ministre et cher président, pour cet exposé riche, passionnant et concret. Il nous a permis d'en apprendre plus sur une entité nouvelle. Après votre intervention et celle qui l'a précédée, je remarque que nos propos se rejoignent dans cette enceinte. Nos préoccupations, à maints égards, se ressemblent.

M. Olivier Landel, délégué général de France urbaine. - Quels que soient les maires de grandes villes ou les présidents d'intercommunalités urbaines, les préoccupations et les solutions se recoupent en effet. Les deux témoignages que nous avons entendus en rendent compte. Si nous nous arrêtons un instant sur les conférences des maires, il est manifeste qu'elles n'ont pas attendu la loi pour voir le jour. De même, avant toute injonction, ces maires ont spontanément ouvert leurs territoires à des alliances avec l'extérieur.

En réponse à Mme Gatel, je dirai que les membres de France urbaine, qui ont d'abord la qualité de maires, tiennent à rappeler que les intercommunalités urbaines sont les plus anciennes. Leur apparition remonte à la fin des années 1960. Elles sont également les plus peuplées et, surtout, les mieux intégrées. Bien que ce ne soit pas encore suffisamment le cas pour la métropole du Grand Paris, elles sont celles qui exercent de manière obligatoire le plus grand nombre de compétences. Elles en tirent essentiellement des capacités et un champ d'action larges, en d'autres termes leur efficacité. Il serait faux d'affirmer qu'elles la doivent à des budgets plus conséquents que ceux d'autres entités locales. En réalité, elles offrent un meilleur service à un moindre coût.

Nous avons insisté sur cette particularité auprès des rapporteurs de la loi en cours d'élaboration. Nous considérons que les difficultés apparues au sein de communautés de communes récentes ne sauraient remettre en question les réussites par ailleurs avérées de communautés urbaines, de communautés d'agglomération et de métropoles anciennes et bien établies.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Ce rappel était indispensable. Je souhaiterais que nous écoutions maintenant les commentaires et questions de nos collègues présents autour de la table.

M. François Calvet. - Je tiens d'abord à remercier Patrick Ollier et notre ancien collègue Louis Nègre. Leurs interventions étaient particulièrement intéressantes. Comme conseillers communautaires ou municipaux, et quoique nos principaux mandats locaux nous aient été retirés, nous continuons à connaître des réalités qu'ils nous ont décrites.

Il est exact que la République ne s'intéresse plus, ni ne participe, à l'aménagement et au développement de nos territoires. Elle n'élabore plus aucune stratégie pour eux. Il nous faut donc nous organiser localement en l'absence presque totale de l'État. De fait, celui-ci intervient encore, mais uniquement pour sanctionner.

Cette situation nous a conduits à chercher et retrouver le consensus dans nos communautés. Ainsi, à Perpignan Méditerranée, une communauté urbaine de 36 communes et 290 000 habitants, nous avons élaboré une charte qui pose le principe du consensus. Aucun projet ne peut aboutir en cas de désaccord d'une seule commune. La discussion et les échanges nous permettent cependant de convaincre. Nous avons en quelque sorte abandonné la politique au profit d'une gestion intelligente, à partir d'un projet commun de territoire.

Dans l'exemple qui m'intéresse directement, les relations avec la région Occitanie demeurent primordiales. Leur qualité n'est pas sans rapport avec la force que nous avons acquise puisque nous représentons la troisième communauté urbaine de la région, après Toulouse et Montpellier.

Je regrette profondément le désengagement de l'État. Nous aurons à nous interroger sur la perte de pouvoirs des préfets, sur la disparition des Agences régionales de santé (ARS), sur un démantèlement quasi généralisé. Nous ne disposons seulement plus des plans de récolement des réseaux. Il nous a fallu les reconstituer.

Dans l'immédiat, d'autres questions émergent. Nos chartes locales n'ont pas de valeur juridique. Elles ne tiennent que par ceux qui les portent. Comment pourrions-nous les assurer d'un point de vue légal ? À l'attention de Patrick Ollier, j'aimerais qu'il nous apporte des précisions sur la mise en oeuvre des équipements des futurs Jeux olympiques.

M. Jean-Pierre Vial. - À mon tour de me féliciter d'avoir pu entendre les présentations qui nous ont été exposées. Les réussites dont vous faites état suscitent l'envie. Nous mesurons à quel point la loi et ses réformes ne peuvent pas tout à elles seules.

Je reconnais également la disparition et la défaillance de l'État, qui ne propose plus ni vision ni outil de planification. Pour autant, j'estime que la question se pose toujours de son retour. Élu d'un petit département d'une grande région, la région Auvergne-Rhône-Alpes, je suis consterné par les difficultés et le désemparement des collectivités lorsqu'elles entendent porter à l'international ou à l'échelle européenne des projets d'envergure qu'elles conçoivent. Je m'associe aux propos de Patrick Ollier pour souhaiter un ressaisissement de l'État, sous une forme ou une autre.

Dans ce qui a été évoqué, nous constatons que beaucoup de projets renvoient à des problèmes de compétences, outre les relations entre les collectivités. Nombre d'entre elles, comme en matière d'économie ou d'aménagement, ressortissent à la région ou au département. Quelles difficultés particulières rencontrez-vous sur ce terrain et quelles pistes explorez-vous pour les surmonter ?

M. Michel Dagbert. - Je souhaite remercier tout spécialement le délégué général de France urbaine pour les propos qu'il a tenus. Avec les témoignages de nos collègues sénateurs, ils complètent notre information sur la situation des différents territoires.

À titre personnel, je ne déplore pas l'effacement de l'État. Nous l'avons vécu et observé au fil des années. Il a correspondu à l'émergence concomitante du rôle des élus locaux. Nous ne pouvons en cette qualité d'élus revendiquer à la fois plus de responsabilités dans l'élaboration des politiques publiques et, dès qu'elles s'avèrent quelque peu complexes à mettre en oeuvre, regretter l'intervention étatique. Nous nous plaignions auparavant d'être sans cesse contraints de requérir l'autorisation du préfet pour agir. Nous avons gagné en autonomie.

En revanche, je rejoins l'analyse de mes collègues pour ce qui tient à la perte d'ingénierie. Un certain nombre de nos structures sont encore récentes. Leur montée en puissance nécessite du temps. Il leur faut acquérir les compétences utiles. Le problème du retrait de l'État se pose donc surtout dans les premières années parce qu'il entraîne temporairement un manque d'ingénierie.

J'ai personnellement vécu la création d'un pôle métropolitain de 150 communes et 650 000 habitants. L'une des trois communautés d'agglomération qui le composent compte 100 communes, dont 60 ont de moins de 2 000 habitants. Vous mesurez la complexité pour les conseils municipaux de simplement intégrer le fait intercommunal. Or, ce sont ici des élus de la communauté d'agglomération qui participent aux travaux du pôle métropolitain, éloignant ainsi un peu plus la décision des élus municipaux. Dès la première année, nous avons tenu à réunir une conférence des 150 maires pour les tenir informés de la stratégie que nous entendons promouvoir.

Ne remettons pas en cause le fait intercommunal, ni la volonté de le densifier pour qu'il atteigne le bon niveau et la bonne échelle d'action. Nous connaissons dorénavant des régions étendues. Pour y exister, il faut être en capacité de conduire des projets structurants, qui supposent d'aller chercher des fonds européens auprès des ministères et de la région, tout en demeurant à l'écoute des préoccupations quotidiennes des habitants et de leurs élus, comme le président Ollier le rapportait avec son déplacement dans une commune de 3 500 habitants pour y traiter un problème local lié à des inondations.

Enfin, je me réjouis que la métropole du Grand Paris entende progresser rapidement dans le domaine de la Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Ainsi, alors qu'elles étaient entreposées en zone inondable, les réserves du musée du Louvre ont depuis peu trouvé leur place dans le nouveau pôle métropolitain du bassin minier du Pas-de-Calais, à Liévin.

M. Raymond Vall. - En tant qu'élu d'un territoire principalement rural, je souhaite exprimer ma satisfaction après les propos que j'ai entendus. Ils me rendent l'espoir.

De l'extérieur, l'impression qui se dégage des métropoles est plutôt celle de grands ensembles inaccessibles. Vous nous en avez expliqué le fonctionnement de l'intérieur. Vous avez évoqué la solidarité, l'établissement de conventions stratégiques de coopération. Vous avez également abordé le sujet, qui nous intéresse au plus haut point, des relations vis-à-vis de l'extérieur.

Dans les territoires ruraux, nous sommes confrontés à ce qu'il convient d'appeler la « fracture territoriale ». Nous manquons de tout. Nous n'avons ni densité de population, ni infrastructures, ni accès au haut débit, ni compétence en ingénierie, ni surtout de projets et de dynamique propre. Quand il nous faut créer la nôtre, votre démographie et votre géographie constituent d'emblée une richesse.

Les métropoles disposent en particulier du choix de coopérer ou non avec leur périphérie. Si je prends l'exemple de la métropole de Toulouse, cinq ou six départements autour d'elle sollicitent régulièrement cette coopération. Que peuvent-ils cependant proposer en retour, en termes de projets ?

Il me semble que nous avons beaucoup pâti de l'absence de transfert de compétences aux régions. Faute de compétences suffisantes et d'autonomie fiscale, et tandis que leur territoire s'est encore agrandi, ces collectivités territoriales éprouvent des difficultés à élaborer un projet de territoire et à s'organiser. Il en résulte, pour les territoires ruraux, le maintien des mêmes problématiques avec des handicaps parfois sérieux.

Le petit territoire d'où je viens est toutefois parvenu à conclure un contrat de réciprocité avec une métropole ainsi qu'un contrat d'alliance avec une agglomération. Dans les deux cas, je constate la prégnance du facteur humain. Le désintéressement, la qualité de la relation et les échanges sont décisifs. Sans doute la carte rurale, trop souvent au service de la politique politicienne, ne les facilite-t-elle pas toujours.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Ces remarques portent la marque de l'expérience de la présidence des Pays et pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). Par-delà leurs limites, il importe à l'évidence de continuer à faire parler ensemble les différents territoires. En ce sens, le cas des échanges entre Toulouse et le Gers, avec l'esprit qui y règne, est admirable.

Mme Josiane Costes. - J'aborderai pour ma part la situation du Cantal, département dont je suis sénatrice. Nous y avons fort mal vécu le départ de l'État, qui apportait dans une certaine mesure sa protection. En raison de son éloignement, à quatre ou cinq heures de route, nous demeurons complètement à l'écart de la métropole lyonnaise. La « fracture territoriale » y est une réalité aussi tangible que pénible. En témoigne la présence de « gilets jaunes », alors que le département ne se distingue ordinairement pas par son attitude contestataire.

Dans le Cantal, nous espérons un minimum de retour de l'État. Le récent redécoupage régional ne nous est pas favorable. Nous le jugeons au contraire catastrophique. Il nous isole toujours plus. Aurillac n'a rien à voir avec Lyon. Fort heureusement, nous pouvons encore compter sur le département. Nous bénéficions également de la compréhension du président de la région qui, élu d'un territoire semblable au nôtre, nous a permis de signer avec elle un pacte spécifique, le pacte Cantal.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je propose à MM. Louis Nègre et Patrick Ollier de conclure.

M. Louis Nègre, président délégué de la métropole Nice Côte d'Azur et maire de Cagnes-sur-Mer. - Je pense que nous constatons unanimement, avec la disparition de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), celle de la vision d'un État dont toute la tradition repose pourtant sur la centralisation. Je l'évoquais récemment avec Philippe Duron, ancien président de région et président actuel du Conseil d'orientation des infrastructures.

Pour les grandes orientations, le retour d'une vision nationale, partagée par le Parlement, aurait ma préférence. J'apporte mon soutien au maintien du Conseil d'orientation des infrastructures, avec une validation par le Parlement. À un niveau inférieur, c'est le Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) qui doit continuer d'intervenir. Nous retrouvons ensuite les départements et les métropoles. À partir d'une vision d'ensemble, les différentes strates devraient, au moins dans une certaine mesure, s'imbriquer les unes aux autres.

S'agissant des conventions stratégiques de territoires que Patrick Ollier a évoquées, je reconnais que la métropole Nice Côte d'Azur est moins avancée dans cette démarche que son homologue du Grand Paris. Cependant, dans le domaine de la GEMAPI, nous parvenons à ce type de résultat par un travail en commun avec nos EPCI et le département. Si sa mise en place s'est avérée complexe, la GEMAPI montre à présent toute son utilité. Elle permettra de sauver des vies, alors que nous avions déploré vingt décès à Cannes en 2015. Je mentionnerai aussi l'incinération des déchets. L'usine d'incinération de Nice, la seule qui existe dans un large périmètre, récupère désormais l'ensemble des déchets de la Côte d'Azur.

Je reviens à la question de la gouvernance. Peu présente dans les textes, elle revêt essentiellement un caractère humain. Elle n'en est pas moins fondamentale. Comme dans toute organisation territoriale, qu'il s'agisse du conseil municipal ou du conseil départemental, le président de la métropole ne peut décider seul. Au risque de ne plus être suivi, il doit s'appuyer et pouvoir compter sur l'équipe que forment, toutes sensibilités politiques confondues, les différentes parties prenantes au projet.

Quant aux relations que nous entretenons avec la région et le département, je dirai qu'elles relèvent du simple bon sens entre élus locaux.

Certains de nos collègues, dont Raymond Vall, mettent en avant la « fracture territoriale ». Elle constitue une vraie difficulté. Dans les territoires qui y sont confrontés, nous pouvons nous interroger sur le rôle du département. N'est-il pas appelé à devenir alors l'équivalent d'une métropole, en fédérant les différentes communautés rurales afin qu'elles atteignent le poids critique nécessaire à l'efficacité de leur action ?

M. Raymond Vall. - Ne perdons pas de vue qu'il existe, sur le plan financier, une disparité marquée entre les territoires. Les départements interviennent déjà et ne parviennent pas à la corriger. Au contraire, ils ne l'accusent que plus encore. À titre d'exemple, dans la région Occitanie, le budget du département de la Haute-Garonne équivaut à l'ancien budget régional ; pour sa part, le département du Gers ne dispose de presqu'aucune capacité financière d'intervention.

M. Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris. - En réponse à François Calvet, j'indique que j'entretiens avec le préfet Jean Castex des relations amicales et de confiance. Le préfet Paul Mourier et moi-même travaillons avec lui en bonne intelligence pour que la métropole du Grand Paris se montre à la hauteur des enjeux qui concernent le centre aquatique olympique. Rien n'est engagé sans que nous, maître d'ouvrage, soyons d'accord avec le délégué interministériel, mais aussi la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO), présidée par Anne Hidalgo, qui répartit les maîtrises d'oeuvres.

M. Tony Estanguet, président du comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, a par ailleurs participé ce vendredi 11 octobre à notre conseil métropolitain.

Sans conteste, toutes les parties prenantes, quelle que soit leur sensibilité politique, recherchent le consensus pour réussir l'organisation des prochains Jeux olympiques. Tant qu'il ne se dégage pas d'accord commun sur une solution technique, nous continuons à y travailler.

Pour exercer des compétences, encore faut-il que nous disposions de la faculté de le faire. Jean-Pierre Vial a abordé ce point. Il appartient à l'État, au Gouvernement et certainement au Parlement, de nous donner les moyens d'agir. Qui donc vote les lois, à part vous ? Face aux experts des ministères, il vous revient de défendre avec conviction les articles de loi qui rétablissent les équilibres. Les deux chambres du Parlement doivent prendre leurs responsabilités. Il faut en particulier que l'Assemblée nationale ait le courage de s'opposer au Gouvernement lorsque c'est nécessaire.

Je n'aspire nullement au retour de l'État tutelle, mais je souhaite la présence d'un État arbitre. En cette qualité, j'attends qu'il se prononce et donne les grandes orientations pour des infrastructures d'intérêt national et les équipements majeurs. Il me semble que c'est la condition indispensable à la réussite des opérations. Souvenons-nous des Zones de revitalisation rurale (ZRR). Par un système de défiscalisation, elles permettaient l'apport de richesses et de valeur ajoutée dans les territoires qui en relevaient. À l'évidence, leur suppression fut une erreur. Nous n'aurions pas dû l'accepter.

J'émets le voeu que le Parlement contribue à recréer des instruments d'aménagement du territoire à destination des régions et des départements. Contrairement au schéma qui prévaut dans les principaux pôles urbains, comme celui du Grand Paris, il importe que ces outils favorisent l'organisation de la transversalité dans les zones rurales. Nous attendons que vous déposiez des amendements en ce sens. Je vous prie instamment, Mesdames et Messieurs les sénateurs, de protéger les métropoles et l'intercommunalité. Contre les égoïsmes locaux, contre ceux qui espèrent nous voir disparaître, vous défendrez alors l'intelligence collective et le savoir-faire en commun. Vous serez d'abord utiles aux populations, qui comptent sur notre aide.

M. Jean-Marie Bockel, président. -  « Aidons-nous mutuellement », ce pourrait être une belle façon de clore nos échanges. Je vous remercie pour l'analyse éclairée que vous avez bien voulu partager avec nous.

Communication de Mme Josiane Costes sur les conclusions du rapport « Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires »

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous allons écouter Josiane Costes nous présenter les conclusions du travail auquel elle a participé.

La mission d'information « Transports aériens et aménagement des territoires » a été créée le 30 avril 2019 à la demande du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Notre collègue en a été le rapporteur et a rendu publiques, le 3 octobre dernier, les conclusions du rapport intitulé « Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires ».

Compte tenu du sujet, qui entre en résonance avec nos travaux sur les ruralités, et du fait que seuls trois autres membres de notre délégation ont participé à cette mission (François Bonhomme, Jean-Claude Luche et Sonia de la Provôté), il m'a paru utile, pour notre information, que sur les 30 propositions du rapport, Josiane Costes nous présente les principales d'entre elles qui intéressent les collectivités territoriales.

Mme Josiane Costes. - Comme vous l'avez dit, la mission a été mise en place à l'initiative du groupe RDSE. Cette initiative a suivi le dépôt d'une proposition de loi relative au désenclavement.

La mission a établi plusieurs constats, dont elle tire ses propositions.

Les principaux constats

Un million de Français vivent à plus de 45 minutes d'un accès à l'autoroute, une gare TGV ou un aérodrome, et 10 millions n'ont accès qu'à un seul de ces modes de déplacement.

Le soutien au transport aérien régional reste pertinent lorsque d'autres moyens de déplacement, le rail ou la route, ne lui sont pas substituables ou ne rendent pas un service comparable.

Au terme d'une étude comparative, il s'avère que le principe du soutien de l'État aux lignes régionales de service public constitue une pratique répandue pour relier les territoires ou les communautés isolés, aussi bien au sein de l'Union européenne qu'en dehors d'elle, par exemple en Australie ou en Colombie.

Le modèle français s'appuie principalement sur une politique de soutien aux routes, par des lignes d'aménagement du territoire, subventionnées selon le modèle des Obligations de service public (OSP) et soumises à autorisation de la Commission européenne.

Dans les régions périphériques, le transport aérien stimule directement l'activité économique. Le trafic n'y est pas induit, mais il est moteur et porteur d'externalités positives pour l'économie locale.

La mission d'information formule donc 30 propositions concrètes, réparties en 7 axes thématiques.

Les principales propositions portent, d'une part, sur des recommandations législatives et réglementaires et, d'autre part, sur des préconisations de bonnes pratiques à l'attention de l'État et des collectivités territoriales.

La mission appelle à renforcer le suivi de la Stratégie nationale du transport aérien 2025 pour la connexion des territoires et le désenclavement des zones isolées (axe 1). Un bilan annuel serait nécessaire.

La mission propose de conforter les lignes d'aménagement du territoire (axe 2) et d'améliorer leur qualité de service (axe 3). Les passagers de ces lignes déplorent souvent la qualité de l'accueil dans les aéroports, notamment ceux de Paris, où ils passent un temps parfois largement équivalent à celui du vol.

La mission préconise également d'optimiser la gestion des aéroports par les collectivités territoriales (axe 4), d'ajuster les aides aux passagers ultramarins (axe 5) et d'encourager la connectivité aérienne régionale en métropole et outre-mer (axe 6). Si les outre-mer bénéficient de liaisons satisfaisantes avec la métropole, par Paris, elles souffrent d'un déficit de liaisons avec leur bassin économique. Ce déficit est préjudiciable à leur développement.

Il s'agit enfin d'inscrire dans la durée la desserte aérienne des territoires (conciliation de la taxation carbone avec l'objectif d'aménagement du territoire en vue de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, réduction des émissions de CO2 et développement d'une filière locale de biocarburants) et d'esquisser une vision pour le transport aérien régional de demain (axe 7).

Au titre des axes 2 et 3, il convient de saluer l'engagement et l'effort budgétaire de l'État. De 11,7 millions d'euros en 2018, cet effort atteindra progressivement 25 millions d'euros à l'échéance de 2022. Dès 2020, il s'élèvera à 19,9 millions d'euros.

Il importe ensuite de prendre plusieurs mesures :

- sécuriser le cadre juridique de la participation financière des départements aux lignes d'aménagement du territoire dans le cadre d'un tour de table financier. Souvent, ces lignes ont un caractère déficitaire. L'État comble ce déficit à proportion maximale de 55 %. Le comblement de l'autre part revient aux collectivités locales, principalement les départements, suivis des communautés d'agglomération et, plus rarement, des régions. Or, les départements ne disposent pas de la compétence Transports, mais uniquement de celle du Tourisme ;

- améliorer le partage d'expériences entre collectivités porteuses de projets afin de diffuser les bonnes pratiques. La création d'une cellule de soutien technique au sein de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) y contribuerait. En l'état, les petites collectivités ne disposent pas de la technicité nécessaire dans le domaine de l'aérien. Les grandes compagnies aériennes leur imposent souvent leurs vues ;

- renforcer le contrôle des opérateurs de délégations de service public et de leurs sous-traitants en matière de transparence des comptes d'exploitation et de respect des obligations de service public. Ces obligations sont d'abord relatives à la qualité du service aérien et à l'accueil des passagers. Actuellement, les compagnies aériennes ne rendent pas suffisamment compte de leur délégation.

- créer les conditions d'ouverture des appels d'offres à davantage de concurrence. Le plus souvent, du fait de la faible rentabilité de ces lignes aériennes, une seule compagnie se porte candidate ;

- améliorer le modèle économique et soulager la charge pour les collectivités en favorisant un meilleur taux de remplissage par des prix plus attractifs susceptibles d'attirer un public qui dépasse la seule clientèle d'affaires.

Au titre des axes 4 et 6, les mesures avancées sont les suivantes :

- de nouveau, mieux reconnaître les compétences des départements dans le domaine aéroportuaire pour sécuriser leurs interventions en faveur des aéroports de désenclavement ;

- encourager les autorités organisatrices de la mobilité à assurer la bonne desserte des aéroports ou aérodromes et à coordonner leurs actions de promotion du territoire, notamment en matière économique et touristique ;

- encourager les régions qui ne se sont pas encore saisies du sujet à élaborer une stratégie aéroportuaire régionale définissant une typologie des aéroports de leur territoire. La mutualisation des fonctions de certains aéroports est envisageable ;

- ouvrir le droit aux collectivités territoriales d'obtenir une délégation de l'État pour l'organisation de liaisons d'aménagement du territoire vers d'autres pays membres de l'Union européenne ;

- donner aux collectivités territoriales les outils d'analyse et de rationalisation des routes aériennes afin de mieux identifier les besoins de nouvelles liaisons infra et interrégionales. Actuellement, la majorité des liaisons aériennes convergent vers Paris. Il faut favoriser le développement de métropoles régionales ;

- inscrire dans la loi les compétences régionales en matière de transport aérien. Pour l'heure, les régions traitent ce sujet sur le fondement de leur compétence principale en matière d'aménagement du territoire et de développement économique.

Le transport aérien concentre de nombreuses critiques. Dans certaines situations, il s'avère pourtant indispensable. J'ai à l'esprit l'exemple de la ville d'Aurillac, d'où il faut compter sept heures de train, avec deux changements, pour rallier Paris. Par la route, six heures sont nécessaires, en raison de l'éloignement des voies rapides. Si elle ne peut bénéficier d'une liaison aérienne, ses entreprises la quitteront très vraisemblablement.

Pour le cas où des taxes devraient être mises en place au titre d'une écocontribution, nous demandons qu'elles prennent en compte un critère de substituabilité avec les autres modes de déplacement. Par ailleurs, nous souhaitons orienter prioritairement le produit de ces taxes en fonction de considérations environnementales. Nous pourrions, par exemple, encourager la recherche et les expérimentations dédiées aux moteurs moins polluants ou aux biocarburants.

Enfin, à l'horizon de 2030, l'aviation régionale française peut devenir le laboratoire de la mise en oeuvre concrète du transport aérien hybride et décarboné. La dimension des avions, avec environ 50 places, et les distances de l'ordre de 500 kilomètres correspondent aux perspectives de développement des constructeurs. C'est un défi exigeant mais réalisable.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Mon expérience des questions aéronautiques et aéroportuaires, mon implication à l'égard de l'aéroport de Bâle-Mulhouse confirment en effet le rôle indispensable d'un certain nombre de ces équipements, y compris ceux de faible trafic, dans l'aménagement du territoire. Nous constatons cependant que peu de lieux en France connaissent une situation équivalente à celle d'Aurillac, où l'alternative n'est autre que l'avion ou rien. Ce n'est par exemple pas le cas à Saint-Flour, une autre ville du même département. La problématique reste circonscrite à un nombre limité de territoires. Dans ces conditions, les solutions de désenclavement par le moyen de l'avion sont à notre portée.

M. Jean-Pierre Vial. - Je m'associe à ces remarques. À l'aune de ma propre expérience avec l'aéroport de Chambéry - Le Bourget-du-Lac, j'insisterai simplement sur le besoin d'ingénierie d'accompagnement. Dans un domaine éminemment spécifique, nous gagnerions à ce que l'aviation civile accompagne bien mieux les collectivités qu'elle ne le fait.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci à Josiane Costes pour ce travail en lien direct avec celui que nous menons au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.