AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mercredi 15 mars 2000

- Présidence de M. Pierre Laffitte, vice-président. -

Patrimoine - Protection des trésors nationaux - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Serge Lagauche sur la proposition de loi n° 253 (1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

S'il s'est félicité de l'examen dans des délais très brefs par l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi d'origine sénatoriale, le rapporteur a regretté toutefois que le dispositif adopté par le Sénat destiné à remédier aux lacunes du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la loi de 1992 ait été complété par deux dispositions dépourvues de tout lien avec son objet. La première de ces modifications procède à un toilettage très ponctuel du code de l'industrie cinématographique et consiste en fait en une simple mesure de simplification administrative ; la seconde opère une réforme des statuts du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, réforme qui ne semble avoir été précédée d'aucune concertation avec les dirigeants actuels de l'établissement.

Il a souligné que ces ajouts étaient d'autant plus regrettables que si deux articles seulement avaient été adoptés en des termes identiques, l'Assemblée nationale avait approuvé l'essentiel du dispositif voté par le Sénat, portant une appréciation nettement positive sur les objectifs poursuivis par la proposition de loi.

Le rapporteur a d'abord rappelé l'économie du dispositif adopté par le Sénat.

La loi de 1992 qui s'est substituée à la loi douanière de 1941 a considérablement assoupli le mécanisme de contrôle des exportations de biens culturels en instaurant un dispositif très libéral qui ne permet guère à l'Etat que de retarder la sortie d'oeuvres majeures, à moins de les acquérir. En effet, la logique de la loi de 1992 conduisait à ce qu'en cas de refus du certificat, nécessaire pour exporter une oeuvre d'art, l'administration dans un délai de trois ans tire les conséquences de la qualité de " trésor national " en entamant une procédure de classement, désormais neutralisée à la suite de la jurisprudence Walter. La solution de l'acquisition trouve elle-même des limites dans la mesure où, à supposer qu'il dispose des fonds nécessaires, l'Etat se trouve à la merci d'un refus du propriétaire de se dessaisir de son bien, faute notamment d'une procédure permettant une évaluation du bien.

Afin de lever cet obstacle, la proposition de loi s'inspirant en cela du dispositif britannique, complète la loi de 1992 par un article nouveau qui précise les modalités d'une procédure d'expertise. En l'absence d'accord amiable sur le prix d'une oeuvre, il reviendra à des experts désignés par l'Etat et le propriétaire d'arrêter le prix du bien. Si le propriétaire refuse de vendre à ce prix, le refus du certificat pourra être renouvelé.

M. Serge Lagauche a indiqué que la proposition de loi visait également à limiter l'incidence du dispositif de contrôle des exportations de biens culturels sur le fonctionnement du marché de l'art. En allongeant la durée de validité des certificats de libre circulation et en excluant l'application de la loi de 1913 aux biens importés depuis moins de cinquante ans, elle permettait de rassurer les propriétaires sur les conditions dans lesquelles ils peuvent disposer de leurs biens. La dispense de certificat pour les exportations de biens culturels importés à titre temporaire évitait des formalités lourdes et injustifiées aux transactions opérées sur le marché de l'art français. Enfin, elle tentait de remédier à l'incompréhension qui prévaut entre l'administration et le monde du marché de l'art en assurant une plus grande transparence du contrôle des exportations d'oeuvres d'art grâce à une modification de la commission chargée de formuler un avis sur les refus de délivrance des certificats et à la publication de ses avis, destinée à en renforcer l'autorité.

Enfin, il a rappelé que sur proposition de sa commission des finances, le Sénat avait adopté une disposition fiscale destinée à encourager les propriétaires privés à détenir des oeuvres classées.

M. Serge Lagauche, rapporteur, a souligné que l'essentiel du dispositif adopté par le Sénat avait été approuvé par l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne les dispositions introduites dans la loi de 1992 afin de prévoir une procédure d'acquisition, des précisions utiles ont pu être apportées en ce qui concerne notamment la prise en charge des frais d'expertise imposés par la procédure d'acquisition.

En revanche, il a regretté que l'Assemblée nationale ait supprimé la disposition prévoyant que la décision de renouvellement du refus de certificat n'ouvre droit à aucune indemnité. Le silence de la loi sur ce point risque d'être interprété en sens contraire. Si c'était le cas, il y aurait fort à craindre que l'Etat ne se retrouve dans une situation comparable à celle qui prévaut dans le cadre de la loi de 1913 en cas de classement d'un objet mobilier. De même, il a déploré que l'Assemblée nationale ait supprimé certaines dispositions destinées à garantir la souplesse des procédures de contrôle des exportations.

Enfin, il a relevé que l'Assemblée nationale avait supprimé les dispositions fiscales introduites à l'initiative de la commission des finances, notamment au motif qu'elles sortaient du champ législatif couvert par la proposition de loi.

A cet égard, le rapporteur a constaté que l'Assemblée nationale n'avait pas fait preuve de la même rigueur à l'égard des amendements proposés par le gouvernement, qui avaient comme seul point commun de ne pas avoir trouvé jusque-là un support législatif adapté à leur examen par le Parlement.

La suppression du visa d'exportation des films prévue par l'article 6 bis aurait sans doute mieux sa place dans une réforme d'ensemble du code de l'industrie cinématographique, dont nombre de dispositions doivent être revues, et pourrait être utilement opérée à l'occasion de l'élaboration du code de la communication et du cinéma envisagée par le gouvernement.

La modification de la loi de 1975 concernant le statut du Centre Georges-Pompidou proposée par l'article 6 ter, si elle présente l'apparence de la logique, semble n'avoir été précédée d'aucune concertation avec les responsables actuels de cet établissement public, qui vient de rouvrir ses portes au public.

Compte tenu de ces observations, M. Serge Lagauche, rapporteur, a proposé de redonner au dispositif de la proposition de loi sa cohérence, en supprimant les deux cavaliers introduits par l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne les autres dispositions, il a estimé indispensable de réintroduire la disposition visant à préciser que le renouvellement du refus de certificat n'ouvre pas droit à indemnisation. A cet égard, il a rappelé que l'analyse du Sénat était que le préjudice résultant du renouvellement du refus de certificat n'engendrait aucun préjudice, ce qui justifiait que le principe de l'indemnisation soit exclu. La suppression de cette disposition pourrait a contrario être interprétée comme ouvrant droit à une indemnisation. Il a considéré que, dans ce cas, l'Etat risquait de se trouver confronté à une nouvelle affaire Walter.

Dans la mesure où l'acquisition demeure la seule voie possible pour permettre à l'Etat de retenir des oeuvres majeures sur le territoire national, se priver de cette alternative et de la possibilité de renouveler dans ce cadre les refus de certificat reviendrait à renoncer à toute velléité de contrôle des exportations d'oeuvres d'art.

Par ailleurs, le rapporteur a proposé de réintroduire des dispositions adoptées par le Sénat et supprimées par l'Assemblée nationale, qui permettaient de garantir la souplesse des mécanismes prévue par la proposition de loi. Parmi celles-ci, figurent notamment la possibilité ouverte au propriétaire, en cas de renouvellement du refus du certificat, de redemander une expertise du bien ainsi que la compétence accordée à l'Etat, en cas de refus de ses offres d'achat, pour apprécier s'il y a lieu ou non de renouveler le refus de certificat.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article 2 (conditions de délivrance du certificat), la commission a adopté un amendement tendant à rétablir le principe de publication des avis de la commission chargée de donner un avis au ministre sur les décisions de refus de certificat.

A l'article 5 (modalités d'acquisition par l'Etat de biens auxquels le certificat a été refusé), outre deux amendements rédactionnels, elle a adopté :

- un amendement prévoyant qu'en cas de refus d'une offre d'achat, l'Etat a la possibilité et non l'obligation de renouveler le refus de certificat ;

- un amendement tendant à donner au propriétaire, en cas de renouvellement du refus de certificat, la possibilité de demander une nouvelle expertise du bien ;

- et un amendement précisant que le renouvellement du refus de certificat n'ouvre droit à aucune indemnité.

La commission a ensuite supprimé les articles 6 bis (nouveau) (suppression du visa d'exportation pour les films) et 6 ter (nouveau) (modification du statut du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou).

Enfin, elle a adopté un amendement rédactionnel à l'article 7 (conditions d'entrée en vigueur de la loi).

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée à l'unanimité des commissaires présents.