L'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire



Palais du Luxembourg, 24 et 25 janvier 2001

I - INTRODUCTION

1. OUVERTURE DU COLLOQUE par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français

C'est un grand honneur et un grand bonheur pour moi d'introduire les travaux de la première réunion des présidents et hauts responsables des commissions budgétaires des pays membres de l'OCDE.

Satisfaction d'abord, parce que l'OCDE est une organisation réunissant habituellement les exécutifs des grandes démocraties industrielles, et rarement les parlements. C'est pourquoi Monsieur le secrétaire général, sur proposition de votre service de la gestion publique, lorsque vous m'avez proposé d'accueillir cette première réunion, j'ai accepté d'enthousiasme. Je remercie donc très chaleureusement Donald Johnston, lequel dans un instant nous précisera l'objet de nos travaux.

Satisfaction aussi, parce que le sujet qui occupera nos travaux tout au long de ces deux jours me tient particulièrement à coeur, tant il est au coeur même du rôle des parlements dans la procédure budgétaire. Vous verrez au cours de nos travaux combien ce sujet fait la une de l'actualité, après avoir été marqué longtemps par une certaine inertie. Je suis aussi sincèrement heureux que Christian Poncelet, Président du Sénat de la République française, et qui a été mon prédécesseur pendant 12 ans, et aux côtés duquel j'ai travaillé comme rapporteur général pendant 3 ans et demi, ait accepté d'accueillir chez lui cette conférence. Il a témoigné, et témoigne encore, de sa volonté de voir affirmer dans la mission parlementaire, le domaine du contrôle du gouvernement.

Permettez-moi enfin, de souhaiter, quelle que soit l'austérité du sujet traité, que nous puissions travailler dans un climat de simplicité et de convivialité. L'objectif de cette conférence est aussi de mieux nous connaître les uns les autres.

Cet après midi la présidence de la séance sera assurée par mon collègue Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, véritable « numéro deux » de notre commission.

Excellents travaux à tous. La parole est au Président Christian Poncelet.

2. PEUT-ON VRAIMENT BIEN CONTRÔLER QUELQU'UN
QUE L'ON SOUTIENT ? par M. Christian Poncelet, Président du Sénat français

Permettez-moi tout d'abord de vous adresser à tous, mes voeux de plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française que j'ai l'honneur de présider. Je sais que certains d'entre vous ont fait un long voyage pour être ici parmi nous aujourd'hui et je leur adresse, tout spécialement, mes voeux de bon séjour dans notre pays.

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici aujourd'hui et ce, pour trois raisons au moins.

En premier lieu, cette réunion est co-organisée par le Sénat français et l'Organisation pour la coopération et le développement économique qui a davantage pour habitude de travailler avec les exécutifs nationaux. Je me réjouis donc que la réunion d'aujourd'hui soit la première d'une longue série associant les représentants des Parlements de l'OCDE et je félicite mon collègue et ami Alain Lambert d'en avoir pris l'initiative.

En second lieu, je suis particulièrement satisfait que cette réunion sur le thème du contrôle budgétaire ait lieu au Sénat, c'est-à-dire dans une chambre haute. En effet, il eût été légitime de penser, s'agissant du processus budgétaire, que ce colloque soit organisé par une des chambres basses de l'OCDE, lesquelles ont, en matière budgétaire, une prééminence naturelle liée au consentement à l'impôt.

Or, je vois dans le fait que cette réunion a lieu au Sénat, un symbole intéressant. Je considère en effet, qu'en cette matière, les chambres hautes ont un rôle particulier à jouer, du moins pour ce qui est des régimes parlementaires. En effet, dans de tels régimes les chambres basses ont pour mission première de soutenir leur gouvernement. Sans qu'il y ait soumission des unes aux autres, il est en tout cas nécessaire que s'établisse, en permanence, une étroite harmonie de pensée entre le gouvernement en place et la majorité des députés qui le soutiennent. C'est de cette harmonie que dépend le bon fonctionnement d'un régime parlementaire. Mais dans ces conditions le contrôle parlementaire, et le contrôle budgétaire en particulier, sont toujours des exercices difficiles, car peut-on vraiment bien contrôler quelqu'un que l'on soutient ?

Je dis cela sans esprit de polémique car cette contradiction, inhérente au fonctionnement du régime parlementaire, est valable quelque soit la couleur politique du gouvernement en place.

C'est pourquoi je considère que les chambres hautes ont un rôle spécifique à jouer en matière de contrôle budgétaire, distinct de celui des chambres basses, mais distinct également des autorités de contrôle extérieures au Parlement, telles que par exemple les Cours des comptes. Le contrôle budgétaire, tel que je le conçois est moins un contrôle de la régularité budgétaire qu'un contrôle de l'opportunité budgétaire, c'est-à-dire une vérification de l'adéquation des moyens budgétaires aux besoins de l'action de l'État. Pour toutes ces raisons, j'ai souhaité, lors de mon élection à la présidence du Sénat, faire du contrôle la seconde nature du Sénat français. Je pense avoir été entendu par les deux présidents des commissions disposant de pouvoirs spéciaux en la matière, qu'il s'agisse aussi bien de la commission des affaires sociales, que de celle des finances et je tiens à saluer ici le travail effectué, loin des feux médiatiques, par Alain Lambert.

Enfin, je me réjouis que cette première réunion ait lieu au Sénat français, car comme vous le savez peut-être, le Parlement français est en train de travailler à une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui est en quelque sorte notre « Constitution financière ». Cette constitution, très restrictive à l'égard des droits budgétaires des parlementaires, méritait en effet d'être modifiée. La situation en France a considérablement changé depuis 1958, et loin des débordements démagogiques de la V e République, l'expérience la plus récente des pays de l'OCDE montre que les pays où les droits budgétaires des parlementaires sont les plus faibles ne sont pas nécessairement ceux dans lesquels les finances publiques sont les mieux gérées.

C'est pourquoi une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale par le rapporteur général du budget, M. Didier Migaud. Elle sera examinée dans les jours qui viennent par une commission spéciale présidée par le Président de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni. Alain Lambert et moi-même sommes impliqués directement dans ce processus qui devrait déboucher, je l'espère, sur une réforme significative d'ici à la fin de l'année. Sachez donc que ce que vous direz ici aujourd'hui inspirera directement la réflexion des parlementaires français et des sénateurs en particuliers.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite de très fructueux débats.

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