Mercredi 15 juillet 2020

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Examen du rapport d'activité 2017-2020 de la délégation

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, l'ordre du jour de cette réunion, la dernière de cette session, concerne le bilan de l'activité de la délégation depuis le renouvellement de 2017, c'est-à-dire depuis que j'ai l'honneur de la présider.

Je vais tout d'abord vous présenter les chiffres-clés de 2017-2020 : 12 rapports d'information, soit une moyenne de quatre par session ; 73 auditions et tables rondes, sans tenir compte des 14 réunions « rapporteurs » ; 202 experts auditionnés en réunion plénière (auxquels s'ajoutent les 25 personnes entendues en réunions « rapporteurs ») ; quatre colloques ouverts au public. Les actes de ces colloques étant publiés sous forme de rapports d'information, le total de nos publications s'élève à 16 soit une moyenne totale supérieure à cinq volumes par an.

Pour moi, le fil conducteur de notre bilan est le travail que nous avons mené en commun avec la délégation aux outre-mer, à travers un colloque sur l'engagement économique des femmes, en février 2019, et des cycles d'auditions communes sur les violences, qui ont abouti, en mars 2020, à un rapport d'information cosigné par les deux présidents. Il s'agit là d'un précédent très important.

Un autre fil conducteur de notre activité, à mon avis, a été le suivi du rapport d'information sur les agricultrices qui, publié en 2017, a continué à vivre depuis le dernier renouvellement, notamment avec un débat en séance publique en février 2018 et une table ronde sur les retraites des agricultrices en février dernier. Je rappelle aussi que j'ai eu l'occasion de le présenter à New York en mars 2018, en marge de la session annuelle de la Commission des droits de la femme de l'ONU (CSW), dont le thème était cette année-là la femme rurale. Ce travail a donc eu un rayonnement international intéressant pour notre délégation.

Dans la même logique, nous avons veillé, lors de nos colloques, à y insérer le sujet des agricultrices. Lors du colloque sur les femmes pendant la Grande Guerre, le travail des femmes dans les champs et les fermes a été mis en valeur. Le colloque sur les femmes dans les économies des outre-mer a, lui aussi, fait une large place aux agricultrices ultramarines, auxquelles une séquence entière était dédiée.

Par ailleurs, cela a été pour moi une vive satisfaction d'apprendre que des élèves d'un lycée agricole de l'Indre avaient réalisé leur dossier de fin d'études à partir de nos travaux, en conduisant un travail de recherche intitulé « Les métiers de l'agriculture prennent des elles ». Ce travail nous a été présenté au Sénat en juin 2019 : c'est toujours gratifiant de voir que nos réflexions ne sont pas confinées dans un cadre institutionnel, mais peuvent inspirer la jeunesse !

S'agissant à présent des thèmes de nos travaux (réunions, tables rondes et rapports), les sujets suivants ont occupé une place particulière dans notre bilan.

La lutte contre les violences, tout d'abord, a été un sujet récurrent, en lien avec l'actualité nationale et internationale, avec un total de six rapports d'information (deux par an en moyenne) ; quatre textes législatifs, pendant la discussion desquels la délégation a tenu toute sa place en séance ; deux propositions de résolution adoptées à l'unanimité par le Sénat et deux tribunes qui, en juillet 2019 puis mars 2020, ont représenté d'incontestables succès médiatiques.

Une autre thématique a été régulièrement abordée : les aspects internationaux de l'égalité entre femmes et hommes (tables rondes sur les enjeux de la présidence française du G7 en termes d'égalité, sur l'aide publique au développement au prisme de l'égalité, sur les violences faites aux femmes dans les territoires en crise, sur la conférence internationale « Pékin + 25 »...).

Parmi les autres travaux inspirés par l'actualité, mentionnons le rapport sur la Coupe du monde féminine de football, les auditions et tables rondes sur l'accès des femmes aux mandats et responsabilités politiques ainsi que les deux auditions sur la PMA.

Je voudrais maintenant commenter la période du confinement. Là encore, les statistiques sont éloquentes : 14 réunions plénières ; 8 auditions ; 9 personnes auditionnées, dont 2 membres du Gouvernement ; 5 communiqués de presse ; 2 rapports d'information.

Le confinement a eu des conséquences diverses.

Tout d'abord, il nous a conduits à revoir notre programme de travail pour y intégrer une thématique nouvelle : le risque d'une aggravation des violences faites aux femmes et aux enfants dans les foyers violents. Il est résulté de ce cycle d'auditions et d'échanges de vues un rapport qui ne faisait pas partie de notre programme de travail, et qui a été adopté à l'unanimité il y a une semaine. Il présente l'originalité d'être porté par tout le bureau, signe de notre préoccupation unanime contre le fléau des violences.

Deuxième conséquence : le projet de loi relatif à l'aide publique au développement n'ayant finalement pas été déposé, il était difficile de poursuivre nos travaux sur les enjeux de l'APD en termes d'égalité femmes-hommes.

Troisième conséquence : la crise sanitaire ayant apporté une illustration préoccupante de la fragilité des progrès accomplis ces dernières années en matière de présence des femmes dans les médias audiovisuels, le rapport d'information que nous avions commencé sur ce sujet a été revisité à la lumière des enseignements du confinement. Nous savons maintenant qu'« il suffit d'une crise » pour que les femmes redeviennent inaudibles et invisibles, comme l'ont à juste titre fait observer Dominique Vérien et Marta de Cidrac dans un rapport dont les retombées médiatiques sont tout-à-fait remarquables.

Enfin, quatrième conséquence : la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à suspendre la réforme des retraites, avec les mêmes effets sur notre projet de rapport sur les retraites des femmes. Toutefois, il n'est pas exclu que nos travaux puissent reprendre à l'automne prochain, si les annonces du Gouvernement se confirment.

À cet égard, je voudrais le rappeler, l'une des conclusions que nous avions tirées des auditions et tables rondes sur les retraites auxquelles nous avons procédé en début d'année est que l'étude d'impact dont était assorti le projet de loi portant réforme des retraites n'analysait pas de manière complète les conséquences de cette réforme sur la situation des femmes. Les profils de femmes retenus dans ce document étaient en effet choisis de manière à conforter le bien-fondé de la réforme et pas de manière à mettre en lumière les réserves que pouvait susciter la réforme pour certaines femmes.

Cela m'a conduite à m'interroger sur le fondement juridique de l'analyse des conséquences des projets de loi sur la situation des femmes, qui figurent dans les études d'impact.

Une loi organique de 2009 a défini les informations qui doivent obligatoirement être présentes dans ces études. Les conséquences sur la situation des femmes n'en font pas partie, car le contenu de ces informations est défini par une circulaire ministérielle de 2012.

L'analyse des conséquences d'un projet de loi sur les femmes est donc beaucoup plus fragile que si elle relevait de la loi organique : une circulaire est en effet aisément réversible. Je vous propose donc, le moment venu, de déposer une proposition de loi organique à cet effet.

Certes, ce texte, s'il était adopté, n'empêcherait pas que de nouvelles études d'impact soient conçues de manière aussi incomplète que l'étude d'impact de la réforme des retraites.

Mais à tout le moins, cette proposition aurait pour effet de « sanctuariser » l'analyse des conséquences d'une loi sur la situation des femmes, en la faisant relever de la loi organique et non plus d'une circulaire.

J'en viens à l'événementiel qui a, lui aussi, contribué au rayonnement de notre délégation et qui constitue un axe fort de son identité.

Nous garderons toutes et tous, je pense, un souvenir particulier du 8 mars 2018, dédié aux élues des territoires. Outre que cette manifestation a été l'occasion d'échanges passionnants avec nos invitées, nous avons eu le plaisir de souhaiter un bon anniversaire à notre collègue Max Brisson, que sa date de naissance prédestinait à cette délégation !

Il me semble que le 20e anniversaire de la délégation, célébré le 10 octobre 2019, a été lui aussi un temps fort de ces trois années, ainsi que la cérémonie de remise du Prix de la délégation. Je rappelle que nous avons créé ce prix pour marquer notre considération aux personnalités et associations engagées dans le combat pour l'égalité.

La réussite de la première cérémonie a été telle que nous avons décidé de maintenir le prix de 2020, malgré les aléas de la crise sanitaire.

Il nous reste à espérer que ce prix perdure, par-delà le prochain renouvellement.

Enfin, je me réjouis que, pendant ces trois années, notre délégation ait instauré ou confirmé des relations de partenariat fructueuses non seulement avec le Haut Conseil à l'égalité (HCE), mais aussi avec des interlocuteurs institutionnels aussi divers que le Défenseur des droits, l'UNICEF, ONU Femmes France ou l'Office national des anciens combattants.

J'ai par ailleurs beaucoup apprécié que le colloque sur les femmes en 14-18 ait obtenu le label de la Mission du centenaire, permettant à notre délégation de s'inscrire dans la contribution du Sénat à ces commémorations.

J'en ai fini avec cette présentation. Qui souhaite intervenir ?

Mme Victoire Jasmin. - Je voudrais féliciter notre présidente pour ce bilan. Annick Billon a su inscrire nos travaux dans une ambiance dynamique et conviviale. Je me réjouis de faire partie de cette délégation. Toutes les réunions auxquelles j'ai assisté m'ont beaucoup apporté.

Mme Annick Billon, présidente. - Merci, chère collègue. Je tenais beaucoup à faire en sorte que les thématiques ultramarines soient systématiquement présentes dans nos travaux. Mais cela n'a pu réussir que grâce à l'engagement et à la disponibilité des quatre collègues ultramarins qui nous ont rejoints. Merci à vous. Quant à l'ambiance chaleureuse qui caractérise nos réunions, elle tient à vous toutes et tous. J'ai essayé de faire en sorte que nous nous épaulions les uns les autres.

Mme Maryvonne Blondin. - Alors que je m'apprête à quitter le Sénat, car j'ai décidé de ne pas me représenter en septembre prochain, je voudrais saluer la qualité du travail qui est accompli ici. Nos rapports sont toujours remarqués pour leur sérieux. Ils sont d'ailleurs considérés comme des références bien au-delà du Sénat. J'ai beaucoup apprécié, moi aussi, l'ambiance sympathique et la convivialité qui sont la marque de fabrique de notre délégation. Cela tient pour beaucoup à l'engagement de la présidente, que je remercie, et à la disponibilité du secrétariat. S'agissant de l'ouverture de la délégation à d'autres structures du Sénat, qu'en est-il du travail de contrôle budgétaire effectué par nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances ?

Pour ma part, j'ai eu grand plaisir à travailler, dans cette délégation, sur des sujets tels que les enfants dits « intersexes », en 2017, ou sur les mutilations sexuelles féminines, avec Marta de Cidrac en 2018.

Enfin, en ce qui concerne le rayonnement des travaux de la délégation, j'aimerais que vous puissiez, après le renouvellement de septembre, reprendre contact avec la commission sur l'égalité et la non-discrimination de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), qui est notre interlocutrice naturelle dans cette institution. Nous y avons tout récemment réalisé un travail dédié aux conséquences de la crise sanitaire sur les violences, que je vais vous faire parvenir. Parmi les 47 pays de l'APCE, certains sont confrontés actuellement à des difficultés, concernant les droits des femmes, que nous avons dû surmonter par le passé. Ce serait vraiment intéressant d'organiser une réunion conjointe, par exemple pour y présenter un rapport de notre délégation, car il y a une vraie concordance entre nos approches.

M. Max Brisson. - Au-delà du chant d'anniversaire entonné par Victoire Jasmin le 8 mars 2018, je voudrais remercier notre présidente et lui dire tout le plaisir que j'ai eu à travailler dans cette délégation depuis mon élection au Sénat, en 2017. Je souhaite me joindre aux remerciements qui ont déjà été adressés à notre présidente, qui a su donner le ton d'une ambiance à la fois concentrée et décontractée, dans un esprit transpartisan qui doit être souligné.

J'aimerais par ailleurs mettre l'accent sur notre contribution au travail législatif. C'est un aspect important de notre agenda. Nous avons livré dans l'hémicycle quelques combats qui, pour certains, ont été un peu compliqués. Nous les avons menés avec conviction. Ce travail n'est toutefois pas achevé. Nous devrons essayer de travailler plus en amont avec nos collègues des commissions pour leur faire connaître nos conclusions.

S'agissant enfin du travail que nous avions programmé sur le suivi du Grenelle dans les territoires, comment pensez-vous que nous puissions partager nos constats avec la délégation ?

Mme Annick Billon, présidente. - En effet, ce travail fait partie des travaux qui ont été impactés par la crise sanitaire. Tous les collègues inscrits dans le groupe de « référents » mis en place par la délégation à la fin de 2019 pour conduire cette réflexion n'ont pas été en mesure de mener à bien les réunions qu'ils avaient prévues, dans leurs départements respectifs, avec les acteurs de la lutte contre les violences. Je pense que ces restitutions du suivi du Grenelle dans les territoires auront toute leur place au début de la session 2020-2021.

S'agissant du contrôle budgétaire de la commission des finances, je rappelle que nos deux analyses ont donné lieu à un communiqué de presse conjoint.

En ce qui concerne le travail de la délégation sur les textes législatifs, il me faut mentionner que la loi de 1999 ayant créé les deux délégations parlementaires aux droits des femmes prévoit une saisine préalable de la délégation par la commission compétente. Cette saisine intervenait peut-être spontanément il y a vingt ans, mais l'usage semble d'être perdu au fil du temps et nous devons aujourd'hui systématiquement solliciter cette saisine, ce qui n'est pas confortable... En dépit de cette contrainte, nous avons réussi à tenir notre place dans l'hémicycle, en discussion générale et à travers la défense d'amendements que nous ne pouvons déposer qu'à titre individuel, puisque la délégation ne saurait collectivement prendre de telles initiatives. Ces amendements connaissent plus ou moins de succès, en fonction des circonstances de la séance. Je rejoins Max Brisson sur l'intérêt que présenterait un travail en amont avec nos collègues des commissions.

Mme Marta de Cidrac. - Je joins mes remerciements à ceux qui ont déjà été formulés. Nous vivons aujourd'hui un moment d'émotion, puisque c'est la dernière réunion que nous partageons avec des collègues qui ont décidé de quitter le Sénat. Je voudrais dire à Maryvonne Blondin combien j'ai apprécié le travail que nous avons mené ensemble sur les mutilations sexuelles féminines. Il s'agissait de mon premier rapport à la délégation : j'aimerais remercier les collègues qui, plus anciens que moi au Sénat, m'ont aidée par leur expérience à m'intégrer dans cette institution.

Mme Laurence Cohen. - Il me semble que cette ambiance spécifique, et l'esprit de transversalité propre à notre délégation, est aussi l'héritage des présidences précédentes. Je pense à l'action de Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de 2011 à 2014.

Je regrette par ailleurs que notre délégation soit considérée comme « en retrait » par rapport aux commissions, malgré le sérieux des analyses que nous publions. Nos rapports, en effet, sont des documents de référence. Serait-il envisageable que la délégation qui résultera du prochain renouvellement ait un échange sur ce point avec le président du Sénat ?

Mme Annick Billon, présidente. - Le président du Sénat a toujours répondu favorablement à nos invitations et a toujours participé à nos événements, contribuant ainsi directement et activement à leur réussite.

S'agissant de l'activité de la délégation, le fait que la loi de 1999 prévoie une saisine de la délégation par les commissions sur les textes législatifs ne serait pas un obstacle si les commissions nous saisissaient spontanément... Ce constat nous avait d'ailleurs conduits, en 2018, en marge de la révision constitutionnelle - qui finalement n'a pas abouti - à nous prononcer en faveur de la transformation des délégations aux droits des femmes en structures comparables aux commissions des affaires européennes.

S'agissant de l'ambiance spécifique à la délégation, que vous avez tous relevée, j'ai beaucoup apprécié, au cours de ces trois années, l'unanimité qui se dégage de nos réflexions malgré les différences qui peuvent nous séparer.

Je constate que plus personne ne demande la parole. Je pense que vous êtes tous et toutes d'accord pour autoriser la publication de ce rapport.

[Le rapport d'information est adopté à l'unanimité.]

Vous en recevrez prochainement un exemplaire ainsi que le lien vers le document numérique.

Je vous donne donc rendez-vous le 15 septembre prochain, dans l'après-midi, pour deux manifestations importantes.

Je rappelle qu'entre 14h30 et 17h30 aura lieu en salle Clemenceau un événement sur l'engagement des femmes dans la Résistance, en cette année 2020 marquée par le 75e anniversaire de la libération des camps. Cette réunion est organisée autour du témoignage d'une rescapée du camp de Ravensbrück, camp où de nombreuses femmes déportées politiques trouvèrent la mort. Initialement programmée en mai, à une date proche de la Journée nationale de la Résistance, cette séquence a été reportée à cause de la crise sanitaire.

Après cette séquence sur les résistantes, la cérémonie de remise du Prix 2020 de la délégation est prévue en salle René Coty à 18 heures.

Espérons qu'en septembre, la situation sanitaire permettra à ces événements d'avoir lieu.

Je vous souhaite un bon été, avec une pensée particulière à celles et ceux d'entre nous qui, comme c'est mon cas, sont concernés par le prochain renouvellement du Sénat.