Travaux de la commission des affaires culturelles



Mardi 29 novembre 2005

- Présidence de M. Michel Thiollière, vice-président. -

Audition de Mme Sylvie Bernard et M. Bernard Benyamin, co-chefs du projet Cosmos accompagnés de M. Laurent Pollet, sur le rapport de prospective du Commissariat général du Plan sur la stratégie de l'Etat dans la mutation des médias à l'horizon 2015

La commission a procédé à l'audition de Mme Sylvie Bernard et M. Bernard Benyamin, co-chefs du projet Cosmos, accompagnés de M. Laurent Pellet, sur le rapport de prospective du Commissariat général du Plan sur la stratégie de l'Etat dans la mutation des médias à l'horizon 2015.

M. Bernard Benyamin a indiqué que quatorze mois de travail avaient permis de dégager un consensus fort, entre des personnalités aux opinions antagonistes, autour d'un nombre limité de recommandations.

Il a précisé que le groupe avait identifié trois catégories d'évolutions pour le secteur des médias : le passage d'une économie de la rareté à une économie de l'abondance en matière audiovisuelle, une segmentation croissante du marché entre différents médias, ainsi qu'une crise de l'information au niveau éditorial, économique et, plus récemment, publicitaire.

Il a souligné que le secteur connaissait par ailleurs deux ruptures importantes : la complexité croissante de l'offre liée aux progrès du décloisonnement entre marchés et opérateurs et le renouvellement de la demande découlant du désir de différenciation des consommateurs sous l'effet de la multiplication des modes d'accès et des usages permis par la numérisation des médias.

Après avoir commenté l'évolution des pratiques culturelles des Français au cours des quarante dernières années, il a souligné la mise en place d'une économie de rente et d'influence marquée par une intégration horizontale entre médias, une intégration verticale entre opérateurs et une concentration du secteur à l'échelle nationale.

A partir de ce diagnostic ciblé, Mme Sylvie Bernard a présenté trois scénarios relatifs à l'évolution des médias d'ici 2010. Le premier suppose une concentration globale et un monolithisme économique tendant à capter la technologie pour promouvoir la banalisation et la rentabilité. Le deuxième repose sur une concurrence plurielle utilisant la technologie pour introduire de la différence et de la qualité. Le troisième et dernier, intitulé « pluralisme citoyen », s'appuie sur le secteur public comme vecteur de lutte contre la banalisation et de promotion de la diversité de qualité.

Soulignant que la qualité était mesurable et que la concurrence pouvait être un facteur de banalisation, M. Laurent Pellet a estimé que le désengagement total de l'Etat du secteur et le maintien du cadre réglementaire actuel ne constituaient pas des solutions optimales.

Concernant les actions susceptibles d'être menées par l'Etat et la société afin de garantir la qualité et le pluralisme des médias, Mme Sylvie Bernard a présenté quatre des dix « médiattitudes » identifiées par le groupe de travail. Celles-ci s'appuient respectivement sur la création d'un service public fort, la mise en oeuvre de moyens de régulation adaptés, la mise en place d'aides incitatives à la presse écrite sous condition de résultats et le renforcement de la qualité de la formation des journalistes afin de s'aligner sur les standards éditoriaux des pays comparables.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Michel Thiollière, président, s'est demandé si les scénarios figurant dans le rapport étaient transposables aux autres pays européens. Après avoir fait remarquer que les nouvelles technologies favorisaient le développement de l'individualisme, il a regretté que les groupes de presse s'intéressent aux télévisions locales, non pour le contenu que celles-ci sont appelées à diffuser, mais plutôt pour les recettes publicitaires qu'elles permettent de capter. Il s'est interrogé, enfin, sur la capacité des quotidiens payants français à se différencier des « gratuits ».

M. Jean-Paul Emin a souligné la difficulté de rendre compatibles marketing et information. Alors qu'une place trop importante laissée au marketing se fait parfois aux dépens des contenus, la faible audience des médias français, notamment de la presse quotidienne nationale, rend indispensables les dépenses de communication susceptibles d'attirer de nouveaux publics.

Répondant aux intervenants, Mme Sylvie Bernard, MM. Bernard Benyamin et Laurent Pellet ont apporté les précisions suivantes :

- la France est un cas particulier à l'échelle européenne dans le domaine des médias. D'une part, le service public de l'audiovisuel est notoirement sous-financé par rapport à ses homologues étrangers. D'autre part, la presse quotidienne nationale se caractérise par des entreprises en difficulté économique et financière et un lectorat restreint ; dans ces conditions, il convient de revoir la gestion des entreprises de presse et le contenu des quotidiens payants qui, contrairement à leurs homologues anglo-saxons, ne parviennent pas à différencier leur contenu de celui proposé par les « gratuits » ;

- les membres du groupe de travail regrettent de ne pas avoir été auditionnés par la commission Lancelot chargée d'examiner les problèmes de concentration dans les médias ;

- les membres du groupe de travail diffusent actuellement leurs conclusions auprès des pouvoirs publics. Ils constatent que si les pouvoirs publics n'ont pas encore réagi aux différentes recommandations, certains professionnels, notamment dans le secteur de la presse, tentent d'adapter leurs produits aux demandes du public ;

- il est tout à fait possible de soustraire le service public de l'audiovisuel aux règles du marché. L'Allemagne l'a fait d'ailleurs partiellement en interdisant la diffusion de messages publicitaires sur les chaînes publiques de télévision à partir de 20 heures le soir, ainsi que le dimanche.

Mercredi 30 novembre 2005

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

PJLF pour 2006 - Mission « Aide publique au développement » - Examen du rapport pour avis

La commission a d'abord entendu le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2006.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il commencerait par présenter les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2006 à la défense de la langue française et à la francophonie, avant d'évoquer les faits saillants de l'année dans le combat pour la promotion de notre langue et de la diversité culturelle, combat dans lequel la France a remporté un succès important avec l'adoption, à la quasi-unanimité par l'UNESCO, d'une convention sur la diversité culturelle.

Il a rappelé que la présentation des crédits consacrés à la francophonie constituait cette année un exercice nouveau, dans la mesure où la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances avait substitué à une présentation des crédits par ministère une présentation des crédits par mission.

Sans remettre en question l'intérêt de cette nouvelle constitution financière, il a estimé que la façon dont elle avait été appliquée aux crédits de la francophonie n'améliorait pas la perception des moyens et des objectifs attribués à cette politique essentielle.

Il a constaté, tout d'abord, que la réforme se traduisait par un éparpillement des crédits consacrés à la langue française et à la francophonie et qu'à s'en tenir aux deux principaux ministères concernés - celui de la culture et celui des affaires étrangères - les crédits étaient répartis entre au moins 6 actions rattachées à 4 programmes différents relevant eux-mêmes de trois missions distinctes.

Le rapporteur pour avis a précisé que les crédits consacrés par le ministère des affaires étrangères à la francophonie multilatérale proprement dite - c'est-à-dire au financement des opérateurs de la francophonie - étaient éclatés entre deux missions distinctes : les crédits destinés, par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique, à l'Agence de la francophonie, à l'Agence universitaire, à l'Association des maires francophones ainsi qu'à l'université Senghor, étaient, avec les enveloppes consacrées au programme de bourses de mobilité, rattachés à la mission interministérielle « Aide publique au développement » ; en revanche, les crédits destinés à TV5, le 5e opérateur de la francophonie, figuraient, avec les autres crédits destinés à l'audiovisuel extérieur, dans la mission « Action extérieure de l'Etat ».

Il a critiqué le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement », estimant qu'il témoignait d'une conception dépassée qui plaçait la francophonie en orbite de la politique de coopération, alors que les sphères géographiques de ces deux politiques ne cessaient de se disjoindre. En effet, les 56 pays de l'organisation internationale de la francophonie (OIF) sont loin de tous appartenir à la sphère des pays en voie de développement, et, en sens inverse, la « zone de solidarité prioritaire » de notre politique de coopération s'est ouverte à de nombreux pays non francophones.

Sans minimiser le rôle que l'Afrique, et plus particulièrement l'Afrique francophone, avait joué et continuerait de jouer à l'avenir dans la défense internationale de notre langue, le rapporteur pour avis a souhaité que l'on n'oublie pas les deux autres ensembles géographiques dont dépendra, à l'avenir, le statut international de la langue française, l'Europe et les institutions européennes, ainsi que les grands pays émergents : Chine, Inde, Brésil, Mexique ou Russie, qui sont susceptibles d'ouvrir de nouvelles frontières à notre langue.

Il a jugé d'autant plus regrettable le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement », ce qui risquait en outre de contribuer à figer une organisation gouvernementale inadaptée.

Considérant que la politique de rayonnement de notre langue était l'un des aspects fondamentaux de notre politique de promotion de la diversité culturelle, il a appelé de ses voeux la création d'un ministère délégué intégralement consacré à la francophonie et aux relations culturelles extérieures, audiovisuel extérieur compris.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a examiné, ensuite, les crédits pour 2006 destinés à la francophonie.

Il a indiqué que l'enveloppe de 58,4 millions d'euros inscrite à l'action n° 5 « Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement » ne lui inspirait a priori pas d'inquiétude, dans la mesure où la justification de dépense assurait la reconduction des dotations de 2005. Il a déploré, cependant, que cette justification au premier euro ne soit ni complète, ni précise.

Il a noté que le montant de la contribution apportée au Fonds multilatéral unique, pour le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie, s'établirait en 2006 à 45,2 millions d'euros, contre 46,68 millions d'euros en 2005, cette différence s'expliquant par un transfert interne au profit de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, transfert qu'omet toutefois de mentionner le document budgétaire.

Il a relevé que la justification des dépenses précisait le montant - 12 millions d'euros - de la contribution statutaire versée à l'Agence de la francophonie, mais ne mentionnait pas les subventions versées aux associations oeuvrant en faveur de la francophonie. Seules, les réponses aux questionnaires lui permettaient de penser que le montant de ces subventions devrait être reconduit en 2006 au même niveau que par le passé, soit un peu plus de 640 000 euros. Il a souhaité plus de clarté dans le projet de loi de finances pour 2007.

Il s'est inquiété, en revanche, des difficultés rencontrées dans le financement du programme de bourses en faveur de la mobilité scientifique et universitaire.

Il a rappelé que ce programme bénéficiait depuis 2004 d'une enveloppe de 10 millions d'euros, correspondant à la moitié des 20 millions d'euros du plan de relance de la francophonie annoncé par le Président de la République au Sommet de Beyrouth en 2002.

Mais alors que les 10 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2004 ont été versés en totalité à l'Agence universitaire de la francophonie, le ministère des affaires étrangères a éprouvé les plus grandes difficultés à verser les 10 millions d'euros inscrits au budget pour 2005, comme l'a rappelé en commission la ministre déléguée.

Le rapporteur pour avis a indiqué que, d'après les dernières informations dont il disposait, le principe d'un versement de 3 millions d'euros avant la fin de l'année semblait maintenant acquis, mais que le versement du solde de 7 millions d'euros restait subordonné à d'hypothétiques transferts internes.

Constatant en outre que ce programme de bourses ne figurait pas dans les documents budgétaires pour 2006, il a espéré que cette omission résultait d'une lacune dans un document encore imparfait, plutôt que d'une remise en question d'un programme qui répond à un véritable besoin et auquel il est très attaché.

Il a indiqué qu'il demanderait des précisions au Gouvernement en séance publique sur ce sujet.

Evoquant la subvention versée à TV5, rattachée à la mission « Action extérieure de l'Etat », il a précisé qu'elle devrait être reconduite en 2006 au même niveau qu'en 2005, soit 62,7 millions d'euros, alors que le plan stratégique adopté à Bruxelles pour 2006-2009 prévoit un ambitieux programme de développement.

Il a jugé que la place que TV5 a su conquérir dans le monde très concurrentiel de l'audiovisuel international, grâce au soutien financier prééminent de la France, ne devait pas être hypothéquée par le lancement de la nouvelle chaîne d'information internationale, qui correspond à d'autres besoins et à d'autres objectifs.

Il a noté, en outre, que la contribution globale de la France à la francophonie, toutes administrations confondues, s'élevait à 863 millions d'euros, un montant comparable aux années précédentes.

Il a évoqué, ensuite, deux faits illustrant l'actualité de la promotion de notre langue et de la diversité culturelle, au plan national et au plan international.

Il a rappelé que l'adoption de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, le 20 octobre dernier, constituait un succès important pour notre diplomatie, la très large majorité recueillie (148 voix pour, 2 contre, et 4 abstentions), témoignant de l'écho rencontré dans le monde par notre combat en faveur de la diversité culturelle et du multilinguisme.

Il a estimé que la signature de cette convention ne constituait qu'une première étape, et qu'il convenait maintenant de tout mettre en oeuvre pour qu'une trentaine d'Etats procèdent rapidement à sa ratification, condition de son entrée en vigueur. Il a indiqué que les Etats membres de l'Organisation internationale de la francophonie devraient y prendre toute leur part, sans sous-estimer les pressions que ne manqueraient pas d'exercer les Etats-Unis, qui sont hostiles à ce texte.

Il a précisé que la volonté de réunir l'adhésion du plus grand nombre possible d'Etats avait conduit à apporter certains aménagements au texte de la convention, et qu'il conviendrait de se montrer vigilant quant à l'interprétation qui sera donnée de l'article 20 relatif aux relations de la convention avec les autres accords internationaux existants.

Il a rappelé que les 25 Etats de l'Union européenne avaient tous adopté cette convention, et a invité la Commission européenne à en tirer les conséquences, et à prendre désormais en compte les préoccupations relatives à la diversité culturelle, parallèles à son souci traditionnel de garantir la libre circulation des marchandises, notamment en matière d'étiquetage des produits.

En conclusion, il a souhaité qu'à l'occasion de la journée de la Francophonie, le 21 mars prochain, le Gouvernement fasse adopter par l'Assemblée nationale la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française, ainsi qu'un projet de loi autorisant la ratification de la convention de l'UNESCO.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois a exprimé la préoccupation que lui inspirait également la dispersion des crédits, ce qui rend plus difficile leur identification, contrairement aux objectifs affichés de la LOLF. Il a souhaité que la mise en place de la nouvelle présentation budgétaire permette, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, une meilleure visibilité des efforts consentis par la France en faveur de la francophonie et a déclaré apporter son plein soutien aux recommandations formulées par le rapporteur pour avis. Il a rappelé que l'année 2006 devait être l'année de la francophonie et a souhaité que celle-ci permette une meilleure sensibilisation des élites et de la société civile.

M. Jacques Valade, président, a exprimé son plein soutien aux recommandations du rapporteur pour avis, qui sont partagées par l'ensemble de la commission.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2006, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

Projet de loi de finances pour 2006 - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. David Assouline sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2006.

M. David Assouline, rapporteur pour avis, des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », a d'abord souligné les incohérences de l'architecture budgétaire proposée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Rappelant que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances devait être un levier permettant de rationaliser la présentation des crédits destinés au financement du rayonnement international de notre pays, il a constaté que celle-ci avait, au contraire, contribué à disperser artificiellement les dotations au sein de missions et de programmes distincts, contrariant toute vision globale de notre action culturelle extérieure.

Ainsi, il a regretté qu'une interprétation littérale de la liste des pays bénéficiaires de l'aide publique au développement ait conduit le ministère à scinder le réseau culturel en deux entités appartenant à deux missions différentes. Avec ce nouveau découpage, les établissements du réseau implantés dans les pays développés relèvent désormais de la mission « Action extérieure de l'État » tandis que les centres, instituts et alliances implantés dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement (APD) dépendent de la mission « Aide publique au développement ».

Il s'est interrogé également sur l'inscription des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) au sein du programme « Français à l'étranger et étrangers en France », alors même que les établissements qu'elle contrôle jouent un rôle essentiel dans la diffusion de notre culture auprès des élèves étrangers. A cet égard, il s'est félicité du rattachement des crédits de l'Agence au programme « Rayonnement culturel et scientifique » voté par l'Assemblée nationale.

Enfin, il s'est étonné de la dispersion des crédits de l'audiovisuel extérieur au sein de trois missions différentes placées sous trois tutelles administratives distinctes, et il s'est demandé comment serait définie une stratégie d'ensemble pour ce secteur lorsque chacune des tutelles tentera de faire prévaloir ses intérêts.

Dans ces conditions, il a souligné qu'il convenait de faire évoluer cette architecture budgétaire incohérente. Conscient qu'une véritable modernisation de notre action culturelle supposait une vision complète des moyens engagés à l'étranger, il a souhaité que soit envisagée la création d'une mission interministérielle dirigée par le ministère des affaires étrangères.

Abordant l'analyse des crédits, il a regretté que notre pays, qui est à l'origine de la convention adoptée par l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité culturelle, prive sa diplomatie culturelle de moyens. Alors que la politique étrangère de la France, à l'heure de la mondialisation des réseaux de communication et de l'émergence de standards culturels globaux, se doit de consacrer de substantiels moyens à ce que les anglo-saxons appellent le « soft power », il a regretté que le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne représente que 14 % des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l'État » en 2006.

M. David Assouline, rapporteur pour avis, a estimé que notre réseau culturel illustrait les contradictions de la politique du Gouvernement en matière de relations culturelles extérieures. Face à la réduction de leurs crédits de fonctionnement et d'intervention, les centres et instituts culturels risquent de devenir des « coquilles vides » incapables d'assurer la diffusion de la culture française à l'étranger en dépit de la passion qui anime leur personnel.

Il a estimé que cette situation était d'autant plus préoccupante que le réseau a besoin d'être modernisé et redynamisé pour faire face à un environnement de plus en plus concurrentiel.

D'une part, chacun s'accorde sur la nécessité de rationaliser la carte des implantations culturelles. Or, bien que cette tâche fasse apparemment partie des priorités du Quai d'Orsay, les réalisations demeurent modestes et procèdent de circonstances locales bien plus que d'un redéploiement planifié et raisonné.

D'autre part, nombreux sont ceux qui encouragent la création de centres culturels associant les États membres européens permettant de partager les coûts de structures et de valoriser l'image de l'Union en faisant apparaître la diversité culturelle de ses membres. Pourtant ces rapprochements se heurtent à d'importantes difficultés, même si l'on peut se féliciter des actions entreprises en ce domaine avec l'Allemagne à Ramallah et à Palerme.

M. David Assouline, rapporteur pour avis, a affirmé qu'au total et malgré la publication d'un plan d'orientation stratégique en août 2003, le réseau culturel était en panne de réforme. Rappelant que le ministre des affaires étrangères avait envisagé de donner suite à la proposition de M. Louis Duvernois de créer une agence culturelle, il a considéré qu'une telle initiative était susceptible d'instiller une véritable dimension interministérielle à l'action culturelle extérieure et de desserrer la contrainte budgétaire qui s'oppose à la réforme en profondeur d'un réseau condamné à péricliter.

Il a tenu ensuite à souligner les bons résultats de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Le réseau d'établissements qu'elle gère accueille plus de 168 000 élèves, dont 88 000 étrangers, confirmant ainsi son rôle déterminant dans la diffusion de la culture et de la langue françaises auprès des élèves nationaux. Sur le plan financier, l'agence continue à dégager quelque 7 millions d'euros d'excédents en 2005.

Le rapporteur pour avis s'est interrogé cependant sur les modalités de financement envisagées pour la mise en oeuvre du programme immobilier de l'agence. Alors que le transfert de la compétence immobilière des établissements à gestion directe devrait concerner quinze établissements pour un coût estimé à près de 30 millions d'euros en 2006, il a regretté qu'aucune subvention spécifique ne soit inscrite au titre 5 du projet de loi de finances. De même, il s'est étonné qu'aucune ligne budgétaire particulière ne permette d'identifier le « programme ambitieux de développement de l'agence en cours de définition » annoncé par le ministre à l'Assemblée nationale.

Observant que le fonds de roulement de l'agence serait probablement sollicité en 2006 pour pourvoir aux charges issues du transfert de la compétence immobilière des établissements à gestion directe, il a reconnu que cette solution était envisageable à titre transitoire. Cependant, il a souhaité que celle-ci ne se traduise pas, in fine, par une hausse des frais de scolarité pour les familles. Plus généralement, il a appelé le ministère des affaires étrangères à plus de transparence dans la programmation des opérations immobilières d'envergure financées ou cofinancées grâce aux crédits de son budget.

Abordant, enfin, l'audiovisuel extérieur, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a constaté, pour la seconde année consécutive, un décrochage significatif entre l'évolution des ressources publiques accordées à l'audiovisuel extérieur et celles attribuées à l'audiovisuel national. Alors que les dotations de l'audiovisuel national progressent de 2,9 %, celles de TV5 et de RFI diminuent de 0,4 %.

L'existence d'un tel décalage ne sera pas sans conséquence sur l'efficacité de notre dispositif extérieur : alors que les coûts du secteur sont tirés à la hausse, cette évolution négative ne pourra pas être éternellement compensée par des gains de productivité et des redéploiements ; les opérateurs devront, par conséquent, renoncer à certaines de leurs ambitions.

Le rapporteur pour avis a souligné que TV5 devrait en faire l'expérience dès 2006, le nouveau plan stratégique 2006-2009 destiné à consolider la distribution, la diffusion et la programmation de la chaîne ne pouvant bénéficier des 14 millions d'euros nécessaires à sa mise en oeuvre.

Estimant que la chaîne francophone serait sans doute contrainte d'arbitrer entre les différentes mesures envisagées, il a affirmé qu'elle devrait concentrer ses efforts sur le développement du sous-titrage de ses programmes afin d'attirer l'audience non francophone et de faciliter sa reprise par les distributeurs locaux. Malgré son renforcement progressif, le sous-titrage demeure en effet insuffisant en termes de nombre de langues étrangères et de volume.

Il a rappelé, enfin, que RFI restait l'opérateur audiovisuel extérieur français le mieux doté avec plus de 132 millions d'euros en 2006, même s'il est loin de disposer de moyens équivalents à ceux de ses principaux concurrents. C'est dans ce contexte que l'entreprise doit affronter une difficile phase de réorganisation.

Il a indiqué que la station devait d'abord repenser sa diffusion en langues étrangères, une analyse interne de la vingtaine de rédactions en langue étrangère réalisée début 2004 ayant témoigné du caractère obsolète de nombre d'entre elles. Leur production n'atteint pas des volumes suffisants permettant une programmation efficace et n'est parfois plus adaptée aux attentes des publics étrangers.

M. David Assouline, rapporteur pour avis, a observé que RFI devait également renégocier les contrats de diffusion en ondes courtes qui handicapent lourdement la station. Soulignant que ce coût pouvait être potentiellement ramené de 22 à 7 millions d'euros par an, il a indiqué qu'une étude juridique et financière relative à la renégociation des contrats de très longue durée signés avec TDF était en cours de réalisation.

Il a encouragé RFI à faire aboutir le chantier de la numérisation de sa diffusion et de sa production. Après avoir rappelé qu'en engageant ce processus dès 1997, la station était en avance sur ses concurrentes, il a regretté que RFI n'ait toujours pas réussi à l'achever fin 2005. Ayant beaucoup investi sans générer d'économies, la station a perdu une grande partie des bénéfices qu'elle pouvait attendre de l'introduction de cette nouvelle technologie, faute d'avoir su mener en parallèle le chantier nécessairement complémentaire de la réorganisation du travail.

Enfin, il a incité le Gouvernement à inscrire la rationalisation des moyens de sa diplomatie dans une politique d'ensemble au lieu de la soumettre à une logique purement comptable suscitant des inquiétudes parmi les personnels du réseau. Il a proposé, en conséquence, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits destinés aux relations culturelles extérieures dans la mission « Action extérieure de l'État».

Un débat s'est ensuite engagé.

Partageant l'analyse du rapporteur pour avis quant à l'incohérence de l'architecture budgétaire imposée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Louis Duvernois s'est prononcé en faveur de la création d'une mission interministérielle cohérente permettant de présenter fidèlement les crédits destinés au financement de notre rayonnement culturel à l'étranger.

Contrairement aux conclusions présentées par son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État» pour 2006.