Travaux de la commission des affaires culturelles



Mercredi 16 février 2005

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de Mme Anne Lancry-Hoestlandt, professeur de psychologie du travail, directrice de l'Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle du Conservatoire national des arts et métiers (INETOP - CNAM), et de M. Jean-Pierre Cartier, directeur de centre d'information et d'orientation (CIO), chercheur à l'INETOP - CNAM

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a poursuivi ses auditions sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. Elle a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Anne Lancry-Hoestlandt, professeur de psychologie du travail, directrice de l'Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle du Conservatoire national des arts et métiers (INETOP - CNAM), et de M. Jean-Pierre Cartier, directeur de centre d'information et d'orientation (CIO), chercheur à l'INETOP - CNAM.

Mme Anne Lancry-Hoestlandt a présenté les trois missions principales de l'INETOP, créé voici 76 ans : la formation, la recherche et l'expertise. La première d'entre elles recouvre à la fois la formation initiale des praticiens de l'orientation (ceux chargés de l'orientation scolaire et ceux affectés à la sphère adulte et professionnelle) et la formation continue (pour la spécialisation ou l'approfondissement).

Elle a indiqué que la recherche menée par l'institut portait notamment sur l'orientation tout au long de la vie.

Elle a ensuite exposé les trois démarches que recouvre le concept d'orientation :

- la répartition-sélection dans les domaines scolaire et professionnel, qui suppose un pilotage politique par les pouvoirs publics (en termes d'ouverture des capacités d'accueil) et une orientation par les établissements des « flux d'élèves » vers les filières ;

- l'éducation-information, adaptée à tous les publics concernés, qui requiert une éducation à l'information et à l'orientation, afin de comprendre et de connaître les offres de formation, les compétences requises et les débouchés offerts ;

- le conseil-accompagnement, démarche très importante dans la mesure où elle touche le jeune en train de construire son identité, et qui nécessite une bonne approche psychologique.

Mme Anne Lancry-Hoestlandt a souligné que ces trois démarches illustraient bien les points de tension liés à la double exigence des besoins collectifs de la nation et des aspirations individuelles du jeune. Elle a souligné que les conseillers-psychologues devaient répondre à ces trois missions, ce que leur formation ne leur permettait pas totalement.

Par ailleurs, elle a estimé nécessaire de prendre désormais en considération :

- la dimension européenne de l'éducation, qui implique en particulier de mieux appréhender la question des qualifications professionnelles ;

- l'orientation tout au long de la vie, plutôt que la seule orientation scolaire, ce qui suppose une évolution des mentalités (en vue de rapprocher les sphères scolaire et professionnelle et d'envisager la formation sous l'angle d'un continuum), un développement de la recherche ainsi qu'une évolution de la formation des personnels chargés de l'orientation. Ces derniers disposent aujourd'hui d'une formation différente, selon qu'ils exercent leur activité au sein de l'éducation nationale (bac + 5) ou dans le monde professionnel.

M. Jean-Pierre Cartier a exposé sa lecture du projet de loi au travers de ces trois approches.

S'agissant de la répartition-sélection, il a estimé que le projet de loi avait pour avantages de :

- clarifier et chiffrer les objectifs assignés au système éducatif, lesquels constituent un engagement tant pour la nation que pour les personnels, et doivent être partagés par l'ensemble de la collectivité éducative ;

- clarifier un certain nombre de règles, afin d'améliorer la visibilité du dispositif, ce qui nécessite une évaluation de l'orientation et de l'affectation des élèves ;

- prendre en compte les élèves en grande difficulté, en particulier au travers du « contrat individuel de réussite éducative ».

A cet égard, il a évoqué l'efficacité globalement contestable du redoublement et la nécessité de remédier à la trop forte assimilation de l'orientation professionnelle à une voie de relégation.

Puis M. Jean-Pierre Cartier a souligné la place importante, bien qu'insuffisante, de l'information au sein du projet de loi. Il s'est, par ailleurs, félicité de la création d'une voie de découverte professionnelle en classe de 3e.

Enfin, en ce qui concerne le conseil et l'accompagnement de l'élève dans son projet d'orientation, il a indiqué que le droit au conseil de même que le rôle du conseiller-psychologue étaient maintenus, mais qu'il conviendrait de lever l'ambiguïté entre les notions de « conseil à l'élève dans son projet » et de « proposition d'orientation » par l'école, ce qui renvoyait au débat sur la personne décisionnaire en matière d'orientation.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a regretté que, compte tenu des exigences respectives de la société et de l'élève, ce dernier soit aujourd'hui trop souvent orienté par défaut en fonction de l'offre de formation, laquelle n'est pas nécessairement en adéquation avec les besoins du pays et les souhaits de l'élève. Il a demandé si les bassins de formation et d'emploi n'étaient pas le lieu privilégié pour débattre d'orientation.

Il s'est également interrogé sur une définition du concept de « communauté éducative » permettant d'y associer le monde économique.

Après avoir fait part de son sentiment d'accablement lié au caractère récurrent du débat sur les problèmes d'orientation des jeunes, M. Jacques Legendre a jugé nécessaire le rapprochement entre les personnels chargés de l'information et de l'orientation des élèves, les personnels de l'éducation nationale et le monde du travail.

Il a demandé s'il était envisagé de regrouper les personnels intervenant les uns dans le monde scolaire, les autres dans le monde professionnel, au sein d'un grand service d'orientation et d'information, ou d'harmoniser leurs formations.

MM. Serge Lagauche etYannick Bodin ont indiqué que, pour des raisons juridiques, la commission des affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale avait substitué l'expression « programme personnalisé de réussite scolaire » à celle de « contrat individuel de réussite éducative ». M. Yannick Bodin a fait valoir qu'on ne pouvait parler véritablement de contractualisation, dans la mesure où le soutien de l'école aux élèves en difficulté est dans la nature même des engagements de la République à leur égard. Il a estimé que, outre les difficultés de certaines familles à contracter de tels engagements, on pouvait s'interroger sur les sanctions en cas de non-respect du contrat, y compris par l'éducation nationale.

En réponse, les intervenants ont apporté les éléments d'information suivants :

- une meilleure articulation entre offre de formation, orientation et débouchés professionnels permettrait de réduire les effets pervers du système, même si ceci s'avère difficile compte tenu de la rapidité des évolutions ;

- si les bassins de formation et d'emploi doivent être privilégiés dans la réflexion, il convient de toujours tenir compte de l'échelon régional, national et européen ;

- le partenariat avec le monde socio-économique, qui représente l'activité et la « vraie vie », est primordial dans les domaines de la formation et de l'orientation ; il convient toutefois d'être particulièrement attentif d'une part, à l'objectivité de l'information sur la réalité des emplois et des métiers et, d'autre part, à la pédagogie de l'information, dans la mesure où l'élève se construit aussi à travers son « rêve professionnel » ;

- il convient de distinguer l'emploi, le travail et le métier ; les témoignages des professionnels sont importants mais insuffisants, car s'il est utile de connaître les caractéristiques d'un emploi, un relais est sans doute mieux à même de transmettre aux jeunes la passion et les compétences pouvant être développées au travers du métier concerné ;

- la réunion au sein d'une même structure des personnels chargés de l'orientation des jeunes et des professionnels pourrait constituer une perspective intéressante, mais à moyen terme ; on pourrait ainsi réfléchir à l'enseignement d'un socle de formation commun ou proche, fondé sur une approche multidisciplinaire, dont la psychologie serait une des composantes importantes.

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de M. Dominique Borne, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN), et de M. Thierry Bossard, chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Dominique Borne, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN), et de M. Thierry Bossard, chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR).

Faisant référence à l'analyse retracée dans le rapport de l'IGAENR en 2002, M. Thierry Bossard a énoncé, tout d'abord, les trois principales limites auxquelles se confronte notre système éducatif :

- le palier atteint depuis 10 ans en matière de sorties sans qualification et de progression des taux de qualification, tant au niveau IV que dans le supérieur ;

- les difficultés à réduire les inégalités sociales ;

- le problème de l'évaluation des performances du système scolaire.

Il a ajouté que ces questions renvoyaient à quatre dysfonctionnements majeurs :

- l'accumulation de dispositifs dont l'efficacité n'est pas véritablement évaluée ;

- les lacunes du pilotage du système, à la fois au niveau des académies et des établissements ;

- la formation des maîtres ;

- la question du remplacement des enseignants absents et de la continuité éducative.

Face à cette situation, il a considéré que trois domaines méritaient d'être approfondis, à savoir l'enseignement professionnel, l'apprentissage et le 1er degré.

Abordant, ensuite, les dispositions du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, M. Thierry Bossard a souligné que la définition d'un socle de connaissances et de compétences indispensables était un préalable nécessaire afin de parvenir à l'objectif d'élévation des niveaux de qualification.

Il s'est félicité, en outre, des progrès que représentent, d'une part, la création d'un « contrat individuel de réussite éducative » (CIRE), proposé sur l'ensemble de la scolarité obligatoire, et, d'autre part, l'accent mis sur le développement des baccalauréats professionnels en trois ans et de l'option « découverte professionnelle ».

Faisant remarquer que les performances des élèves étaient fortement corrélées à leur environnement socioéducatif, il a souhaité que le CIRE aboutisse à une plus forte individualisation des pratiques pédagogiques.

Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité de laisser davantage de marges de manoeuvre aux établissements scolaires. A ce titre, il a indiqué que la création d'un contrat d'objectifs permettant d'assurer un lien entre l'établissement et l'académie allait en ce sens, de même que la mise en place d'un conseil pédagogique, qui donnera davantage de substance à l'autonomie pédagogique des établissements.

En outre, M. Thierry Bossard s'est réjoui que le projet de loi apporte une réponse aux dysfonctionnements relevés par l'IGAENR en matière de remplacement des enseignants absents. Il a rappelé que le rapport annuel 2003 préconisait d'instaurer une obligation de résultat pour les chefs d'établissement.

Enfin, il a insisté sur l'importance de la prise en compte de la dimension internationale à travers le renforcement de l'enseignement des langues vivantes étrangères.

Relayant ces propos, M. Dominique Borne a indiqué que la notion de « socle », perçue comme une culture partagée, apportait enfin une réponse positive aux effets de la massification scolaire, en permettant, notamment, d'améliorer la liaison entre le primaire et le secondaire.

En vue de garantir l'« égalité de l'éducation » chère à Jules Ferry, il a indiqué que ce socle n'avait pas vocation à conduire à l'uniformité, mais devait s'accompagner d'une pluralité des parcours.

Enfin, il s'est félicité que soit ainsi clairement assignée à l'école une obligation de résultat, l'exhortant à être efficace, ce qui n'existait pas jusqu'à présent. En effet, il a dénoncé les profondes lacunes de l'institution scolaire en matière d'évaluation des acquis des élèves.

Revenant sur le contenu du socle de connaissances et de compétences, M. Dominique Borne a défini la notion de « culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté » sous l'angle de ce que chacun a besoin de savoir pour être Français et vivre en France. En outre, il a mis l'accent sur le paradoxe selon lequel on attend avant tout des élèves une maîtrise orale des langues étrangères, alors que celles-ci sont évaluées au baccalauréat sous la forme d'épreuves écrites.

Enfin, M. Dominique Borne s'est félicité de l'inscription, dans le projet de loi, de trois dispositions contribuant à renforcer le principe de l'autonomie, considéré comme le ressort majeur des progrès de l'école, à savoir la création du conseil pédagogique ; le renforcement des projets d'établissements et l'affirmation de la liberté pédagogique des enseignants.

Toutefois, il a jugé essentiel d'accompagner ces mesures d'un renforcement de l'encadrement, notamment pour apporter une aide et des conseils aux enseignants.

A l'issue de ces exposés, un débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président, a remercié les intervenants pour la clarté de leurs propos, qui traduisent un réel consensus sur les constats, mais aussi l'opportunité du présent projet de loi. Aussi bien s'est-il étonné du mouvement de protestation engagé contre ce texte.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, s'est demandé si la formule de « culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté » n'allait pas ouvrir la voie à des acceptations très larges du contenu du socle. Il s'est interrogé, ensuite, sur la relation entre le projet d'établissement et le contrat d'objectif passé avec l'académie, avant de souligner l'intérêt du concept de réseau d'établissements.

M. Yannick Bodin a regretté que le passage de la scolarité obligatoire à 16 ans n'ait pas été accompagné d'une réelle réflexion sur les finalités de la scolarité obligatoire, mettant ainsi de côté la question du collège.

M. Jacques Legendre a souhaité rappeler que la loi Haby de 1975 ne s'était pas limitée à la question du collège, mais comportait également un volet relatif au lycée et au baccalauréat, resté inappliqué. Il a fait remarquer, par ailleurs, que depuis le lancement, en 1980, d'un « plan de développement de la formation », il existait toujours un même noyau dur irréductible de jeunes sortant sans qualification, conséquence d'une massification mal assimilée.

Il s'est étonné, ensuite, que les intervenants n'aient pas mentionné la question du baccalauréat, alors que celui-ci constitue la clé de voûte du second degré. Enfin, il a abordé les enjeux de l'orientation et de l'information, avant de regretter que l'articulation entre le second cycle et l'enseignement supérieur soit absente du projet de loi.

Affirmant, tout d'abord, sa préférence pour la notion de « culture scolaire commune » à celle de « socle », Mme Annie David s'est inquiétée de la vision réductrice selon laquelle le brevet serait un bagage suffisant pour appréhender le monde. Elle a fait référence, ensuite, au rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) soulignant la corrélation entre les difficultés scolaires des enfants et situation familiale. A cet égard, elle a souligné les carences de la formation des maîtres dans le domaine de la prise en charge de la diversité des élèves et des situations.

Enfin, elle s'est demandé comment les discriminations sexistes pourraient être prises en compte dans le projet de loi, avant de faire observer que l'acquisition d'une « culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté » devait être compatible avec la présence, dans les classes, d'élèves de nationalité étrangère.

M. Ivan Renar a estimé que l'on demandait aujourd'hui à l'école de gérer un problème social face auquel la société, elle-même, est impuissante. Afin de se donner les moyens d'améliorer les performances des élèves, c'est-à-dire de les conduire vers la réussite, il a exprimé le souhait que l'école soit traitée dans le cadre d'une réforme de plus grande ampleur.

En réponse aux intervenants, M. Dominique Borne a apporté les précisions suivantes :

- dans le cadre des dispositions du projet de loi, l'école doit s'engager à remédier au phénomène des sorties sans qualification du système scolaire, qui concerne près de 150 000 jeunes chaque année, en assurant à chacun un contenu de connaissances servant de levier à l'élévation des niveaux de formation ;

- dans le domaine de l'éducation, les réformes les plus importantes relèvent le plus souvent de décrets ou de circulaires ; toutefois, la loi présente l'intérêt de susciter un débat public et politique sur l'école ;

- le brevet ne saurait être conçu comme un diplôme de fin d'études ; c'est pourquoi il convient de clarifier le texte du projet de loi, pour savoir si le brevet « sanctionne », ou « valide », la formation acquise à l'issue du collège ;

- dans le sens commun, l'expression « être orienté » reste synonyme d'échec et de relégation vers la voie professionnelle ; cela renvoie à l'image négative de l'enseignement professionnel enracinée dans les mentalités françaises, alors même que les lycées professionnels bénéficient d'un équipement de qualité, grâce aux collectivités territoriales ;

- les manifestations de lycéens contre la réforme du baccalauréat expriment un désir d'égalité mais se trompent de cible ;

- l'école subit de plein fouet le phénomène des ghettos urbains créés par la société, la politique de discrimination géographique, dans le cadre des zones d'éducation prioritaire, a aujourd'hui atteint ses limites ; aussi, le projet de loi propose de se recentrer sur l'individu.

M. Thierry Bossard a ajouté les précisions suivantes :

- la loi Haby a transposé le contenu du lycée dans le collège, sans véritablement redéfinir ce dernier ;

- le « socle » représente ce qu'il est nécessaire de maîtriser pour poursuivre une formation supérieure ou s'engager dans une formation tout au long de la vie ; il s'agit d'une obligation de résultat que la Nation assigne à l'institution scolaire ;

- la superposition des dispositifs et l'accumulation des circulaires adressées aux établissements aboutissent à une forme de discrédit de la parole de l'Etat, si bien qu'il est désormais nécessaire de laisser davantage de marges de manoeuvre aux établissements ; à cet effet, le contrat d'objectif passé avec l'autorité académique doit être une validation du projet d'établissement ; il reste toutefois à s'interroger sur les modalités permettant d'apprécier si les résultats sont atteints, et, le cas échéant, d'en tirer des conséquences ;

- le baccalauréat fait perdre aux lycéens un mois d'enseignement ; il comporte en effet plus d'épreuves que l'agrégation, à défaut d'avoir su hiérarchiser les priorités ; par ailleurs, il n'est pas pertinent de procéder à l'évaluation de compétences linguistiques ou expérimentales sous la forme d'épreuves écrites terminales ; toutefois, le profond attachement pour le baccalauréat révèle combien cet examen crée une dynamique sur l'ensemble du lycée ; tel est précisément ce qui manquait au collège, même si le brevet ne doit pas être perçu comme un diplôme de fin de formation ;

- le contenu de la formation des maîtres sera précisé dans le cahier des charges adressé aux IUFM ; il conviendra de déterminer, toutefois, les modalités d'évaluation de sa mise en oeuvre ;

- la tendance de l'éducation nationale et de dissocier l'évaluation des élèves de celle des moyens ; or il est nécessaire de mettre ces deux éléments en relation constante et d'évaluer la performance des établissements à l'aune des résultats des élèves.

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

M. Jean-François Bernardin a d'abord rappelé le rôle joué en matière de formation par les chambres de commerce et d'industrie, celles-ci employant près de 30.000 enseignants et formant, par l'intermédiaire de l'apprentissage, de la formation continue et des écoles de commerce, près de 500.000 élèves.

Il a indiqué que la première préoccupation des chambres de commerce et d'industrie demeurait l'orientation des élèves. Il a souligné que, compte tenu de l'éclatement des structures et de l'évolution rapide des métiers et des filières d'accès, cette orientation posait des difficultés croissantes et appelait un effort particulier des pouvoirs publics quant à la formation et à l'information des personnels chargés d'orienter les élèves dans leur cursus scolaire.

A cet égard, il a estimé que les centres d'orientation de l'éducation nationale manquaient de documentation sur les métiers de l'entreprise et sur les filières d'accès permettant d'y accéder et qu'un rapprochement de ces structures traditionnelles avec le dispositif d'orientation et d'information propre aux organismes consulaires, appelé « points A », devait être envisagé.

Concernant le rapprochement de l'école et de l'entreprise, il s'est félicité que l'insertion professionnelle fasse enfin partie des missions assignées au système scolaire. Afin de renforcer les liens existant entre ces deux institutions complémentaires et d'éviter les « orientations subies », il a affirmé que les enseignants, les élèves mais aussi les familles devaient être sensibilisés le plus tôt et le plus fréquemment possible au monde de l'entreprise. Des actions en direction des enseignants ont ainsi déjà été entreprises par certaines chambres de commerce et d'industrie comme celles de Rouen ou de Versailles, cette dernière ayant signé avec le rectorat une convention visant à transférer aux professeurs du secondaire des modules de formation précédemment assurés par les centres d'apprentissage.

Il a enfin réaffirmé la nécessité de développer et de revaloriser l'apprentissage, conformément à l'idée déjà défendue dans un recueil publié par les chambres de commerce et d'industrie il y a une dizaine d'années intitulé « Un million d'apprentis en France : c'est possible ». Il a affirmé que cette revalorisation passait par l'abandon d'une vision passéiste de l'apprentissage ainsi que par le développement de « processus qualité » et de filières d'avenir.

Il a d'ailleurs estimé que le plan de relance de l'apprentissage proposé par le Gouvernement était positif à condition que soient rapidement précisées les modalités de financement du dispositif et que les entreprises soient incitées à accueillir les élèves.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jean Claude Carle, rapporteur, s'est demandé si les chambres de commerce et d'industrie se sentaient bien insérées dans la communauté éducative et si la place qui leur est reconnue au sein de cette communauté leur paraissait suffisante.

Il s'est également interrogé sur les modalités permettant de résorber le déficit de personnel constaté dans certaines professions.

Il a enfin souhaité savoir si les chambres de commerce et d'industrie étaient prêtes à faciliter l'accueil des enseignants dans les entreprises au cours de leur formation.

M. Jacques Valade, président, s'est intéressé aux rapports entretenus par les chambres de commerce et d'industrie avec les groupements d'établissements (GRETA).

Regrettant que l'apprentissage soit réservé aux élèves en échec scolaire, Mme Annie David a insisté sur la nécessité de revaloriser le statut de l'apprenti en créant une « charte de l'apprenti ».

Elle a déploré que les entreprises faisant appel à des apprentis ne transforment pas plus fréquemment les contrats d'apprentissage en contrat à durée indéterminée.

En réponse à ces interventions, M. Jean-François Bernardin a apporté les précisions suivantes :

- il convient de dépasser le discours manichéen visant à opposer le système scolaire et le monde de l'entreprise. Il faut au contraire rapprocher ces deux univers afin de répondre à un véritable besoin d'intérêt général. Les chambres de commerce et d'industrie oeuvrent dans ce sens, celle de Versailles ayant par exemple développé 14 coopérations avec les universités de Saint-Quentin, de Cergy et de Jussieu.

Si les relations entre les entreprises et le monde universitaire sont vivaces, il n'en va pas de même avec le secondaire : les lycées paraissent ainsi pour le moment moins ouverts aux préoccupations du milieu professionnel ;

- l'enseignement dispensé par les chambres de commerce et d'industrie n'est probablement pas reconnu à sa juste valeur au sein de la communauté éducative et des discussions tendues sur des points techniques opposent régulièrement les représentants des entreprises à l'éducation nationale ;

- il n'existe pas de relations organisées et systématiques entre les GRETA et les chambres de commerce et d'industrie ;

- concernant le déficit de main-d'oeuvre constaté dans certaines professions, les chambres de commerce et d'industrie veillent à différencier les emplois théoriquement non pourvus et ceux traduisant une demande réelle et solvable insatisfaite. L'insuffisance de l'offre de travail des salariés par rapport à la demande des entreprises est avant tout liée à la faiblesse des rémunérations proposées dans les secteurs concernés. Pour résoudre ce problème, il faudrait par conséquent s'employer à revaloriser les salaires en augmentant notamment la durée du travail ;

- les chambres de commerce et d'industrie sont prêtes à mettre en place un dispositif permettant de faciliter les contacts entre les établissements scolaires et les entreprises.

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de M. Dominique de Calan, délégué général adjoint de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM)

La commission a ensuite entendu M. Dominique de Calan, délégué général adjoint de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).

M. Dominique de Calan a remercié la commission de recevoir un représentant de la métallurgie, secteur composé de 48.000 entreprises et employant près de deux millions de salariés. Il a précisé que 600.000 d'entre eux étaient employés par des PME-PMI et que le secteur veillait, par conséquent, à ce que le système scolaire forme des jeunes susceptibles de rejoindre ultérieurement le monde des petites et moyennes entreprises.

Il a rappelé que les jeunes connaissaient aujourd'hui d'importantes difficultés à rejoindre le monde du travail et a affirmé que la seule réponse crédible à leur apporter dans une société anxiogène était de leur assurer une bonne « employabilité », c'est-à-dire de leur donner des compétences leur permettant d'exercer un métier recherché par le marché, qu'il s'agisse du marché public, privé ou associatif.

Après avoir souligné qu'il était normal d'avoir un stock de plus de 400.000 demandeurs d'emploi de moins de 25 ans, compte tenu de la moindre tension caractérisant désormais le marché du travail, il a souhaité l'institution d'un contrat de professionnalisation visant à permettre, pendant un an, à tout jeune, par la voie de l'alternance, de terminer ses études, tout en préparant son insertion professionnelle.

Il a affirmé que la mise en place du système « 3-5-8 » représentait à cet égard une véritable opportunité, la troisième année de licence professionnelle pouvant ainsi être consacrée à l'insertion des élèves dans le monde de l'entreprise par la voie de l'alternance. Une telle initiative permettrait par ailleurs de disséminer le savoir et la compétence pendant au moins une année dans le tissu des PME-PMI.

Il a également appelé de ses voeux la mise en place de formations universitaires tournées vers l'innovation, afin que sortent chaque année du système scolaire près de 20.000 « innovateurs ». Les élèves concernés travailleraient ainsi, au cours de leur dernière année d'étude et au sein d'une entreprise, sur un projet opérationnel permettant de tisser des liens étroits entre le milieu universitaire et le milieu professionnel.

Après avoir précisé que l'apprentissage, loin d'être réservé à l'insertion des élèves en difficulté, était le meilleur moyen pour intégrer une branche professionnelle, il a rappelé que chaque branche requérait des niveaux de qualification différents. Dans ces conditions, il a estimé que les niveaux d'apprentissage devaient se différencier afin de répondre efficacement aux besoins des différents secteurs de l'économie.

Jugeant que l'orientation des élèves était la principale faiblesse de notre système scolaire, il a préconisé l'instauration d'un bilan dès la fin de la troisième, sous réserve que les professeurs soient sensibilisés au monde de l'entreprise au cours de leur formation et qu'une information exhaustive soit donnée aux élèves et à leurs familles concernant tant les différentes sections proposées en classe de seconde que les possibilités offertes ultérieurement par la formation continue.

Abordant le projet de loi, il s'est félicité de l'introduction dans le socle commun de connaissances de la maîtrise d'au moins une langue étrangère. Mais estimant que la capacité de travailler en équipe sur des sujets différenciés devenait fondamentale en matière professionnelle, il a regretté que le principe de socialisation n'y ait pas, lui aussi, été inséré.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, s'est interrogé sur les modalités pratiques d'une information efficace des élèves quant aux débouchés proposés par chaque filière scolaire.

Après avoir fait part de ses réticences quant à l'utilisation du terme « employabilité », Mme Annie David a estimé que l'idée d'instituer une année d'alternance pour la dernière année universitaire était intéressante, à condition que les élèves ayant arrêté leur scolarité avant le supérieur se voient également offrir une telle opportunité.

Insistant sur l'importance de la formation tout au long de la vie, elle s'est demandé si le socle commun de connaissances, tel que défini par le projet de loi, permettait d'assurer à chaque élève des connaissances minimales garantissant son adaptation ultérieure à l'évolution des technologies.

M. Jacques Legendre a regretté que la commission des affaires culturelles ne soit pas chargée des questions de formation professionnelle, éducation et formation étant selon lui deux matières indissociables. Il a souhaité connaître la différence entre la formation continue et la formation continuée.

En réponse aux intervenants, M. Dominique de Calan a apporté les précisions suivantes :

- afin d'assurer de manière transparente l'information des élèves sur les débouchés des différentes filières, il conviendrait simplement d'ajouter aux dossiers d'inscription proposés par les établissements une page de données statistiques fournies par l'ANPE ou le CEREC sur le devenir des élèves trois ans après le baccalauréat ;

- même si le terme est désagréable à entendre, l'« employabilité » des jeunes est leur meilleure assurance chômage ;

- il convient aujourd'hui de distinguer les emplois liés aux territoires et les autres. En effet, alors que les premiers peuvent être encadrés et devraient par conséquent être réservés à l'insertion professionnelle des personnes en difficulté, les seconds sont ouverts à la concurrence intellectuelle et technologique internationale et sont réservés, de fait, aux plus diplômés ;

- il existe deux catégories de jeunes en échec scolaire. Les premiers sortent du système éducatif avant le bac et cumulent très souvent difficultés sociales et intellectuelles. Leur insertion dans le milieu professionnel, qui pourrait être facilitée par la mise en place de contrats de travail spécifiques, se fait par la recherche de métiers de proximité à temps partiel. Quant aux 90 000 jeunes sortant du supérieur sans diplôme, il convient de les réorienter le plus rapidement possible afin de leur donner l'occasion d'exploiter leur potentiel ;

- à la distinction entre formation continue et formation continuée, il est préférable de substituer celle entre formation différée, formation continue et formation à la mobilité. Alors que la formation différée est un acte assumé d'orientation caractérisé par la reprise d'études volontairement interrompues, la formation continue permet de mettre ses compétences à niveau et la formation à la mobilité de changer de métier lorsque celui-ci est menacé de disparition.

Pour faciliter cette mobilité, l'IUMM a mis en place un Observatoire des métiers et des compétences afin de prévenir les salariés de l'extinction de leur activité et a rendu obligatoire un bilan de compétences au bout de 20 ans de pratique professionnelle ou à l'âge de 45 ans.

Présidence de M. Jacques Legendre, vice-président -

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de M. Hervé de Monts de Savasse, directeur de l'ONISEP

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Hervé de Monts de Savasse, directeur de l'ONISEP.

Après avoir présenté l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), établissement public administratif créé en 1970, et qui possède, dans chaque académie, une délégation régionale, dirigée par le chef des services académiques d'information et d'orientation (CSAIO), M. Hervé de Monts de Savasse a indiqué que l'établissement disposait d'un budget annuel de 40millions d'euros, dont 27 provenaient de l'Etat, le reste reposant sur des ressources propres issues des ventes, des partenariats avec les professions et les collectivités territoriales et de la publicité.

S'appuyant sur l'article 17 du projet de loi, qui propose d'étendre le contenu du projet d'établissement aux actions d'information sur les enseignements et les qualifications professionnelles et les actions de conseil à l'orientation, il a souhaité inscrire la mission de son établissement dans le projet éducatif, tout en rappelant que la contribution pratique de l'ONISEP se situait en amont de la décision de l'élève qui est amené à faire un choix d'orientation.

Après avoir expliqué que l'objet des guides d'orientation était de « donner envie » et « donner confiance » à l'élève, il a insisté sur la nécessaire impartialité de l'information mise à sa disposition, celle-ci devant contribuer à éclairer le choix dans l'intérêt exclusif du jeune.

Il a ensuite souligné l'importance de la diffusion des guides dans le second degré, surtout aux moments clé de l'entrée en sixième, après la troisième, la seconde et le baccalauréat et indiqué que leur rénovation en cours porterait tant sur la forme que sur le fond et le calendrier de mise à disposition.

Il a précisé que l'offre d'information ne se résumait pas aux guides, mais comprenait également toute une série de documents écrits ou numériques, souvent réalisés en partenariat avec les branches professionnelles et mis à la disposition de la communauté scolaire, notamment dans les Centres d'information et de documentation (CDI) des lycées et collèges, mais aussi via les Centres d'information et d'orientation (CIO), destinataires de l'ensemble des publications de l'ONISEP.

Il a également souhaité mettre en avant l'installation d'un nouveau service, dénommé le « Kiosque Onisep s'informer pour construire son avenir », qui est un espace dédié à l'information pour l'orientation dans chaque CDI de collège et lycée public ou privé et vise à faciliter une meilleure appropriation de l'information par la communauté éducative.

Il a souhaité que cette pratique se déploie en liaison avec les collectivités territoriales concernées et indiqué que l'ONISEP serait présent aux Assises des départements, organisées par l'Association des départements de France (ADF) à Nantes, début avril.

Jugeant essentielle l'adaptation de l'information au niveau de compréhension du milieu dans lequel les élèves en âge d'orientation évoluent, M. Hervé de Monts de Savasse a considéré que, sur 750 000 élèves d'une même classe d'âge, il était permis de penser que 25 % étaient « hyper informés », 55 % constituaient la classe moyenne majoritaire, les 20 % restants, les plus en difficulté, devant disposer d'une information ciblée et différenciée.

Il a ensuite insisté sur l'importance de prendre en compte les grands enjeux nationaux, parmi lesquels la promotion des filières scientifiques, particulièrement en direction des jeunes filles et de la classe moyenne majoritaire, ainsi que la revalorisation de la filière L, aujourd'hui dépréciée.

Il a observé que la résolution du paradoxe français, que l'on peut résumer par la coexistence d'un taux de chômage élevé pour les jeunes et de la vacance de nombreux emplois dans des secteurs tels que le bâtiment, l'hôtellerie et la restauration, le service aux personnes..., était au coeur des préoccupations de l'ONISEP, dont les principaux objectifs sont de combattre le manque d'attractivité perçu du travail et de motiver les jeunes pour accroître le niveau des qualifications.

Abordant la question de l'activité d'éditeur public de l'ONISEP, M. Hervé de Monts de Savasse a précisé qu'elle s'exerçait dorénavant dans un contexte de concurrence souvent exacerbée entre les formations, les métiers et les territoires, en raison du développement consumériste de l'information.

Il a également souligné qu'avec la mise en place du système LMD et alors que se développe la validation des acquis de l'expérience (VAE), les attentes des élèves et des parents avaient changé ; ils sont désormais soucieux de disposer de formations « sur-mesure » et de pouvoir faire des choix à la lumière d'expériences, ce qui tend à valoriser la part des témoignages dans les plaquettes d'information.

Il a précisé que cet ensemble de données (exemples de parcours, collaboration fructueuse au sein de la communauté éducative, épanouissement au sein de l'unité de travail, de l'entreprise...), collectées par les membres de l'ONISEP et mises à la disposition de la communauté éducative, étaient en cours de numérisation, la mise en réseau devant permettre de disposer d'un outil de nature plus « industrielle », soit pour un usage national, soit pour faire du « sur-mesure » selon les besoins.

Il a enfin évoqué les deux chantiers d'avenir, essentiels à ses yeux, de l'amélioration de la représentation des métiers et du développement des services Internet.

Sur le premier point, il a estimé qu'un gros travail restait à faire dans notre pays pour que les jeunes aient une représentation plus juste des métiers, tout en reconnaissant que l'ONISEP ne pouvait agir qu'en liaison avec les pouvoirs publics, mais aussi avec les branches professionnelles, les PME ou l'artisanat.

Conforté dans son rôle de « sensibilisateur aux métiers » par la reconnaissance des membres du jury du dernier Festival du film d'entreprise au Creusot, qui ont primé les clips sur les métiers d'ingénieurs et de chercheurs, l'ONISEP souhaite maintenant développer les produits de valorisation des métiers, particulièrement à l'heure où l'option de découverte professionnelle sera mise en place en 3e dans certains établissements dès la rentrée 2005.

Concernant les services Internet, il a indiqué que l'ONISEP avait distribué en 2004 sept millions de publications et que le site onisep.fr avait reçu 7 millions de visites.

Tout en estimant nécessaire de développer l'outil numérique, dont la réactivité lui a semblé parfaitement adaptée à l'activité de l'ONISEP, il s'est cependant dit convaincu qu'il ne se substituerait pas à l'écrit, fondamental pour la réflexion et le dialogue.

Il a ajouté que le déploiement du site était en cours, visant à proposer deux offres différenciées à l'intention de deux publics distincts : le premier, en direction du grand public, étoffé d'un certain nombre de services (notamment un site LMD spécifique et une aide à la réorientation des étudiants), le second, spécialisé pour les professionnels de l'éducation, construit dans l'objectif de développer les échanges et d'apporter une aide pratique adaptée.

Il a, par ailleurs, mis en avant la création d'un service de réponses aux questions par Internet, sous 48 heures, mis en oeuvre en liaison avec le CNED à Poitiers, qui a l'expérience des « call centers » téléphoniques.

Il a conclu en indiquant qu'il travaillait désormais à ce que l'information dispensée par l'ONISEP s'adapte, d'une part, au changement de perception des métiers et des formations qui découle de l'allongement de la durée de la vie, et serve, d'autre part, de référence dans un monde où règne la confusion, l'étudiant étant trop souvent noyé dans une information pléthorique et souvent indigeste.

Un débat a suivi l'exposé.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, s'est tout d'abord inquiété du fait, qu'en dépit de la large diffusion des documents d'orientation, potentiellement accessibles à l'ensemble des lycéens, le sentiment général de sous-information persiste, touchant tant les parents que les élèves.

Faisant référence à l'article 13 du projet de loi qui prévoit la prise en compte des débouchés professionnels dans le cursus scolaire, il a interrogé M. Hervé de Monts de Savasse sur le rôle de l'ONISEP au service de cet objectif.

Il a également souhaité savoir si le positionnement de l'ONISEP, que son statut place hors de la hiérarchie de l'éducation nationale, lui paraissait constituer un handicap.

Il a enfin demandé quels étaient les lieux à privilégier pour la diffusion de l'information sur l'orientation.

M. Hervé de Monts de Savasse a considéré que l'autonomie institutionnelle de l'ONISEP constituait plutôt un atout, et ne l'empêchait pas d'entretenir des liens très étroits avec le rectorat.

Quant à l'amélioration de la diffusion des documents d'orientation, il a réitéré sa conviction selon laquelle il valait mieux cibler la communauté scolaire que l'élève, et indiqué que des efforts restaient à faire dans la distribution, les documents n'arrivant pas toujours au bon moment et au bon endroit.

Telle est la raison pour laquelle il a souhaité que se multiplient les implantations de « kiosques » ainsi que les déplacements de vérification sur le terrain.

Concernant la sensibilisation aux métiers, il a indiqué qu'il fallait aujourd'hui changer la perception qu'ont les élèves du monde professionnel et considéré que le développement des actions de partenariat avec les branches professionnelles, à l'instar de l'opération « zoom sur les métiers » menée avec l'AGFO-PME ou de la campagne de sensibilisation aux professions de l'hôtellerie diffusée l'année précédente sur les chaînes des radios locales en partenariat avec le groupe ACCOR, était une voie prometteuse, même s'il fallait désormais l'enraciner dans la durée.

A cet égard, il a relevé que l'Etat devait jouer un rôle essentiel de soutien vis-à-vis des petites et moyennes entreprises, dont les budgets ne permettaient pas de financer les opérations de communication soutenues par les filières professionnelles les mieux loties, comme celle du médicament.

En tout état de cause, il a considéré que l'amélioration de la perception des métiers dépendrait de la capacité des entreprises, d'une part, à adapter leur discours aux attentes des jeunes et du corps professoral, d'autre part, à convaincre les élèves que la réussite, tant scolaire que professionnelle, passe par l'implication au travail.

M. Hervé de Monts de Savasse a ensuite indiqué qu'on ne pouvait se satisfaire de la seule diffusion via les centres de documentation et d'information (CDI), leur accessibilité étant soumise, dans le public, à la disponibilité des professeurs documentalistes, et, dans le privé, à celle des parents d'élèves, ces derniers disposant par ailleurs de moins de moyens que dans le public.

Telle est la raison pour laquelle il a jugé nécessaire de développer la présence de l'ONISEP hors de l'école, notamment dans les comités d'entreprises, proposition bien accueillie lors du salon des comités d'entreprises, mais également dans les « maisons de l'emploi » mises en place dans le cadre du Plan Borloo, tout en veillant à ce que cette dispersion ne nuise pas à la cohérence de l'information.

Convaincu de la force de persuasion de l'image, il a insisté sur la nécessité de diffuser l'information en direction des intermédiaires, à l'instar des mères de famille ou des grands-parents, et souhaité développer en ce sens les partenariats avec des diffuseurs ciblés.

Abondant dans le sens du directeur de l'ONISEP, M. Yannick Bodin a estimé essentiel le rôle des intermédiaires chargés d'aider les jeunes à décrypter le document.

Regrettant que la diffusion de documents « tous azimuts » soit souvent contre-productive pour le jeune, il s'est interrogé sur la sensibilisation des enseignants aux problématiques de l'orientation, en particulier dans les IUFM.

Dubitative quant à l'amélioration de l'exploitation de la documentation, Mme Annie David a suggéré qu'une journée entière soit consacrée par an à l'orientation, au cours de laquelle les personnels de l'ONISEP se déplaceraient dans les classes.

Regrettant que les jeunes ne trouvent pas à l'école des propositions à la hauteur de leurs envies, Mme Hélène Luc a estimé qu'il était nécessaire de mettre en relation les filières et les attentes des branches professionnelles, citant l'exemple du Val-de-Marne, département qui souffre d'un manque de puéricultrices.

Déplorant le fort taux d'échec des élèves en première année d'enseignement supérieur, M. Jean-Léonce Dupont a estimé qu'il était le plus souvent imputable à un défaut d'orientation en début de cursus universitaire, notamment parce que les jeunes abordent le supérieur avec une approche « filière ». Il s'est interrogé sur les moyens de faire prévaloir l'approche « métier » dans l'enseignement supérieur.

En réponse à ces questions, M. Hervé de Monts de Savasse a apporté les précisions suivantes :

afin de répondre à la baisse du niveau de la lecture, l'ONISEP a fait le choix de privilégier les graphiques et les dessins, quand cela était possible, pour illustrer les choix d'orientation ;

-une réflexion est en cours sur les moyens d'améliorer la sensibilisation des enseignants dans les IUFM, notamment quand ils y reviennent après une première expérience sur le terrain ;

-il faut renforcer les liens entre l'ONISEP et le corps professoral, qui reste sous-représenté au sein des structures du premier ;

-il s'agit moins aujourd'hui d'inciter les enseignants à intégrer des programmes sur l'orientation dans leurs cours, comme cela avait été tenté par la mise en place de l'indemnité spécifique orientation (ISO), que de revaloriser l'image de l'information sur l'orientation, trop souvent considérée comme secondaire par rapport à la pédagogie, « matière noble ».

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de Mme Gisèle Cornier, présidente de la Chambre d'agriculture de Saône-et-Loire, membre du Bureau de l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture (APCA), de M. François Subrin, président, et M. Jean-Claude Daigney, directeur de l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFR) et de M. Yvon Le Norcy, représentant du Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP)

La commission a entendu Mme Gisèle Cornier, présidente de la Chambre d'agriculture de Saône-et-Loire, membre du Bureau de l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture, qui a indiqué que le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école poursuivait les objectifs d'élévation du niveau de formation qui étaient ceux de l'enseignement agricole.

Elle a ainsi noté que l'enseignement agricole avait conduit la plupart de ses élèves sur le chemin de la réussite professionnelle, tout en diversifiant ses voies et ses méthodes de formation.

Abordant la question des moyens affectés à la politique éducative, elle a regretté que le texte aujourd'hui en discussion ne débouche pas sur une loi de programmation.

Elle a ensuite analysé l'impact des dispositions du projet de loi d'orientation sur l'enseignement agricole. S'agissant de l'apprentissage obligatoire d'une seconde langue vivante au collège, elle a fait part de ses réticences, préférant insister sur la nécessaire maîtrise de la première langue vivante.

Prenant acte du retrait des dispositions relatives à la réforme du baccalauréat dans le projet de loi, elle a toutefois précisé qu'un contrôle continu avait été mis en place pour la délivrance des diplômes de l'enseignement agricole et que les enseignants et les étudiants de cette filière y étaient très attachés.

Mme Gisèle Cornier a demandé que les classes de quatrième et de troisième agricoles ne soient pas remises en cause, en raison notamment de leur rôle de remédiation et d'insertion professionnelle des jeunes.

Elle a salué la création du contrat individuel de réussite éducative, tout en signalant qu'il ne devait pas être proposé trop tardivement aux élèves en difficulté.

Rappelant que le quatrième schéma prévisionnel national des formations avait déjà abordé la question du recrutement des personnels de l'enseignement agricole, elle a souhaité que les enseignants puissent effectuer un stage en entreprise pour mieux connaître le monde agricole dont ils sont de moins en moins issus.

M. François Subrin, président de l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFR), a énuméré les mesures du projet de loi qui étaient déjà mises en oeuvre dans les maisons familiales rurales. Le contrôle continu, l'interdisciplinarité des formateurs et le projet éducatif constituent des aspects essentiels de la pratique pédagogique des établissements d'enseignement agricole. Il a par ailleurs noté que le système de l'internat permettait une meilleure socialisation des élèves par la prise de responsabilités dans le cadre de petites structures. Il a enfin rappelé que l'enseignement agricole avait vocation à accompagner individuellement chaque jeune dans son projet professionnel.

Souscrivant à la nécessité d'un socle commun des connaissances, il a indiqué que les élèves n'ayant pas acquis les bases du langage à l'école primaire se trouvaient pénalisés dans leur parcours scolaire.

M. Yvon Le Norcy, représentant du Conseil national de l'enseignement agricole privé, s'est déclaré satisfait des principales orientations du projet de loi. Il a souligné que l'économie générale de ce texte intégrait des préoccupations que l'enseignement agricole avait en partie expérimentées dans la durée. Il a notamment considéré la mise en place du contrôle continu comme une avancée dans l'obtention des diplômes de l'enseignement agricole. Tout en rappelant que le contrôle continu était déjà pratiqué à l'université, il a indiqué qu'une procédure d'évaluation par des observatoires extérieurs n'avait constaté aucune dérive.

Il a également précisé que le projet de loi proposait un enrichissement relatif de la notion de projet d'établissement, qui figurait précédemment dans la loi d'orientation du 10 juillet 1989.

Quant à la question de la formation des enseignants, il a déploré que les ingénieurs oeuvrant dans l'enseignement agricole soient complètement exclus du système de formation initiale et continue en IUFM. Il a indiqué que l'enseignement agricole privé comptait environ 600 ingénieurs qui contribuaient au sein des lycées agricoles à l'organisation des enseignements et à leur intégration dans le développement territorial.

Rappelant que le ministre de l'éducation nationale n'exerçait pas de tutelle sur l'enseignement agricole, tout en étant considéré comme une composante du système éducatif, il s'est interrogé sur une éventuelle application des dispositions du projet de loi à ses établissements. L'imprécision actuelle du texte lui a semblé nécessiter des amendements de précision en ce sens.

Après avoir indiqué que l'enseignement agricole constituait bien souvent un laboratoire servant d'aiguillon pour l'éducation nationale, M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a souhaité savoir si les intervenants avaient été associés à l'élaboration du projet de loi. Puis, il leur a demandé de préciser les éventuelles pistes d'amélioration du texte.

M. Yvon Le Norcy a indiqué que le CNEAP n'avait pas été associé à l'élaboration du projet de loi par le ministère de l'éducation nationale, et que le ministre de l'agriculture n'avait pas consulté le Conseil national de l'enseignement agricole à ce sujet. Il a ajouté qu'il transmettrait au rapporteur trois ou quatre propositions d'amendements au projet de loi, afin de lever toute ambiguïté concernant son application à l'enseignement agricole.

M. Jean-Claude Daigney a relevé que les Maisons familiales rurales (MFR) n'avaient pas non plus été consultées. Faisant observer que la plupart des élèves qui se tournent vers l'enseignement agricole le font de leur propre choix, il a souhaité que l'avis du jeune et de sa famille soit prépondérant dans toute décision d'orientation vers la voie professionnelle.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a indiqué partager ce point de vue, sous réserve que les élèves et les familles disposent d'une information préalable sur les débouchés des filières.

Soulignant l'exemplarité des Maisons familiales rurales, tant sur le plan de la pédagogie que des résultats atteints, Mme Monique Papon a souhaité connaître la position des intervenants sur la question du redoublement.

M. François Subrin a répondu que le principe de l'alternance mis en place dans les MFR, fondé sur l'individualisation des parcours de progression, excluait le recours au redoublement, ce dernier étant, en général, plutôt mal vécu.

M. Yvon Le Norcy a suggéré que chaque chef d'établissement puisse avoir la maîtrise sur un volume global d'heures, afin d'arbitrer entre une décision de redoublement et l'octroi d'heures de soutien.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a demandé si la présidence du conseil d'administration des établissements d'enseignement agricole par une personnalité extérieure avait des effets positifs.

Mme Gisèle Cornier a souligné le fort attachement à ce principe, qui est le signe de l'ouverture des établissements sur leur environnement. Toutefois, elle a rappelé que la présidence du conseil d'administration par une personnalité extérieure n'avait d'intérêt que si ce conseil jouait pleinement son rôle de définition des orientations stratégiques.

Après avoir précisé que cela constituait, en effet, l'un des principaux atouts de l'enseignement agricole, M. Yvon Le Norcy a souhaité que la place des professionnels dans l'enseignement soit davantage reconnue.

Il s'est étonné, en outre, que les personnels d'éducation intervenant dans le domaine de la vie scolaire, à savoir les conseillers principaux d'éducation et les assistants d'éducation, ne soient pas mentionnés dans le projet de loi.

M. Ivan Renar a manifesté son adhésion, tout en relevant que cela renvoyait à la question des moyens humains.

Enfin, interrogé par M. Jean-Claude Carle, rapporteur, sur le sens et la portée attribués à la notion de communauté éducative, M. Jean-Claude Daigney a estimé que celle-ci recouvrait l'ensemble des adultes encadrant le jeune et l'aidant à grandir.

M. François Subrin a insisté sur la nécessité pour l'école d'associer les familles, pour leur permettre de remplir pleinement leur rôle éducatif d'accompagnement des enfants.

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Audition de M. Laurent Lafforgue, membre de l'Académie des sciences et professeur à l'institut des hautes études scientifiques (IHES)

La commission a enfin entendu M. Laurent Lafforgue, membre de l'Académie des sciences et professeur à l'institut des hautes études scientifiques (IHES).

M. Laurent Lafforgue a déclaré qu'il apportait sa contribution à la commission en sa qualité non seulement de mathématicien et de chercheur, mais d'auteur d'un document intitulé « Les savoirs fondamentaux au service de l'avenir scientifique et technique. Comment les enseigner ? », publié par la Fondation pour l'innovation politique.

M. Jacques Legendre, président, a précisé que M. Laurent Lafforgue avait été en 2002 lauréat de la médaille Fields, l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques.

M. Laurent Lafforgue a fait part de son inquiétude sur la situation de l'école en France, telle qu'elle lui apparaît à travers les témoignages d'universitaires, de lycéens ou de parents d'élèves de tous les milieux qu'il est amené à rencontrer dans l'exercice de ses fonctions.

Il a craint que l'avenir de la France ne soit de ce fait compromis, alors que notre pays s'est toujours distingué dans le champ intellectuel. En effet, la place reconnue aux savoirs faisait partie des valeurs de la République, l'accès égal à l'instruction pour tous étant le fondement de la création de l'école par Jules Ferry.

Il a exprimé sa conviction profonde que cet héritage était menacé et que l'école d'aujourd'hui n'avait plus rien à voir avec celle d'il y a 25 ans, où l'institution scolaire et la famille vivaient en harmonie. Il a regretté cette réduction du rôle d'ascenseur social de l'école, rappelant que ses parents avaient réussi grâce aux études, alors que ses grands-parents étaient issus du monde ouvrier.

Il a dénoncé le recul des savoirs enseignés, estimant, en premier lieu que le primaire souffrait d'une baisse des exigences aussi bien en français qu'en calcul et que les programmes du secondaire n'étaient pas assez riches ni assez stimulants sur le plan intellectuel, ayant été uniformisés au lieu d'être diversifiés.

Il a ensuite mis en lumière les dangers de ces carences qui signifient l'extinction des élites dont notre pays a besoin, s'il veut continuer à briller sur la scène internationale. Affirmant que nous ne sommes qu'au début de l'aventure intellectuelle de l'humanité, il a jugé indispensable l'investissement dans l'éducation, la recherche et l'innovation, comme l'ont bien compris l'Inde ou la Chine.

Il a considéré que la dérive actuelle provenait de la multiplication des réformes liées au « pédagogisme soixante-huitard ». Il a notamment dénoncé, à cet effet, la généralisation de l'irrespect à l'égard des enseignants dont l'autorité devrait être réaffirmée.

Il a estimé que l'on ne pouvait apprendre en s'amusant et que le goût de l'effort devait être donné aux élèves, comme c'est le cas pour les disciplines sportives, où l'esprit de compétition a permis à la France de se hisser au meilleur niveau international.

Un échange de vues a suivi cet exposé.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur, s'est interrogé sur la proposition de l'Académie des sciences de développer les travaux manuels à côté des disciplines intellectuelles.

M. Ivan Renar a estimé indispensable d'encourager l'école à enseigner et à éduquer, tout en soulignant qu'elle ne pouvait avoir pour mission de régler tous les problèmes de la société. Il a insisté sur l'importance de l'enseignement artistique qui ouvre les enfants les plus défavorisés sur la culture.

En réponse aux intervenants, M. Laurent Lafforgue a apporté les précisions suivantes :

- il est nécessaire de développer autant les compétences manuelles qu'intellectuelles, au collège et, sans doute,  dès le primaire, pour favoriser un enrichissement mutuel des élèves ;

- il faudrait développer en France le nombre des filières, les filières scientifiques souffrant d'une réduction à la seule section S, qui ne prend pas en compte la diversité des disciplines, sacrifiant notamment les sciences physiques expérimentales ou la programmation informatique ;

- on ne va pas à l'école pour « apprendre à apprendre », mais pour apprendre ;

- plus la situation d'un enfant est difficile sur le plan familial ou social, plus l'école peut lui apporter.