Jeudi 17 octobre 2019

- Présidence de M. Michel Magras -

Programmation des travaux

M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues. Nous nous sommes réunis le jeudi 3 octobre dernier afin d'échanger sur le programme de travail de notre délégation pour la session 2019-2020.

Deux grands axes de travail ont émergé des propositions que j'ai pu vous faire et des interventions des collègues présents. Ils ont, je pense, trouvé l'assentiment de tous.

Le premier axe concerne les collectivités de nos territoires et l'accompagnement de leurs projets. Un rapport pourrait ainsi être mené sur le rôle des institutions financières publiques en appui aux collectivités ultramarines pour leurs projets d'investissements. La délégation aux collectivités territoriales du Sénat s'intéressant cette année aux problématiques d'ingénierie des collectivités locales, ce rapport viendrait apporter un éclairage plus spécifique sur la problématique de l'accès aux financements pour les territoires ultramarins.

Il permettrait notamment de faire un état des lieux de l'action et des moyens de l'Agence française de développement (AFD) et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans nos territoires en la matière.

Ce sujet me paraît important alors que nos collectivités peinent trop souvent à trouver les moyens nécessaires à la conduite de leurs projets, pourtant structurants et déterminants pour le développement.

Le second axe, qui a suscité un vif enthousiasme, porte sur les problématiques européennes. Ce thème très vaste devrait nécessairement être plus précisément défini.

Les enjeux pour nos territoires sont pluriels et stratégiques pour l'année 2020.

D'une part, la négociation du cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 doit recueillir toute notre attention. Cela vaut tant pour le maintien des différents fonds destinés aux régions ultrapériphériques que pour le niveau des financements destinés aux pays et territoires d'outre-mer, avec l'intégration du fonds européen de développement (FED) au sein de ce cadre financier.

D'autre part, deux décisions propres à nos outre-mer arriveront à terme à la fin de l'année 2020. Je pense ici à la taxation du rhum et à l'octroi de mer. Un point pourrait ainsi être fait sur ces différents sujets et interpeller les institutions européennes sur la prise en compte de nos territoires à l'approche de ces échéances.

En outre, les manifestations d'intérêt de plusieurs de nos collègues pour conduire ces travaux permettent de satisfaire les exigences traditionnelles de la délégation en matière d'équilibres politique et territorial et de parité. Je les ai rappelées lors de notre dernière réunion.

Je vous propose donc, si vous en êtes d'accord, de désigner comme rapporteurs :

- pour l'étude sur l'appui public aux collectivités ultramarines : Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar ;

- pour le sujet européen : Vivette Lopez, Gilbert Roger et Dominique Théophile.

Avec cette proposition, nous obtenons une proposition équilibrée, avec un membre du groupe Rassemblement Démocratique Social Européen, des membres du groupe socialiste et républicain, une membre du groupe Union centriste, une membre du groupe Les Républicains, ainsi qu'un membre du groupe La République en Marche.

La délégation a approuvé les thèmes retenus pour son programme de travail et la désignation des rapporteurs.

Je vous propose de valider ces deux sujets d'étude pour la session ainsi que les rapporteurs qui en assureront la conduite.

Comme je vous l'avais indiqué, je souhaite également que la délégation ouvre davantage ses travaux en réunion plénière à des auditions ponctuelles. L'audition ce matin de la ministre des Outre-mer, sur la politique générale du Gouvernement et de son ministère à destination de nos territoires, s'inscrit dans ce cadre.

C'est également sous cet angle d'auditions ou de tables rondes ponctuelles que je vous propose de traiter au cours de l'année les deux autres thématiques retenues le 3 octobre, que sont la différenciation territoriale et l'intégration régionale de nos territoires. En effet, le mot « différenciation » est devenu particulièrement récurrent dans le débat politique actuel. Je suis moi-même un militant de cette notion. Mais il semble que les approches mêmes de cette notion soient différenciées entre le Gouvernement, le Parlement et les associations, ce qui peut mener à des confusions avec les habilitations, les transferts de compétences, l'adaptation. Il apparaît donc important de dire ce que nous entendons par différenciation, et comment nous espérons qu'elle soit adaptée.

Dans ce schéma de travail, j'ai souhaité que nous auditionnions le 21 novembre prochain le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon. En effet, celui-ci était intervenu l'an passé lors de la « Journée des outre-mer » du Congrès des maires et a depuis organisé deux déplacements de ses services, dans les Antilles en novembre 2018 et dans l'océan Indien à la fin du mois de septembre 2019. Un appel à témoignages outre-mer a également été mené, dont les conclusions viennent de paraître.

Cette audition sera donc l'occasion d'avoir un état des lieux de la situation actuelle en matière d'accès aux droits et de mettre en lumière des fragilités importantes qui doivent alimenter le débat public.

Je souhaite ajouter que j'ai reçu le nouveau représentant outre-mer de l'Office français pour la biodiversité, issu de la fusion de l'Agence française de la biodiversité avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, avec lequel nous poursuivrons le cycle de conférences par bassin sur la biodiversité dans nos territoires. Au cours de cette réunion, il nous a confirmé que ce partenariat ne sera pas modifié. Le prochain colloque aura donc lieu le 23 avril 2020 et portera sur la biodiversité de l'océan Indien.

Quelqu'un souhaite-t-il ajouter une observation sur ce qui a été dit jusqu'ici ?

Mme Vivette Lopez. - Je souhaiterais juste signaler que la semaine du 21 novembre est également concernée par le Congrès des Maires.

M. Michel Magras, président. - J'aimerais d'ailleurs vous annoncer que nous envisageons à cette occasion de réunir les maires ultramarins le lundi 18 novembre pour échanger avec eux sur les rapports de la délégation consacrés aux risques naturels mais aussi sur leurs attentes en matière d'association aux travaux de notre assemblée. Nous échangeons avec la Présidence du Sénat sur ce sujet.

Mme Victoire Jasmin. - Y aura-t-il une invitation officielle de la délégation ? Nous devrons, le cas échéant, la relayer auprès des maires de nos territoires.

Mme Lana Tetuanui. - Ce qui est intéressant dans cette démarche, c'est qu'il y a deux ans, le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, avait invité lors de la journée dédiée aux outre-mer tous les élus ultramarins. L'idéal serait que cette rencontre se renouvelle ici au Sénat, les sénateurs étant les représentants des collectivités locales. Si, par chance, nous pouvons les accueillir, ce serait idéal.

M. Georges Patient. - Pour en revenir au sujet des rapports, le premier concerne étroitement les capacités de financement des collectivités. Actuellement chargé d'une mission relative aux finances locales outre-mer, je souhaiterais être associé à ce travail.

M. Michel Magras, président. - Vous pourrez naturellement participer aux travaux des rapporteurs, comme il est de tradition dans les méthodes de travail de la délégation.

M. Victorin Lurel. - Je souhaiterais demander des précisions sur mes demandes au sujet de la mobilité et des transports dans les outre-mer. J'avais écrit, Monsieur le président, par deux fois, pour l'inscrire à l'ordre du jour, mais je n'ai jamais reçu de réponse.

M. Michel Magras, président. - Je reconnais qu'il s'agit d'un beau sujet. Toutefois, nous avons une session 2019-2020 extrêmement contrainte. D'autres sujets, tels que la question des déchets, ont été débattus la semaine dernière, mais nécessitent un travail de fond plus long. De plus, sur les questions du transport aérien et de la continuité, le Sénat vient de rendre un rapport, issu d'un groupe de travail ayant auditionné certains d'entre nous, qui, s'il n'aborde pas tous les problèmes, est très intéressant. L'Assemblée nationale travaille également sur le sujet, et nous avons toujours veillé à ne pas faire de doublon, tout comme nous veillons à ne pas en faire avec le rapport en cours de Georges Patient.

M. Victorin Lurel. - Je considère que dans le rapport publié par le Sénat, les outre-mer n'y trouvent pas leur compte. Cela me paraît suffisamment important, au vu de nos problèmes avec la Direction générale de l'aviation civile, partout, sur toutes les îles. La Polynésie, par exemple, représente 118 îles et 76 aéroports. C'est un sujet majeur. Des rapports ont été faits, mais les outre-mer n'y ont pas suffisamment leur place. Je le regrette, je l'avoue.

M. Michel Magras, président. - Je partage cette préoccupation forte. Les contraintes de travail qui sont les nôtres ne permettent cependant pas d'envisager un sujet si vaste dans une année si resserrée.

Nous devons maintenant passer à la deuxième étape ; je vous prie d'accueillir la ministre des outre-mer.

Audition de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

M. Michel Magras, président. - Nous accueillons Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, afin de faire un point sur la politique du Gouvernement dans les outre-mer. Je vous remercie, Madame la ministre, d'avoir répondu favorablement à notre invitation. Cette audition sera l'occasion de dresser un premier bilan des actions de l'exécutif concernant les territoires ultramarins depuis 2017.

Madame la ministre, vous avez lancé, il y a deux ans, les Assises des outre-mer, grande consultation et appel à projets autour de différents sujets. Un an après, le Livre bleu était dévoilé en grande pompe à l'Élysée. Vous le savez, nombre d'entre nous étaient sceptiques sur cette démarche. Trop souvent, les gouvernements ont pu engager des consultations dans nos territoires, sans que celles-ci ne soient suivies d'un lendemain opérationnel, et ce alors que les problèmes de nos territoires sont largement documentés. Les outre-mer ont besoin d'une vision claire, d'engagements solides et, surtout, de réalisations concrètes.

Alors que le Gouvernement s'est prévalu, à l'issue du comité interministériel des outre-mer (CIOM) réuni le 18 septembre dernier, d'un taux de « 85 % des mesures du Livre bleu déjà engagées », nous souhaitons avoir un état des lieux de ce qui a réellement été lancé dans nos territoires. Derrière ce chiffre qui concerne le démarrage de projets, ce qui nous intéresse est avant tout de connaître vos objectifs et votre calendrier en termes de réalisations.

Le comité interministériel des outre-mer, réuni autour du Premier ministre Édouard Philippe, a également défini les orientations du Gouvernement pour la seconde partie du quinquennat. Je souhaiterais vous entendre sur ce point.

Là encore, l'important est pour nous de connaître la déclinaison concrète et l'échéancier projeté des actions de l'État dans nos territoires. Quels sont les axes et votre horizon de déploiement de la « Trajectoire 5.0 » ? Que pouvons-nous attendre des contrats de convergence et de transformation (CCT) signés à l'été avec les territoires ? Surtout, Madame la ministre, quels seront les moyens financiers réellement mis au service du développement de nos territoires ?

D'autres sujets vous ont été indiqués, qui portent précisément sur certains territoires. Je pense notamment à l'état d'avancement de la reconstruction des îles du Nord, deux ans après l'ouragan Irma, mais aussi à la mise en oeuvre de grands engagements de l'État avec les accords de Guyane ou le plan pour l'avenir de Mayotte.

Enfin, je voudrais vous entendre, Madame la ministre, sur la différenciation territoriale, pour laquelle je milite, vous le savez. Ce terme a été très largement repris, mais la définition et les contours qui lui sont donnés sont très fluctuants. Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé vouloir aller plus loin sur ce sujet dans le cadre de la révision constitutionnelle. Quelles sont vos attentes en la manière sur ce texte ? Quelle souplesse sera donnée aux territoires pour adapter davantage les politiques nationales aux réalités locales qu'ils connaissent ?

Mme Annick Girardin, ministre. - Mon action s'inscrit dans la continuité de ce qui est engagé depuis mai 2017, dans la cohérence et la transparence. L'acte II de mon mandat, c'est la Trajectoire 5.0, une dynamique lancée le 8 avril dernier. Cette trajectoire découle de la consultation des citoyens lors des Assises des outre-mer, et des mesures et projets inscrits dans le Livre bleu, la feuille de route du Gouvernement sur le quinquennat. Sur les 333 mesures du Livre bleu, 283 sont désormais engagées, soit 85 %. Ce terme d'« engagées » n'est pas satisfaisant et prête à confusion, car il ne signifie pas que les citoyens peuvent voir dès à présent les résultats de nos politiques sur le terrain. Le ministère dispose d'un tableau de l'avancement des projets régulièrement mis à jour. Nous pourrons vous le transmettre.

Le Livre bleu appelle à mettre en oeuvre une action sociale, avec l'expérimentation de la Conférence territoriale de l'action sociale et familiale (CTASF) en Guadeloupe. Le déploiement d'infrastructures à très haut débit fixe devrait être achevé à la fin de 2019, avec un soutien de près de 145 millions d'euros. Un plan ambitieux pour les équipements sportifs dans tous les territoires bénéficiera de 56 millions d'euros sur 5 ans, financé à parité par le ministère des outre-mer et celui des sports. Le fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (Febecs) sera doublé pour tous les territoires. Pas moins de 100 postes de médecins spécialisés seront ouverts. Les entreprises adaptées recevront une aide de 44 millions d'euros, soit l'équivalent de 2 100 emplois. Enfin, la police de sécurité au quotidien verra ses effectifs augmenter, avec 371 postes supplémentaires. La direction générale des outre-mer (DGOM) et mon cabinet suivent de près toutes les avancées du Livre bleu lors des réunions interministérielles. Le Livre bleu, c'est aussi une méthode. C'est la mise en oeuvre de projets, c'est la co-construction entre l'État, le monde économique et la société civile pour la transformation et le rayonnement des outre-mer. C'est le réflexe outre-mer en action au sein de l'ensemble des ministères. C'est un suivi de nos engagements et des mesures, avec la tenue de comités interministériels des outre-mer (CIOM) réguliers : un premier, le 22 février, et un second, tout récent, le 18 septembre. Un troisième rendez-vous est fixé au premier semestre 2020 par le Président de la République qui l'aborde comme une « réunion de chantier ». Ce sont des moments importants qui, au-delà du suivi technique et administratif des mesures du Livre bleu, me permettent de porter politiquement au plus haut niveau les sujets relatifs aux outre-mer. C'est grâce à ces moments privilégiés que nous pouvons gagner un certain nombre d'arbitrages.

La Trajectoire 5.0 est transversale dans l'ensemble des chapitres du Livre bleu. Cette stratégie de développement durable pour tous les territoires, à l'horizon 2030, a été confortée par l'engagement des collectivités lors de la signature de CCT, le 8 juillet dernier. Ces contrats, qui découlent de la loi pour l'égalité réelle outre-mer, introduisent aussi une nouvelle dynamique. Ils constituent un outil, alimenté par une enveloppe globale de 2,1 milliards d'euros pour les territoires jusqu'en 2022. Il convient d'y ajouter le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), fléché à 110 millions d'euros par an. En 2019, ce fonds était à 70 % orienté vers des projets 5.0. Mon souhait pour 2020 est qu'il le soit à 100 %. Ce sont donc 2,5 milliards d'euros jusqu'en 2022 qui permettront la transformation des outre-mer.

Le 8 juillet, les collectivités signataires des contrats se sont aussi engagées sur la Charte outre-mer 5.0 qui traduit un engagement mutuel entre l'État et les territoires d'outre-mer pour accomplir les cinq objectifs de la Trajectoire 5.0 à l'horizon 2030. Ces cinq objectifs correspondent aux 17 objectifs de développement durable pour les outre-mer. La dynamique 5.0, plus claire que celle des 17 objectifs, a l'avantage de l'efficacité pour montrer que les territoires d'outre-mer sont des territoires de solutions. La déclinaison de la Trajectoire 5.0 a constitué le premier point à l'ordre du jour du CIOM du 18 septembre dernier, qui a réuni 16 ministres sous l'autorité du Premier ministre. Ce comité a permis d'acter des actions très concrètes que nous finançons dans le cadre de la Trajectoire 5.0. La politique « zéro carbone » pour intégrer davantage d'énergies renouvelables dans les territoires se concrétise dans le financement du plan global de transport et de déplacement à Mayotte, pour un coût de 130 millions d'euros. La politique « zéro déchet » pour des sociétés économes, préservatrice des ressources, se traduit dans le développement de l'économie circulaire en Martinique pour 13 millions d'euros. La politique « zéro polluant agricole » pour des populations protégées des substances chimiques dans leur quotidien trouve un aboutissement dans le soutien à la production terrestre primaire à Wallis-et-Futuna, pour 500 000 euros. La politique « zéro exclusion » pour des sociétés qui luttent contre toutes les formes de discrimination et d'inégalité se réalise dans la construction et l'extension de 10 établissements du second degré en Guyane, à hauteur de 91,3 millions d'euros. Enfin, la politique « zéro vulnérabilité » pour des territoires résilients face au changement climatique et aux risques naturels majeurs s'illustre dans la création de la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien (Piroi Center) à La Réunion, pour 2 millions d'euros.

Ce CIOM a aussi été l'occasion d'évoquer plusieurs priorités stratégiques du Gouvernement pour les outre-mer dans les prochains mois, telles la prise en compte des risques majeurs outre-mer, la situation des finances locales et l'accompagnement des collectivités, la lutte contre la vie chère, le soutien à l'agriculture, la recherche et l'innovation, ou encore le Plan logement outre-mer. À périmètre constant, le budget de la mission outre-mer pour 2020 s'établit à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits sont orientés autour de quatre objectifs prioritaires. Le FEI a été intégralement préservé, avec 110 millions d'euros par an, au service des projets quotidiens des ultramarins. Nous maintenons également 90 millions d'euros de soutien aux constructions scolaires outre-mer, en plus de l'effort fourni par le ministère de l'éducation nationale. Parce que le soutien à l'ingénierie est fondamental, avec la révision des critères de péréquation entre collectivités territoriales, il représentera 85 millions d'euros supplémentaires d'ici 5 ans et 17 millions d'euros dès 2020, destinés à l'appui des collectivités. J'ai aussi décidé d'augmenter de 3 millions d'euros les crédits confiés à l'Agence française de développement (AFD) et dédiés à l'ingénierie et à l'assistance à maîtrise d'ouvrage, qui passent ainsi de 4 à 7 millions d'euros.

Les conclusions des travaux de la Conférence logement devraient vous être présentées d'ici 15 jours. L'État s'est engagé à maintenir les autorisations d'engagement (AE) de la ligne budgétaire unique (LBU) au-delà de 200 millions d'euros annuels sur 2020, 2021 et 2022. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit le rétablissement pour les seuls outre-mer d'une allocation pour l'accession à la propriété et la rénovation. Sans oublier le plan d'investissement volontaire porté par Action logement qui prévoit un volet spécifique pour les outre-mer de 1,5 milliard d'euros.

En 2020, pas moins de 24 millions d'euros seront dédiés aux outils spécifiques d'aide aux entreprises : micro-crédit, appels à projets, élargissement des conditions d'accès au prêt de développement outre-mer. Au-delà des volontés, les financements sont là.

C'est une attente forte de nos concitoyens ultramarins que de voir leur place mieux connue et reconnue dans notre communauté nationale. Il s'agit de sortir des images et des clichés souvent trompeurs, pour valoriser l'excellence de nos territoires dans les domaines culturel, intellectuel, sportif, économique... Nous avons signé, en juillet 2019, avec le ministre de la culture et la présidente de France Télévisions un pacte sur la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public. C'est un pas considérable. Le pacte, ce sont des objectifs, des indicateurs et des mécanismes pour atteindre les objectifs de représentation des outre-mer. Je souhaite inscrire cette question de la visibilité au coeur de l'organisation de mon ministère.

Vous le savez, le délégué interministériel à l'égalité des chances des Français des outre-mer, Jean-Marc Mormeck, a décidé de rejoindre le conseil régional d'Ile-de-France pour travailler en faveur du développement des quartiers populaires. Je profite de cette occasion pour le remercier du travail accompli durant les trois dernières années, notamment dans le domaine de l'emploi. Il sera très prochainement remplacé. Je souhaite donner à son successeur un périmètre d'action élargi qui couvrira le champ de l'égalité des chances, et qui prendra aussi en charge la promotion de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public, mais aussi au-delà. Je pense notamment à la promotion des artistes et talents. Nous devons structurer notre travail d'appui à la diffusion des oeuvres des artistes ultramarins, dans le cadre de nos dispositifs de soutien à la mobilité et de nos relations avec l'Office national de diffusion artistique (ONDA), opérateur du ministère de la culture, et l'Institut français, opérateur du ministère des affaires étrangères. Notre ambition, c'est de faire rayonner les outre-mer dans l'hexagone et à l'international, notamment dans les bassins régionaux. Dans les prochaines semaines, je proposerai au Premier ministre de faire évoluer la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer (Diecfom) pour en faire une « délégation interministérielle pour la visibilité des outre-mer et l'égalité des chances des Français des outre-mer ». Et je souhaite que cette délégation soit directement rattachée à mon ministère, pour favoriser la synergie entre les acteurs.

Quant à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), j'ai rencontré ses salariés à la fin du premier semestre 2019. J'ai également eu de nombreux échanges avec les parlementaires sur les questions de la continuité territoriale, de la mobilité étudiante, et de la formation professionnelle en mobilité. Je rencontrerai prochainement les présidents des collectivités territoriales et régionales, les parlementaires ultramarins et les cadres de Ladom, pour étudier les pistes d'évolution envisageables sur ces différents secteurs.

Comme l'a proposé la Cour des comptes, dans son récent rapport, il est indispensable de recentrer Ladom sur son coeur de métier, et de la rapprocher de Pôle Emploi.

M. Michel Magras, président. - Je vous remercie, Madame la ministre. Je laisse mes collègues vous interroger. Nous pourrons aussi faire un point sur la reconstruction des territoires. Guillaume Arnell ne manquera pas de vous interroger à ce sujet.

Mme Victoire Jasmin. - La non-concurrence en matière d'assurances pose un vrai problème dans le domaine des transports, qu'il s'agisse du transport de passagers ou de marchandises. Des mesures urgentes sont nécessaires pour que les transporteurs puissent répondre aux exigences de mise en conformité avec la législation en vigueur sans être soumis aux tarifs exorbitants des assureurs.

M. Georges Patient. - Je veux insister sur des sujets sensibles. La Guyane souffre d'une forte pénurie de médecins, notamment de spécialistes. Pourrait-on revenir sur le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) pour rendre mon territoire plus attractif ? La collectivité territoriale de Guyane me relance en permanence sur les 27 millions d'euros de compensation à la rétrocession de l'octroi de mer aux communes de Guyane. Cette compensation était jusqu'alors versée en prélèvements sur recettes ; elle figure désormais dans le budget sous forme de dotation en contrepartie d'un contrat de performance. Autre sujet de difficultés, les 30 millions d'euros qui devaient être versés à la collectivité territoriale de Guyane, comme le prévoyait la convention de 2018, et qui seraient dénoncés. Enfin, le rebasage des 40 millions d'euros préconisé par la Cour des comptes n'apparaît nulle part. La chambre des métiers de la Guyane vit une période très difficile. J'ai relancé en vain les ministères concernés. Que pouvez-vous faire ?

La réforme des aides économiques, avec la clause de revoyure, ne va pas sans difficultés en Guyane.

La Compagnie guyanaise de transformation des produits de la mer (Cogumer) demande cinq lignes supplémentaires pour la pêche au vivaneau et quatre licences exploratoires pour la pêche hauturière en haute mer.

Enfin, il faut prendre en compte les accords de Guyane dans l'évolution institutionnelle. Un congrès s'est tenu samedi dernier. Les partisans d'une loi Guyane s'opposent à ceux qui sont favorables à une évolution statutaire. Le Premier ministre a été saisi à ce sujet.

M. Michel Vaspart. - À la fin août, j'ai participé à un déplacement de la commission du développement durable en Nouvelle-Calédonie. Pas moins de 25 000 hectares de forêt y brûlent chaque année, alors qu'y vivent les trois-quarts des espèces endémiques. La situation est grave. Je voudrais également vous interpeller sur un autre sujet.

À la suite du drame des Sables d'Olonne dans lequel trois sauveteurs sont décédés, le Sénat a mis en place une mission d'information. Notre collègue Lana Tetuani a souhaité que cette mission se déplace outre-mer pour voir comment la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) y fonctionnait. Lors de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie, j'ai eu l'occasion de rencontrer les dirigeants de l'antenne locale qui fonctionne bien. En Polynésie française, le marin que je suis a eu honte de ce qu'il a vu : les canots de sauvetage qui servent à sauver des gens et à faire du transport sanitaire sont dans un état déplorable. Depuis quatre ou cinq ans, l'État français promet à la Polynésie un canot du même type que celui dont dispose la Nouvelle-Calédonie. D'après le Haut-Commissaire de Papeete, il y aurait 300 000 euros fléchés sur ce canot qui doit être basé à Hiva Oa. Il y a urgence. J'en ai parlé au Premier ministre, à Brune Poirson, à Élizabeth Borne. Ne décourageons pas les bénévoles, car sinon, il n'y aura plus de sauvetage en mer.

Enfin, j'ai été impressionné par la faiblesse de la surveillance de notre zone économique exclusive (ZEE). Des filets dérivants sont déployés sur des kilomètres de long et les Chinois se livrent à un pillage halieutique.

Mme Annick Girardin, ministre. - Madame Jasmin, les normes européennes s'appliquent à toutes les régions ultrapériphériques et sont parfois mal adaptées. Le Sénat a mené un travail sur le sujet. J'espère que la réforme institutionnelle permettra d'aller plus loin. J'ai saisi le délégué interministériel à la concurrence sur le problème des assurances qui concerne la totalité des Antilles et la Guyane. La lettre est à la signature.

Monsieur le sénateur Patient, je ne crois pas que le régime fiscal soit déterminant pour l'installation des médecins en Guyane. L'attractivité médicale est un enjeu global qui recoupe le fonctionnement du CHU, mais aussi le logement, l'éducation, le secteur où l'on exerce... L'agence régionale de santé (ARS) de Guyane a lancé une vaste campagne de recrutement, conformément au Livre bleu. J'espère que cela favorisera l'installation de médecins en Guyane, territoire qui souffre beaucoup.

Les difficultés des chambres de métier et d'artisanat (CMA) sont un sujet national. Leurs recettes sont moindres et la réforme les a beaucoup touchées. Certaines CMA étaient déjà en difficulté, dont celle de Guyane. J'ai fait des propositions pour les aider. La solidarité nationale entre chambres est une autre voie à privilégier, de même qu'il existe une péréquation entre collectivités territoriales. Bien sûr, cela n'exclut pas une action spécifique de l'État, et il faut y travailler. Faut-il revenir sur cette réforme pour les outre-mer en rétablissant une taxe pour un certain nombre de petites entreprises ? Je ne le crois pas. Bruno Le Maire exerce la tutelle sur les CMA. Je souhaite qu'il apporte rapidement des réponses.

Quant à la clause de revoyure, si elle est prévue, elle n'est pas encore chiffrée dans le budget 2020. Nous faisons du cas par cas sans faire l'économie d'un filet de sécurité. Le financement nécessaire pour cette revoyure sera ajouté au budget des outre-mer. Pour ce qui est des engagements auprès de la collectivité de Guyane, il faut sortir de la spirale de l'urgence. On ne peut pas dépendre indéfiniment de subventions exceptionnelles. Près de 200 millions d'euros ont été octroyés à la collectivité de Guyane pour son fonctionnement et son investissement, en 2017 et 2018. Pourtant, la Cour des comptes attire encore notre attention sur le risque de rupture de trésorerie en 2020. Les 27 millions d'euros de compensation de l'octroi de mer figureront au budget de 2020, car c'est un engagement qui a été pris dans le cadre du plan d'urgence pour la Guyane. En revanche, ils seront versés au moment de la signature d'un contrat de performance, ou a minima d'un contrat de méthode. Le processus doit être transparent. La réponse du Premier ministre à la Cour des comptes a été claire. Les 30 millions d'euros prévus dans la convention de 2018 n'ont pas été versés, car les contreparties n'étaient pas au rendez-vous. Quant au rebasage de 40 millions d'euros mentionné dans le rapport de la Cour des comptes, il est encore en débat. D'où son absence dans le PLF.

Je ne suis pas opposée par principe à des licences expérimentales, en matière de pêche. Les usines tournent, et il est hors de question de perdre des emplois. Cependant, il faut tenir compte de l'opposition très forte du Comité national des pêches. Et, je souhaite que les usines mettent en place un plan de transition vers des bateaux français. Une réunion est prévue pour faire travailler ensemble les acteurs de la Guyane et des Antilles. Nous vous donnerons une réponse rapidement.

Je suis prête à aller plus loin sur la différenciation territoriale. Voilà un an que je propose que nous travaillions tous ensemble, dans le cadre de cette réforme, sur une nouvelle relation entre l'État et les territoires d'outre-mer. Ma conviction personnelle est qu'en cas de réforme institutionnelle, nous pourrions aller vers un article unique qui permettra à tous les territoires d'outre-mer de réécrire leur relation avec l'État. On mettrait ainsi fin à la différenciation artificielle et confuse des articles 73 et 74. Dans la réforme constitutionnelle, la partie sur l'outre-mer est a minima. Nous avons encore le temps d'y travailler pour aller plus loin. Une réflexion est menée en Guadeloupe. Elle est en train d'aboutir en Guyane. On a modifié la loi organique pour la Polynésie française. Tout cela aura une influence sur les normes. Car comment pourra-t-on prendre en compte une différenciation en matière de normes si les articles 73 et 74 de la Constitution sont maintenus en l'état ?

Chacun connaît mon attachement à la SNSM. Le Gouvernement prévoit un plan d'investissement exceptionnel de 5 millions d'euros...

M. Michel Vaspart. - En Polynésie, ce n'est pas la SNSM.

Mme Annick Girardin, ministre. - ...qui seront versés en contrepartie d'actions. Je m'assurerai que ce plan concerne aussi la Polynésie. J'ai décidé que mon ministère financerait pour la première fois des renouvellements ou des réparations d'embarcations, à Mayotte, aux Antilles et à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'État est au rendez-vous en Polynésie, mais pas tout le monde. J'ai eu par trois fois l'occasion de réaffirmer mon soutien à l'enveloppe de 300 000 euros prévue pour les secours polynésiens. La France possède le deuxième domaine maritime du monde, ce qui l'oblige et lui donne des responsabilités. Ce domaine maritime est énorme. Les décisions prises dans le cadre du comité interministériel de la mer (CIMer) en 2018 devraient combler les trous dans la raquette dont pourrait souffrir la surveillance de notre ZEE. Je suis favorable à des solutions innovantes comme la surveillance radar et satellite, car nous n'aurons jamais assez de navires pour patrouiller dans l'ensemble de notre ZEE. Avec le président Édouard Fritch, nous nous réjouissons toujours de voir sur les cartes que la zone de pêche de la Polynésie est la mieux protégée. Il nous faudrait certes davantage de moyens ; mais il faut aussi reconnaître que le travail fourni est de qualité.

M. Michel Magras, président. - Je vous remercie de vos réponses. À ce sujet, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur la menace que fait également peser une société de pêche coréenne sur les ressources halieutiques en mer des Antilles.

Mme Viviane Malet. - Les questions fiscales ne sont peut-être pas à l'ordre du jour mais nous avons néanmoins besoin de précisions.

Une circulaire ne pourrait-elle pas venir clarifier la situation de certaines entreprises - je pense notamment aux activités de loisirs et aux agences de voyages - au regard du régime, simple ou renforcé, qui leur est applicable dans le cadre de l'exonération de charges sociales et fiscales ? Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a fragilisé certaines entreprises du secteur de la santé dont la masse salariale représente entre 50 et 70 % du chiffre d'affaires. Or nous avons besoin de moyens supplémentaires pour développer l'offre de soins dans nos territoires, notamment en médecine de spécialité et de rééducation. Ces entreprises pourraient-elles rejoindre le secteur renforcé ?

Mme Vivette Lopez. - Dans le cadre du groupe d'études du Sénat sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, j'ai effectué un déplacement aux îles Éparses. L'armée y accomplit un travail remarquable en matière de faune, de flore, mais aussi de gestion des déchets apportés par la mer. Lors de notre passage à Mayotte, j'ai été choquée par les montagnes d'ordures ménagères non traitées, même en centre-ville. Les procédures de tri sont pourtant en place, des formations sont dispensées dans les écoles, mais les déchets ne sont pas traités : il y a urgence !

J'ai eu également l'occasion de faire des courses en supermarché à La Réunion. Le prix du caddie est de plus de 200 euros par semaine pour une famille : c'est exorbitant ! Les normes européennes sont parfois totalement inadaptées à nos territoires d'outre-mer : il faudrait pouvoir prévoir des exceptions à leur application.

Mme Viviane Artigalas. - J'ai eu la chance de participer au même déplacement que ma collègue Vivette Lopez aux îles Éparses. À Mayotte, j'ai pu constater de nombreuses difficultés d'accessibilité et de mobilité : prix des billets d'avion, question de la piste longue, effets des grandes marées et de l'enfoncement de l'île à la suite de l'éruption volcanique, etc. À La Réunion, j'ai pu constater des difficultés de mobilité interne : route du littoral, embouteillages, etc. Je suis très inquiète pour l'accessibilité de nos territoires d'outre-mer. Le changement climatique va impacter encore plus fortement nos territoires îliens, avec la montée des eaux.

M. Maurice Antiste. - Cela fait huit ans qu'au Sénat, sans relâche, j'attire l'attention des gouvernements successifs sur la question cruciale de la formation post-bac de nos jeunes. Ils ont parfois besoin d'une formation académique mais aussi de périodes en alternance dans les entreprises. Malheureusement je ne suis pas entendu alors qu'un drame se joue ! Les parents sont découragés et les jeunes, pourtant brillants, sont poussés vers le chômage avant même d'avoir commencé à travailler faute d'avoir trouvé une entreprise pour effectuer leur alternance. Personne, aucun des gouvernements successifs, n'a trouvé la solution ; cela me laisse sans voix. Pour la dernière fois peut-être, je veux vous alerter et demander à vos services de faire l'inventaire de ces jeunes en échec. Je sais votre habilité et votre engagement : je suis persuadé que vous entendrez mon dernier cri ! Je vous fais confiance, madame la ministre.

M. Guillaume Arnell. - Je vous remercie pour ce tour d'horizon très complet sur l'action de votre ministère. Nous ne doutons pas de votre sincérité et nous avons conscience des contraintes qui sont les vôtres mais les actions que vous annoncez se concrétisent-elles vraiment sur le terrain ? Je pense qu'il faut intensifier l'action pédagogique de l'État et des collectivités locales pour lutter contre la désinformation qui sévit parfois dans nos territoires et qui nuit à toute forme d'action collective et individuelle. Je déplore aussi un déficit de communication entre les acteurs des territoires, tout particulièrement sur mon territoire ; les parlementaires ne sont pas toujours suffisamment associés aux prises de décision et cela nuit à l'action de l'État et des collectivités. Je profite de cette intervention pour vous remercier d'avoir permis aux parlementaires de Saint-Martin d'être associés à la signature de l'avenant à la convention.

À Saint-Martin, quel est le bilan des actions de reconstruction après le passage d'Irma ? Nous manquons d'informations fiables sur les progrès de la reconstruction et nous sommes rarement en mesure de répondre avec précision à ceux qui nous interrogent. L'effort du Gouvernement est réel mais l'utilisation des fonds de reconstruction n'est pas suffisamment lisible pour les citoyens : nous avons besoin de comptes rendus et de points d'étape ; ceux qui demandent à être aidés par la solidarité nationale doivent rendre compte et acceptés d'être contrôlés. Sans cela, la population perd confiance dans ses élus locaux, toutes tendances confondues, - à tort ! - mais aussi dans l'action du Gouvernement.

M. Michel Magras, président. - Je m'associe aux propos de mon collègue Guillaume Arnell. À cet égard, sachez que la délégation réalise actuellement le deuxième volet de son étude sur les risques naturels majeurs, consacré à la reconstruction des territoires, qui sera présenté à la mi-novembre.

M. Victorin Lurel. - Une fois n'est pas coutume, je voudrais vous adresser trois satisfecit. Je voudrais d'abord saluer votre courage devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le chlordécone : vous m'avez impressionné ! Vous avez reconnu, avec clarté et franchise, la responsabilité de l'État et j'espère que vous serez suivie par le Gouvernement. Comme vous l'avez rappelé, cette responsabilité va au-delà de l'État : sont aussi en cause certains hauts fonctionnaires, les fabricants, les commerçants, les importateurs, les distributeurs, les exploitants agricoles, etc. Il nous a fallu 47 ans pour arriver à ce résultat, alors que les États-Unis n'ont mis que trois ans !

Vous avez annoncé, mardi dernier à l'Assemblée nationale, le lancement d'une réflexion sur la TVA et l'octroi de mer : je m'en félicite. Je m'associerai à cette réflexion sur une réforme de la fiscalité. Sachez que nous sommes prêts à parler différenciation ; les parlementaires socialistes ont fait 37 propositions pour aller plus loin que la seule expérimentation. Cette dernière a été améliorée dans sa durée et sa généralisation, mais il faut aller plus loin. Certes, toutes les opinions publiques ne sont pas toujours prêtes. La Guadeloupe est déjà assez avancée dans la réflexion autour notamment de l'idée d'une collectivité unique dotée de pouvoirs normatifs. Nous devons aussi travailler la notion d'adaptation, interprétée restrictivement par le Conseil constitutionnel, dans le cadre d'un droit commun élargi dans lequel chacun bénéficierait d'une dose de différenciation. En matière de normes sur les transports, la Martinique a obtenu le droit de légiférer au niveau local et d'adapter certaines normes européennes aux spécificités de son territoire : le cadre actuel nous permet donc d'avancer. Vous me trouverez à vos côtés si vous décidez de travailler sur la TVA, l'octroi de mer, les douanes, etc.

La survie de France-Antilles est importante - des résolutions ont été prises en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique - mais il faut aller plus vite pour soutenir l'entreprise car le tribunal va bientôt statuer. Il ne s'agit pas seulement de sauver les emplois, il faut aussi que l'État soit très rigoureux avec les propriétaires qui l'ont vidée de tout patrimoine avec notamment un prélèvement de 8 millions d'euros. France-Antilles a été créée il y a cinquante ans avec l'argent du contribuable, elle aura peut-être besoin, plus de cinquante ans plus tard, de l'argent du contribuable pour se relever. Les barèmes d'exonération de charges sont trop nombreux et trop compliqués. Les secteurs du transport aérien et de la presse ont besoin d'aménagements dans le cadre de la clause de revoyure. Si cette réforme n'est pas inscrite au PLF ne pourrait-elle pas figurer au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ? C'est mon souhait.

L'avenir de la DGOM me préoccupe. Déjà affaiblie par mes prédécesseurs, elle pourrait perdre encore des effectifs, voire être rattachée à d'autres ministères ! Nous avons besoin d'être rassurés.

En matière agricole, je salue le maintien des 40 millions d'euros mais ils devront être revalorisés. Nous sommes inquiets des rumeurs concernant l'office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), avec un éventuel regroupement au sein du ministère de l'agriculture, comme le ministre de l'agriculture nous l'a laissé entendre au Sénat.

M. Dominique Théophile. - Je vous remercie de ce tour d'horizon sur les actions de votre ministère et sur la Trajectoire 5.0. Sur les sujets de démographie médicale, les Antilles ont besoin de contracter avec Cuba qui, aux dires de l'organisation mondiale de la santé (OMS), forme de nombreux médecins et dispose d'une organisation médicale efficace. Les autorités cubaines sont prêtes mais nous avons besoin d'un décret pour signer ce contrat. Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, j'avais fait adopter un amendement relatif à la création d'une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. Celle-ci devra être ouverte à la fois à l'international et sur son environnement régional proche. Nous devons avancer sur ce sujet. Un an après la diminution de l'abattement fiscal et la suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), les objectifs sont-ils atteints ? Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ? En matière d'évolution institutionnelle, les conditions me semblent réunies pour avancer en Guadeloupe mais nous comptons sur vous pour relayer nos propositions. J'ai une proposition à vous faire pour financer les communes et communautés d'agglomération victimes des sargasses. Je vous remercie également pour votre réponse prudente mais rassurante pour les agents de France-Antilles.

M. Jean-François Rapin. - Dans quel état d'esprit le Gouvernement aborde-t-il le futur projet de loi de décentralisation s'agissant des outre-mer ? Les Antilles ont plusieurs sujets communs avec Cuba : la santé mais aussi l'érosion côtière. Si le contexte diplomatique y est favorable, sachez que je suis à votre disposition en tant que président de l'association nationale des élus du littoral (ANEL). Notre association, récemment confortée dans une mission de coopération par le Premier ministre, pourrait participer à une réflexion commune avec Cuba sur la question de la hausse du niveau des mers liée au réchauffement climatique.

Mme Lana Tetuanui. - Chacun d'entre nous a défendu sa maison. À l'occasion du prochain PLF, nous aurons à nouveau l'occasion de défendre nos collectivités respectives. Votre tâche est rude, Madame la ministre ! Je suis fière d'être une femme parlementaire et c'est en tant que femme que je veux vous encourager et vous soutenir car vous dirigez un ministère difficile. Je voudrais d'abord vous remercier pour tout ce que nous avons obtenu cette année même si il reste bien entendu des choses à accomplir. Le président Édouard Fritch sera interpellé ce soir, en Polynésie, sur la question du financement des canots de sauvetage de la SNSM, à la suite du tragique évènement que nous avons connu aux îles Marquises. Quel montant de participation de l'État pourra-t-il annoncer ? On ne peut plus fermer les yeux : il y a urgence ! Les compétences régaliennes et territoriales se chevauchent mais c'est ce que j'appelle la table à trois pieds : État, collectivité et communes. Les communes pourraient ainsi assurer le fonctionnement et la maintenance. Nous avons besoin d'être rassurés.

M. Antoine Karam. - Mon collègue Georges Patient a déjà évoqué de nombreux sujets guyanais - santé, immigration, pêche, etc. - qui me tiennent à coeur. Je voudrais ajouter la question des mules. Selon l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), le tiers de la drogue consommée en France hexagonale provient de Guyane. Nous avons même appris qu'un navire affrété pour la fusée Ariane a transporté de la drogue ! Je demande depuis 2016 la mise en place d'un scanner corporel à l'aéroport Félix-Éboué de Cayenne comme il en existe ailleurs. On m'objecte qu'il émettrait des radiations mais je suis convaincu qu'il serait dissuasif. Les services des douanes ont saisi 1,2 tonne de drogue en 2018 mais ils sont en sous-effectifs ; un plan d'action interministériel est en cours ; le précédent préfet a agi mais a été contrecarré par le tribunal administratif ... Nous devons trouver un arsenal législatif efficace car l'image de la Guyane est abîmée et la population inquiète.

Mme Jocelyne Guidez. - Moitié martiniquaise par mon père, je vis entre l'Essonne et la Martinique. Le sujet du tourisme dans les Antilles me préoccupe : les billets d'avion sont très chers ; cyclones et sargasses rebutent les touristes. Comment relancer le tourisme dans nos îles ?

Mme Annick Girardin, ministre. - L'examen des dossiers dans le cadre de la clause de revoyure sur les exonérations de charges sociales patronales aura bien lieu dans les jours qui viennent. Il s'agit de regarder les secteurs dans lesquels les entreprises auraient dû être gagnantes et ne l'ont pas été. Je regarderai chaque situation avec la plus grande attention, entreprise par entreprise, notamment dans les secteurs de l'agro-alimentaire et de la presse. Le barème a été largement simplifié.

Sur la cohérence entre ces exonérations et le volet fiscal, j'ai missionné Louis-Charles Viossat pour mesurer les effets de notre réforme sur l'emploi et mettre en place un compteur emploi. Cet outil a été présenté au Président de la République mais nous devons encore l'améliorer et développer une véritable pédagogie afin de le rendre lisible pour nos concitoyens. M. Viossat a également pour mission de mettre en cohérence codes NAF et codes sécurité sociale. Toutefois, la réforme a été actée, nous l'assumons et nous n'y reviendrons pas : nous ne ferons pas entrer de nouvelles catégories d'entreprises dans le renforcé ; nous ne modifierons pas la grille. Si toutefois des difficultés apparaissent, deux mois après le début de mise en oeuvre de la réforme, nous regarderons au cas par cas et très en détail.

La France, deuxième domaine maritime mondial, est particulièrement concernée par la question des déchets dans les océans. C'est pourquoi j'ai souhaité que la Trajectoire 5.0 comporte un axe consacré au « zéro déchets » ; ma collègue Brune Poirson y travaille également dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; un prochain CIMer va établir une feuille de route. Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent une énorme richesse de biodiversité. Sur la question de la gestion des déchets à Mayotte, une action plus soutenue de l'AFD en direction des territoires les moins développés - Mayotte, la Guyane, Saint-Martin après le passage du cyclone et Wallis-et-Futuna - me semble souhaitable. En effet, notre organisation, décentralisée et déconcentrée, ne nous permet pas toujours d'être à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés ces territoires. Je suis très heureuse que des parlementaires de l'hexagone découvrent nos territoires d'outre-mer : c'est bon pour la visibilité de nos territoires au sein de nos institutions !

La question de la mobilité est cruciale dans nos territoires. C'est pourquoi 130 millions d'euros sont prévus pour le transport dans le contrat de convergence et de transformation de Mayotte. À La Réunion, ce sont 900 millions d'euros qui sont prévus pour la nouvelle route du littoral (NRL). C'est une compétence des collectivités mais l'État les accompagne.

À Mayotte, des réflexions sont en cours sur la question de la piste longue mais les inquiétudes sont grandes aussi autour des effets du dérèglement climatique et de la découverte d'un volcan sous-marin au large de Mayotte. Petite-Terre s'enfonce de 13 centimètres chaque année, la population ressent de fortes vibrations et les risques de tsunami existent. Je tiens à être très transparente sur ces questions car nous devons affronter les sujets si nous voulons leur trouver une solution. Il n'est pas question de retarder le chantier de la piste longue mais il est du rôle de l'État d'assurer la sécurité des populations : les pays du Sud seront les premières victimes du dérèglement climatique et l'aéroport de Mayotte serait très vite inondé.

Nous finançons de très nombreuses actions environnementales au travers du contrat de convergence et de transformation, du FEI, des crédits européens, de la mobilisation des collectivités locales et de l'AFD dont le fonds vert est désormais ouvert à tous. L'un des objectifs de la Trajectoire 5.0 est de faire de nos territoires des pionniers et les inventeurs des modèles de demain.

Cela fait vingt ans que l'on parle de la vie chère. Il y a eu la loi Lurel du 20 novembre 2012 mais les dispositifs qui existent ne sont pas tous appliqués. C'est pourquoi j'ai nommé M. Francis Amand délégué interministériel à la concurrence outre-mer. Nous avons besoin de faire jouer la concurrence sur nos territoires mais on ne pourra pas faire disparaître toutes les différences de prix entre l'hexagone et les territoires. Certains territoires ont su revoir leur marché, leur positionnement et leur ravitaillement dans leur bassin. Certains sont allés plus loin que d'autres en production locale. Les engagements du CIOM ont été confirmés. Nous devons continuer d'aider encore davantage la production locale à travers notre système de taxation, ce qui n'empêche pas de le repenser.

L'octroi de mer, c'est Colbert. On sait pourquoi il a été créé et comment on l'a fait évoluer. Peut-être est-il temps de réfléchir à un système articulant TVA et octroi de mer, et pourquoi pas à faire disparaître cette dernière taxe coloniale ? Trois obligations devront être respectées : préserver le financement des collectivités, maintenir les aides à la production locale, et réduire le phénomène de la vie chère. La concurrence est inéluctable, mais nous pouvons transformer nos modèles en profondeur. La sur-rémunération en est la preuve. Le Président de la République a pris l'engagement qu'elle ne serait pas modifiée dans les outre-mer durant son quinquennat. Cela n'empêche pas de travailler sur la variation des taux selon les territoires. L'octroi de mer est une compétence des collectivités ; la TVA relève de l'État. Nous ne pourrons les faire évoluer qu'en travaillant tous ensemble. L'État n'obligera pas à ce type de réforme, sauf si vous m'invitez à m'en saisir, comme l'ont fait les députés, avant-hier. M. Victorin Lurel l'a bien dit au sujet du statut : il faut un consensus.

Le service militaire adapté (SMA) offre une vraie réponse aux jeunes qui ont besoin d'une deuxième chance. Dans les outre-mer, l'échec est un sujet fondamental. Il serait bon de refaire un état des lieux avec des informations actualisées, car les derniers résultats du baccalauréat dont nous disposons remontent à 2014 ! Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) bénéficie d'une enveloppe de 700 millions d'euros dans les territoires d'outre-mer. Nous devons utiliser ces fonds pour développer des projets expérimentaux, dans le cadre de conventions avec les régions. Le taux de chômage moyen, outre-mer, est de 23,9 %, trois fois plus élevé que dans l'hexagone. Renforcer l'alternance est une voie pour en sortir, même si elle a malheureusement énormément baissé, notamment aux Antilles, en Guadeloupe et à La Réunion.

L'ordonnance sur la formation qui vient d'être publiée prévoit des outils de promotion de l'apprentissage dans les outre-mer. L'État doit continuer d'apporter un soutien fort aux entreprises. Les conditions sociales et fiscales outre-mer sont plus intéressantes qu'en Islande ! On ne le sait peut-être pas assez, mais on est au rendez-vous.

La reconstruction de Saint-Martin après le passage d'Irma interroge notre capacité à travailler ensemble sur un petit territoire. Un travail intense, en concertation, a déjà été mené par les uns et les autres. Peut-être aurait-il fallu associer davantage les parlementaires pour qu'ils donnent leur avis. Sur un petit territoire, on va vite à l'affrontement. Multiplier les interlocuteurs permettra de trouver un juste milieu.

Le plan de prévention des risques naturels (PPRN) est un sujet fort de divergences. Le Président de la République souhaitait aller vite. Chacun convenait que c'était nécessaire. Mais l'État est peut-être allé trop vite dans un contexte où les acteurs n'étaient pas forcément prêts. J'étais présente pour constater les dégâts causés par Irma. La France a été à la hauteur, jamais nous n'avions connu un ouragan d'une telle violence. Je comprends que les populations et les acteurs économiques puissent être choqués lorsqu'on leur montre une carte avec un zonage non accompagnée de commentaires ; ils craignent que cette nouvelle cartographie mette en péril l'activité touristique. Cependant, ma priorité est la sécurité de tous. J'ai demandé qu'une consultation soit mise en place pour que la population puisse aller dire ce qui ne va pas dans le PPRN.

Pour ce qui est du temps, nous n'en avons pas suffisamment. L'essentiel est que nous travaillions ensemble. Nous continuerons d'accompagner la collectivité et d'associer tout le monde. L'avenant est en négociation. Nous avons passé l'étape de la reconstruction à Saint-Martin. Il est temps d'ouvrir la réflexion sur le développement économique et touristique de l'île. Quant aux sargasses, c'est un sujet qui hystérise les médias. Vu de Paris, on croit que la Martinique et la Guadeloupe sont couvertes de sargasses, alors que le phénomène ne concerne que 2 % du territoire. Ne nous tirons pas une balle dans le pied. Une grande conférence est prévue sur le sujet. Au Mexique, il y a autant de sargasses que chez nous si ce n'est davantage. Les touristes ont-ils cessé d'y aller ? Non.

Enfin, la Guyane dispose depuis 2005 d'un dispositif pour faciliter le recrutement des médecins. Il faudrait l'étendre à la Guadeloupe et à la Martinique. Un autre dispositif est prévu pour le recrutement des sages-femmes. Le décret est en cours de préparation.

Les ARS sont mobilisées et nous maintenons la pression pour que les projets avancent.

Plusieurs dispositifs sont destinés à favoriser l'attractivité médicale : les aides à l'installation, les coopérations renforcées avec des hôpitaux de l'hexagone et le doublement des maisons de santé d'ici à 2022 - cinq maisons de santé ont ainsi été labellisées en Guyane -. Il faut aussi un travail plus important dans certains bassins maritimes comme par exemple avec Cuba.

La France peut développer une vraie diplomatie climatique à partir de nos territoires d'outre-mer, grâce notamment à la Trajectoire 5.0. Cela concerne aussi le tourisme car aujourd'hui les touristes se dirigent de plus en plus vers des territoires durables. Notre grande réforme fiscale de l'an dernier se traduit par les chiffres suivants : maintien du FEI au niveau élevé de 110 millions d'euros, c'est près de trois fois plus qu'en 2018 ; 23 millions d'euros sont apportés en 2019 au budget de l'État par les ultramarins pour la politique outre-mer, 117 millions d'euros en 2020 et 70 millions d'euros en 2021 ; en tenant compte du prélèvement à la source et de la baisse de l'impôt sur le revenu annoncée par le Président de la République suite au Grand débat, le montant actualisé s'établit à 92 millions d'euros pour 2020. Tous ces crédits sont au service des territoires d'outre-mer.

Sur les sujets agricoles, je me réjouis que la question du sucre soit en voie de règlement à travers le CIOM ; 40 millions d'euros ont été rebudgétisés à la demande du Premier ministre et du Président de la République ; le débat sur l'aide à la production dans nos territoires d'outre-mer se poursuit mais nous devons rester vigilants sur les risques de concurrence entre territoires avec le développement de la production en Guyane et à Mayotte car l'enveloppe est constante depuis plusieurs années. Je souhaite que nous allions vers un nouveau modèle de production et je défends une augmentation de l'enveloppe.

La gouvernance fait partie de mes préoccupations. L'ODEADOM, qui comprend moins de 100 équivalents temps plein (ETP), pourrait être finalement adossé à FranceAgriMer. Toutes les décisions ne sont pas encore prises mais je sais combien vous êtes très attachés à cet outil et j'en ferai part au ministre de l'agriculture. Treize actions ont été prévues dans le volet agricole du dernier CIOM : le soutien technique et financier de la nouvelle filière wassaï en Guyane, l'abattoir de volailles à Mayotte, la production de volailles bio et la reconnaissance de l'indication géographique protégée (IGP) pour la vanille à La Réunion, la marque collective fruits et légumes 100 % locaux en Guadeloupe, la charte pour la restauration collective, le développement de l'observatoire des filières dans tous les départements, la hausse de l'accompagnement financier des productions bio, etc. Les bilans des deux comités interministériels sont à votre disposition.

S'agissant de la SNSM dans le Pacifique, je vous confirme que les 300 000 euros prévus seront au rendez-vous. La SNSM a donné son accord pour intervenir en Polynésie sur la formation, l'équipement et le petit matériel. Ils feront donc partie du tour de table pour accompagner la fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer. Le budget de mon ministère est porteur d'un effort exceptionnel car nous avons connu un drame terrible et les besoins sont immenses. Les derniers arbitrages seront rendus cette semaine et s'il faut faire plus, je ferai plus. Je serai aux côtés des Polynésiens et des Polynésiennes sur ce sujet.

La question des normes sera remise en débat dans le cadre de la réforme constitutionnelle. Le droit à la différenciation va être ouvert à toutes les collectivités territoriales françaises ; le droit commun va rejoindre les exceptions ultra-marines de l'article 73 de la Constitution ! Cela fait deux ans que je vous invite à en parler et j'attends vos propositions. Aujourd'hui les expérimentations sont possibles mais elles sont rares car complexes ; je pense par exemple à La Réunion dans le cadre de l'amendement Virapoullé : la dernière crise a fait apparaître une demande d'évolution émanant de la population mais les élus étaient majoritairement contre toute évolution ; les choses sont donc restées en l'état. Nous allons simplifier le régime des expérimentations dans la prochaine réforme.

Pour la Guyane, les premiers résultats du plan Mules signé au ministère de la Justice il y a quelques mois sont encourageants. Nous manquons malheureusement de personnel médical pour mettre en service un échographe-scanner à l'aéroport de Cayenne mais il faut étudier la possibilité juridique d'autoriser d'autres personnels à l'utiliser. Le Livre Bleu prévoit des moyens supplémentaires pour prévenir et lutter contre les addictions, comme par exemple la vignette sécurité sociale qui sera mise en place au 1er janvier prochain.

La décentralisation est un sujet majeur. Nous n'en avons pas suffisamment débattu. Une grande concertation territoriale est prévue. Le champ d'application concerne tout autant les transports que la transition énergétique ou le logement. Les élus ont demandé à ce que l'État conserve le même niveau d'implication en matière de logement. Il reste à aborder les autres sujets.

Nous renforcerons la présence de l'État à Mayotte et en Guyane, en procédant notamment à une réorganisation des services. Le préfet coordonnera le positionnement de l'État grâce au programme des interventions territoriales de l'État (Pite). Le transport est un enjeu important, qu'il soit intérieur ou extérieur. L'exemple de la Polynésie est sans doute à suivre. Une démarche comparative ne peut être qu'intéressante. Les billets d'avion entre Paris et la Martinique ou la Guadeloupe sont souvent moins chers qu'entre la Martinique et la Guadeloupe. Le tourisme est essentiel, mais l'inter-île doit être préservé. Je crois à la stratégie touristique que nous portons, grâce au cluster tourisme et au cluster maritime. La Trajectoire 5.0 devrait créer un nouvel élan. La mise en place d'une commission sur le marketing et d'une autre sur l'intelligence économique et l'attractivité permettra d'approfondir ces sujets. Enfin, nous avons doublé le financement d'Atout France.

Je vous remercie pour votre attention. C'est toujours un plaisir pour moi de discuter avec les parlementaires. Le ministère des outre-mer vous est ouvert.

M. Michel Magras, président. - Le Sénat est l'assemblée des territoires, et ce matin, nous avons pu apporter un éclairage utile sur les situations des territoires d'outre-mer. La multitude des questions abordées témoigne de la diversité des problèmes. Le rôle de notre délégation est aussi d'intéresser nos collègues non ultramarins à nos problématiques. Le Sénat se montre critique ; il sait aussi reconnaître les efforts, les engagements et les résultats tangibles. Madame la ministre, soyez remerciée d'avoir accepté l'exercice.