AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mardi 20 octobre 1998

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. - La commission a entendu Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les projets de budget de la culture et de la communication.

Projet de loi de finances pour 1999 - Audition de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication

En introductionà son propos, Mme Catherine Trautmann a exprimé sa volonté de donner à la culture une place accrue dans la communication télévisuelle et de faire de cette dernière le vecteur d'une meilleure diffusion de la culture. Il s'agit aussi de favoriser l'appropriation des nouveaux outils et supports de communication par la culture, voire d'en faire les objets d'une création artistique renouvelée.

Le projet de budget pour 1999 traduit la priorité accordée à la démocratisation de l'accès à la culture et à l'affirmation d'un secteur public audiovisuel fort.

Mme Catherine Trautmann a présenté en premier lieu le projet de budget de l'audiovisuel public, indiquant que les crédits s'élèveraient en 1999 à 18.478 millions de francs, ce qui représente une augmentation de 2,6 % par rapport à 1998. Cette évolution traduit deux objectifs : l'enrichissement et le renouvellement des programmes des organismes publics, et le développement des nouveaux services. Il s'agit d'un budget de consolidation des moyens, celui de 1998 étant un budget de reconstitution, ainsi que de transition vers la réforme législative qui devrait aboutir à la création d'un groupe industriel des télévisions publiques tourné vers le développement des nouveaux services et l'innovation en matière de programmes, ainsi qu'à la réduction de la durée horaire des écrans publicitaires sur France 2 et France 3.

Annonciateur de la réforme à venir, le projet de budget porte à 69,4 % la part des financements publics dans le total des ressources du secteur. La part des ressources de publicité et de parrainage représentera la moitié des ressources de France 2, elle sera stabilisée à un peu moins d'un tiers des ressources de France 3. C'est un premier desserrement de la contrainte publicitaire sur la création.

Mme Catherine Trautmann a rappelé à cet égard que la part relative de la publicité et du parrainage diminuait pour la première fois depuis 1992 dans le financement de France 2.

Elle a aussi noté que la part de redevance versée à RFI (Radio France Internationale) serait fixée à un niveau plus conforme à la vocation de cet organisme.

La compensation des exonérations de redevance diminuera une nouvelle fois en 1999, mais sans priver le service public des moyens nécessaires. Enfin, les tarifs de la redevance augmenteront au rythme prévisionnel de l'inflation, soit 1,2 %.

Mme Catherine Trautmann a ensuite détaillé les crédits (334,5 millions de francs au total) accordés aux différents organismes pour financer des mesures nouvelles, estimant qu'ils traduisaient la volonté de conforter " la force de création et de diffusion culturelle de l'audiovisuel public ".

C'est ainsi que France 2 recevra 158,2 millions de francs pour renforcer l'information et pour financer des coproductions de fiction cinématographiques et audiovisuelles. Ceci devrait favoriser l'amélioration de la grille des programmes et la restauration de l'audience de la chaîne.

France 3 bénéficiera d'une mesure nouvelle de 68,1 millions de francs afin de lancer de nouveaux programmes régionaux.

La Sept-Arte recevra 36,9 millions de francs destinés à l'enrichissement de l'antenne, notamment en avant partie de soirée, et au financement d'une cinquantaine de documentaires supplémentaires.

Radio France Outre-mer (RFO) recevra 10,3 millions de francs pour l'enrichissement de l'antenne et la production de programmes propres.

La Cinquième bénéficiera de 12,8 millions de francs afin de financer de nouvelles implantations de la banque des programmes et des services dans des lieux culturels, et afin d'améliorer sa grille.

Radio France consacrera une mesure nouvelle de 10,2 millions de francs à sa modernisation et au renforcement de l'information, notamment sur France Inter.

RFI pourra reconstituer son fonds de roulement, grâce à une mesure nouvelle de 24,2 millions de francs.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) recevra une enveloppe de mesures nouvelles de 13,8 millions de francs afin de développer la numérisation des archives. La part du produit de la redevance destinée à l'INA augmentera de 8,4 % afin de compenser l'importante diminution des ressources commerciales constatée en 1998.

Mme Catherine Trautmann a ensuite abordé les crédits d'aide à la presse écrite.

Elle a indiqué que les premiers effets de la modernisation des aides engagée sous son autorité seront constatés en 1999. Les aides directes de l'Etat augmenteront de 2,6 %, pour atteindre 253 millions de francs. La presse d'information politique et générale sera la première bénéficiaire de cette progression. Il faut noter en particulier que les crédits d'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ou de petites annonces et les crédits d'aide à la presse hebdomadaire régionale approcheront 37 millions de francs, ce qui représente une augmentation de 20 % en deux ans. L'aide au portage aura été multipliée par trois dans la même période.

Elle a aussi précisé que le fonds d'aide au multimédia dans la presse a déjà permis la mise en oeuvre d'une trentaine de projets, et que le fonds de modernisation des entreprises de presse, créé par la loi de finances pour 1998, entrera en pleine activité avant la fin de l'année, le décret déterminant les modalités d'attribution des crédits étant actuellement soumis au Conseil d'Etat. Les recettes seront de l'ordre de 140 millions de francs en 1998 et devraient atteindre 200 millions de francs en 1999.

Mme Catherine Trautmann a ensuite présenté les crédits de la culture.

Elle a souligné qu'avec une progression de 3,5 % par rapport à 1998, le budget de la culture constituait à nouveau en 1999 une priorité gouvernementale. Après avoir rappelé qu'à périmètre constant, ce budget avait diminué de 11 % entre les lois de finances initiales de 1993 et de 1997 et qu'il avait fait l'objet en 1997 d'une mesure d'annulation de 650 millions de francs, elle a indiqué qu'il progressait sur les deux dernières années de 1,1 milliard de francs, représentant ainsi 0,96 % des dépenses du budget général en 1999, contre 0,95 % en 1998.

Elle a déclaré que si la référence au " 1 % ", dont le Premier ministre a confirmé qu'il devrait être atteint avant la fin de la législature, ne dispensait pas d'une réflexion sur les objectifs de la politique culturelle de l'Etat, la progression des crédits de son ministère permettait de conduire une politique ambitieuse de soutien à la création artistique et de démocratisation des pratiques culturelles.

Le ministre a d'abord indiqué que la mise en oeuvre de cette politique nécessitait un service public de la culture plus efficace.

Dans cette perspective, il a été procédé au regroupement des directions d'administration centrale du théâtre, de la musique et des spectacles, d'une part, et de l'architecture et du patrimoine, d'autre part. Cette réforme des structures administratives a été mise en oeuvre à moyens constants, les mesures nouvelles étant consacrées au renforcement des interventions culturelles de l'Etat.

En dépit des difficultés liées à l'absence de création d'emplois budgétaires pour 1999, difficultés auxquelles un plan de redéploiement des effectifs des administrations centrales vers les directions régionales des affaires culturelles doit partiellement remédier, la déconcentration des décisions administratives sera poursuivie.

Le budget 1999 permet en outre de traiter certains problèmes hérités du passé. En premier lieu, afin de diminuer l'emploi précaire, 379 vacataires permanents employés par les établissements publics seront contractualisés et, sauf exception, les vacataires ne pourront plus être embauchés pour une durée inférieure à 10 mois. En second lieu, les retards de paiement de l'Etat aux collectivités locales au titre des investissements réalisés par cofinancement, qui avaient atteint 300 millions de francs en 1998, seront résorbés en totalité. Par ailleurs, le projet trop longtemps différé de " Maison du cinéma " verra le jour.

Mme Catherine Trautmann a ensuite déclaré que la concrétisation de la politique de démocratisation des pratiques culturelles serait renforcée en 1999.

A cette fin, le rééquilibrage des moyens du ministère en direction des régions sera poursuivi, la part des crédits concernant Paris passant de 54 % en 1997 à 52 % en 1999. Les subventions d'investissement de l'Etat aux collectivités locales maîtres d'ouvrage progresseront de 41 %. Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un plan décennal de programmation des investissements culturels dans la capitale contribuera également à inverser le rapport entre Paris et les régions, y compris l'Ile-de-France, dans la répartition des crédits.

La charte de service public définissant les obligations des structures subventionnées dans le secteur du spectacle vivant entrera en vigueur le 1er janvier 1999. La réévaluation des moyens consacrés aux institutions conventionnées s'effectuera au regard des conditions dans lesquelles elles s'acquittent de leurs missions de service public. La charte sera progressivement étendue à l'ensemble des domaines d'action du ministère et notamment aux musées.

Les mesures nouvelles consacrées au spectacle vivant, qui s'élèvent pour le titre IV à 110 millions de francs, seront consacrées en priorité à des disciplines favorisant le rapprochement du public et des oeuvres. Les compagnies d'art dramatique et de danse comme celles qui ont renouvelé les arts de la rue seront plus particulièrement soutenues. Par ailleurs, elles bénéficieront de structures d'accueil leur permettant de renforcer leurs moyens de création.

Les crédits consacrés aux enseignements et à l'éducation s'élèveront à 1,5 milliard de francs, en progression de 2,7 %. Les moyens des écoles municipales, notamment en investissements, seront accrus. Dans le souci de renforcer le contenu culturel des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le programme de soutien à la création et au développement d'espaces culturels multimédia sera développé et concernera 100 sites en 1999.

Enfin, un effort sera accompli pour assurer la mission patrimoniale de l'Etat. Mme Catherine Trautmann, après avoir indiqué qu'elle ne retenait pas en ce domaine la formule d'une loi de programme, qui a montré son caractère peu protecteur, a fait part de sa décision d'augmenter dans les années à venir, de manière régulière et soutenue, les crédits consacrés au patrimoine. En 1999, selon le champ défini par la loi de programme de 1993, les crédits progresseront de 2,4 %, soit une augmentation de 42,6 % par rapport aux crédits disponibles en 1997. La restructuration des archives nationales s'inscrira également dans cette politique patrimoniale dont le ministre souhaite renouveler le champ et les publics.

En conclusion, Mme Catherine Trautmann a manifesté sa volonté de mener une politique culturelle alliant le soutien à la création et la démocratisation, cela en favorisant le pluralisme de l'expression, en suscitant l'intérêt de nouveaux publics et en mettant en oeuvre un partenariat exigeant entre l'Etat et ses partenaires locaux et associatifs.

A l'issue de cet exposé, un premier débat s'est engagé sur le budget de la culture.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits de la culture, a souhaité savoir si une nouvelle loi de programme sur le patrimoine monumental était en cours d'élaboration afin de succéder à la loi de 1993 qui arrive à son terme.

Rappelant que les collections publiques n'étaient pas à l'abri des dégradations et des vols, il a demandé si un effort budgétaire particulier serait consenti afin d'assurer leur protection dans de meilleures conditions. Se félicitant du renforcement des moyens du fonds d'équipement des musées intervenu en 1998, il a interrogé le ministre sur les crédits qui lui seront consacrés pour 1999.

Enfin, évoquant l'arrivée à expiration prochaine de refus de certificats d'exportation concernant des oeuvres majeures, il a souhaité obtenir des précisions sur les moyens dont disposera le ministère pour éviter que ces trésors nationaux ne partent à l'étranger.

M. Marcel Vidal, rapporteur des crédits du cinéma et du théâtre dramatique, a demandé des précisions sur le coût et les modalités de financement du projet de " Maison du cinéma ". Soulignant que l'exportation constituait un enjeu stratégique pour le cinéma français, il a souhaité connaître les mesures envisagées pour renforcer l'efficacité de la politique conduite en ce domaine. Par ailleurs, il a demandé au ministre de porter une appréciation sur le bilan des travaux des commissions départementales d'équipement cinématographique pour l'année 1998.

S'interrogeant sur les modalités de mise en oeuvre de la charte de service public, il a souhaité savoir si elle était de nature à apaiser les craintes soulevées par les mesures de déconcentration des crédits. Enfin, il a demandé si les compétences respectives du ministère de la culture et de celui de la jeunesse et des sports dans le domaine du théâtre amateur avaient été clarifiées.

M. Ivan Renar, après s'être félicité de l'augmentation du budget de la culture, a relevé qu'en matière culturelle, subsistaient de profondes inégalités de traitement entre les régions et qu'afin d'y remédier, le ratio moyen des dépenses culturelles par habitant devait être pris en compte dans le cadre des négociations des futurs contrats de plan Etat-région. Evoquant les effets pervers de la déconcentration, il a attiré l'attention du ministre sur la situation de l'école du Fresnoy qui bien qu'inscrite dans le contrat de plan Etat-région ne pouvait bénéficier de subventions faute de statut juridique déterminé.

Par ailleurs, il a souhaité savoir dans quelle mesure le ministère de la culture pourrait soutenir les efforts accomplis par les collectivités locales dans les domaines de la culture scientifique et des musées de société.

Rappelant qu'il avait déposé une proposition de loi relative aux établissements publics culturels locaux, il a interrogé le ministre sur l'état d'avancement de la réflexion engagée sur ce point au sein de ses services. Par ailleurs, il a fait part de ses incertitudes sur les conséquences des mesures prises pour clarifier le régime fiscal des associations, que l'on peut interpréter comme élargissant le champ d'assujettisement des organismes non lucratifs aux impôts commerciaux.

Enfin, il a regretté que la charte du service public n'ait pas pris en compte le jeune public, enjeu pourtant essentiel pour la démocratisation des activités culturelles.

M. Pierre Laffitte, indiquant que le développement du multimédia et d'internet pouvait contribuer de manière décisive à la diffusion de la culture française, a souhaité savoir si les sites soutenus par le ministère de la culture ouvraient la voie à la mise en place de serveurs consacrés à l'art contemporain, à la création et au patrimoine.

Il a préconisé que l'action conduite par le ministère en ce domaine permette, d'une part, de tirer parti de l'interactivité offerte par ces nouveaux supports pour renforcer la formation dans le domaine culturel et d'autre part, d'assurer une répartition équilibrée sur l'ensemble du territoire des activités économiques liées à l'édition électronique.

Mme Danièle Pourtaud, après s'être félicitée de la mise en oeuvre d'une politique de démocratisation des pratiques culturelles par le biais de la charte du service public et de l'augmentation des moyens consacrés aux enseignements artistiques, s'est inquiétée des conséquences du rééquilibrage accompli en faveur de la province dans l'attribution des crédits, alors que la ville de Paris est la municipalité qui consacre le moins d'argent à la culture. Par ailleurs, elle a fait observer que le manque de moyens en personnels dont souffrent les DRAC constituait une limite au processus de déconcentration. Enfin, elle a souhaité obtenir des précisions sur l'état d'avancement des travaux de rénovation du Grand Palais.

M. Xavier Darcos a demandé des précisions sur le renforcement des moyens consacrés aux enseignements artistiques et s'est interrogé sur l'avenir des actions conduites dans ce domaine en partenariat entre le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale, faisant état d'un phénomène d'usure des dispositifs mis en place, qu'il s'agisse de la politique des sites, des classes culturelles ou des ateliers de pratique artistique.

Rappelant que le principe de l'accès de tous à la culture avait été réaffirmé par la loi sur l'exclusion, M. Franck Sérusclat a souhaité que la place des enseignements artistiques dans l'enseignement primaire et secondaire soit renforcée.

Reprenant la parole, M. Marcel Vidal a souhaité avoir des précisions sur l'articulation existant entre l'action de la Fondation du patrimoine et celle du ministère de la culture. Il a interrogé le ministre sur l'état des conventions passées entre le ministère de la culture et les collectivités locales. Par ailleurs, évoquant l'avis du conseil de la concurrence préconisant la mise en concurrence pour la réalisation de fouilles archéologiques, il s'est inquiété de ses conséquences sur la compétence des entreprises soumissionnaires.

En réponse aux intervenants, Mme Catherine Trautmann a apporté les éléments de réponse suivants :

- bien qu'en 1998 les crédits consacrés au patrimoine monumental aient été reconstitués à un niveau comparable aux dotations qu'elle prévoyait, la loi de programme pour le patrimoine monumental de 1993 est devenue caduque en 1997 du fait de son étalement. Le maintien à un niveau satisfaisant de l'enveloppe annuelle consacrée au patrimoine résultera, d'une part, d'un effort de progression continue inscrit au budget et, d'autre part, d'une amélioration de leurs conditions d'engagement destinées à éviter des retards dans l'exécution des crédits ouverts en loi de finances. La programmation pluriannuelle des investissements, dans la capitale comme en province, permettra de bénéficier d'une vision prévisionnelle des besoins de financement. Par ailleurs, la politique du patrimoine, qui fera bientôt l'objet d'une communication en conseil des ministres, sera étendue à d'autres domaines que le patrimoine monumental afin d'en assurer une meilleure lisibilité ; elle inclura notamment les actions de conservation des archives, en particulier audiovisuelles. L'information du Parlement sur l'exécution des crédits affectés à cette politique demeure néanmoins une nécessité :

- des propositions fiscales seront faites afin de renforcer le caractère incitatif du label délivré par la Fondation du patrimoine ;

- au cours des cinq dernières années, un tiers des dépenses d'investissement des musées a été consacré à des travaux concernant les dispositifs de sécurité. Cette répartition des investissements sera maintenue au cours des trois prochaines années ; 160 millions de francs, dont 57 pour l'année 1999, seront ainsi consacrés au renforcement des systèmes de protection mécaniques. Par ailleurs, en dépit des difficultés liées à la pénurie de personnels de surveillance, les exigences liées aux normes de sécurité seront accrues ;

- un projet de loi réformant la loi du 31 décembre 1992 relative aux biens culturels sera présenté en conseil des ministres d'ici la fin de l'année. Conciliant la protection des trésors nationaux et le développement du marché de l'art, son dispositif permettra à l'Etat de se porter acquéreur des trésors nationaux dans le cadre d'une procédure définie par la loi. Par ailleurs, il complétera la loi de 1913 afin de créer un régime de protection pour les ensembles mobiliers et les ensembles mixtes présentant un intérêt historique ou artistique. Les crédits destinés à l'acquisition d'oeuvres d'art pour les musées seront renforcés en 1999 : la dotation du fonds du patrimoine s'élèvera à 105,25 millions de francs ;

- le coût de la " Maison du cinéma " s'élèvera à 230,75 millions de francs, soit 150,75 millions de francs pour l'acquisition du bâtiment et 80 millions de francs pour les travaux d'aménagement. Le projet de loi de finances prévoit une dotation de 15 millions de francs qui s'ajoutera à celles précédemment inscrites et qui sera complétée par la prochaine loi de finances : on peut donc envisager que la Maison du cinéma ouvre avant la fin de l'année 2000. Elle offrira des salles de projection, des espaces d'exposition et un centre de documentation ;

- les recettes à l'exportation des films français se sont élevées à 583 millions de francs en 1998, soit une progression de 18 % par rapport à 1997. Les crédits destinés au système d'aides à l'exportation mis en place par le CNC à partir de 1997 atteindront 15 milliards en 1999. Unifrance a bénéficié en 1998 d'une subvention de 49,9 millions de francs. Dans le souci d'accroître l'efficacité des actions conduites en ce domaine, une étude a été commandée au CNC afin de définir une stratégie d'exportation plus ciblée et de mieux identifier les perspectives commerciales, notamment pour le marché américain qui nécessite un effort particulier. Il importe, en effet, que l'évolution du chiffre d'affaires à l'exportation corresponde à celle du soutien public ;

- au 30 juin 1998, on comptait 37 multiplexes, représentant 22,6 % des recettes et 17 % de la fréquentation. Après un ralentissement, leur rythme d'implantation connaît désormais une nouvelle accélération. Afin de freiner le développement de nouveaux complexes, notamment en Ile-de-France, la commission nationale d'équipement commercial a été saisie. Il est regrettable que les communes n'apprécient pas toutes de la même manière les conséquences économiques et culturelles d'éventuelles nouvelles implantations. L'information des élus en ce domaine a été renforcée. Par ailleurs, la réforme du système d'aide à l'exploitation permet de tirer parti du développement des multiplexes pour soutenir les salles moyennes et les salles dites d'art et d'essai. Enfin, des actions de sensibilisation ont été conduites auprès des professionnels afin de conduire les multiplexes à consentir un effort en matière de diversité de la programmation et à rechercher une meilleure complémentarité avec les salles situées à proximité ;

- la charte du service public sera mise en oeuvre dans le cadre des conventions qui lient le ministère et les structures qu'il subventionne. L'objectif de développement des publics qu'elle comporte concerne également le jeune public. Les conditions dans lesquelles les structures conventionnées s'acquittent de leurs obligations de service public permettront d'apprécier les demandes de subventionnement qu'elles présenteront en 1999. L'augmentation des moyens consacrés au spectacle vivant, jusque là essentiellement destinés aux grandes institutions, bénéficiera essentiellement en 1999 aux compagnies dramatiques et aux formes nouvelles de création que sont les arts de la rue et les musiques actuelles ;

- le développement des pratiques culturelles amateurs, qui feront l'objet en 1999 d'une mesure nouvelle de 15 millions de francs, passe notamment par la mise en place de lieux d'information, de documentation et de présentation. En ce qui concerne le théâtre amateur, une réflexion a été engagée avec le ministère de la jeunesse et des sports ;

- la circulaire du 22 juillet 1998, élaborée conjointement par les ministres de l'éducation nationale, de la culture et de l'enseignement scolaire, devrait permettre de mieux intégrer l'éducation artistique dans le cadre scolaire et de renouveler le partenariat entre les ministères concernés. Le développement des enseignements artistiques en milieu scolaire exige un rapprochement des DRAC et des autorités académiques ainsi qu'un renforcement de la formation des enseignants et une intensification des contacts avec les créateurs. La mission confiée à M. Gérard Paquet sur les missions du ministère de la culture permettra d'ouvrir des perspectives de coopération avec le ministère de l'éducation nationale, notamment en ce qui concerne les liens pouvant être établis entre la recherche, les universités et le ministère de la culture ;

- pour la négociation des nouveaux contrats de plan Etat-région, une priorité en faveur des régions les plus faiblement dotées a été définie. C'est en matière culturelle que la réalisation des précédents contrats de plan a été la moins satisfaisante, le taux de réalisation étant en ce domaine de 51 %. Ces résultats s'expliquent en partie par l'inscription dans les contrats de plan soit de projets trop ambitieux dans un souci d'affichage, soit de projets encore trop peu engagés. Cette situation a eu pour conséquence de constituer une dette de l'Etat à l'égard des collectivités locales ;

- en 1999, la répartition des crédits d'investissement entre Paris et la province sera inversée par rapport à 1998. En effet, en 1999, 45 % des crédits d'investissements bénéficieront à Paris et 55 % à la province, contre respectivement 54 % et 46 % en 1998 ;

- il convient de régler la question du statut de l'école d'art du Fresnoy, qui devrait devenir une des vitrines de l'enseignement de l'audiovisuel, mais il ne semble pas que ce règlement doive être un préalable au versement de subventions ;

- l'Etat, s'il a soutenu les écomusées, a peu contribué au développement des musées de société. Dans le cadre des prochains contrats de plan, afin de relayer les efforts déployés en ce domaine par les collectivités locales et les associations, seront systématiquement programmées des opérations de valorisation de sites ayant un intérêt majeur du point de vue de l'histoire industrielle et sociale ;

- un débat est engagé sur les modalités -par voie législative ou réglementaire- de création d'établissements publics locaux qui auraient vocation à fournir un cadre aux interventions culturelles des collectivités locales. Un rapport sur cette question sera remis au cours du mois de novembre ;

- le nouveau régime fiscal des associations précise les cas dans lesquels ces dernières sont assujetties aux impôts commerciaux. Dans ces cas, qui concernent un grand nombre d'associations culturelles, ces dernières pourront bénéficier de mesures d'accompagnement qui prévoient la possibilité d'exonération à 100 % de la taxe professionnelle par les collectivités locales et l'apurement du passé pour les associations de bonne foi ;

- les 100 sites multimédia soutenus par le ministère de la culture sont des sites créatifs. La plupart des emplois-jeunes créés dans le domaine culturel concernent les fonctions de promotion des nouvelles technologies et d'initiation à leur utilisation. Le centre national du cinéma (CNC) conduit une action de soutien à la production multimédia. L'ensemble de ces mesures constitue un plan d'ensemble destiné à renforcer la diffusion de la culture et à soutenir les efforts de formation ;

- l'augmentation des moyens consacrés aux enseignements artistiques bénéficie, d'une part, aux actions en milieu scolaire et, d'autre part, aux écoles d'art dont les moyens sont accrus ;

- le coût total des travaux du Grand Palais, estimés jusqu'à présent à 400 millions de francs, atteindrait en fait 1,2 milliard de francs. La première tranche concernant les travaux de consolidation du sous-sol pourra être engagée rapidement, les crédits nécessaires ayant d'ores et déjà été dégagés. La date de réouverture des espaces d'exposition du Grand Palais a été reportée et la question de l'affectation de ces locaux n'a pas été tranchée ;

- un projet de loi sur l'archéologie préventive est en cours de préparation. Il devrait définir le service public de l'archéologie préventive et exclure le principe de la concurrence commerciale pour l'attribution des travaux de fouilles. Une circulaire vient d'être envoyée aux préfets afin de permettre la réouverture des chantiers de fouilles jusque là suspendus.

Un second débat s'est ensuite engagé sur les crédits de la communication.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis des crédits de la communication audiovisuelle, a demandé s'il était prévu d'assujettir à des contraintes nouvelles les entreprises bénéficiant des investissements publicitaires retirés à France-Télévision, et comment seraient dégagés les moyens nécessaires au financement des programmes dont la réduction des écrans publicitaires permettra la diffusion.

Rappelant la réduction de la part de la redevance dans le financement de RFI, il a noté la portée culturelle de l'audiovisuel extérieur, l'internationalisation croissante de la diffusion des chaînes nationales, le développement international de celle-ci, et il s'est interrogé sur la pertinence du maintien d'une frontière administrative entre l'audiovisuel intérieur et l'audiovisuel extérieur.

Il a aussi demandé si l'expérience du rapprochement de la Sept-Arte et de la Cinquième confirmait la crédibilité des objectifs de rationalisation et d'économie associés aux projets de regroupement de l'audiovisuel public.

Il a enfin demandé si une réflexion avait été lancée sur les perspectives d'évolution de la redevance à la suite du développement de l'offre de services thématiques payants.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits d'aide à la presse écrite, a noté que les crédits de 1999 étaient en augmentation sensible et s'est félicité de ce que la mise en place du fonds de modernisation de la presse quotidienne ne provoque pas la diminution des autres formes de " concours à l'allégement des charges de la presse ".

En ce qui concerne les crédits d'aide directe, il a demandé ce qui justifiait la diminution de la compensation des charges sociales de portage, et a souhaité disposer d'un bilan de l'aide au transport ferroviaire de la presse.

En ce qui concerne l'adaptation du régime juridique de la presse, récemment annoncée, il a souhaité que le ministre fasse le point des textes en préparation, rappelant notamment que le dossier des droits d'auteur conditionne largement l'entrée de la presse dans le multimédia. Il a aussi estimé que la révision du plafond de 20 % de participation étrangère au capital des organes de presse en dehors du secteur de la presse d'information générale et politique semblait une piste intéressante. Il a exprimé de même son accord sur l'idée de lancer une mission d'évaluation de la dimension sociale de la presse.

Il a noté que l'évaluation des conséquences de la réduction des recettes publicitaires de France-Télévision était insuffisante, et demandé quelle était l'activité actuelle de l'observatoire de la publicité créé dans le cadre de la " loi Sapin " du 29 janvier 1993.

Il a enfin lancé l'idée d'une programmation pluriannuelle des crédits de modernisation de la presse et a demandé s'il était possible d'envisager la création d'une ligne budgétaire afin d'encourager la lecture de la presse dans le système scolaire.



Mme Danièle Pourtaud a estimé que la diminution des recettes publicitaires et l'augmentation des ressources globales étaient les clés d'un secteur public fort. Notant que la comparaison avec les autres pays européens démontrait l'existence d'une marge d'augmentation du taux de la redevance, elle a demandé si une réflexion était menée sur la possibilité d'améliorer les procédures de perception.

Elle a estimé que le remboursement des exonérations de redevance demeurait une ressource potentielle à mobiliser.

Elle a noté que les solutions proposées pour compenser la suppression des abattements fiscaux dont bénéficient les journalistes et de nombreuses professions artistiques ne satisfaisaient pas les intéressés, mettant en avant l'exemple de Radio-France pour laquelle une éventuelle compensation salariale de pertes de revenus subies par les journalistes et les musiciens serait une lourde charge compte tenu de la part des charges de personnels dans le budget de la station.

Elle a enfin demandé où en était l'élaboration des plans stratégiques de Radio-France et de l'Agence France-Presse.

M. André Diligent a demandé quelles étaient les raisons qui expliquaient la persistance et l'importance du déficit de l'INA.

En réponse aux questions des intervenants, Mme Catherine Trautmann a apporté les précisions suivantes :

- l'objectif du Gouvernement est d'éviter que les quelque 2 milliards de recettes publicitaires qui, selon les estimations actuelles, pourraient être redistribués à la suite de la diminution des écrans publicitaires de France Télévision, bénéficient massivement aux seules chaînes de télévision privées. Il s'agit de prévenir des disparités trop grandes entre les différents supports, ainsi que des augmentations de prix non justifiées. Un mécanisme d'écrêtement des sommes supplémentaires perçues par les chaînes privées sera mis en place au vu des évolutions constatées. C'est pourquoi un travail sera mené avec les annonceurs et les agences de publicité pendant les quinze mois précédant la mise en oeuvre de la future loi sur la communication audiovisuelle, afin de surveiller l'évolution du marché. Un appel d'offres sera lancé prochainement pour l'évaluation de l'impact des mesures prévues. Un intérêt spécial sera accordé au maintien des moyens de la production audiovisuelle et cinématographique. Il serait aussi souhaitable que la presse et la radio profitent de la redistribution des investissements publicitaires ;

-  la diminution des recettes publicitaires des chaînes publiques n'est pas motivée par une quelconque hostilité à l'égard de la publicité. L'objectif est d'amener l'Etat à assumer ses responsabilités à l'égard du secteur public. C'est en effet la publicité qui a permis de financer la diversification du secteur public, avec la création de la Sept Arte et de la Cinquième, ainsi que l'entrée de France Télévision dans TPS. L'Etat n'a pas assumé l'effort financier pluriannuel qui lui incombait ; l'objectif est de mettre désormais en place une gestion pluriannuelle ;

- le Premier ministre s'est engagé à compenser les baisses de recettes publicitaires et à dégager les moyens nécessaires au financement des nouveaux programmes. Au demeurant, la compensation de la diminution des recettes publicitaires ne représentera qu'un millième du budget de l'Etat ;

- en ce qui concerne l'évolution des taux de la redevance, des augmentations pourront être justifiées par le financement des investissements accompagnant les développements technologiques ;

- il est essentiel de préparer l'entrée de la télévision publique dans le numérique en la dotant d'une structure financière solide. Les chaînes publiques, grâce aux contrats d'objectifs et de moyens qu'elles concluront avec le Gouvernement, auront la possibilité de faire des prévisions financières à 3 ans. L'extension à 5 ans du mandat des présidents répond au même objectif ;

- la pluriannualité bénéficiera à tous les organismes de l'audiovisuel public. Elle pourra déboucher sur une recapitalisation permettant à ceux-ci de créer des filiales financièrement solides : on peut penser en particulier à la création par France Télévision d'une filiale consacrée au développement technologique ;

- il serait souhaitable que RFO soit intégrée dans la future société holding de l'audiovisuel public. C'est d'ailleurs le voeu du personnel de la chaîne. Des conversations sont en cours à cet égard avec les élus concernés ainsi qu'avec le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer ;

- la société holding ne reconstituera pas l'ORTF, dont le périmètre était d'ailleurs différent. Il s'agira d'un groupe de diffuseurs conservant chacun ses missions spécifiques. Il ne s'agit pas non plus pour l'Etat de reprendre le contrôle de l'audiovisuel public, mais d'assumer ses responsabilités en définissant de façon précise un certain nombre d'objectifs d'audience, de qualité, etc. L'ultime objectif est d'assurer le rôle de locomotive qui doit être celui des chaînes publiques dans la société de l'information ;

- en ce qui concerne la redevance, une réflexion aura lieu en 1999 sur l'évolution de cette ressource. Il ne paraît pas opportun de remettre brusquement en question les conditions actuelles de la collecte. Le fait que la redevance existe dans l'ensemble des pays européens milite contre sa suppression. Il faut réfléchir à la possibilité de mensualiser sa perception et à l'évolution des tarifs, sans perdre de vue la nécessaire prise en compte de l'effort financier qu'elle représente pour les faibles revenus. L'évolution des taux devra être liée à l'évolution des services et de la technologie ;

- en ce qui concerne la presse, il convient de se féliciter que le fonds de modernisation n'ait pas été confondu avec l'ensemble des aides directes ;

- le Gouvernement souhaite préciser les conditions de versement des aides au transport ferroviaire de la presse. Il s'agit d'éviter d'en faire une modalité de compensation du déficit de la SNCF. Un débat est en cours sur ce point. La convention avec la SNCF a été dénoncée et devra être renégociée d'ici la fin de l'année ;

- en ce qui concerne le transport postal de la presse, le Gouvernement souhaite tenir compte des reproches adressés à la qualité du service, au regard du montant des aides versées à La Poste ;

- les dossiers de remboursement des charges sociales liées au portage de la presse parisienne ont été présentés avec retard, mais les crédits non consommés de ce fait seront reportés sur le budget de 1999. Les crédits du fonds seront donc en augmentation en 1999 ;

- le régime des droits d'auteur et droits voisins liés à l'exploitation multimédia des ressources de la presse pose des problèmes délicats. Le ministère les examine avec les problèmes que posent les droits audiovisuels. Une étude du Conseil d'Etat a été publiée, dont il sera tenu compte. L'idée générale est de ne pas créer un droit nouveau mais de faire évoluer le régime juridique existant. Le second projet de loi sur la communication audiovisuelle, prévu pour 1999, abordera la question des droits d'auteur et droits voisins dans la communication audiovisuelle ;

- le Gouvernement souhaite sensibiliser les journalistes à l'éthique de l'information. Un effort doit être entrepris dans le cadre de la formation initiale. Par ailleurs, le projet de loi sur le respect de la présomption d'innocence comportera des mesures intéressant la presse ;

- il est important de préserver le nombre de titres de la presse d'information politique et générale face aux phénomènes de concentration. Elle joue en effet un rôle important dans les équilibres de notre démocratie. La structure capitalistique des journaux est un des éléments dont il convient de tenir compte dans cette optique ;

- en ce qui concerne la pluriannualité des aides, il convient de noter que le fonds de modernisation de la presse est créé pour 4 ans et qu'une évaluation sera entreprise à l'issue de cette période. Ce fonds permet d'élaborer des projets à moyen terme sans que le montant des aides traditionnelles en soit affecté ;

- des crédits existent pour financer l'encouragement à la lecture de la presse à l'école. Les éditeurs sont systématiquement associés aux initiatives des pouvoirs publics dans ce domaine ;

- le projet de loi de finances pour 1999 a prévu l'octroi aux journalistes d'une allocation annuelle de 30.000 francs pour frais d'emploi, afin de compenser les effets de la suppression de l'abattement spécifique de 30 %. Les journalistes auraient préféré que le montant en soit fixé à 50.000 francs. Il était cependant nécessaire que la situation relative des différentes professions intéressées soit réglée de façon équitable. Les professions du secteur de la culture bénéficieront de déductions pour frais professionnels calculées sur une base forfaitaire. A ce forfait pourront s'ajouter des déductions pour frais réels sur présentation de pièces justificatives ;

- les plans stratégiques des organismes de l'audiovisuel public ont fait l'objet d'un travail attentif des directions et du ministère. Les contrats d'objectifs et de moyens seront négociés avec les présidents des organismes ;

- le déficit de l'INA est dû à la diminution constante de ses recettes commerciales. Une réflexion a été engagée sur les missions de l'institut et sur les conditions d'un retour à l'équilibre. Il convient d'insister sur la numérisation, la valorisation et la conservation du patrimoine audiovisuel, et spécialement la valorisation d'extraits dans la production multimédia. La prochaine loi sur la communication audiovisuelle procèdera aux adaptations nécessaires.

Mercredi 21 octobre 1998

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. - La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport d'information présenté par M. Jean-Paul Hugot au nom du groupe de travail sur la communication audiovisuelle.

Groupe de travail sur la communication audiovisuelle : rapport d'information

M. Jean-Paul Hugot a indiqué que le groupe de travail s'était fixé comme premier objectif d'examiner de façon distanciée par rapport aux enjeux immédiats les principales questions que soulèvent les progrès de la communication audiovisuelle. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication a été conçue en fonction d'un environnement national, analogique et oligopolistique, il s'agissait de savoir si ce dispositif reste adapté à une situation marquée par la numérisation, l'internationalisation, la diversification des acteurs et la tendance à la constitution de monopoles.

Le second objectif était de mieux cerner le rôle du législateur dans un domaine où le progrès technologique semble parfois tenir lieu d'unique moteur des évolutions.

M. Jean-Paul Hugot a ensuite indiqué que le rapport du groupe de travail comprenait trois parties. La première partie fait le constat des effets de la révolution numérique, qui modifie tous les paramètres de la communication audiovisuelle, les conditions financières de la mise en oeuvre des novations, la façon dont il est répondu aux besoins socioculturels. Il s'agit de confronter le progrès numérique aux attentes de la société.

Le rapport fait ainsi le point sur les phénomènes de diversification et de concentration que connaissent les industries de la communication audiovisuelle, sur la confrontation entre la télévision généraliste et les services thématiques, sur les conséquences de l'économie numérique sur la production audiovisuelle, et sur les enjeux de pouvoir et de liberté impliqués par l'évolution des techniques. A cet égard, M. Jean-Paul Hugot a noté l'intérêt de reconnaître le public comme véritable acteur de la communication audiovisuelle alors que le rôle tutélaire de l'Etat tend à décroître.

La seconde partie du rapport analyse l'architecture du droit actuel de la communication audiovisuelle face aux défis du numérique. A partir d'une présentation des équilibres actuels de la loi du 30 septembre 1986, le rapport évoque ainsi les décisions en attente (réglementation des services diffusés par satellite, transposition des directives européennes, positionnement du secteur public, conséquences de la convergence et de l'internationalisation). Il analyse de façon plus spécifique les conséquences juridiques de l'internationalisation de la diffusion, et évalue l'urgence d'adapter notre appareil juridique aux évolutions en cours.

Fondée sur l'idée que la mission du politique n'est pas d'accompagner le mouvement mais de chercher à le diriger, la troisième partie du rapport étudie quelques dossiers spécifiques, et propose des " pistes de recherches " pour des solutions possibles.

Une des tâches du politique est de donner des impulsions. La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre offre à cet égard un champ à défricher au législateur.

Il serait aussi opportun de réévaluer le rôle d'acteur direct de l'Etat dans la communication audiovisuelle. M. Jean-Paul Hugot a noté que l'audiovisuel extérieur est actuellement remis en cause dans sa logique spécifique par l'internationalisation de la diffusion des chaînes nationales, l'audiovisuel national, public comme privé, s'inscrivant de plus en plus dans une dimension internationale.

Il est nécessaire d'approfondir d'autre part le rôle et la logique de la délégation d'autorité, particulièrement importante dans la communication audiovisuelle, que le législateur consent aux autorités administratives indépendantes.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Pierre Laffitte a relevé la nécessité, dans la communication audiovisuelle, d'un état des lieux élaboré du point de vue des responsables politiques, et a estimé qu'il n'existait pas à cet égard de corpus aussi précis que le document élaboré par le groupe de travail. Il a proposé de poursuivre ce travail dans un souci plus prospectif, en tenant compte en particulier de la percée de la diffusion satellitaire, de la prochaine arrivée de l'internet à large bande, et d'innovations telles que le terminal numérique de Canal +, qui permet l'accès à internet sur le poste de télévision, ou de services innovants comme Canal Pro, qui proposent des programmes de formation interactifs extrêmement performants.

Il a relevé que les nouveaux services représentaient des chiffres d'affaires potentiels cent fois plus importants que ceux de l'audiovisuel classique, et donc un enjeu dont la compétition actuelle entre le projet satellitaire Teledesic, développé aux États-Unis avec l'appui massif du Pentagone, et le projet Skybridge, conduit par Alcatel sans l'aide de l'Etat, permet de prendre la mesure.

Le président Adrien Gouteyron a estimé qu'il appartenait effectivement à la commission de prendre la mesure de ces enjeux et de donner à ses travaux une dimension prospective.

M. Franck Sérusclat a demandé des précisions sur l'analyse du rôle du législateur proposée par le rapport.

Mme Danièle Pourtaud a estimé que le rapport du groupe de travail constituait un bon outil pour amorcer le débat que susciteront les prochains projets de loi sur la communication audiovisuelle, et a demandé s'il abordait le dossier des télévisions locales et celui de la circulation des programmes audiovisuels.

Avant de répondre à ces questions et observations, M. Jean-Paul Hugot a souligné qu'elles mettaient en évidence la nécessité pour la commission de conserver une " capacité de veille " à l'égard des évolutions de la communication audiovisuelle et de poursuivre la réflexion amorcée par le groupe de travail.

En ce qui concerne le rôle du législateur, il a indiqué que le rapport du groupe de travail avait dressé un état des lieux en évitant de proposer des solutions aux problèmes évoqués. Il s'agissait uniquement d'élaborer des analyses et de dessiner des pistes afin de permettre au législateur de conserver un recul à l'égard des informations que lui présentent les acteurs de la communication audiovisuelle, comme à l'égard de la logique spécifique du progrès technique. La mission du législateur, en effet, n'est pas de cautionner ou d'enregistrer le progrès mais de le diriger.

A titre d'exemple, il a estimé qu'en ce qui concerne le statut juridique des entreprises de la communication audiovisuelle, le législateur devait élaborer un cadre juridique inscrivant le développement des entreprises dans la logique des valeurs qui correspondent à ses préoccupations propres.

En ce qui concerne par ailleurs le rôle d'acteur de l'Etat, il est souhaitable que le législateur se penche sur la frontière de plus en plus artificielle entre l'audiovisuel extérieur et l'audiovisuel intérieur. Le législateur doit aussi prendre position sur l'évolution et le rôle du secteur public face au développement de la télévision payante. Il s'agit de savoir s'il y a nécessité de garantir la pérennité d'un certain nombre d'intérêts dont l'audiovisuel public est porteur, ou si l'Etat doit être cantonné dans un rôle de réglementation. Il importe à cet égard de définir les conditions de légitimité du secteur public.

Enfin, la mise en place de l'organe de régulation de la communication audiovisuelle s'est effectuée de façon pragmatique, sans véritable réflexion sur la façon dont la régulation s'articule avec nos traditions juridiques. Il importera d'examiner de ce point de vue la portée des dispositions institutionnelles que comportera le projet de loi annoncé.

M. Pierre Laffitte a rappelé que dans le secteur des télécommunications, des obligations de service public étaient imposées aux opérateurs privés en dépit de la déréglementation. Il est essentiel de réfléchir à la façon dont il serait possible de limiter, dans la communication audiovisuelle, une dérive libérale supprimant toute règle déontologique et empêchant l'affirmation des identités culturelles. Il est important de mener une réflexion prospective à ce sujet.

Mme Danièle Pourtaud a estimé que cette préoccupation légitimait la poursuite de la politique des quotas de production, notant que les programmes sont les principaux vecteurs de l'avenir. Elle a jugé que l'élaboration éventuelle d'un socle minimum de service universel applicable à la fois à la communication audiovisuelle et aux télécommunications ferait ressortir l'opposition entre la logique du libéralisme et celle de l'économie encadrée.

Le président Adrien Gouteyron a alors rappelé que le rapport du groupe de travail proposait une analyse des problèmes posés, mais ne préjugeait pas des choix qui pourraient être défendus par les uns ou par les autres au moment du débat sur les projets de loi annoncés.

M. Jean-Paul Hugot a confirmé que le rapport ne prenait position que sur l'affirmation de la responsabilité du politique face à des démarches qui confondent souvent la logique technique ou entrepreneuriale avec l'intérêt public.

Il a aussi indiqué que le dossier des télévisions locales n'était pas abordé dans la mesure où il s'inscrit dans la problématique de la communication locale, qui couvre un champ plus large que celui de la communication audiovisuelle.

A l'issue du débat, la commission a autorisé à l'unanimité la publication du rapport d'information du groupe de travail.

Nomination de rapporteurs

Au cours de la même réunion, la commission a désigné :

- M. Jean-Paul Hugot comme rapporteur des propositions de loi n° 515 (1997-1998) de M. José Balarello, tendant à renforcer la protection des mineurs face aux nouvelles technologies de l'information, et n° 566 (1997-1998) de M. Charles de Cuttoli et plusieurs de ses collègues, tendant à abroger le neuvième alinéa de l'article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

- M. Jean Bernadaux comme rapporteur de la proposition de loi n° 539 (1997-1998) de MM. Yann Gaillard, Pierre Laffitte et Martial Taugourdeau, relative à la titularisation des personnels de la mission d'insertion de l'éducation nationale ;

- Mme Danièle Pourtaud comme rapporteur de sa proposition de résolution n° 541 (1997-1998), présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (n° E 1011).