Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2004 - Crédits de la justice et article 79 rattaché : Examen du rapport spécial

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des crédits de la justice et de l'article 79 rattaché, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial,
a tout d'abord présenté les principales caractéristiques du budget de la justice pour 2004. Il a indiqué que ce budget, en hausse de près de 5 %, en termes de crédits, et de plus de 3 %, s'agissant des emplois budgétaires, en 2004, était considéré, par le gouvernement, comme un budget prioritaire. Il s'est réjoui de cette évolution pour le service public de la justice, atypique au sein du budget général de l'Etat, mais a souhaité qu'elle ait, pour contrepartie, un effort de bonne gestion, dans un ministère qui se considérait souvent comme un « ministère du droit », éloigné des contingences de la gestion administrative et budgétaire. Il a indiqué, à cet égard, que le ministère se caractérisait par l'importance des reports de crédits et des reliquats d'autorisations de programme.

Il a ensuite montré que les engagements de la loi quinquennale d'orientation et de programmation pour la justice étaient déjà globalement tenus en termes de moyens, puisque le taux de couverture, sur les années 2003 et 2004, était de 42 % pour les emplois, de 42 % pour les dépenses ordinaires, de 53 % pour les autorisations de programme et de 14 % pour les crédits de paiement (pour un taux de couverture théorique de 40 %).

Il a considéré que le ministère de la justice s'engageait résolument dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), en soulignant que la mission, les programmes ainsi que les principales actions étaient prêts. Il a toutefois souligné que la mission unique « rendre et exécuter la justice » correspondait à l'essentiel du budget et que les programmes choisis ressemblaient fort aux actuels agrégats. M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a toutefois déploré n'avoir eu connaissance, ni des objectifs, ni des indicateurs de résultats, et que les expériences de dotations globalisées -qui concernaient en 2004 la cour d'appel de Lyon, la direction régionale de l'administration pénitentiaire de Rhône-Alpes et la direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse de Languedoc-Roussillon- « laissaient de côté » les juridictions administratives.

S'agissant de la « stratégie ministérielle de réforme » qui définissait trente-trois pistes de réforme pour le ministère de la justice, il a souhaité que le garde des sceaux puisse s'engager sur certaines de ces réformes avec une « clause de rendez-vous » à l'automne 2004 pour juger de son action. Il a également mis l'accent sur des propositions de réforme supplémentaires, en matière d'expérimentations relatives à la carte judiciaire et d'évaluation ex ante et ex post des projets de lois.

Il a ensuite rendu compte du contrôle budgétaire qu'il avait mené au cours de l'année 2003 sur les moyens du tribunal de grande instance (TGI) de Paris en matière de lutte contre le terrorisme. Si les moyens humains lui avaient paru « à la hauteur », suite au plan de renforcement des moyens mis en oeuvre par le garde des sceaux depuis février 2003, il a néanmoins constaté l'exiguïté des locaux, la pauvreté de l'outil statistique, les problèmes de compatibilité entre outils de scanérisation ainsi que la vétusté du parc automobile.

Enfin, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, en est venu à l'examen de l'article 79 rattaché au budget de la justice, qui revalorisait l'unité de valeur de référence pour l'aide juridictionnelle, pour un montant de 4,5 millions d'euros, et a alors exprimé un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi que des crédits de la justice pour 2004.

A l'issue de cette présentation, et après avoir évoqué le souvenir des travaux jadis effectués avec le rapporteur spécial sur le fonctionnement de la justice, M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'un budget en augmentation n'était pas, nécessairement, un « bon budget ». Après avoir souligné l'intérêt du contrôle sur pièces et sur place opéré par le rapporteur spécial, en application de l'article 57 de la LOLF, il a souhaité connaître le nombre de personnels mis à disposition de l'administration centrale par les services déconcentrés du ministère de la justice.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a rappelé que depuis le constat fait dans le rapport « Justice sinistrée : démocratie en danger » cosigné avec M. Jean Arthuis et publié en 1991, la situation s'était améliorée, notamment grâce au plan de régularisation des mises à disposition au sein de l'administration centrale, mis en oeuvre depuis deux ans.

M. Maurice Blin a souhaité savoir ce qui, aux yeux du rapporteur spécial, s'était amélioré, ou au contraire, dégradé dans le service public de la justice. Il a également souhaité savoir si les concours ouverts par le ministère de la justice demeuraient attractifs.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a estimé que la lenteur et la faible exécution des décisions, demeuraient les deux « fléaux » de la justice, auxquels le garde des sceaux avait décidé de s'attaquer. Il a reconnu que les conditions de travail s'étaient améliorées, mais que l'application des 35 heures et le manque de culture de gestion constituaient des défis pour le service public de la justice.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a indiqué que les candidatures aux différentes procédures de recrutement demeuraient nombreuses, avec toutefois un effort particulier de la Chancellerie pour faire connaître les métiers de l'administration pénitentiaire, moins attractifs. Il a relevé que la récente création d'un Observatoire des carrières de la justice devrait permettre d'améliorer l'image de marque de ces métiers.

M. Aymeri de Montesquiou a interrogé le rapporteur spécial sur la question des transfèrements de détenus.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a indiqué que des crédits étaient prévus au sein du budget pour 2004, afin de développer la visio-conférence et ainsi décharger les forces de police et de gendarmerie, trop souvent appelées à assurer ces transfèrements.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a apporté deux témoignages à la commission, l'un sur le bilan positif des premières audiences des juges de proximité et l'autre sur les applications prometteuses, dans la sphère judiciaire, de la procédure de numérisation des documents.

La commission a alors proposé au Sénat d'adopter sans modification l'article 79 rattaché et décidé de réserver sa position sur ce budget jusqu'à l'audition conjointe avec la commission des lois, le mercredi 19 novembre 2003, de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

PJLF pour 2004 - Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les crédits de son ministère pour 2004 et sa vision de la réforme budgétaire induite par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord rappelé que cette audition s'inscrivait dans un cycle nouveau, suivant une méthode décidée par le bureau de la commission, tendant à rompre avec les habitudes antérieures, pour porter davantage sous forme de questions ciblées sur les stratégies ministérielles de réforme, dans la perspective, notamment, de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, que sur les prévisions souvent éloignées de la réalité d'évolution des crédits inscrits dans les lois de finances initiales. Dans ce cadre, il a indiqué que la présente audition devait permettre d'évoquer de façon « interactive » les problèmes concrets auxquels était confronté le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Dans un exposé liminaire, M. Nicolas Sarkozy a tout d'abord tenu à souligner que les orientations de ce budget prenaient en compte les propositions du rapport d'information de M. Aymeri de Montesquiou sur l'organisation des forces de la police et de la gendarmerie nationales.

A cet égard, il a exprimé sa conviction que le rapprochement entre les forces de la police et de la gendarmerie nationales constituait un acquis. En outre, il a souligné que les forces mobiles utilisaient désormais la même doctrine d'emploi pour leurs interventions sur le terrain. Il a enfin relevé que l'augmentation du nombre de fonctionnaires administratifs, correspondant à 1.000 emplois de policiers actifs remis sur le terrain en 2003 et à la création prévue de 250 emplois en 2004, permettait une meilleure rationalisation des dépenses, dans la mesure où un poste de policier actif représentait une charge de personnel supérieure de 50 % à celle d'un emploi administratif. Il a également mis en exergue que l'année 2004 marquerait une réforme ambitieuse des corps et des carrières, tant en ce qui concernait les emplois de commissaires (en diminution de 50 postes) que les emplois d'officiers de la police nationale (en baisse de 350 postes) afin que ces catégories de personnel soient revalorisées et disposent de responsabilités d'encadrement accrues.

Il a aussi rappelé la mise en place de primes au mérite dans la police nationale à hauteur de 5 millions d'euros afin de récompenser les fonctionnaires les plus méritants, notamment en cas d'événements exceptionnels se traduisant par des pointes d'activité. Par ailleurs, il a précisé que 3 millions d'euros étaient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 pour financer la création d'une réserve civile et ainsi répondre aux demandes de jeunes retraités.

M. Nicolas Sarkozy a également relevé que l'augmentation de 6 à 8 jours des possibilités de rachat au titre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT) permettrait que les fonctionnaires travaillent davantage et que l'application des 35 heures ne désorganise pas le travail quotidien des services. Il a ajouté qu'une enveloppe de près de 6 millions d'euros permettait de compenser financièrement les astreintes, indiquant qu'il s'agissait de permettre aux fonctionnaires prêts « à travailler davantage de gagner davantage ».

Il a mis en avant plusieurs pratiques d'améliorations de la dépense. Il a d'abord évoqué l'achat en commun à tarif préférentiel par la gendarmerie et la police nationales de pistolets automatiques, dont il a montré un exemplaire. Il a également cité l'anticipation de deux ans de la mise en place d'ACROPOL, laquelle avait permis d'obtenir une réduction des coûts à hauteur de 15 %, et la généralisation de la globalisation des crédits des préfectures qui bénéficieraient de ressources garanties, et en augmentation de 0,2 % par an. Il a précisé qu'au titre de la fongibilité des crédits, les préfets pourraient désormais demander, au moment du départ en retraite d'un fonctionnaire, soit son remplacement par un fonctionnaire de même profil, soit une modification du profil des emplois, soit enfin renoncer à son remplacement et conserver l'intégralité des crédits pour abonder leur budget de fonctionnement. Le ministre a conclu que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) s'appliquerait dans les préfectures avec deux ans d'avance.

Concernant la sécurité civile, il a évoqué le remplacement des deux avions bombardiers d'eau Fokker, la mutualisation des moyens aériens à l'échelle européenne, le regroupement de l'ensemble des services de déminage et la conférence nationale des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dans un contexte d'augmentation des moyens de la sécurité civile qui sera confirmé par la future loi de modernisation pour la sécurité civile.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut remercié le ministre pour ces précisions, un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné le poids des tâches administratives non liées à la sécurité publique et qui constituait un obstacle à l'exercice par les fonctionnaires de la police nationale des missions constituant leur coeur de métier. Conformément à la stratégie ministérielle de réforme (SMR) du ministère, il a souhaité disposer de précisions sur les tâches qu'il était envisagé d'externaliser, leur échéancier et l'impact attendu en termes de disponibilité des forces de police sur le terrain.

M. Nicolas Sarkozy a donné trois exemples d'externalisation possibles. Il a souligné que, 18 mois après sa nomination au gouvernement, le nombre de véhicules immobilisés dans les ateliers de la préfecture de police de Paris était ainsi revenu de 700 à 300, chaque directeur départemental de sécurité publique disposant désormais d'une marge de manoeuvre pour confier la réparation desdits véhicules à des garages privés.

Il a estimé à 4.000 emplois équivalent temps plein le coût du transfèrement des détenus par la police et la gendarmerie nationales, et non par l'administration pénitentiaire. Après l'intervention de M. Michel Charasse, il a relevé que d'autres solutions étaient envisageables, tels la visioconférence et le déplacement des magistrats, suivant une expérimentation décidée en commun, avec le ministre de la justice, en Alsace.

Il a enfin cité la prise en charge par les fonctionnaires de police des procurations de votes, lesquelles avaient mobilisé 500 hommes en 2002.

Concernant la rationalisation des procédures, M. Jean Arthuis, président, a évoqué les possibilités d'extraction informatique de documents comptables numérisés afin de faciliter les enquêtes.

M. Nicolas Sarkozy a rappelé que cette pratique existait pour les enquêtes téléphoniques, et que parallèlement il avait procédé à l'extension du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), dans la perspective de passer de 2.000 à 400.000 empreintes entre 2002 et fin 2004.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité disposer de précisions quant à la prise et à l'exécution des mesures d'éloignement. Il a demandé quel était le stade d'avancement de la création des pôles de compétence « étrangers » qui permettaient de coordonner l'action des services des préfectures et quels étaient les objectifs du ministère en matière de reconduites à la frontière.

M. Nicolas Sarkozy a répondu que ce sujet constituait sa priorité immédiate. Sur les 9 premiers mois de l'année 2003, il a noté que 25.082 personnes avaient fait l'objet de reconduites à la frontière à législation constante, soit une progression de 15 % par rapport à la même période durant l'année 2002. Il a ajouté que cette augmentation s'accélérait, puisqu'en octobre 2003 le taux de progression s'établissait à 22 % par rapport à octobre 2002. Il a précisé qu'il souhaitait parvenir à un doublement du nombre de mesures d'éloignement un an après la promulgation de la loi sur l'immigration, laquelle portait les délais de rétention de 12 à 32 jours. Outre ces moyens juridiques accrus, il a précisé que l'expérience de mise en place de pôles de compétences « étrangers » dans 7 départements avait permis d'améliorer de 72 % le taux d'exécution des décisions d'éloignement au cours des 9 premiers mois de l'année 2003 dans les départements les plus efficaces et qu'il projetait, en 2004, d'étendre cette formule à tous les départements concernés, soit 30 nouveaux départements.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a salué la mise en place d'un dispositif de primes de résultat et demandé des précisions sur sa gestion, notamment les montants envisagés, ainsi que son extension à d'autres catégories de personnel que la police nationale au sein du ministère de l'intérieur, voire sa généralisation à l'ensemble de la fonction publique.

M. Nicolas Sarkozy a observé que le principe de cette réforme était acquis dans son ministère, après la prise en compte des demandes des organisations syndicales quant à une attribution juste et à la possibilité pour toutes les unités d'en bénéficier, et pas seulement les « unités d'élite ».

Il a précisé que les primes de résultat comporteraient 3 parts : une part individuelle en cas d'actes exceptionnels de bravoure ou d'intelligence, une part pour l'organisation de manifestations réussies, telles que le G8, et une dernière part collective attribuée aux services ayant atteint des objectifs quantifiables fixés en début d'année.

Il a précisé que les primes ne dépasseraient pas 500 euros par bénéficiaire et qu'il veillerait à leur versement dans l'année, et non pas longtemps après les actions ayant justifié leur attribution, comme c'était actuellement le cas pour de trop nombreuses primes. Il a ajouté qu'il avait demandé à la direction générale de l'administration d'étudier l'extension de ces dispositifs à l'administration territoriale et à l'administration générale du ministère. Il a conclu quant à la nécessité de reconnaître le professionnalisme des agents de la fonction publique, laquelle concernait l'ensemble des ministères.

M. Jean Arthuis, président, a observé que les primes aux résultats représentaient un changement qualitatif important dans la fonction publique, pour s'en féliciter.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que le coût des services départementaux d'incendies et de secours (SDIS), à la charge des départements, augmentait régulièrement, en particulier du fait des mesures réglementaires et statutaires concernant les sapeurs-pompiers. Il a relevé que le ministre avait annoncé le transfert aux départements de la taxe sur les conventions d'assurance, notamment pour financer cette charge. Il a souhaité obtenir des précisions sur le montant de la ressource correspondante et les possibilités de modulation du taux de cet impôt par les départements.

M. Nicolas Sarkozy a observé que les discussions avec les représentants des assureurs avaient permis d'identifier deux risques aisément localisables, l'assurance automobile et l'assurance multirisques habitation, soit une ressource potentielle de 3,5 milliards d'euros. Il a indiqué que la liberté de vote des taux offerte aux départements ne serait pas complète, afin d'éviter les risques de délocalisation d'un département vers un autre. Il a déclaré étudier la possibilité d'une modulation suivant des taux maximum et minimum autour d'un taux moyen.

M. Jean Arthuis, président, a ajouté qu'il lui apparaissait nécessaire de clarifier la répartition du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), en réponse aux interrogations de leurs présidents.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial des crédits de la sécurité, a remercié le ministre pour son exposé « tonique » et l'assistance de ses services et de ceux du ministère de la défense pour la réalisation de son récent rapport d'information portant sur l'organisation et le fonctionnement des forces de sécurité intérieure.

M. Nicolas Sarkozy lui a alors rappelé qu'il était particulièrement attentif aux propositions figurant dans les rapports parlementaires ou tirés d'expériences étrangères.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a souhaité disposer de précisions quant aux conséquences de l'externalisation, en termes de présence des forces de police sur le terrain. A cet égard, il a souligné que les emplois budgétaires de l'administration du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales diminuaient dans le projet de loi de finances pour 2004, du fait notamment de l'externalisation de certaines tâches : il a rappelé qu'il était proposé 1.000 créations d'emplois dans la police nationale, mais seulement 810 pour l'ensemble des ministères, le solde s'expliquant par une diminution globale des emplois de l'administration générale et territoriale du ministère.

M. Nicolas Sarkozy a souligné qu'il n'avait pas souhaité appliquer dans son ministère une norme générale, comme le remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Il a mentionné le transfert de 25 emplois des préfectures vers le ministère des affaires étrangères, du fait d'un transfert de compétences au profit de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en matière d'asile territorial.

Il a ensuite souligné que les suppressions d'emplois dans les préfectures étaient la contrepartie de promotions, sur des emplois à progression de carrière plus rapide, à un grade plus élevé.

Il a, enfin, ajouté que le nouveau système d'immatriculation « à vie » des véhicules de la police nationale et la réforme de la fabrication des titres d'identité permettraient d'envisager une réduction de 600 emplois à partir de 2006-2007, ce gain devant être partagé entre des économies budgétaires et une amélioration de la situation des agents.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a relevé les facilités qu'offrirait aux usagers la carte d'identité électronique.

En outre, il a souhaité interroger le ministre sur les écarts entre les budgets réalisés et les budgets prévisionnels concernant les crédits de fonctionnement de la police nationale : en 2002, le budget réalisé avait atteint près de 800 millions d'euros, contre une dotation de 600 millions d'euros en loi de finances initiale. Par ailleurs, il a indiqué que la presse avait aussi fait état d'une prévision de réalisation en 2003 supérieure de 20 % aux prévisions initiales.

M. Nicolas Sarkozy a répondu que cette situation était due à l'importance des reports de crédits, soit 135 millions d'euros de 2002 à 2003, mais qu'il espérait une amélioration en 2004 où les reports ne s'élèveraient qu'à 40 millions d'euros.

Il a précisé que ces reports étaient dus aux retards d'enregistrement de factures, et non à une surconsommation de crédits.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a relevé que l'augmentation plus rapide des crédits de paiement et des autorisations de programme dans le projet de loi de finances pour 2004 traduisait une meilleure utilisation des crédits de paiement.

M. Nicolas Sarkozy a toutefois déploré des retards pouvant atteindre jusqu'à 9 ans en matière d'équipements immobiliers. A cet égard, il a déclaré partager l'intention exprimée par le rapporteur spécial de parvenir à une plus grande efficacité de la dépense, ainsi que ce dernier l'avait relevé dans son rapport d'information précité sur l'organisation de la police et de la gendarmerie nationales.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, qui souhaitait obtenir des précisions sur la diminution projetée du nombre de commissaires et d'officiers de police, M. Nicolas Sarkozy a indiqué que cette réforme visait à revaloriser le statut d'officier, en en diminuant le nombre, et en leur conférant de véritables fonctions d'encadrement.

A Mme Marie-Claude Beaudeau qui souhaitait savoir comment seraient choisis et gérés les futurs « réservistes » civils de la police nationale, M. Nicolas Sarkozy a répondu que ces jeunes retraités de la police nationale, volontaires, seraient intégrés à l'organisation de la police et rémunérés comme s'ils étaient encore en activité. Il a ajouté que la constitution de cette réserve civile lui apparaissait d'autant plus indispensable depuis que le service militaire avait été supprimé, et cela afin de pouvoir faire face à des événements d'ampleur, tels qu'une menace terroriste sur l'ensemble du territoire, nécessitant la protection simultanée de très nombreux sites.

A la question de Mme Marie-Claude Beaudeau portant sur les risques encourus par les convoyeurs de fonds opérant dans des voitures banalisées, il a indiqué que les représentants de la profession avaient accepté le dispositif à condition que les convoyeurs soient deux dans chaque véhicule, et armés. Il a précisé que les deux modes opératoires (véhicule blindé et véhicule banalisé avec mécanisme de destruction des billets en cas d'agression) continueraient d'être utilisés.

Enfin, à Mme Marie-Claude Beaudeau qui l'interrogeait sur l'interdiction pour les taxis du Val-d'Oise de prendre en charge des clients à l'aéroport de Roissy, M. Nicolas Sarkozy a souhaité, pour se prononcer, attendre l'examen en séance publique de l'amendement au projet de loi relatif aux responsabilités locales déposé par M. Jean-Philippe Lachenaud sur ce même sujet.

En réponse à M. Philippe Adnot, M. Nicolas Sarkozy ne s'est pas déclaré opposé à ce que les collectivités locales puissent, elles aussi, mettre en place des dispositifs de rémunération de leurs agents au mérite et procéder au rachat de jours « aménagement et réduction du temps de travail » (ARTT).

Après la proposition de M. Philippe Adnot d'allouer aux départements la taxe sur les conventions d'assurance en compensation de la suppression des contingents communaux, M. Nicolas Sarkozy a considéré que cette proposition était envisageable et intéressante, car elle améliorerait l'autonomie fiscale des départements.

A M. Paul Loridant qui déplorait l'effondrement des effectifs dans les commissariats de banlieue en Île-de-France, M. Nicolas Sarkozy a répondu qu'il ne pouvait, compte tenu du délai de recrutement incompressible d'un an des gardiens de la paix, être responsable que de l'état des effectifs à compter du mois d'octobre 2003. Il a indiqué, à cet égard, que 580 policiers supplémentaires seraient affectés à la petite et à la grande couronnes de Paris en 2003 et 2004, et qu'une incitation à l'acquisition immobilière en région Île-de-France était à l'étude afin de limiter les demandes de mutation en province. S'agissant plus précisément du commissariat des Ulis auquel M. Paul Loridant avait fait référence, il a indiqué qu'une commission administrative paritaire prévue le 15 décembre 2003 - juste après les élections des 17 et 20 novembre 2003 - permettrait de procéder à la nomination d'un commissaire.

Au sujet des groupements d'interventions régionaux (GIR) évoqués par M. Paul Loridant, M. Nicolas Sarkozy a estimé qu'ils réalisaient un travail « remarquable », notamment de démantèlement de l'économie souterraine.

S'agissant des secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP) sur lesquels il était interrogé par M. Paul Loridant, M. Nicolas Sarkozy a indiqué qu'il ferait des propositions, à ce sujet, au début de l'année 2004.

Après avoir indiqué à M. Michel Charasse qui souhaitait connaître la durée de travail moyenne des policiers et des gendarmes, que les gardiens de la paix et les officiers avaient une durée hebdomadaire de travail de 40,3 heures (auxquels s'ajoutaient 30 jours ARTT), et que les commissaires de police disposaient de 20 jours ARTT, M. Nicolas Sarkozy a estimé qu'il n'était pas souhaitable de raisonner en termes de durée de temps de travail mais plutôt en taux d'activité, évoquant, dans ce cadre, le nombre de gardes à vue, le nombre de mises sous écrou ou le taux d'élucidation.

M. Michel Charasse a souhaité savoir s'il n'était pas possible d'externaliser les gardes statiques devant les bâtiments officiels français à l'étranger. Il s'est également interrogé sur les mesures destinées à assurer la sécurité de certaines audiences dans les palais de justice.

En réponse, estimant qu'il ne fallait pas s'attacher aux seules apparences extérieures, M. Nicolas Sarkozy a estimé que l'externalisation était une solution possible pour l'ensemble des gardes statiques à l'étranger, mais aussi sur le territoire national. En revanche, il a estimé qu'un renforcement de la sécurité dans certaines audiences de justice pouvait s'avérer nécessaire.

A M. Michel Charasse qui estimait que le produit de la taxe sur les conventions d'assurance pouvait être augmenté en étendant son champ à des primes d'assurance aujourd'hui exonérées, M. Nicolas Sarkozy a indiqué que les assureurs français figuraient déjà parmi les plus taxés d'Europe.

M. Michel Charasse ayant suggéré que les régions rémunèrent les préfectures pour le service des cartes grises et permis de conduire, M. Nicolas Sarkozy a déclaré qu'une telle mesure devait également prendre en considération les intérêts du contribuable local.

M. Roland du Luart ayant indiqué que M. Daniel Vaillant, alors ministre de l'intérieur, avait jugé la question qu'il lui avait posée, concernant le temps de travail des policiers, « inconvenante » au moment où il menait des négociations avec les syndicats et que, en son temps, M. Christian Bonnet, alors ministre de l'intérieur, avait estimé leur temps de travail à 27 heures hebdomadaires, M. Nicolas Sarkozy a rappelé qu'il s'attachait à mesurer plus la qualité du travail que sa quantité. S'appuyant sur de nombreux exemples concrets, il a souligné que l'on ne pouvait réduire le travail des policiers à un nombre d'heures, même s'il a reconnu que des progrès de productivité pouvaient être réalisés.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui estimait qu'il fallait bien recentrer l'activité des policiers sur leur « coeur de métier » et non sur des tâches annexes, M. Nicolas Sarkozy a alors invité les membres de la commission à venir observer « sur le terrain » le travail des unités de la police nationale.

A M. Yann Gaillard qui s'interrogeait sur la fiabilité des statistiques du ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy a indiqué que l'outil statistique, « l'état 4001 », avait été crée en 1972 et qu'il constituait un instrument de mesure à la fiabilité avérée, ne serait-ce que par son mode de renseignement ou sa longévité.

Enfin, en conclusion, conformément à l'objectif fixé lors de son propos liminaire par M. Jean Arthuis, président, M. Nicolas Sarkozy s'est engagé à multiplier par deux le nombre des reconduites à la frontière en 2004 et à ce que, afin de contribuer à la réforme de son ministère, le nouveau dispositif d'immatriculation « à vie » des véhicules et la réforme de la fabrication des titres d'identité puissent permettre une réduction de 600 emplois à partir de 2007.

PJLF pour 2004 - Crédits de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : II - Enseignement supérieur - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite procédé à l'examen des crédits de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : II - Enseignement supérieur sur le rapport de M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial.

A titre liminaire, M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial, a souligné les incertitudes attachées aux statistiques relatives à l'enseignement supérieur, puis il a rappelé trois éléments de contexte : le rebond des effectifs d'étudiants, en raison notamment de l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers ; le bon déroulement de la rentrée universitaire 2003, caractérisé toutefois par l'accentuation des problèmes de logement pour les étudiants ; enfin le fait que trois textes législatifs devaient « remodeler » l'environnement du budget de l'enseignement supérieur, à savoir la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le projet de loi relatif aux responsabilités locales en cours d'examen par le Sénat et le projet de loi de modernisation des universités annoncé pour juin 2004.

Il a ensuite exposé les observations suivantes portant sur le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2004.

En premier lieu, il s'est félicité des mesures nouvelles de ce projet de budget, en particulier la progression soutenue des subventions de fonctionnement aux établissements, l'augmentation du nombre de bourses de mobilité, la poursuite de la modernisation des bibliothèques universitaires, l'accélération du désamiantage du campus de Jussieu et la revalorisation des subventions à l'enseignement supérieur privé dans le cadre de la politique contractuelle.

En deuxième lieu, il s'est félicité de ce que le projet de loi de finances pour 2004, conformément aux préconisations formulées depuis plusieurs années par la commission, se caractérisait par un transfert de moyens de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, à hauteur de 100 millions d'euros selon le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Il a ensuite indiqué que ce transfert s'effectuait, toutefois, dans un contexte caractérisé par trois problèmes majeurs :

- la situation « catastrophique » du logement universitaire, malgré l'accélération de la rénovation des résidences universitaires, et ce, au moment où le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévoyait d'en décentraliser la responsabilité ;

- les effets conjugués de divers facteurs tendant à accroître le coût unitaire de formation des étudiants sans être toujours bien appréhendés, à savoir l'augmentation de moitié en cinq ans du nombre d'étudiants étrangers, qui, répartie, de manière très inégale, invitait à se demander si certains établissements n'avaient pas cherché à « gonfler à toute force » leurs effectifs ; l'allongement de la durée moyenne des études alors que celle-ci était d'ores et déjà relativement longue en France ; enfin le problème persistant de la maintenance du patrimoine universitaire, dont on n'évoquait plus d'ailleurs la décentralisation, mais seulement la déconcentration aux universités ;

- l'absence de refonte des critères de répartition des moyens, au détriment notamment des universités nouvelles, malgré les observations réitérées de la Cour des Comptes.

Puis il a exprimé la nécessité absolue d'une amélioration de la gouvernance et d'une autonomie accrues des universités, tout en soulignant que cette autonomie devait s'accompagner d'un contrôle de légalité et d'une évaluation renforcés, et en s'inquiétant du calendrier d'examen du projet de loi de modernisation des universités.

Enfin, il a détaillé deux leviers de changement : l'impulsion nouvelle donnée à la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur au travers notamment de la diffusion du système dit LMD  (Licence-master-doctorat), d'une part, la mise en oeuvre de loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui devait notamment se traduire par la création d'une mission interministérielle regroupant l'enseignement supérieur et la recherche, ce dont il s'est félicité, d'autre part.

En conclusion, il s'est réjoui de ce que le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2004 prenne en compte plusieurs observations formulées l'an passé par la commission, au travers notamment du transfert de moyens de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, du redressement du taux de consommation des crédits d'investissement à la suite de la réforme des procédures administratives, et de l'introduction d'objectifs et d'indicateurs de qualité du service et d'amélioration de la gestion dans le « bleu budgétaire ».

Un débat s'est ensuite ouvert.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui demandait des précisions quant aux modalités envisagées pour la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial, a exposé que le ministère s'orientait vers l'attribution, aux établissements, d'une subvention globale, y compris pour la recherche, cette globalisation devant s'accompagner, selon le ministère, du renforcement des procédures de contractualisation, dont il convenait toutefois de rappeler qu'elle présentait toujours des retards importants et que la Cour des Comptes en avait souligné les limites dans le cadre de son rapport particulier d'avril 2003 relatif à la gestion du système éducatif. Il a, d'ailleurs, renouvelé le souhait que cette globalisation soit « contrebalancée » par le renforcement du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire effectués par les recteurs, ce qui supposait que ceux-ci soient « politiquement soutenus » et disposent enfin d'un personnel qualifié à cet effet.

M. Jean Arthuis, président, a de même souligné la nécessité de recruter de vrais gestionnaires pour les universités, et suggéré que l'enseignement supérieur bénéficie de transferts de compétences en provenance de la direction générale de la comptabilité publique.

En réponse, M. Jean-Philippe Lachenaud a approuvé ces orientations et rappelé que les efforts d'ores et déjà entrepris devaient être prolongés, pour améliorer la qualification des personnels administratifs des établissements d'enseignement supérieur.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial, a rappelé les préoccupations récurrentes de la commission relatives aux réserves excessives de certaines universités, en déplorant que la mesure adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003 à l'initiative de la commission des finances du Sénat tendant à minorer de 2 millions d'euros la progression des subventions de fonctionnement des établissements disposant de réserves excessives, ait, en fait, affecté l'ensemble des établissements, le ministère ayant expliqué qu'il ne disposait pas de données fiables sur la situation financière de ceux-ci. Il a ajouté que M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avaient d'ailleurs commandité à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche un rapport conjoint sur la situation financière des établissements d'enseignement supérieur.

M. Jean Arthuis, président, a alors exprimé le souhait que ce dernier rapport soit transmis « au plus tôt » à la commission, et il a déploré que le ministère ne soit pas en mesure de répartir ses subventions de fonctionnement en fonction de la situation financière réelle de chaque établissement

M. Roland du Luart et M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial, se sont ensuite accordés sur la nécessité de relever les seuils d'attribution des bourses nationales, en observant notamment que ceux-ci étaient aujourd'hui fixés à un niveau relativement bas pour les familles comprenant plusieurs enfants étudiant dans l'enseignement supérieur.

A cet égard, M. Jean-Philippe Lachenaud a par ailleurs rappelé que M. Luc Ferry avait récemment évoqué la perspective d'une refonte des dispositifs d'aides aux étudiants.

M. Roland du Luart a ensuite observé qu'il avait été, s'agissant des crédits de l'outre-mer, confronté aux mêmes difficultés que M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial, c'est-à-dire le retard et la désinvolture de certaines réponses apportées aux « questionnaires budgétaires », situation que M. Jean Arthuis, président, a déplorée.

Enfin, confirmant les observations du rapporteur spécial, M. Jean Arthuis, président, et M. Roland du Luart, se sont successivement étonnés de la multiplication, dans certaines universités, du nombre d'étudiants étrangers inscrits, dont il semble qu'ils n'aient, en fait, aucune ressource et ne soient, de ce fait, pas en mesure de poursuivre leurs études dans des conditions raisonnables.

A l'issue de ce débat, la commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : II - Enseignement supérieur.

Mercredi 5 novembre 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Hommage à un sénateur décédé 

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, M. Jean Arthuis, président, a fait part à la commission de la nouvelle du décès d'Emmanuel Hamel, sénateur. Après avoir évoqué la personnalité du disparu et souligné son implication dans les débats du Sénat, il a rappelé que celui-ci avait été membre, pendant 12 années, entre 1986 et 1998, de la commission, et avait été un rapporteur spécial très apprécié, successivement du budget des anciens combattants, des comptes spéciaux du Trésor puis du travail. La commission a alors observé une minute de silence en hommage à Emmanuel Hamel.

Contrôle budgétaire - Prélèvements obligatoires et leur évolution - Communication

Puis la commission a repris ses travaux pour entendre une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, après avoir rappelé le cadre dans lequel s'inscrivait le prochain débat sur les prélèvements obligatoires, issu de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), a tout d'abord établi deux constats :

- l'Union européenne était en tête des grands ensembles régionaux de l'OCDE en termes de taux de prélèvements obligatoires (PO), 41 % du PIB pour 36,9 % du PIB en moyenne dans l'OCDE ;

- au sein de l'Union européenne, la France était elle-même parmi les pays connaissant les taux de PO les plus élevés (44,2 % du PIB en 2002).

Il a ensuite montré qu'à la faveur du cycle baissier que connaissait la France depuis 2002, le taux de PO était revenu en-dessous de 44 % du PIB, alors qu'il était de plus de 45 % du PIB entre 1998 et 2000, lorsque la conjoncture économique était favorable. Il a indiqué que cette diminution récente du taux de PO en France était en phase avec l'ensemble de l'OCDE, où 16 des 27 pays la composant avaient connu une baisse de leur charge fiscale en 2002, en partie grâce à des politiques de baisses d'impôts et, en partie, sous l'effet de la décélération économique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite indiqué que les PO en France finançaient principalement les administrations sociales (48 % du total) et l'Etat (39 %), et minoritairement les administrations locales (12 %) et l'Union européenne (1 %). Il a relevé que la part des prélèvements affectés aux administrations de sécurité sociale n'avait cessé d'augmenter depuis 1986.

Il a ensuite détaillé la structure de la fiscalité française, proche de la moyenne européenne, à l'exception de l'imposition du travail, qui était, en France, de 12,4 % du PIB, contre 7,4 % en moyenne dans le reste de l'Union européenne. S'agissant de l'imposition des revenus des ménages (14,9 % du PIB en France et 15,9 % du PIB en moyenne dans l'Union européenne), il a indiqué que la France se caractérisait, avec un taux d'imposition maximal élevé et un seuil d'imposition au taux maximal assez faible, par une imposition relativement désincitative au travail. S'agissant de l'imposition des revenus des entreprises (2,9 % du PIB en France, comme dans l'Union européenne), il a considéré que la France était marquée par des taux nominaux élevés et un rendement relativement moyen en part de PIB. S'agissant de l'imposition de l'épargne longue, il a indiqué que celle-ci était défiscalisée aux trois quarts. Quant à l'imposition des dividendes, il a montré que la France, avec un taux marginal de prélèvement au taux supérieur de l'impôt sur le revenu de 62,75 %, était largement devant l'Allemagne (43,2 %).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite souligné l'importance de la fiscalité dérogatoire avec, selon le XXIe rapport du Conseil des impôts, 418 mesures dérogatoires, pour un coût annuel total de 50 milliards d'euros. Il a estimé que la contrepartie d'une préférence pour des taux nominaux élevés était, ainsi, la création de « niches fiscales ».

Il a considéré que quatre défis devaient être relevés : celui de l'attractivité du territoire, celui du coût croissant des dépenses sociales, celui de la neutralité fiscale globale des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales et celui des alternatives au recours aux PO (qu'il s'agisse du recours à l'usager ou du développement de partenariats public-privé).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite fait quatre séries de propositions.

Il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur un possible rapprochement de l'impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG) et notamment sur la mise en place d'un avis d'imposition unique qui conférerait une vision consolidée de l'imposition personnelle ; par ailleurs, il a souhaité que la CSG demeure affectée à la sécurité sociale, au motif que les dépenses sociales constituaient le facteur le plus « dynamique » d'évolution de la dépense publique.

Afin d'encourager la compétitivité et l'emploi, il a estimé que le « cocktail gagnant » demeurait une baisse simultanée de l'IR et des charges sociales patronales. Il a ajouté qu'il convenait d'alléger la charge fiscale pesant sur les assiettes délocalisables, avec notamment la création d'un statut fiscal pour les impatriés, la rénovation de la fiscalité du patrimoine et la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF). Il a également suggéré la piste d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale afin de dynamiser l'emploi.

S'agissant de la fiscalité de l'énergie, il a témoigné de son intérêt pour les biocarburants dont le régime fiscal lui était apparu archaïque. La récente publication d'une directive européenne sur le sujet, qui fixait d'ambitieux objectifs en termes de production de biocarburants, lui est apparue comme l'occasion d'une adaptation du cadre fiscal français. Il a, en conséquence, souhaité que le ministre de l'agriculture soit saisi de cette question lorsqu'il viendrait au Sénat présenter le budget pour 2004 de son département ministériel.

Enfin, il a souhaité qu'une « loi d'orientation fiscale » confère une meilleure visibilité à la politique fiscale menée par le gouvernement et que le Parlement puisse faire appel en tant que de besoin à l'expertise du Conseil des impôts.

Rappelant que M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'était récemment interrogé sur l'utilité du débat sur les prélèvements obligatoires, M. Jean Arthuis, président, a estimé que la présentation qui venait d'être faite par le rapporteur général était bien la preuve de l'intérêt de ces questions. Il l'a félicité pour la clarté et la pédagogie dont il avait, à nouveau, fait preuve dans la présentation de ces matières, éminemment complexes. Il a ensuite posé la question de la compatibilité des prélèvements obligatoires français avec la mondialisation, dans un contexte marqué par une accélération des délocalisations. Il a estimé qu'un impôt à la consommation à vocation sociale constituait, selon lui, une intéressante piste de réflexion.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est déclaré favorable à l'idée d'un rapprochement entre l'IR et la CSG, mais a rappelé que l'actuel ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire avait soulevé un certain nombre d'objections. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur la faisabilité d'une loi d'orientation fiscale telle que la proposait le rapporteur général, rappelant que l'histoire fiscale française avait toujours été extrêmement cahoteuse, que les cycles économiques ne permettaient que rarement le respect d'engagements de moyen terme, que l'instrument fiscal était l'un des seuls instruments encore aux mains des gouvernements nationaux et que la définition d'une politique fiscale équilibrée était un exercice particulièrement difficile.

M. René Trégouët a obtenu une confirmation du fait que le projet de « TVA sociale », qu'il jugeait intéressant, était euro-compatible. Il a également marqué son intérêt pour la proposition de rénovation du régime fiscal des biocarburants et a indiqué que des recherches sur l'énergie issue de l'hydrogène étaient actuellement en cours, pour la produire soit à partir du pétrole, soit à partir de la biomasse.

Rappelant que la complexité fiscale ne profitait qu'à ceux qui avaient « les moyens de se faire conseiller », M. Philippe Adnot a plaidé pour une imposition sur le revenu à taux unique avec prélèvement à la source. Il a également rappelé que la commission avait voté en 2002 la modulation de l'allègement fiscal en faveur des biocarburants et s'est donc félicité de l'intervention de M. Jean Arthuis, président, lui indiquant que les biocarburants constituaient depuis le début de l'année 2003 l'un des sujets de réflexion prioritaires de la commission, ainsi que son bureau en avait décidé.

En revanche, M. Aymeri de Montesquiou a émis quelques doutes sur l'avenir des biocarburants compte tenu de leur coût de production prohibitif. Il a par ailleurs souhaité des précisions sur l'attractivité du territoire français au regard du flux des investissements nationaux.

M. Yves Fréville a estimé qu'il fallait, au regard de l'évolution des PO, étudier également l'évolution des dépenses publiques car le déficit était une source de PO futurs. S'agissant de l'instauration d'une « TVA sociale » qui engendrerait une certaine inflation, il s'est interrogé sur sa compatibilité avec le fonctionnement de la monnaie unique. Enfin, il a estimé que les avantages fiscaux accordés à l'épargne longue permettaient de financer la dette publique, notamment via la souscription d'obligations au travers de contrats d'assurance-vie.

M. Paul Girod a dit craindre qu'un document global retraçant l'imposition personnelle du contribuable n'ait un effet « dévastateur » et constitue alors un « encouragement efficace » à l'expatriation. Il s'est dit favorable à l'instauration d'une TVA sociale à condition qu'elle remplace la CSG. Il a déploré que la France, auparavant chef de file en matière de biocarburants, soit aujourd'hui dépassée par l'Allemagne.

M. François Marc s'est dit favorable aux biocarburants dans une optique de développement durable. Il a indiqué qu'une récente étude du cabinet Ernst & Young montrait que la France demeurait attractive et que la fiscalité ne constituait pas un élément dissuasif pour les investisseurs étrangers. Il a estimé que la récente diminution du taux de PO en France devait beaucoup à la politique de l'emploi du précédent gouvernement. Il s'est montré dubitatif quant aux chiffres avancés par le rapporteur général relatifs à l'imposition des dividendes. Enfin, il s'est déclaré hostile à un impôt sur le revenu à taux unique, rappelant que la fiscalité contribue à renforcer la solidarité entre les citoyens.

M. Michel Sergent, tout en relevant la clarté de la présentation faite par le rapporteur général, a également affirmé son attachement à la progressivité de l'impôt, rappelant que la France se caractérisait, déjà, par le faible poids de ses PO progressifs. S'agissant de la question de l'attractivité des territoires, il a estimé que la Grande-Bretagne était « moins bien lotie » que la France en termes de services publics.

M. Claude Belot a estimé que les comparaisons internationales devaient s'attacher aux taux de PO, mais aussi aux contreparties de ces impôts. S'agissant des biocarburants, il a estimé, compte tenu du coût de production de cette énergie, qu'un véritable choix politique devait être fait. Il a par ailleurs, regretté que la France se caractérise par une fiscalité défavorable aux réseaux de chaleur. Enfin, il a estimé que la défiscalisation de l'épargne longue constituait un gaspillage compte tenu du taux d'épargne très élevé des ménages en France.

Après avoir souligné la qualité de la présentation faite par le rapporteur général, M. Jacques Oudin a déploré « l'instabilité fiscale » dont la France était « championne ». Il a, toutefois, considéré que la diminution de l'attractivité de la France s'expliquait, avant tout, par les 35 heures et la rigidité du droit du travail. Il s'est dit inquiet de la dérive des dépenses sociales et a souhaité que le recours à l'usager se fasse dans la transparence.

M. Roland du Luart s'est dit sceptique quant à l'opportunité d'une loi d'orientation fiscale. Il a appelé de ses voeux une réforme de la fiscalité du patrimoine et de l'épargne, en déplorant que « les Français qui réussissent quittent le pays ». Enfin, il a indiqué que les biocarburants ne pourraient se développer qu'au prix de fortes subventions.

M. Marc Massion a évoqué la situation de la Suède, où le taux de PO était supérieur à 50 %, mais ne suscitait pas autant de débats qu'en France. S'appuyant sur l'exemple des cantines scolaires, il s'est montré opposé au transfert systématique du financement des services publics du contribuable vers l'usager.

A cet égard, M. Jean Arthuis, président, a estimé que la question du partage du coût entre l'usager et le contribuable était cruciale.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué, s'agissant du rapprochement entre l'IR et la CSG, que l'année 2004 devait être mise à profit par la commission pour avancer sur cette question, estimant qu'il était indispensable que tous les Français se sentent contribuables.

Au sujet de la loi d'orientation fiscale, il a indiqué qu'elle était déjà en germe dans le débat sur les PO prévu par l'article 52 précité de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), et en particulier son deuxième alinéa. Il a reconnu qu'il s'agissait d'un exercice difficile, mais auquel le gouvernement et le Parlement devaient s'astreindre, sauf à placer la politique fiscale entre les mains des « techniciens » de cette matière.

S'agissant des biocarburants, il s'est félicité de l'intérêt des commissaires sur ce sujet. Il s'est dit confiant dans les différentes options techniques et économiques envisageables et a souhaité que la France retrouve sa place de chef de file.

Sur le niveau optimal des PO, il a reconnu qu'il fallait considérer les dépenses publiques qui en étaient la contrepartie. Il a évoqué la Suède, où le pacte national repose sur un taux de PO élevé et un contrôle fiscal beaucoup plus fouillé qu'en France. Il a par ailleurs souhaité qu'une analyse de l'évolution structurelle, et non pas conjoncturelle, du taux de PO puisse être faite, rappelant les théorèmes de « DSK » (les impôts baissent mais les PO augmentent, en période de forte croissance) et de « Lambert » (les impôts baissent et les PO baissent encore plus, en période de faible croissance). Il a considéré que la France demeurait en « cohabitation fiscale », compte tenu de l'accumulation des réformes.

Enfin, il a estimé que le courage politique de cerner les problèmes et d'y porter remède pouvait parfois être récompensé par l'opinion publique.

Puis la commission des finances a donné acte au rapporteur général de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

PJLF pour 2004 - Principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2004

Puis, la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2004, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini
a indiqué que le projet de loi de finances pour 2004 reposait sur l'hypothèse d'une croissance du PIB de 1,7 % en 2004, qui était conforme aux prévisions du consensus des conjoncturistes. Il a précisé que la faible croissance prévue pour 2003, à peine supérieure à 0 %, concernait l'ensemble de l'Union européenne, d'autres pays, tels l'Allemagne et l'Italie, ayant, comme la France, une croissance nulle ou quasiment nulle.

Il a expliqué qu'en conséquence de cette faible croissance, les recettes de l'Etat avaient diminué de 2,8 % en 2002 et devaient baisser de 2,3 % en 2003, la prévision de recettes pour 2003 étant de 218,2 milliards d'euros. Il a ajouté que les moins-values de recettes de l'Etat seraient en 2003, d'au moins 10 milliards d'euros, dont les trois quarts correspondant à des moins-values fiscales. Il a rappelé qu'à l'occasion du débat d'orientation budgétaire du printemps, le gouvernement avait estimé ces moins-values à environ 5 milliards d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que l'évolution spontanée des recettes fiscales en 2004 serait, selon le gouvernement, de 2 %, du fait d'une croissance du PIB nominal de 3,4 % et d'une élasticité des recettes fiscales au PIB nominal de 0,6. Il a déclaré que les baisses d'impôts nettes prévues par le présent projet de loi de finances représentaient près de 3 milliards d'euros, correspondant essentiellement à la baisse de l'impôt sur le revenu et aux allègements de charges sociales. Il a précisé que le périmètre des recettes de l'Etat connaîtrait d'importantes modifications, du fait de la budgétisation du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), de l'affectation aux départements d'une partie des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), de l'intégration, au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de divers concours de l'Etat aux collectivités territoriales, de la suppression de deux comptes d'affectation spéciale et de celle de taxes parafiscales. Il a ajouté que, globalement, les prélèvements obligatoires seraient de 43,6 % du PIB en 2004, contre 43,8 % en 2003.

Il a indiqué que les dépenses de l'Etat devraient connaître une croissance nulle en volume, passant ainsi de 54,3 % du PIB en 2003 à 53,9 % du PIB en 2004. Il a ajouté que cette norme de progression devait être maintenue à l'horizon de l'année 2007. Il a estimé que l'exercice 2004 serait « favorisé » par les efforts de régulation budgétaire réalisés en 2003, année au cours de laquelle 1 % des crédits ouverts, soit 2,7 milliards d'euros, avaient été annulés. Il a précisé que les reports de crédits de l'année 2002 vers l'année 2003 avaient été inférieurs à ceux effectués les trois années précédentes. Il a considéré que les marges de manoeuvre, de 5 milliards d'euros du fait de l'inflation et de dépenses non reconduites, seraient majoritairement, soit à hauteur de 3 milliards d'euros, consacrées à des dépenses inéluctables. Il a indiqué que 13 départements ministériels connaissaient une hausse de leurs crédits supérieure à 1,5 %, soit le taux d'inflation prévu pour 2004, dont ceux de l'intérieur, de la culture et de la justice, alors que 13 enregistraient une baisse, en volume, de leurs crédits, dont ceux du logement et de la ville. Il a affirmé qu'à périmètre constant, les crédits de paiement consacrés à l'investissement augmentaient de 4,1 %, ce qui provenait notamment d'une croissance de 8,2 % de ceux du ministère de la défense. Il a indiqué que deux budgets, celui des services généraux du Premier ministre et celui des affaires étrangères, satisfaisaient à l'objectif de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. Evoquant les perspectives en matière de modernisation des dépenses publiques, il a cité l'externalisation des missions non régaliennes de l'Etat, le renouveau des partenariats public-privé (PPP) et la généralisation de « bonnes pratiques », comme les contrats de performance. Il a évalué le coût budgétaire direct, en 2002, de la réduction du temps de travail à 11,3 milliards d'euros, dont 7,9 milliards d'euros correspondant aux réductions de charges sociales et 3,4 milliards d'euros correspondant aux recrutements publics rendus nécessaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le déficit public serait en 2004 de 55,5 milliards d'euros, soit un montant quasiment identique au déficit prévu pour 2003, de 54,5 milliards d'euros. Il a ajouté qu'il en découlait un recours accru à l'emprunt, les ressources d'emprunt de l'Etat évaluées en loi de finances initiale s'élevant à 126,5 milliards d'euros. Il a déploré que 20 % des emprunts nouveaux doivent servir à financer des dépenses de fonctionnement. Il a déclaré que le stock de la dette négociable augmenterait, pour atteindre 841,1 milliards d'euros en 2004. Il a considéré que la précédente législature avait pratiqué une « fuite en avant », laissant le déficit structurel augmenter, alors que la croissance du PIB était élevée, ce qui expliquait les difficultés rencontrées actuellement par le gouvernement en matière de solde public. Il a indiqué que le programme de stabilité 2005-2007 prévoyait le retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2005, mais un niveau de dette encore supérieur à 60 % du PIB en 2007. Il a estimé que, depuis 1990, la politique budgétaire avait été économiquement plus rationnelle au Royaume-Uni qu'en France et qu'en Allemagne, le Royaume-Uni ayant connu un excédent budgétaire en période de croissance forte. Il a déploré que la France, qui figurait en 1996 parmi les trois Etats de l'Union européenne dont la dette était la plus faible, soit aujourd'hui « classée » au dixième rang. Evoquant la spirale dette-déficit, il a considéré que si toute augmentation du déficit public se répercutait immédiatement sur la dette, l'impact d'une réduction du déficit public sur cette dernière était, elle, longue à se faire sentir.

Il a indiqué que les règles budgétaires s'appliquant en France étaient, essentiellement, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), et le pacte de stabilité et de croissance. Sur le premier point, il a expliqué que la LOLF permettait au Parlement de jouer un « rôle actif » en matière de définition des missions, programmes et indicateurs, et rendait possible, dans le cas des dépenses, un « véritable rendez-vous budgétaire de printemps », le gouvernement devant présenter, dès le débat d'orientation budgétaire, l'architecture des missions et des programmes pour l'année à venir.

S'inspirant notamment des règles budgétaires britanniques, il a considéré que la future réforme du pacte de stabilité et de croissance devrait répondre à six exigences : prise en compte du seul solde structurel ; application de la « règle d'or » de manière cumulée sur ce cycle, selon laquelle le déficit ne devait pas servir à financer des dépenses de fonctionnement ; « symétrie » de la règle de déficit public maximal, afin d'inciter les Etats à dégager des excédents en période de croissance forte ; prise en compte de l'inflation, qui influait sur les taux d'intérêt au même titre que le déficit public ; prise en compte de la dette publique ; expertise économique pluraliste et transparente. Il a indiqué que, si la France et l'Allemagne avaient en 2003 un déficit public supérieur à 3 % du PIB, ces pays avaient une inflation relativement faible, contrairement à l'Irlande et aux pays d'Europe du Sud. Il a ajouté que trois pays avaient une dette publique supérieure à 100 % du PIB (la Belgique, la Grèce et l'Italie), trois autres pays ayant une dette publique inférieure à 40 % du PIB (le Royaume-Uni, le Luxembourg et l'Irlande). Il a estimé que, si l'on prenait en compte l'ensemble de ces critères, peu d'Etats se trouvaient dans une situation favorable, et que globalement la France n'était pas particulièrement « mal placée ».

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2004.

Un large débat s'est alors ouvert.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut félicité le rapporteur général pour la qualité et la clarté de sa présentation, M. Marc Massion et M. Gérard Miquel ont estimé que le coût de la réduction du temps de travail pour les finances publiques, une fois pris en compte les effets bénéfiques de l'augmentation du nombre d'emplois, était moindre que l'avait affirmé le rapporteur général. M. Yves Fréville s'est interrogé sur la notion d'effort structurel, utilisée par le gouvernement. M. Michel Moreigne s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le maintien de la TVA à taux réduit sur le logement et les services à domicile n'était pas comptabilisé parmi les baisses d'impôt. M. Marc Massion a considéré que la réduction des crédits des budgets de la ville et du logement était en contradiction avec la politique affichée par le gouvernement. M. Denis Badré a déclaré que la réduction des crédits des fonds structurels européens, de 6 milliards d'euros, permettrait à la France de réduire son prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de près d'un milliard d'euros en 2004. M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur les règles communautaires d'encadrement du taux de TVA.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la prise en compte de l'ensemble des effets indirects de la réduction du temps de travail, comme son effet négatif sur l'efficacité de certains services publics, ne modifierait pas sensiblement le coût qu'il avait indiqué. Il a expliqué que l'effort structurel correspondait à l'évolution du solde public provenant des décisions des administrations publiques, alors que le solde public structurel correspondait au solde public corrigé de la seule conjoncture, que son évolution découle, ou non, d'une décision politique. Il a déclaré que le fait que le maintien de la TVA à taux réduit sur le logement et les services à domicile ne soit pas comptabilisé parmi les baisses d'impôt venait de ce qu'il ne s'agissait pas d'une mesure nouvelle. Il a précisé que la réduction des crédits du logement provenait essentiellement de la diminution de la rémunération du livret A suite au changement de son mode de calcul. Il a enfin rendu hommage à la perspicacité de M. Denis Badré en matière de finances publiques communautaires et s'est félicité de l'économie qui serait ainsi réalisée en termes de moindre prélèvement sur recettes.

MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, et Denis Badré, ont rappelé le contenu et la portée des règles communautaires en matière d'encadrement de la TVA. Ils ont, en particulier, indiqué que la liste des produits susceptibles de bénéficier du taux réduit figurait dans l'annexe à une directive communautaire, ne pouvant, elle, être modifiée qu'à l'unanimité du Conseil.

Enfin, MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, ont estimé que les partenariats public-privé devaient être utilisés avec prudence, et en particulier faire l'objet d'analyses de risque approfondies.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur général de sa communication.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Sécurité - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen des crédits de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Sécurité, sur le rapport de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial,
a tout d'abord rappelé que la sécurité constituait une priorité de l'action gouvernementale, ainsi qu'en témoignait, notamment, la progression des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2004.

Il a précisé que cet effort était d'autant plus remarquable qu'il intervenait dans le cadre d'un budget resserré, outre des difficultés propres au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales liées à la politique d'aménagement et de réduction du temps de travail (ARTT). Il a ajouté qu'à ce titre, des crédits spécifiques étaient demandés, à hauteur de plus de 62 millions d'euros, dans le projet de loi de finances pour 2004.

Il a souligné que l'inversion de tendance du nombre de crimes et délits, au premier semestre 2003, intervenait après un triplement des faits de délinquance en l'espace de 30 ans. En outre, il a relevé qu'une réflexion était en cours pour améliorer l'outil statistique de suivi de la délinquance, « l'état 4001 », dans la continuité des propositions qu'il avait formulées dans son récent rapport d'information sur l'organisation et les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie nationales.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a rappelé brièvement les données budgétaires pour l'année 2004 : les crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales au titre des dépenses relatives à l'administration, à la police nationale et à la sécurité civile atteignaient 10,08 milliards d'euros à périmètre constant dans le projet de loi de finances pour 2004, en progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.

Il a noté que les effectifs budgétaires prévus s'élevaient à 172.500 emplois, non compris 13.500 adjoints de sécurité, soit une progression de 810 postes à structure constante.

Il s'est félicité que ces prévisions respectent les orientations de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), laquelle avait prévu, au cours de la période 2003-2007, la création de 6.500 emplois supplémentaires et une progression de 1,18 milliard d'euros des crédits de fonctionnement et d'investissement.

Il a relevé que cette progression des crédits de fonctionnement avait une traduction concrète, qu'il s'agisse du renouvellement des uniformes, de la mise en place de terminaux embarqués dans les véhicules, de l'équipement en « flash ball » et du déploiement de nouveaux équipements de contrôle automatisé de la vitesse des véhicules. Sur ce point, il a précisé que l'inscription de cette dotation sur un chapitre 34-42, distinct du chapitre 34-41 qui regroupait les autres dépenses de fonctionnement de la police nationale, traduisait l'individualisation de cette dépense.

Il a toutefois regretté que la question du report des crédits de fonctionnement de la police nationale reste en suspens. L'exécution du budget 2002 avait fait apparaître des dépenses de fonctionnement de la police nationale supérieures d'un tiers à la dotation en loi de finances initiale, soit 200 millions d'euros, dont 133 millions de reports. Il a précisé que la presse avait fait état de reports à hauteur de 20 % de la prévision en loi de finances initiale pour l'année 2003. Il a déclaré qu'il serait vigilant à l'évolution de cette situation, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ayant précisé, lors de son audition par la commission le 4 novembre, qu'il escomptait limiter le niveau des reports à 40 millions d'euros en 2004.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a enfin présenté les réformes de structure du ministère de l'intérieur dans le cadre de la mise en place de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il s'est d'abord félicité de l'adoption d'une logique de performance, dont témoignait la mise en place de primes de résultat dans la police nationale en 2004. Il a également mentionné la responsabilisation des gestionnaires qu'impliquait la globalisation des crédits de préfecture. A l'appui des gains de productivité ainsi réalisés, il a cité l'exemple de la diminution de 12 jours à 7 jours des délais de délivrance des cartes d'identité dans les préfectures globalisées, en relevant que la quasi-totalité des préfectures seraient globalisées en 2004.

Il a ensuite souligné les efforts d'amélioration de la gestion des effectifs, par la résorption des emplois précaires et l'externalisation de certaines tâches administratives.

Il a relevé que la nouvelle nomenclature budgétaire, fondée sur la définition de missions interministérielles, traduisait la volonté de renforcer la cohérence de l'action gouvernementale. En particulier, il a observé que la définition d'une mission « sécurité publique », regroupant les crédits de la police et de la gendarmerie nationale, garantirait la définition d'objectifs et d'indicateurs communs à ces deux forces. Il a ajouté qu'une telle mission approfondirait la coopération opérationnelle entre les deux forces de sécurité publique, les premiers bilans des groupements d'intervention régionaux (GIR) s'avérant, à cet égard, particulièrement encourageants.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a donc émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits pour 2004.

M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur spécial pour cette contribution à la réflexion de la commission, dans le prolongement des propositions figurant dans son rapport d'information précité portant sur l'organisation du temps de travail et des systèmes d'information de la police et de la gendarmerie nationales d'une part, de l'audition du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales par la commission, le 4 novembre, d'autre part.

M. Roland du Luart s'est félicité des gains de productivité induits par la démarche de globalisation des crédits des préfectures, dans le cadre de la généralisation envisagée de ce dispositif en 2004.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a répondu que l'extension de la globalisation à 68 préfectures en 2004 porterait leur nombre à 97. Seules, les préfectures de Paris, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion ne bénéficieraient pas encore de crédits de fonctionnement globalisés à la fin de l'année 2004.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position jusqu'à l'examen des crédits de la décentralisation, le mercredi 19 novembre 2003.

Questions diverses

M. Jean Arthuis, président, a informé la commission que l'audition de M. François Fillon, ministre du travail, des affaires sociales et de la solidarité, prévue pour le jeudi 6 novembre à 11 heures, était annulée en raison d'un empêchement du ministre et serait reportée, en conséquence, à la semaine prochaine.

Audition de M. Henri Lachmann, président directeur général de Schneider Electric

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Henri Lachmann, président-directeur général de Schneider Electric.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le souhait émis par le bureau de la commission, d'auditionner des « grands patrons » non seulement sur la situation de leur entreprise, mais également afin de connaître leur appréciation de la conjoncture ou de diagnostiquer les grands problèmes auxquels la France était confrontée. Il a souligné que M. Henri Lachmann était à la tête d'une des principales entreprises mondiales de la distribution électrique et des automatismes industriels, et que le groupe Schneider Electric était fortement internationalisé, puisqu'il réalisait un chiffre d'affaires de plus de 9 milliards d'euros et employait près de 75.000 personnes dans 130 pays. Il a indiqué que si Schneider avait ressenti le contrecoup de la crise en 2002 puisque son chiffre d'affaires avait diminué de 7,8 %, la société constituait, néanmoins, un cas convaincant de « savoir-faire français », à l'heure où l'on évoquait une désindustrialisation accélérée de notre pays.

Soulignant le repositionnement stratégique opéré par Schneider Electric au cours de la dernière décennie et les relations que M. Henri Lachmann avait eues avec la Commission européenne à l'occasion du projet de fusion avec Legrand, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission souhaitait donc particulièrement recueillir son analyse sur quatre sujets : les opportunités et menaces auxquelles faisait face le tissu industriel en France et en Europe, l'évolution de la conjoncture internationale, les importantes évolutions qui devaient marquer en Europe le secteur de la production et de la distribution d'électricité au cours des prochaines années, et les modalités de contrôle de la concurrence au niveau communautaire.

M. Henri Lachmann a, en premier lieu, évoqué quelques caractéristiques majeures de son groupe. Très centré sur les activités de distribution électrique et d'automatismes industriels, Schneider Electric, qui réalisait 15 % de son chiffre d'affaires et 35 à 40 % de sa production en France, était sans doute l'entreprise la plus rentable de son secteur et faisait partie de ces groupes industriels « désintégrés », en amont comme en aval de la production, ce qui se traduisait par un volume d'achats équivalent à 40 % des ventes, mais par un coût de main-d'oeuvre directe bien inférieur, d'environ 8 % du chiffre d'affaires. Le modèle de développement de l'entreprise lui permettait également d'affirmer une présence à la fois globale et locale. Il a, en outre, insisté sur les mutations qui avaient marqué la physionomie de l'industrie dans son ensemble et sur la nécessité de ne pas l'assimiler aux seuls « cols bleus », dans la mesure où un groupe tel que Schneider employait désormais environ 60 % de « cols blancs », dans des domaines devenus prépondérants tels que la recherche-développement et le « marketing ».

S'agissant de la conjoncture internationale, il a relevé que les Etats-Unis connaissaient une croissance plus rapide qu'escomptée en raison de la vigueur du secteur de la construction résidentielle et de la consommation des ménages, notamment de matériel informatique, mais que l'investissement des entreprises n'avait pas encore redémarré. Il a constaté que la France figurait avec l'Allemagne - qui était toutefois susceptible de se redresser rapidement grâce aux réformes de structure récemment mises en oeuvre - parmi les pays avec la plus faible croissance, à la différence de l'Espagne et de l'Italie qui montraient davantage de dynamisme. Il a fait état, ensuite, de la très forte croissance de certains pays émergents, particulièrement manifeste dans son secteur d'activité : il a ainsi relevé la croissance de Schneider Electric de 22 à 25 % en rythme annuel en Chine, où le groupe possédait quinze sites de production, de 80 % en Inde et de 50 % en Russie. Il a, également, déploré que le lourd handicap représenté par la hausse de l'euro, particulièrement dans son domaine industriel où ce mouvement allait conduire à une perte de 1,6 point de marge d'exploitation en 2003, ne soit pas davantage mis en exergue. Dès lors il a estimé que l'inflation ne devait plus être combattue par des taux d'intérêt européens qu'il jugeait encore trop élevés. Il a alors fait part de son scepticisme quant à la capacité de la France à saisir les prochaines opportunités de croissance.

M. Henri Lachmann a ensuite livré ses appréciations sur le phénomène de « délocalisation », terme auquel il préférait celui de « relocalisation », compte tenu de l'amplitude désormais mondiale des marchés. Il a indiqué que ce mouvement de relocalisation des agents de production comme de conception relevait selon lui de quatre facteurs :

- la nécessité de produire au plus près des marchés, en particulier dans les entreprises de faible intensité capitalistique telles que Schneider Electric ;

- la compensation des fluctuations monétaires, afin de rééquilibrer les recettes et dépenses libellées en Euros ;

- le souci de trouver une main-d'oeuvre plus compétitive, tant en termes de coût salarial que de durée, de flexibilité du travail et d'attitude face au travail ;

- un impératif d'équité entre tous les salariés de l'entreprise, et donc le fait que la France ne soit pas un « sanctuaire » où l'emploi serait nécessairement préservé.

Dans ce contexte, il a estimé que la France était mieux positionnée que l'Allemagne, et que certaines industries demeuraient, par nature, moins sujettes aux relocalisations.

Puis rappelant que son expertise sur le secteur de l'énergie demeurait modérée, il a indiqué que l'électricité représentait une énergie promise à un « bel avenir », car elle répondait au critère qualitatif de fiabilité, après avoir relevé que les déficiences constatées aux Etats-Unis étaient liées à la gestion du réseau plutôt qu'à la génération électrique, et constituait un outil de communication prometteur en permettant le transport de signaux de voix et d'image. Il s'est félicité de ce que la France soit le « leader » mondial en matière de technologie de production et d'exploitation d'électricité, et a, à ce titre, souligné les performances d'Electricité de France (EDF), dont les avantages comparatifs étaient supérieurs à ceux d'autres producteurs nationaux, en particulier européens et américains, et contribuaient à soutenir les progrès de Schneider Electric. Il a cependant souhaité qu'EDF fasse davantage de « l'électricité communicante » le pivot de sa stratégie et développe ses infrastructures.

Abordant le thème du contrôle communautaire de la concentration, M. Henri Lachmann a regretté que la Commission européenne ne place pas la politique de la concurrence au service d'une doctrine industrielle ou économique. Evoquant les difficultés qu'il avait connues à l'occasion de l'examen du dossier de fusion avec Legrand, qui s'était conclu par le refus de la Commission européenne d'autoriser la constitution du leader mondial de la basse tension, il s'est étonné de ce que le seul motif invoqué fut le constat d'une position dominante en France. Il a également indiqué que le processus d'instruction était déficient et avait relevé du « procès d'intention » à l'encontre de son groupe, et que le mode de décision était peu efficace du fait de « l'irresponsabilité des commissaires » et de l'ascendant de M. Mario Monti, commissaire chargé de la concurrence. Il a rappelé que le recours que Schneider avait formé auprès du Tribunal de première instance de Luxembourg avait abouti à un jugement sévère à l'encontre de la Commission européenne, reposant sur le constat d'une violation des droits de la défense et d'erreurs ou d'omissions et contradictions présentant un caractère de gravité certaine. Le Tribunal avait donc annulé la décision de la Commission européenne, mais Schneider Electric n'avait disposé que d'un mois pour réagir, et avait donc dû procéder à la vente de Legrand, ce qui conduisait aujourd'hui le groupe à demander des dommages et intérêts à la Commission européenne. Il a, dès lors, plaidé pour un processus d'examen à la fois plus responsabilisant et plus efficace dans le cadre d'une vraie politique industrielle pour l'Europe.

Cette présentation a été suivie d'un large débat.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir des précisions sur le processus de traitement du dossier précité par la Commission européenne.

M. Henri Lachmann a indiqué que la notification à la Commission européenne ne pouvait avoir lieu tant que l'offre publique d'échange ou le contrat n'avait pas été finalisé, mais qu'il existait un mécanisme de pré-notification. En l'espèce, il a précisé que Schneider s'y était soumis dès novembre 2001 et que cela aurait donc dû inciter la Commission européenne à réagir plus tôt. L'offre publique d'échange n'avait finalement pas été exécutée avant le mois d'août 2002 en raison de discussions avec les actionnaires minoritaires, mais la Commission européenne avait assuré le gouvernement français, dès le mois de juin 2002, que l'opération de rapprochement ne poserait pas de difficultés. Il a, en outre, déploré que l'équipe d'instruction de la Commission européenne fût entièrement française.

M. Aymeri de Montesquiou a fait part de son vif intérêt pour les propos de M. Henri Lachmann et des réactions contrastées qu'ils lui inspiraient. Il s'est ainsi demandé s'il existait réellement un avenir pour l'industrie dans l'Union européenne, et si la renonciation de Schneider à une fusion avec Legrand augurait d'un changement de stratégie et d'objectifs pour la société.

M. Henri Lachmann a indiqué que l'origine géographique des produits importait finalement peu pour le consommateur, et que la qualité était aujourd'hui davantage le fruit du développement produits, du « process » et des méthodes de production que de la dextérité des ouvriers. Il a néanmoins considéré que l'industrie pouvait perdurer en France, dans la mesure où les besoins croissants en qualifications élevées conduiraient à ne pouvoir implanter certains types de sites de production ailleurs que dans des pays industrialisés, du moins dans un premier temps. Il importait donc, selon lui, de privilégier les avantages comparatifs de la France et de réduire les rigidités réglementaires. Il a, à cet égard, relevé l'exemple de la région de Coventry en Grande-Bretagne, où la flexibilité du travail avait permis d'abaisser le taux de chômage à 2 % en dépit de la crise industrielle qui avait affecté cette ville. Il a, dès lors, insisté sur la nécessité de développer « l'employabilité » des salariés français, en particulier par une formation des jeunes qui prenne mieux en compte les besoins de l'entreprise, et une formation tout au long de la vie, notamment pour celles et ceux qui n'avaient pas bénéficié d'une formation initiale.

S'agissant de l'échec de l'acquisition de Legrand, qui aurait représenté une opportunité majeure de prendre la tête du secteur, il a souligné qu'on ne devait pas en attendre un changement de stratégie pour sa société et que les opérations de croissance externe seraient poursuivies. Rappelant que la cession de Legrand avait finalement été effectuée auprès d'un investisseur financier pour un montant de 3,5 milliards d'euros, il a indiqué que ce prix aurait été plus élevé en cas de vente à un concurrent important, car il aurait alors intégré une « prime de nuisance ».

M. Roland du Luart s'est interrogé sur l'impact des 35 heures dans un groupe comme Schneider Electric. Evoquant à partir de son expérience professionnelle le fait que certains conseils généraux pouvaient être propriétaires de l'ensemble des réseaux électriques de leur département, il a également souhaité savoir dans quel délai seraient disponibles les nouvelles technologies de transport de signaux de voix, de données et d'images sur le réseau électrique classique. Enfin, il s'est interrogé sur les moyens de responsabiliser la Commission européenne.

En réponse, M. Henri Lachmann a reconnu que les 35 heures avaient constitué un handicap pour un groupe comme Schneider Electric mais qu'elles avaient été à l'origine de plus de difficultés d'organisation chez les « cols blancs » que chez les « cols bleus ». Il a jugé qu'il s'agissait d'une « entreprise de destruction de la valeur travail ». Il a indiqué que les nouvelles technologies permettant le transport de données sur les lignes électriques classiques, dites « courants porteurs locaux », étaient d'ores et déjà disponibles et qu'elles avaient été mises en oeuvre dans le département de la Manche, à l'initiative du président de son Conseil général. Il a regretté que le gouvernement français n'ait pas souhaité se joindre à Schneider Electric dans son recours en dommages et intérêts contre la Commission européenne, alors que le précédent gouvernement avait soutenu le groupe, lors du précédent recours.

M. Auguste Cazalet a sollicité de l'intervenant quelques précisions chiffrées et, rappelant que 40 % du chiffre d'affaires de Schneider Electric étaient consacrés aux achats, il s'est interrogé sur la dépendance de Schneider Electric à l'égard des matières premières.

M. Henri Lachmann a rappelé que le groupe comptait 75.000 collaborateurs répartis dans 130 pays, dont 16.000 à 18.000 en France. Il a indiqué que les collaborateurs de Schneider Electric en France étaient, pour plus de 50 %, des « cols blancs ». Il a précisé que les achats de l'entreprise consistaient en très peu de matières premières - argent et cuivre - et essentiellement en services et composants déjà transformés -  plastique, tôle d'acier. Il a estimé que la principale ressource stratégique du groupe était la ressource humaine.

M. Maurice Blin s'est demandé si les grosses entreprises n'avaient pas été conduites à reporter sur leurs PME sous-traitantes la charge que faisaient peser les 35 heures sur leurs prix de revient. Il s'est également inquiété de la pénurie, en France comme aux Etats-Unis, des vocations d'ingénieurs pour l'industrie, au profit des services et tout particulièrement du secteur financier. Il a demandé à l'intervenant si ses choix de localisation étaient parfois motivés par la comparaison des prix de revient. Enfin, il a souhaité savoir quels pays étaient considérés comme les plus productifs.

M. Henri Lachmann a reconnu que les 35 heures avaient touché beaucoup plus durement les petites entreprises que les grosses, auxquelles restait toujours la possibilité d'externaliser. Il a jugé très pénalisant pour les entreprises de production le développement de la spéculation financière et a admis que le monde financier avait attiré les talents dont l'entreprise aurait eu besoin. S'agissant des décisions de délocalisation, il a reconnu que deux usines établies en Irlande avaient été transférées en ex-Tchécoslovaquie pour des raisons de prix de revient et a considéré que Schneider Electric serait amené à prendre des décisions semblables concernant une demi-douzaine de petites unités françaises. Il a considéré que, si « la palme de la meilleure productivité » revenait à la Chine, la France bénéficiait néanmoins de la meilleure qualité de main-d'oeuvre.

M. Jean Arthuis, président, a alors conclu ce débat en indiquant que si la France avait « tout pour réussir », elle pouvait néanmoins hypothéquer fortement ses chances de succès et être la victime de transferts d'activité vers d'autres pays, sources de graves déchirures dans son tissu social, ce qu'il déplorait.

Jeudi 6 novembre 2003

 - Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - V - Tourisme - Examen du rapport spécial

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - V - Tourisme, sur le rapport de Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial
, a indiqué que les crédits demandés au titre du tourisme dans le projet de loi de finances pour 2004 étaient en diminution pour la première fois depuis cinq ans. Elle a précisé que le périmètre du budget du tourisme était légèrement modifié par des transferts de crédits au profit du budget de l'aménagement du territoire.

Elle a indiqué que le projet de budget du tourisme pour 2004 s'inscrivait dans un contexte particulier, car il devait prendre en compte, tout d'abord, les décisions prises par le Comité interministériel sur le tourisme (CIT) qui s'était tenu le 9 septembre dernier. Elle a estimé qu'il s'agissait d'un événement d'envergure pour la politique du tourisme, indiquant qu'aucun comité interministériel n'avait eu lieu depuis 20 ans, dans un domaine pourtant fortement caractérisé par l'interministérialité. Elle a déclaré que le CIT avait défini une stratégie nationale, fondée sur une cinquantaine de mesures, afin de permettre à la France de renforcer sa place de première au monde. Elle a rappelé à ce sujet que la France était la première destination touristique au monde, avec 76,7 millions de visiteurs étrangers en 2002.

Indiquant que, parmi la cinquantaine de mesures qui avaient été décidées par le comité interministériel, une grande partie trouvaient d'ores et déjà leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2004, elle a successivement évoqué le plan de relance de la « destination France », qui devait être mis en oeuvre par Maison de la France, la création d'une « marque France », qui devait permettre de symboliser la valeur de l'offre touristique française sur les marchés, ou encore la mise en oeuvre du plan « Qualité France », dont l'objectif consistait à assurer la promotion de la qualité des prestations touristiques offertes sur le territoire français.

Elle a également évoqué la décision prise lors du CIT de renforcer la dimension éthique et solidaire du tourisme, objectif qui devait être atteint par une meilleure prise en compte de l'accès aux vacances des personnes en situation d'isolement. Elle a indiqué que la politique d'accès aux vacances pour tous serait cependant affectée en 2004 par une baisse sensible des dotations budgétaires. De même, elle a estimé que la baisse importante des dotations du programme de consolidation des hébergements de tourisme social laissait craindre un ralentissement de son exécution.

Elle a poursuivi en indiquant que ce projet de budget devait, en outre, anticiper le réaménagement de la répartition des compétences en matière de tourisme entre l'Etat et les collectivités locales qui résulterait du processus de décentralisation actuellement en cours et en particulier, des dispositions qui seraient finalement adoptées par le projet de loi sur les responsabilités locales en cours d'examen.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, a rappelé que la nouvelle phase de décentralisation devait, en effet, conduire à confier une compétence principale en matière de tourisme aux collectivités territoriales, avec comme chef de file la région, et que la principale décision prise lors du Comité interministériel du tourisme consistait en la création d'un correspondant du tourisme au plan régional en métropole. Elle a précisé que ce correspondant devrait, sans doute, se substituer aux délégations régionales au tourisme.

Enfin, elle a évoqué la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) par le secrétariat d'Etat au tourisme.

Elle a indiqué que, conformément aux orientations fixées par la LOLF, il était prévu de regrouper les crédits du secrétariat d'Etat au tourisme dans l'une des cinq missions envisagées pour le ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, en l'occurrence au sein de la mission  « Aménagement, logement et tourisme ». Elle a précisé que le budget du tourisme serait inclus dans un unique programme dont la formulation générale envisagée par le secrétariat d'Etat au tourisme était : « favoriser, pour tous et partout, la promotion et le développement du tourisme français, en France et à l'étranger » et que les crédits inscrits au programme « politique du tourisme » correspondraient au budget du secrétariat d'Etat au tourisme dans son intégralité.

A la suite de son exposé, un débat s'est instauré.

M. François Marc, après avoir relevé la clarté de la présentation faite, a souligné le rôle des campagnes de promotion pour restaurer l'image des régions affectées par des événements comme le naufrage du Prestige.

M. Maurice Blin s'est déclaré sceptique quant à la pertinence des interventions de l'Etat dans le domaine du tourisme, qu'il estimait relever davantage de l'initiative privée. M. Jean Arthuis, président, a déclaré partager ce point de vue.

M. Eric Doligé s'est interrogé sur les modalités du financement du « plan Loire », sur son coût et ses délais de réalisation.

En réponse à ses interlocuteurs, Mme Marie-Claude Beaudeau a souligné le rôle spécifique de Maison de la France, instrument dédié aux campagnes de promotion évoquées par M. François Marc, et a déclaré partager certaines des interrogations émises par M. Maurice Blin et M. Jean Arthuis, président.

M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur spécial pour sa présentation et a souligné qu'il s'agissait d'un budget « économe », dans un contexte de transition lié à la discussion du projet de loi sur les responsabilités locales, ainsi que cela avait été relevé. Il a tenu à rappeler les travaux de contrôle menés dans ce secteur par le rapporteur spécial, évoquant, à ce titre, ses rapports d'information sur « Maison de la France » ou tout récemment sur l'AFIT, pour l'en féliciter.

A l'issue de cette présentation, la commission a décidé de réserver son vote jusqu'à l'audition du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le mardi 18 novembre 2003.

PJLF pour 2004 - Crédits du travail, de la santé et de la solidarité : III.- Ville et rénovation urbaine - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite procédé à l'examen des crédits du travail, de la santé et de la solidarité : III.- Ville et rénovation urbaine, sur le rapport de M. Eric Doligé, rapporteur spécial.

M. Eric Doligé a indiqué que le budget de la ville et de la rénovation urbaine proposé pour 2004 était de 344 millions d'euros, contre 370 millions d'euros en 2003, ce qui représentait une diminution de 7 %. Il a précisé que, selon le « jaune » intitulé « effort financier consacré à la politique de la ville et du développement social urbain », l'ensemble des crédits publics relatifs à la politique de la ville était de l'ordre de 6 milliards d'euros, le budget de la ville ne correspondant, donc, qu'à environ 6 % des crédits concernés.

Il a considéré que la diminution des crédits du présent projet de budget ne traduisait pas la réalité de l'évolution des moyens mis en oeuvre. Il a indiqué qu'il était proposé de porter les crédits de paiement destinés aux dépenses en capital de 97 à 110 millions d'euros, ce qui représentait une augmentation de 14 %. Il s'est réjoui de cette orientation, initiée par la loi de finances initiale pour 2003, qui avait pour objet de rendre les dépenses plus efficaces en les réorientant vers le renouvellement urbain, conformément à la politique annoncée par le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il a considéré que cette augmentation des crédits d'investissement pourrait se traduire dans les faits, le taux de consommation des crédits, en particulier d'investissement, ayant été de plus de 80 % en 2002.

M. Eric Doligé, rapporteur spécial, a en outre indiqué que, selon le « jaune » précité, l'ensemble des crédits publics relatifs à la politique de la ville augmentait en 2004, de près de 600 millions d'euros, soit deux fois le montant des crédits du budget de la ville et de la rénovation urbaine. Il a expliqué que cette augmentation provenait de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui prévoyait la mise en place d'un établissement public, l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), dont le budget, de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2004, devait être financé, notamment, par l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement, dite « 1 % logement ». Il a indiqué que la contribution de l'Union d'économie sociale du logement, de 550 millions d'euros en 2004, expliquait la quasi-totalité de l'augmentation globale des crédits publics consacrés à la politique de la ville et de la rénovation urbaine. Il a précisé que la loi du 1er août 2003 précitée prévoyait également que l'Etat consacre chaque année au moins 465 millions d'euros au financement de l'ANRU, et que le présent projet de loi de finances proposait une contribution égale à ce montant si l'on raisonnait en autorisations de programme, mais pas si l'on prenait en compte les crédits de paiement proposés, qui représentaient 209 millions d'euros.

Il a indiqué que la proposition, faite par la délégation interministérielle à la ville (DIV), en mars 2002, de constituer une mission interministérielle « politique de la ville », avait été abandonnée. Il a estimé que, comme l'avait expliqué la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, une telle mission aurait été artificielle, dans la mesure où elle aurait impliqué de regrouper des fractions de crédits de ministères comme ceux de l'éducation nationale ou de l'intérieur, représentatives de leur contribution à la politique de la ville. Il s'est donc félicité de l'abandon de ce projet, et de la décision d'ériger le budget de la ville et de la rénovation urbaine en programme. Il a indiqué que la question de la mission de rattachement de ce futur programme demeurait posée, le gouvernement envisageant de le rattacher, soit à la mission « aménagement, logement et tourisme » du ministère de l'équipement, soit à la mission « solidarité » du ministère des affaires sociales. Il a estimé que la première éventualité présenterait l'avantage d'être cohérente avec la politique actuellement menée par le ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine, qui accordait un rôle essentiel au renouvellement urbain. Il a jugé que les objectifs et indicateurs retenus dans le cadre de ce programme devaient comprendre, notamment, celui de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de retour au droit commun », inscrit à l'initiative de la commission dans la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. M. Eric Doligé, rapporteur spécial, a, en effet, considéré qu'il était essentiel que le zonage de la politique de la ville corresponde bien aux quartiers les plus en difficulté, ce qui supposait que certains de ces quartiers en sortent si leur situation redevenait normale. Il a estimé que le zonage des zones franches urbaines (ZFU), qui reposait sur les données du recensement de 1990, et qui donnerait droit à des exonérations jusqu'en 2016 pour les dernières entreprises à entrer dans les nouvelles ZFU, était, de ce point de vue, préoccupant. Il a, en outre, considéré que le champ couvert par les objectifs et indicateurs du futur programme devrait être moins large que celui couvert par ceux de l'actuel agrégat « politique de la ville et du développement social urbain », qui, s'ils étaient appropriés dans le cadre d'une mission interministérielle « politique de la ville », ne le seraient pas dans celui d'un simple programme correspondant à l'actuel budget de la ville. Il a émis enfin un avis favorable à l'adoption de ce budget.

Un débat s'est ouvert.

M. Jean Arthuis, président, après s'être félicité de l'éclairage ainsi apporté sur une politique publique essentielle, s'est interrogé sur les chances de succès de la future agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). M. Paul Loridant a jugé particulièrement pertinente la présentation faite et estimé nécessaire de veiller à ce que les subventions aux associations soient bien utilisées. Il a également souligné les difficultés pratiques posées par les opérations de reconstruction-démolition. M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur l'affirmation de la Cour des comptes, citée par le rapporteur spécial dans sa note de présentation, aux termes de laquelle « en fin de période les engagements financiers [pris dans le cadre des contrats de ville] pouvaient avoir été tenus alors que les opérations étaient loin d'avoir toutes été conduites à leur terme ».

En réponse, M. Eric Doligé, rapporteur spécial, a indiqué que, selon le « bleu » relatif à la ville et à la rénovation urbaine, l'objectif était de démolir 26.000 logements sociaux en 2004, ce qui était inférieur à la moyenne annuelle de 40.000 démolitions nécessaires pour atteindre l'objectif de 200.000 démolitions de 2004 à 2008, fixé par la loi du 1er août 2003 précitée. Il a indiqué que, selon la Cour des comptes, les engagements financiers figurant aux contrats de ville ne portaient fréquemment que sur une partie des crédits nécessaires à la réalisation des nombreuses opérations.

MM. Jean Arthuis, président, et Eric Doligé, rapporteur spécial, ont tous deux déploré la complexité de la gestion des contrats de ville.

A l'issue de cette présentation, la commission a, sur proposition de son rapporteur spécial, décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la ville et de la rénovation urbaine pour 2004.

PJLF pour 2004 - Crédits du travail, de la santé et de la solidarité : II.- Santé, famille, personnes handicapées et solidarité et articles 81 et 82 rattachés - Examen du rapport spécial

La commission a enfin examiné les crédits du travail, de la santé et de la solidarité : II.- Santé, famille, personnes handicapées et solidarité et articles 81 et 82 rattachés, sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a en préambule signalé que seulement 47,6 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à la date limite fixée par l'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il a indiqué que les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité seraient de 11,18 milliards d'euros en 2004, contre 15,48 milliards d'euros environ en 2003, soit une diminution apparente de 27,78 % par rapport à 2003. Il a toutefois précisé que, à périmètre constant, les crédits inscrits au fascicule santé, famille, personnes handicapées et solidarité, qui étaient essentiellement des crédits d'intervention,enregistreraient en 2004 une croissance de 3,8 %.

Il a rappelé que ces crédits, bien que tous inscrits sur le même fascicule, ne relevaient pas tous de la compétence d'un même ministre, trois agrégats étant gérés par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, deux par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tandis que le dernier relevait d'une compétence partagée.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a observé que l'exécution budgétaire 2002, qui avait été marquée par la régulation budgétaire, traduisait certaines améliorations, relevant en particulier l'apurement de certaines dettes sociales de l'Etat. Il a cependant précisé que toutes les dettes n'étaient pas encore honorées, rappelant que l'Etat détenait, par exemple, une dette de 18,5 millions d'euros à l'égard de l'assurance maladie correspondant aux factures présentées en 2003 pour les actes afférents à l'interruption volontaire de grossesse intervenus avant le 1er janvier 2003.

Il a ensuite indiqué que l'exécution 2003 se révélait difficile pour le ministère de la santé, qui avait même été amené à réquisitionner certaines entreprises. Il a estimé que les mesures de régulation budgétaire expliquaient une large part de ces difficultés, mais que le ministère avait également peiné à gérer certaines dépenses en raison de problèmes internes à l'administration. Enfin, il a observé que le ministère de la santé avait vu ses marges de manoeuvre amputées, dans la mesure où il avait dû supporter, seul, le financement de la campagne de communication sur la réforme des retraites, pour un montant d'environ 23 millions d'euros.

Concernant la mise en oeuvre de la loi organique précitée du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il a noté que la création de deux missions était envisagée pour regrouper les crédits afférents à la santé, à la famille, aux personnes handicapées et à la solidarité : une mission « solidarité et intégration » et une mission « politique de santé ». Plusieurs catégories de crédits relevant de politiques interministérielles, il a ajouté qu'il était également envisagé, selon les cas, de recourir soit à une mission interministérielle, soit à un projet coordonné de politique interministérielle. Il s'est ensuite montré critique à l'égard de la proposition du ministère, visant à créer un programme commun aux deux missions envisagées, ce qui était contraire à la LOLF et ne pouvait donc être admis en l'état.

Il a ensuite décrit le programme « santé publique et prévention », faisant valoir que le projet annuel de performance esquissé était encore lacunaire et les indicateurs de résultats, très partiels.

Il a donc estimé qu'un travail important de réflexion devait encore être mené et que l'architecture future restait largement à préciser.

Il a ensuite relevé que le projet de budget pour 2004 était marqué par le transfert, aux départements, de la prise en charge du revenu minimum d'insertion (RMI) et du revenu de solidarité dans les départements d'outre-mer, puis il a évoqué l'importance des minima sociaux dans ce budget, l'allocation adulte handicapé représentant, à elle seule, 4,66 milliards d'euros en 2004, soit 41,7 % du budget total.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que plusieurs actions prioritaires apparaissaient dans le projet de budget présenté, notamment la lutte contre le cancer ou la politique en faveur des personnes handicapées. Il a déclaré appuyer la volonté du ministre de la santé de rationaliser l'organisation des agences de sécurité sanitaire et attiré l'attention sur le fait que la rationalisation du dispositif devait également porter sur les liens entre les agences et les directions du ministère.

Il a relevé qu'un effort de maîtrise des dépenses était mené, touchant notamment les actions interministérielles de lutte contre la drogue et la toxicomanie, les dépenses de personnel, les crédits d'intervention en faveur des droits des femmes, ou encore les dépenses de l'aide médicale d'Etat, avec la volonté d'instaurer un ticket modérateur, de redéfinir le panier de soins et de renforcer les contrôles.

Il a cependant estimé que certains chiffrages semblaient parfois incertains, comme celui relatif à la dépense induite par l'aide médicale d'Etat, ou aux frais de justice. Il a insisté sur la croissance des dépenses liées au dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, estimant que les crédits inscrits sur le chapitre 46-81 ne paraissaient pas être en mesure de couvrir l'intégralité des besoins en 2004.

Il a ensuite présenté les articles 81 et 82 rattachés au budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité. Enfin, il a proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits pour 2004 ainsi qu'aux deux articles rattachés.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, après l'avoir félicité, a souhaité que le rapporteur spécial puisse poursuivre en 2004 son effort de contrôle sur les agences de sécurité sanitaire réalisé en 2003. Il l'a également interrogé sur le montant des crédits inscrits au titre du dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile.

Répondant à Mme Marie-Claude Beaudeau, qui a notamment relevé le caractère très divers de ce budget, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que la réduction des dotations budgétaires de l'agence française de sécurité environnementale et de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé s'expliquait par un prélèvement sur le fonds de roulement de ces agences. Il a fait part de sa volonté d'examiner la situation de l'établissement français des greffes, qui serait transformé en agence de biomédecine.

En réponse à M. Joseph Ostermann, il a précisé le statut des auxiliaires de vie.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les articles 81 et 82 rattachés au budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité. En revanche, elle a décidé de réserver son vote sur les crédits de ce budget jusqu'à l'audition par la commission de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, prévue pour le mercredi 12 novembre 2003.