Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis,président.

Développement des territoires ruraux - Examen du rapport pour avis

La commission a, tout d'abord, procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 192 (2003-2004), adopté par l'assemblée nationale en première lecture, relatif au développement des territoires ruraux.

M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, tel que présenté en Conseil des ministres le 3 septembre 2003, et qui avait été renvoyé pour examen au fond à la commission des affaires économiques, comportait 76 articles, mais qu'après son examen à l'Assemblée nationale, il en contenait 182, soit plus du double. Il a souligné, à cet égard, qu'il s'agissait donc bien d'un sujet intéressant la représentation nationale.

Il a précisé que ce projet de loi était le premier texte législatif spécifiquement dédié à la ruralité et qu'il avait pour ambition de replacer l'ensemble des territoires ruraux au coeur de la politique nationale d'aménagement du territoire.

Il a rappelé que sa présentation en Conseil des ministres avait été suivie, le même jour, par un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), au cours duquel avait été adopté un ensemble de mesures en faveur du monde rural.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux poursuivait trois objectifs principaux : favoriser le développement économique des territoires en améliorant leur attractivité ; assurer l'égalité d'accès aux services dans les territoires ruraux ; enfin, protéger certains espaces ruraux spécifiques ou sensibles.

Pour parvenir à ces objectifs, il a indiqué que ce projet de loi avait recours à divers instruments ayant une implication financière et il a précisé que la présence de ces dispositions financières dans le texte avait motivé la saisine pour avis de la commission des finances.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, en est parvenu à l'analyse des diverses dispositions fiscales et financières contenues dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Il a indiqué, dans un premier temps, que le titre Ier de ce projet de loi était consacré au développement des activités économiques dans les territoires ruraux.

S'agissant du volet « zones de revitalisation rurale » (ZRR), il a précisé que celui-ci comprenait initialement deux articles : l'article premier, relatif au nouveau zonage des ZRR, et l'article 2, permettant la création, par les régions, dans les ZRR, de sociétés d'investissement pour le développement rural, ou SIDER. Il a mentionné que l'Assemblée nationale avait ajouté, à ces deux articles initiaux, treize articles, parfois adoptés contre l'avis du gouvernement.

Il a rappelé que les zones de revitalisation rurale avaient été créées par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », qui distinguait deux zonages pour les zones rurales :

- les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP), comprenant environ 12 millions d'habitants ;

- au sein de ces TRDP, les zones de revitalisation rurale (ZRR), comprenant les territoires les plus en difficulté, et représentant environ 4,5 millions d'habitants.

Il a estimé que ces deux dispositifs étaient particulièrement complexes, puisqu'ils comprenaient, à eux deux, pas moins de dix-sept exonérations fiscales et deux exonérations sociales. Il a regretté la difficulté de présenter une vision claire du dispositif, dans la mesure où il n'existait pas d'évaluation du montant de la plupart de ces exonérations.

Pour schématiser, il a déclaré qu'il était possible de retenir les faits suivants :

- les exonérations en TRDP, de nature essentiellement fiscale, s'élèveraient à environ 200 millions d'euros ;

- par rapport à ce dispositif, les ZRR présenteraient un avantage comparatif assez faible, consistant essentiellement en une exonération de taxe professionnelle de cinq ans compensée par l'Etat, estimée à 15 millions d'euros en 2002. A cet égard, il a indiqué que les exonérations sociales en vigueur en ZRR avaient perdu la quasi-totalité de leur intérêt depuis la mise en oeuvre de la politique nationale d'exonération des cotisations sociales patronales.

Il a rappelé que, dans ce contexte, certains sénateurs, dont le président Christian Poncelet, dans une proposition de loi du 24 juillet 2003, et M. Roger Besse, dans son rapport spécial sur les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004, avaient suggéré la mise en place de véritables « zones franches rurales », sur le modèle des zones franches urbaines. Il a cependant souligné qu'un tel dispositif serait fortement limité par le droit communautaire, qui obligeait à respecter divers plafonds d'aide.

Dès lors, M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux proposait de ne modifier qu'à la marge le dispositif des ZRR.

Il a indiqué qu'il était notamment proposé de conserver les critères actuels de définition des ZRR, en remplaçant l'exigence d'appartenance à un TRDP par celle d'appartenance à un EPCI à fiscalité propre.

Il a observé que ces dispositions n'entreraient en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2007 et que les communes en ZRR devraient donc, d'ici là, adhérer à un EPCI à fiscalité propre.

Il a précisé que le dispositif TRDP resterait en vigueur, mais qu'il n'avait aujourd'hui plus guère de sens, dans la mesure où il reposait sur l'ancien zonage communautaire « 5 B », relatif au développement des zones rurales, qui avait aujourd'hui disparu. C'est pourquoi il a fait valoir qu'il était envisagé de le réformer à l'horizon 2006.

Puis il a indiqué que la principale des autres réformes des ZRR proposées par le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux consistait dans la possibilité, pour les régions, de créer dans les ZRR des sociétés d'investissement pour le développement rural (SIDER), sur le modèle des sociétés d'investissement régional, ou SIR.

Il a précisé que la souscription au capital de ces sociétés bénéficierait d'un régime d'amortissement exceptionnel, dont le coût annuel pour l'Etat était évalué à 16,5 millions d'euros.

Par ailleurs, il a précisé que le texte adopté par l'Assemblée nationale comprenait plusieurs articles additionnels, qui modifiaient les exonérations fiscales en vigueur dans les ZRR.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux contenait également des dispositions fiscales et financières plus spécifiquement dédiées au soutien des activités agricoles.

Il a cité, notamment, l'article 4 prévoyant, d'une part, un aménagement des deux dispositifs de déduction fiscale existant en agriculture : la déduction pour investissement et la déduction pour aléas d'exploitation, afin de faciliter la transmission des exploitations concernées par ces dispositifs. D'autre part, il a indiqué que cet article permettait d'exclure de l'assiette des revenus servant de base au calcul des cotisations et contributions sociales agricoles la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ainsi que les indemnités d'abattage attribuées aux éleveurs touchés par l'ESB. Il a estimé qu'il s'agissait d'une mesure particulièrement attendue par les exploitants agricoles.

Il a également fait référence à l'article 10 du projet de loi prévoyant une harmonisation du statut économique et fiscal des entreprises équestres. Il a fait remarquer que cette réforme avait déjà été engagée, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2004. Il a précisé que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux permettait de parachever cette réforme.

Enfin, il a mentionné, pour mémoire, toujours dans le domaine économique, deux articles 12 et 12 bis visant à assouplir les règles régissant les groupements d'employeurs ainsi que des dispositions fiscales favorables à la rénovation du patrimoine rural bâti en ZRR.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a indiqué que, dans le but d'offrir aux familles désirant s'installer en zone rurale l'intégralité des services aux publics auxquels elles pouvaient prétendre, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux contenait des mesures d'incitation à l'installation des professionnels de santé en zone rurale.

Il a notamment cité l'article 38 visant à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones où était constaté un déficit en matière d'offre de soins, ainsi que l'article 40 proposant d'étendre aux vétérinaires l'exonération facultative de taxe professionnelle s'appliquant actuellement aux médecins et auxiliaires médicaux s'installant en zone rurale et d'assouplir le régime de cette exonération.

Enfin, M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a abordé les mesures destinées à la préservation des territoires les plus fragiles, contenues dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Il a déclaré s'être particulièrement intéressé aux dispositions fiscales en faveur de la restructuration et de la gestion durable des forêts privées. Il a rappelé que la commission des finances du Sénat avait été à l'initiative de la mise en place, par la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001, d'un dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt privée. Il a indiqué que le présent projet de loi proposait d'assouplir l'application de ce dispositif en zones de montagne, ainsi que de proroger l'application de l'exonération des droits de mutation à titre onéreux lors de l'acquisition de parcelles forestières ou de terrains nus destinés à être boisés.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a cité la présence dans ce texte de mesures fiscales en faveur des espaces pastoraux ou des zones humides ainsi que la possibilité offerte aux communes de montagne de reverser la taxe de séjour aux EPCI.

Enfin, il a noté la création d'instruments financiers destinés à mieux prendre en compte la spécificité de certaines activités ou de certains territoires ruraux. A cet égard, il a cité, notamment, la création de deux établissements publics industriels et commerciaux, en partie subventionnés par des fonds publics : le « Domaine national de Chambord », dont la mise en place correspondait à un souhait formulé par M. Yann Gaillard, rapporteur spécial des crédits de la culture, dans son rapport d'information n° 378 (2001-2002) sur le patrimoine monumental, et « l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale », sur l'utilité de laquelle il s'est interrogé.

Dans l'ensemble, il a estimé que ce texte, d'une nature très hétérogène, permettait de tenir compte de l'évolution des territoires ruraux et de la diversification de leurs fonctions au cours du temps, notamment depuis le début des années 60. Il a rappelé que la France se distinguait aujourd'hui, parmi ses partenaires européens historiques, par son empreinte rurale forte. Toutefois, il a constaté que certaines zones rurales avaient su tirer parti de nouvelles dynamiques tandis que d'autres s'étaient « enfoncées dans l'isolement ». Il a estimé qu'il était temps de pouvoir rééquilibrer l'espace territorial national et d'offrir une chance aux territoires les plus marginalisés.

Puis un large débat s'est instauré.

M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur pour avis de la clarté de son exposé. Il a jugé le projet de loi hétéroclite, et a estimé que le doublement du nombre de ses articles par l'Assemblée nationale ne lui apparaissait pas constituer un facteur de simplification législative.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur le coût du dispositif ZRR et sur la nécessité de créer une Agence française d'information et de communication agricole et rurale. M. Jean Arthuis, président, a estimé que les ZRR étaient un facteur de contentieux fiscal. Tous deux se sont interrogés, en outre, sur l'opportunité de l'instauration de SIDER.

En réponse, M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il n'existait pas d'évaluation précise du coût des ZRR. Il a rappelé que les exonérations fiscales et sociales propres aux ZRR, de l'ordre de 100 millions d'euros par an, avaient perdu l'essentiel de leur intérêt avec la mise en place d'une politique nationale d'exonération de cotisations sociales patronales. Il a exprimé ses doutes quant à l'utilité des SIDER. Il a estimé que si la création de l'établissement public industriel et commercial pour la préservation et la gestion du Domaine national de Chambord, proposée par M. Yann Gaillard, était une excellente mesure, celle de l'établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « Agence française d'information et de communication agricole et rurale » ne répondait pas à un véritable besoin.

M. Yann Gaillard s'est félicité de la création du « Domaine national de Chambord ».

M. Eric Doligé a jugé particulièrement complexe le dispositif de l'article 38 du projet de loi, relatif aux aides octroyées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour favoriser l'installation et le maintien des professionnels de santé dans certaines zones rurales.

MM. François Marc, Jacques Oudin et Aymeri de Montesquiou ont souligné l'hétérogénéité du projet de loi. M. François Marc s'est interrogé sur le montant de l'engagement financier de l'Etat. M. Jacques Oudin a estimé que l'article 49 du projet de loi, relatif aux zones humides d'intérêt environnemental particulier, proposait de créer un dispositif concurrent des commissions locales de l'eau. M. Aymeri de Montesquiou a estimé qu'il fallait consacrer davantage de moyens au développement des territoires ruraux.

En réponse, M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi correspondait à un engagement financier annuel de l'Etat de l'ordre de 100 millions d'euros. Il a estimé que l'article 38 du projet de loi était utile, parce qu'il prévoyait explicitement la compétence des communes et des départements, alors que, selon le droit actuel, les aides directes ou indirectes étaient du ressort principal des régions, les communes et les départements n'intervenant qu'en complément de la région, dans le cadre d'une convention.

MM. Jean Arthuis, président, et Yves Fréville ont estimé que cet article empêcherait les collectivités territoriales d'attribuer des aides aux professionnels de santé en dehors des zones pour lesquelles était constaté un déficit en matière d'offre de soins.

M. Yann Gaillard s'est demandé si cet article, qui prévoyait la conclusion de conventions auxquelles seraient parties, notamment, les organismes d'assurance maladie, n'était pas prématuré, alors que le système d'assurance maladie devait prochainement être réformé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur la compatibilité de l'article 53 du projet de loi, instaurant une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones humides, avec la « doctrine » de la commission des finances, selon laquelle les exonérations de fiscalité locale décidées par les collectivités territoriales ne devaient pas être compensées par l'Etat.

En réponse, M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, a estimé que la nécessité d'inscription des propriétés concernées sur une liste dressée par le maire, sur proposition de la commission communale des impôts directs, ne faisait pas de l'exonération proposée un dispositif décidé au niveau local, le pouvoir du maire étant celui de refuser, éventuellement, cette exonération. Il a considéré qu'en conséquence, la compensation de cette exonération était compatible avec la « doctrine » de la commission des finances précédemment rappelée.

M. Michel Moreigne a déploré qu'une part importante des dispositions du présent projet de loi implique une contribution financière importante de la part des collectivités territoriales.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis.

A l'article premier (modification des critères de détermination des zones de revitalisation rurale), la commission a adopté cinq amendements. Trois tendaient respectivement à prévoir que les seuils de densité démographique permettant de bénéficier du classement en ZRR étaient fixés au niveau réglementaire, à préciser que toute collectivité territoriale, et pas seulement la commune, pouvait s'opposer à l'exonération de taxe professionnelle en ZRR, et à étendre au 31 décembre 2009 la possibilité, pour une entreprise, d'entrer dans le dispositif d'exonération de taxe professionnelle en ZRR ; les deux autres amendements étant rédactionnels.

M. Paul Girod a souhaité obtenir une précision concernant les collectivités territoriales concernées par les mesures fiscales en ZRR. En outre, il a estimé que certaines communes n'appartenant pas à un EPCI mais se trouvant sur le territoire d'une ZRR devraient adhérer à un EPCI pour bénéficier des mesures fiscales spécifiques aux ZRR.

La commission a ensuite émis un avis favorable sur l'article premier bis (prorogation et extension aux travaux de rénovation de l'amortissement exceptionnel pour les immeubles implantés en zone de revitalisation rurale ou en zone de revitalisation urbaine).

Après l'intervention de M. Yann Gaillard, elle a émis un avis défavorable sur l'article premier ter (reversement des sommes que les entreprises n'avaient pas acquittées au titre des différentes exonérations, quand elles quittaient volontairement une ZRR ou délocalisaient leur activité hors d'une ZRR), estimant que celui-ci introduisait une complexité inutile, alors qu'une disposition analogue existait dans le cas de l'exonération de taxe professionnelle. Elle a également émis un avis défavorable sur l'article premier quater (exonération temporaire d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle au profit des professions libérales s'installant dans les ZRR), considérant que cet article faisait en grande partie double emploi avec les articles 38 (aides octroyées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour favoriser l'installation et le maintien des professionnels de santé dans certaines zones rurales) et 40 (exonération de taxe professionnelle s'appliquant aux vétérinaires, médecins et auxiliaires médicaux s'installant en zone rurale).

Elle a émis un avis favorable sur les articles premier quinquies (allongement, sur décision des collectivités territoriales, de la durée de certaines exonérations fiscales en faveur des entreprises nouvelles dans les ZRR), premier sexies (exonération du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties au profit de certains logements situés dans une ZRR) et premier septies (possibilité, pour les collectivités territoriales, de bénéficier de la déductibilité de la TVA ayant grevé la construction ou l'acquisition d'un immeuble loué).

Elle a émis un avis défavorable sur l'article premier terdecies (exonération pour certains organismes situés en ZRR des cotisations patronales, du versement transport et des cotisations au fonds national d'aide au logement), estimant en particulier que, du fait du dispositif d'exonération de cotisations patronales existant au niveau national, le dispositif proposé induisait une complexité excessive par rapport à l'avantage proposé.

La commission a émis un avis favorable sur les articles 2 (création des sociétés d'investissement pour le développement rural) et 2 bis (extension aux sociétés d'investissement pour le développement rural du régime d'amortissement exceptionnel applicable pour la souscription au capital de sociétés d'investissement régional).

A l'article 3 ter (modification du dispositif incitatif au développement des résidences de tourisme en zone rurale), après l'intervention de M. Paul Girod, la commission a adopté deux amendements. Le premier visait à supprimer une disposition étendant potentiellement à l'ensemble du territoire le bénéfice du dispositif d'incitation fiscale aux travaux de réhabilitation de logements situés dans des résidences de tourisme en ZRR. La commission a, en effet, considéré qu'une telle disposition n'était pas à sa place dans un projet de loi ayant pour objet d'effectuer une « discrimination positive » en faveur des territoires ruraux. Le second amendement adopté par la commission tendait à aligner les obligations en matière de logement des saisonniers, dans le cas des travaux de réhabilitation, sur celles en vigueur dans le cas de l'acquisition de logements neufs.

A l'article 4 (transmission à titre gratuit de la déduction pour investissement et de la déduction pour aléas d'exploitation et exclusion de la dotation en capital pour jeunes agriculteurs de l'assiette servant de base au calcul des cotisations sociales), la commission a adopté un amendement apportant une clarification rédactionnelle s'agissant des modalités d'application de cet article.

Après l'intervention de MM. Paul Girod et Michel Moreigne, elle a émis un avis défavorable sur l'article 9 (conditions d'indemnisation des producteurs de végétaux dans le cadre de la lutte contre les organismes nuisibles), compte tenu de son imprécision quant aux modalités de financement du dispositif proposé.

A l'article 10 (harmonisation du statut économique et fiscal des entreprises équestres), après l'intervention de MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Yves Fréville, elle a adopté un amendement tendant à préciser l'existence, en loi de finances initiale pour 2004, d'un mécanisme de compensation aux collectivités territoriales.

Après l'intervention de MM. Paul Girod et Yann Gaillard, elle a émis un avis défavorable sur l'article 10 quinquies (régime fiscal des zones truffières), estimant qu'il ne répondait pas à l'objectif poursuivi et qu'il s'avérait inapplicable juridiquement.

Elle a émis un avis favorable sur les articles 12 (élargissement du régime d'exonération des groupements d'employeurs du paiement de la taxe d'apprentissage), 12 bis (constitution d'une réserve défiscalisée en prévision de la mise en oeuvre de la responsabilité solidaire des groupements d'employeurs), 35 (dispositions fiscales en faveur de la rénovation des locaux destinés à l'hébergement des salariés saisonniers), 36 (déduction forfaitaire applicable aux revenus des loyers perçus en ZRR) et 36 bis (précision concernant la mise en oeuvre de certaines dispositions en faveur des travaux de réhabilitation et d'amélioration des logements en outre-mer).

A l'article 38 (aides octroyées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour favoriser l'installation et le maintien des professionnels de santé dans certaines zones rurales), la commission a adopté un amendement apportant une précision rédactionnelle.

Elle a émis un avis favorable sur les articles 40 (exonération de taxe professionnelle s'appliquant aux vétérinaires, médecins et auxiliaires médicaux s'installant en zone rurale), 42 (assouplissement du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement forestier (DEFI-forêt) en zones de montagne), 43 (prorogation de l'exonération de droits de mutation à titre onéreux de parcelles forestières ou de terrains nus destinés à être reboisés), 46 (exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les espaces pastoraux), 53 (exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones humides) et 63 (possibilité pour les communes de montagne de reverser tout ou partie de la taxe de séjour aux établissements publics de coopération intercommunale).

A l'article 75 (création d'un établissement public industriel et commercial pour la préservation et la gestion du domaine national de Chambord), elle a adopté deux amendements de nature rédactionnelle.

Elle a émis un avis favorable sur l'article 75 bis (sanctions fiscales en cas d'infractions aux dispositions communautaires ou nationales relatives aux distillations de vins issus de cépages classés à la fois comme variétés à raisin de cuve et comme variétés destinées à l'élaboration d'eaux-de-vie à appellation d'origine).

Elle a émis un avis défavorable sur l'article 75 ter (création d'un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « Agence française d'information et de communication agricole et rurale »), s'interrogeant sur l'utilité de l'agence qu'il proposait de créer, et estimant que les objectifs et les modalités de financement de celle-ci étaient insuffisamment précis.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite nommé :

- M. Jacques Chaumont, rapporteur sur le projet de loi n° 234 rectifié bis (2003-2004), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République de Croatie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole) ;

- M. Philippe Marini, rapporteur général, rapporteur sur le projet de loi n° 242 (2003-2004), portant ratification de l'ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives ;

M. Jean Arthuis, président, rapporteur sur la proposition de loi organique n° 236 (2003-2004) présentée par MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt, tendant à instituer une suite parlementaire à la publication du rapport public annuel de la Cour des comptes ;

- M. Philippe Marini, rapporteur général, rapporteur sur la proposition de loi n° 239 (2003-2004), présentée par M. Philippe Marini, tendant à modifier les modalités de paiement de la redevance d'occupation du domaine public.

Organisme extraparlementaire - Comité des finances locales

La commission a, enfin, désigné M. Yves Fréville, candidat titulaire, et M. Michel Mercier, candidat suppléant, proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Comité des finances locales.

Mercredi 14 Avril 2004

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Méthodes de contrôle budgétaire - Audition de M. Thierry Bert, chef de l'inspection générale des finances, de M. Daniel Limodin, chef de l'inspection générale de l'administration, de M. Roger Linsolas, adjoint au chef de l'inspection générale des affaires sociales, et de M. Dominique Conort, chef du contrôle général des armées

La commission a procédé à l'audition de M. Thierry Bert, chef de l'Inspection générale des finances, de M. Daniel Limodin, chef de l'Inspection générale de l'administration, de M. Roger Linsolas, adjoint au chef de l'Inspection générale des affaires sociales, et de M. Dominique Conort, chef du Contrôle général des armées.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le contexte dans lequel cette audition intervenait, après celles de la semaine précédente, lié à la réaffirmation des pouvoirs de contrôle des commissions des finances, tels que prévus par l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s'est félicité que la commission des finances souhaite affiner ses méthodes de contrôle budgétaire, ainsi qu'il en avait été convenu lors du séminaire de réflexion tenu à Compiègne les 2 et 3 février dernier. Il a souligné que la commission rencontrait, dans cette perspective, les responsables des grands corps de contrôle des principaux ministères. Il a remercié, en son nom, en celui du rapporteur général et en ceux des rapporteurs spéciaux, les chefs d'inspection présents, pour la promptitude avec laquelle ils avaient communiqué, en 2004, les rapports qui leur avaient été demandés par la commission des finances du Sénat, en application de l'article 57 précité, soit 100 rapports demandés à l'Inspection générale des finances (IGF), 35 rapports demandés à l'Inspection générale de l'administration (IGA) et 29 rapports demandés à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Il a souhaité que les représentants des quatre grands corps d'inspection puissent présenter les méthodes de contrôle et les diligences accomplies, afin de parfaire la connaissance des commissaires en ces matières et d'améliorer encore les relations entre la commission des finances et les inspections, dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF du 1er août 2001 qui consacrait, en effet, la « seconde nature » de la commission des finances, à savoir le contrôle budgétaire.

M. Thierry Bert a indiqué que les quelques rapports que l'IGF n'avait pas encore transmis à la commission des finances étaient encore en cours d'élaboration, les procédures contradictoires n'étant pas achevées, notamment celle qui concernait le rapport relatif au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Il a présenté l'inspection générale des finances, en signalant la faible dotation en personnels de l'IGF, soit 33 jeunes inspecteurs et 35 inspecteurs généraux sur un corps de 200 membres actifs, 280 en incluant les inspecteurs généraux à la retraite. Il a souligné la très faible proportion des inspecteurs généraux actifs dans le corps, ce ratio étant d'autant plus inquiétant que le champ potentiel d'action de l'IGF était très vaste.

Il a rappelé que l'IGF exerçait ainsi un contrôle interne des services du ministère de l'économie et des finances, comprenant 190.000 agents. Il a noté que, pour respecter le ratio d'un pour mille entre effectifs et service d'audit interne observé dans les entreprises privées, l'IGF devrait être dotée de 190 inspecteurs actifs. Il a précisé que l'IGF devait également exercer des missions de contrôle définies par le législateur, telles que le contrôle des universités, aux termes de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur, le contrôle des chambres de commerce, en coordination avec l'Inspection générale de l'industrie et du commerce, et le contrôle, selon lui, « de tous les endroits où pouvait se trouver en France de l'argent public », en application de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Il a observé que l'importance du champ de compétence expliquait, d'une part, la difficulté de programmation des actions de l'IGF qui devait, en outre, tenir compte des urgences fixées par le ministère, et, d'autre part, le caractère très interministériel des programmes de contrôle.

M. Thierry Bert a rappelé que l'Inspection générale des finances était l'héritière du service de vérification comptable des caisses napoléoniennes. Il a noté que la vérification comptable était un exercice systématique, qui s'exerçait sur place et à l'improviste, auquel tous les jeunes inspecteurs des finances devaient se familiariser. Il a indiqué qu'à cette mission traditionnelle s'était ajoutée la vérification de la comptabilité, contrôle plus large, seul à même de « contrer l'imagination des fraudeurs », comme en témoignait l'exemple de l'Etablissement français du sang en Bretagne, soumis pourtant à deux contrôles successifs de la Cour des comptes et de la société anonyme KPMG, sans que l'organisation, en « tourniquet », des fournisseurs n'ait été décelée avant le contrôle de l'IGF.

M. Thierry Bert a souligné que l'IGF, comme tout autre organisme de contrôle, qu'il soit public ou privé, pouvait être « abusée par un détournement astucieux », notamment parce qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de police, d'aucun pouvoir de recoupement de fichiers et qu'elle était limitée à un contrôle sur pièces.

Il a expliqué qu'à la demande du gouvernement l'Inspection générale des finances avait développé trois nouveaux types de mission : des enquêtes générales sur des politiques publiques, telles que la politique de la ville, des audits de performance d'un organisme, tel que le CNRS, et des activités d'assistance visant à permettre la mise en place de projets d'un ministère. Il a précisé que l'IGF avait ainsi aidé pendant trois à quatre mois les services du ministère de la justice et les services des douanes à élaborer des indicateurs de performance. Enfin, il a ajouté que l'IGF expertisait les contrats de performance de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), appréciant l'état d'avancement des contrats d'objectifs et la validité des données fournies.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui souhaitait savoir si l'IGF rendait des avis sur ces contrats de performance, M. Thierry Bert a précisé que l'IGF était désormais chargée de cette nouvelle mission.

M. Daniel Limodin a indiqué, à titre liminaire, que son service était moins directement concerné par les vérifications à caractère financier que l'IGF. Il a souligné que les effectifs de l'IGA étaient faibles, ne comptant que 73 personnes, dont 50 agents opérationnels, les autres étant hors cadre, mis à disposition, ou dans d'autres positions statutaires. Il a déploré que le corps des inspecteurs généraux de l'administration soit caractérisé par une « pyramide hiérarchique inversée », les inspecteurs les plus gradés étant les plus nombreux, et les inspecteurs de grade intermédiaire étant en effectif insuffisant. Il a noté que la mise en place des contrôles nouveaux prévus par la LOLF mobilisait des effectifs importants, soit 12 jeunes inspecteurs au sein de l'IGA et 2 inspecteurs généraux au sein du comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), chargés plus particulièrement des budgets de l'outre-mer et de l'intérieur. Il a estimé que l'augmentation des effectifs de l'IGA était nécessaire, et que le recrutement par la voie du troisième concours de l'ENA pourrait correspondre aux besoins du corps d'inspection.

M. Daniel Limodin a précisé que le champ d'intervention de l'IGA couvrait tous les domaines d'action du ministère de l'intérieur, notamment les préfectures, et du ministère de l'outre-mer, qui pouvait désormais requérir directement les services de l'IGA.

Il a rappelé que la mission permanente de l'IGA était de contrôler les crédits de fonctionnement des préfectures. Il a noté que la globalisation de ces crédits, expérimentée sur le territoire national en 2001 et en 2002 et en cours d'expérimentation dans les départements d'outre-mer, permettait une réorientation des fonctions de l'IGA. Il a ajouté que l'IGA concentrait actuellement son contrôle sur la sécurité des préfectures, et notamment de leur système d'information, et participait à la commission interministérielle de coordination des contrôles des fonds structurels.

M. Daniel Limodin a ensuite présenté les missions « conjoncturelles » de l'IGA, qui représentaient les deux tiers des missions effectuées et portaient sur tous les domaines de compétence du ministère de l'intérieur.

Il a indiqué, à titre anecdotique, que l'IGA avait été confrontée aux premières conséquences de l'application de la LOLF par une lettre du président de la commission des finances du Sénat, relative aux pouvoirs de contrôle des commissions des finances, tels que prévus par l'article 57 de la LOLF et lui demandant, à ce titre, communication de rapports d'inspection. Il a souligné que, dans un premier temps, l'obligation de communication des rapports de l'IGA s'était traduite par une diminution des demandes de contrôle sur les missions sensibles. Il s'est félicité que cette prudence initiale ait été abandonnée.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Daniel Limodin a précisé que les rapports communiqués aux commissions des finances ne différaient pas des rapports transmis au ministère, relevant, à ce titre, que l'informatisation des procédures permettrait un recensement exhaustif de ces derniers.

Il a indiqué, de plus, que l'action de l'IGA prenait en compte, dès aujourd'hui, les objectifs de la LOLF et que de nombreux rapports, visant à expertiser les indicateurs de performance dans les domaines de la police, de la gendarmerie, de la sécurité routière, de la police des étrangers et de la police des aéroports internationaux avaient été demandés par le gouvernement. Il a par ailleurs précisé que l'audit du programme « police » touchait à sa fin.

M. Jean Arthuis, président, a estimé indispensable que les rapporteurs spéciaux puissent prendre appui sur les services d'inspection pour évaluer les indicateurs de performances mis en place dans le cadre de la LOLF.

M. Roger Linsolas a rappelé que l'IGAS n'avait pas l'ancienneté des deux corps d'inspection précités, mais que ses effectifs étaient plus nombreux, comptant près de 160 agents, dont 60 en détachement.

Il a indiqué que l'existence d'une structure pyramidale inversée n'avait pas de répercussion sur l'organisation du corps d'inspection, dans la mesure où l'IGAS organisait un recrutement au tour extérieur de personnels issus des cadres du ministère ou des services déconcentrés, à un rythme de deux par an. Il a souligné que la moitié des 160 inspecteurs de l'IGAS était issue de ce recrutement extérieur.

Il a rappelé que l'IGAS produisait entre 150 et 160 rapports par an, sur commande immédiate des onze ministres et secrétaires d'Etat compétents dans le domaine social. Il a précisé que l'IGAS tentait de structurer son action par une programmation annuelle représentant 35 à 40 % de ses contrôles. Il a indiqué que les activités de l'inspection étaient de trois ordres : un socle minimal d'inspection des organismes et services déconcentrés agissant dans le domaine social, un rapport annuel prévu par le législateur en 1996, portant sur une thématique précise depuis 2000, et des suggestions faites aux ministres sur des pistes de réflexion qui avaient abouti, cette année, à l'établissement d'un diagnostic préalable au renouvellement des conventions d'objectif et de gestion signées avec la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Il a observé que l'essentiel du travail de l'IGAS résultait des demandes directes des ministres et que 20 à 25 % des activités de contrôle concernaient le secteur de la santé.

Il a noté que l'IGAS avait largement amendé sa tradition de confidentialité et que, désormais, 75 rapports, dont 30 datant de 2003, étaient ainsi accessibles sur le site internet de la documentation française.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'obligation de communication des rapports de l'IGAS avait eu des conséquences sur leur contenu et leurs conclusions.

M. Roger Linsolas a estimé que l'obligation de communication résultant de l'article 57 précité de la LOLF avait entraîné une plus grande rigueur, mais n'avait pas eu pour conséquence la « censure » de certaines conclusions. Il a observé, toutefois, qu'un rapport n'était publié que six mois ou un an après sa transmission au ministre, afin de lui laisser le temps d'agir s'il le souhaitait. Il a également jugé qu'il était préférable de rendre publics les résultats d'une inspection, afin d'éviter le risque d'une « déformation caricaturale » des conclusions de l'IGAS par les médias, se fondant sur des « fuites » ou des informations tronquées.

S'agissant de l'impératif de rigueur, il a indiqué que le travail individuel des inspecteurs avait été enrichi par la mise en place d'une procédure contradictoire et de procédures internes, telles que l'examen, par un « comité de pairs », des conclusions d'un rapport et la relecture par un autre inspecteur.

M. Dominique Conort a noté que la mission du Contrôle général des armées (CGA) était peu connue. Il a souligné que ce contrôle était effectué par des militaires. Il a rappelé que la création du CGA résultait du besoin de faire face à la forte déconcentration de l'organisation des forces armées.

Il a indiqué que les membres du CGA relevaient statutairement du ministre de la défense, échappant ainsi à la hiérarchie militaire traditionnelle et que chaque contrôleur, représentant direct du ministre, disposait d'un large pouvoir, auquel ne pouvait être opposé le secret défense. Il a ajouté que la seule limite à l'action du CGA était l'interdiction d'interférer dans une action militaire.

M. Dominique Conort a présenté le système de recrutement original du Contrôle général des armées. Il a indiqué qu'il s'agissait d'un « corps de seconde carrière » auquel l'accès était ouvert par concours ou examen, soit aux alentours de 38 ans, soit aux alentours de 50 ans. De plus, il a noté que, depuis 1977, six emplois de contrôleurs généraux extraordinaires avaient été créés, et étaient occupés par de hauts responsables des différentes armées. Il a remarqué que, contrairement aux autres corps d'inspection précités, le CGA n'était pas organisé hiérarchiquement, chaque contrôleur étant l'égal de ses pairs.

Il a précisé que le corps d'inspection comprenait entre 80 et 85 personnes, les deux tiers exerçant leur activité de contrôle, les autres ayant été appelées à d'autres responsabilités, tant au sein du ministère de la défense que d'autres ministères.

M. Dominique Conort a indiqué que le Contrôle général des armées diligentait des enquêtes, mais s'acquittait également d'un contrôle préventif, dit d'accompagnement, correspondant au suivi continu de tous les services et de toutes les actions du ministère de la défense. Il a observé que cette mission était coûteuse en effectifs et en temps, mais permettait de donner, à tout moment, au ministre, une appréciation étayée. Il a déclaré que ce contrôle préventif avait débouché sur une nouvelle fonction de conseil, qui n'était pas prévue par les textes régissant le CGA.

Il a souligné que le corps du Contrôle général des armées était très impliqué dans l'organisation active du ministère, et s'occupait de l'inspection du travail, mais aussi de l'application de la réglementation des marchés publics et des exportations d'armements. Il a observé qu'à ces missions traditionnelles s'ajoutait désormais la responsabilité des projets de modernisation du ministère. Ainsi, à l'initiative du corps, une mission de contrôle de gestion avait été mise en place par le CGA, un fonctionnaire du ministère devant reprendre ce poste à terme. M. Dominique Conort a précisé que le ministre de la Défense avait chargé le Contrôle général des armées d'évaluer les possibilités d'externalisation de certaines missions et la qualité des services rendus.

M. Dominique Conort a indiqué que le champ des compétences du CGA s'étendait à tous les services et établissements publics placés sous la responsabilité ou la tutelle du ministre de la défense, ainsi qu'à l'industrie de l'armement et au suivi de chaque programme d'armement. Il a ainsi précisé qu'un contrôleur général des armées participait à la commission exécutive des programmes, créée dans les années 1990, et que, lorsqu'il émettait une réserve, seul, le ministre pouvait la lever, afin de permettre la reprise de la consommation des crédits alloués aux programmes d'armement concernés.

Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Dominique Conort a indiqué que le contrôleur général avait notamment émis des réserves sur un drone, dont l'aspect « interarmées » n'était pas suffisamment développé. Il a indiqué que le contrôle exercé dans ce cadre se fondait sur des critères de cohérence, et non d'opportunité, c'est-à-dire qu'était vérifiée l'adéquation entre un matériel, les crédits prévus et les performances escomptées, et que cela lui apparaissait s'inscrire pleinement dans l'esprit de la LOLF.

M. Dominique Conort a rappelé que jusque dans les années 70, avant la mise en place du contrôle préventif, le CGA rendait un avis sur chaque texte relatif à la défense, et a souligné que cette compétence n'existait plus, désormais, que dans les domaines du recrutement et des marchés publics d'étude et d'information.

S'agissant des méthodes du CGA, il a observé que le corps d'inspection évaluait l'efficacité des résultats au regard des objectifs fixés et du bon emploi des deniers publics. Rappelant que l'analyse sur pièces, proche des systèmes d'audits privés, avait l'inconvénient de ne pas mettre en évidence les problèmes d'organisation révélés par le contrôle préventif, M. Dominique Conort a souhaité que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, la pertinence des deux méthodes de contrôle soit évaluée et la possibilité de les utiliser de concert soit étudiée.

Il a indiqué que, chaque année, le Contrôle général des armées soumettait à l'approbation du ministre un plan de programmation annuelle des contrôles envisagés. Notant que la mise en place de la LOLF allait, de facto, focaliser un grand nombre d'effectifs sur des missions prédéterminées, M. Dominique Conort a souligné le risque de rigidification du programme annuel d'activités du CGA.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut remercié les intervenants pour la qualité de leurs interventions, un large débat s'est alors instauré.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si le Contrôle général des armées avait eu à contrôler le processus de commercialisation, très décrié, du « char Leclerc ». Il s'est demandé quelle pouvait être l'action du CGA dans le domaine sensible des exportations d'armes.

M. Dominique Conort a indiqué que, lors de la commercialisation du char, le Contrôle général des armées n'exerçait que sa mission de contrôle d'accompagnement et qu'aucune enquête spécifique n'avait été diligentée. Il a cependant relevé que le ministère de la défense, tirant les enseignements de cette situation, avait demandé une évaluation systématique par le CGA de toutes les offres de l'organisme qui avait exporté le char Leclerc dans des conditions critiquables, la direction des constructions navales (DCN).

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si les instruments comptables existant étaient suffisamment efficients pour permettre d'apprécier la rentabilité d'une exportation. Il s'est demandé si les évolutions induites par la mise en oeuvre de la LOLF pourraient permettre une amélioration de ces indicateurs.

M. Dominique Conort a indiqué que la réflexion tendant à améliorer ces instruments comptables allait connaître une nette accélération grâce à la LOLF.

M. Yann Gaillard s'est félicité que les rapporteurs spéciaux aient toujours eu communication, lorsqu'ils en faisaient la demande, des rapports des inspections générales, qui constituaient un apport remarquable, et indispensable, au travail parlementaire. Il a noté que le développement des nouvelles technologies de communication et d'information empêchait désormais la rétention d'informations par les administrations, même si des raisons d'intérêt général paraissaient parfois justifier une certaine confidentialité.

Evoquant la similitude de pouvoir des rapporteurs spéciaux et des inspections générales et celle de leurs objectifs, M. Yann Gaillard a souhaité que les rapporteurs spéciaux accentuent le contrôle en opportunité de l'utilisation des crédits budgétaires, cet aspect politique du contrôle étant l'essence et la prérogative des contrôles parlementaires, les contrôles des inspections se devant d'être aussi neutres que possible. De plus, s'appuyant sur sa propre expérience de rapporteur spécial, il a souligné l'importance de la « procédure contradictoire » lors d'un contrôle budgétaire.

M. Dominique Conort a estimé que la mise en place d'une procédure contradictoire garantissait la valeur des conclusions du contrôle.

M. Jean Arthuis, président, a estimé indispensable de mettre en place une réelle concertation avec les inspections générales, afin d'éviter des contrôles redondants, et a déclaré que le contrôle de l'opportunité politique de l'utilisation des crédits était la première mission de la commission des finances.

M. Aymeri de Montesquiou, évoquant les contre-performances de l'administration française, s'est demandé si le contrôle exercé sur celle-ci était déficient ou si, au contraire, les responsables politiques n'avaient pas le courage de mettre en oeuvre les réformes qui s'imposaient.

M. Thierry Bert, prenant l'exemple du rapport de la mission « 2003 : Construire ensemble le service public de demain », qu'il avait cosigné avec M. Paul Champsaur, en janvier 2000 sur la réforme de l'administration fiscale, a rappelé que l'Inspection générale des finances avait établi un diagnostic clair des principaux dysfonctionnements tels que le surcoût de la collecte de l'impôt dû au choix d'un service de perception de proximité, l'absence de retenue à la source, et le retard d'installation d'un outil informatique performant. Il a souligné qu'aucune des propositions de réforme ne justifiait pour autant la « levée de bouclier » qu'avait suscitée le projet de réforme. Il a cependant reconnu que l'Inspection générale des finances n'avait pas su proposer des modalités de réforme acceptables.

M. Bernard Angels a rappelé qu'il avait alors mené, en sa qualité de rapporteur spécial, parallèlement à l'Inspection générale des finances, un travail de réflexion sur la réforme de l'administration fiscale et qu'il avait abouti à des résultats similaires. Il a regretté que les conclusions de son rapport d'information « La Direction générale des impôts à l'heure des réformes : pour une modernisation (n° 205, 1999-2000) » n'aient pas été suivies, et a estimé qu'il était essentiel que le Parlement, et le gouvernement, réinvestissent leur rôle d'impulsion et de pédagogie pour permettre aux prochaines réformes d'aboutir.

M. Jean Arthuis, président, a estimé, au cas particulier, que la réforme de l'administration fiscale avait alors souffert d'une présentation inexacte, voire d'une désinformation, et qu'il appartenait bien au pouvoir politique, éclairé notamment par le travail des inspections générales, de présenter et d'expliquer les réformes nécessaires, afin d'éviter tout risque de manipulation de l'opinion publique, des élus locaux et du Parlement.

M. Aymeri de Montesquiou s'est toutefois demandé si un certain nombre de contrôles ne devraient pas être approfondis afin d'apporter des conclusions fiables, notamment sur l'efficacité de la gestion des hôpitaux.

M. Roger Linsolas a noté que la réforme des hôpitaux se heurtait aux mêmes obstacles que la réforme de l'administration fiscale et que la crainte de voir fermer un hôpital avait les mêmes effets, sur les élus locaux, que celle de voir fermer un bureau de perception municipale. Il a affirmé que l'IGAS était favorable à la fermeture de certaines structures hospitalières, devenues dangereuses du fait du ralentissement de leur activité, précisant que des reconversions permettraient d'éviter toute suppression nette d'emploi.

M. Jean Arthuis, président, a souligné, encore une fois, la nécessité, pour le Parlement, d'exploiter au mieux les propositions des inspections générales, et pour les parlementaires, d'assumer la responsabilité de leurs choix.

M. François Trucy a souhaité savoir si le Contrôle général des armées ne pouvait être saisi que par le ministre de la défense. Il a regretté, par ailleurs, qu'il n'y ait plus de contrôleur général placé auprès des rapporteurs spéciaux des crédits de la défense.

M. Dominique Conort a indiqué que, seul, le ministre pouvait saisir le Contrôle général des armées, mais qu'il était possible que le Parlement sollicite, auprès du ministre, la réalisation d'un contrôle, ainsi qu'il en avait été décidé l'année dernière dans le cadre du rapport d'information que M. Aymeri de Montesquiou avait rédigé, en sa qualité de rapporteur spécial, sur l'organisation et les systèmes d'information de la gendarmerie et de la police nationales. Il a expliqué, par ailleurs, qu'il ne disposait pas de suffisamment de personnel pour envisager de recréer des postes de contrôleurs généraux détachés auprès de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que la suppression du détachement des contrôleurs généraux des armées auprès de la commission des finances du Sénat permettait de couper court à la présomption de dépendance des parlementaires à l'égard du ministère.

M. Yves Fréville, évoquant ses propres activités de rapporteur spécial, a noté que les fichiers informatiques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie lui avaient été ouverts, mais qu'il n'était pas possible, en la forme actuelle, de les expertiser. Il a appelé de ses voeux une adaptation de ces données informatiques afin de permettre un contrôle plein et entier, tel que le prévoyait la LOLF. Il s'est ensuite demandé comment des contrôles pourraient être menés à bien tant que les données individuelles ne correspondraient pas à un identifiant unique permettant le recoupement des fichiers. Il a regretté la « position frileuse » de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur ce sujet.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que l'évolution des missions de contrôle de la commission des finances rendait nécessaire une discussion approfondie avec la CNIL sur ces questions, afin de résoudre certains blocages potentiels.

M. Yves Fréville s'est demandé, de plus, comment seraient définis les indicateurs de performances prévus par la LOLF, qui pourraient faciliter le contrôle de la pertinence des choix et des données statistiques, et comment ces indicateurs pourraient permettre de prendre en compte la déconcentration des crédits de l'Etat. Il a observé qu'il serait nécessaire de réfléchir aux liens que la commission des finances pourrait être amenée à établir entre l'évolution d'un indicateur de performance et l'évolution des crédits budgétaires correspondants.

M. Daniel Limodin a observé que les indicateurs de performance ne devaient, en aucun cas, être élaborés par les services auxquels ils trouveraient à s'appliquer, estimant que « l'autoévaluation menait nécessairement à l'autosatisfaction ». Il a insisté sur l'importance que revêtait le travail mené au sein du CIAP pour garantir la sincérité de ces indicateurs. Il a noté, de plus, que l'on pouvait isoler deux catégories d'indicateurs, certains s'appliquant à des données quantifiables, et d'autres à des données plus politiques, qu'il était difficile d'évaluer. Rappelant que la maquette de la nouvelle architecture budgétaire présentée le 21 janvier 2004 prévoyait la création de 149 programmes, M. Daniel Limodin a incité à la plus grande prudence dans la construction des indicateurs de performance. Il a souligné que leur nombre excessif pourrait susciter un flot d'informations trop nourri pour être exploitable.

M. Roger Linsolas a estimé qu'il ne devait pas y avoir plus de cinq indicateurs de performance par programme pour permettre un réel contrôle. Il a rappelé que cette rationalisation n'empêcherait pas les gestionnaires de programmes d'avoir à leur disposition de plus nombreux indicateurs leur permettant d'évaluer finement l'évolution de leurs programmes.

Il a observé, également, que la mission de contrôle dévolue aux commissions des finances par l'article 57 de la LOLF devait entraîner une réflexion sur la mise en place d'un identifiant des données individuelles permettant le recoupement de fichiers, sans sombrer dans des travers contre lesquels la CNIL intervenait avec, peut-être, trop de rigueur.

M. Thierry Bert a rappelé que l'absence d'identifiant unique dans les services fiscaux rendait impossible l'identification de 15 à 20 % des contribuables.

Il a souhaité attirer l'attention des parlementaires sur le risque que pouvait présenter une liaison trop systématique des indicateurs de performance à l'évolution future des crédits budgétaires. Il a estimé que l'administration, craignant une sanction automatique en cas de mauvais résultats, ne soit tentée de falsifier les données, ou de les cacher. Il a suggéré de mettre en place une démarche de contractualisation avec les administrations, afin de parvenir à des progrès raisonnables et quantifiables.

M. Jean Arthuis, président, a noté que nombre d'indicateurs de performance pourraient être dépendants des fluctuations économiques ou d'une modification du corpus législatif, en s'appuyant sur l'exemple du ratio de recouvrement des impôts, qui variait selon le taux de croissance et les taux d'imposition. Il a donc recommandé la plus grande vigilance dans la construction des indicateurs de performance.

M. Paul Loridant s'est demandé comment rationaliser l'organisation des missions de contrôle des rapporteurs spéciaux et des inspections générales afin que la concomitance, ou la succession trop rapide des différents contrôles, ne nuise pas à leur efficacité.

M. Jean Arthuis, président, a proposé de veiller à la coordination des contrôles.

M. Thierry Bert a indiqué que l'Inspection générale des finances rencontrait des difficultés pour coordonner ses contrôles avec ceux de la Cour des comptes. Il a rappelé que le programme annuel de contrôle de l'IGF, peu formalisé et susceptible d'évoluer rapidement pour répondre aux demandes ministérielles, se prêtait mal à une coordination de long terme. Cependant, il a précisé qu'il était à la disposition de la commission des finances du Sénat pour l'informer régulièrement des projets de contrôle de son inspection et, ainsi, faciliter la mission des rapporteurs spéciaux.

M. Daniel Limodin a précisé que tous les rapports de l'IGA ayant une incidence financière étaient désormais systématiquement transmis au procureur général de la Cour des comptes. Il a considéré que ces rapports pouvaient être également communiqués à la commission des finances du Sénat, et que des rencontres régulières pourraient être organisées avec les rapporteurs spéciaux.

M. Roger Linsolas a précisé que l'IGAS rencontrait une fois par an les cinquième et sixième chambres de la Cour des comptes, compétentes dans les domaines sociaux, et que si cette précaution n'empêchait pas toujours la réalisation de rapports sur le même thème, au moins la Cour des comptes et l'IGAS se partageaient-elles le champ d'investigation. Il a ajouté qu'il était favorable à une meilleure information des rapporteurs spéciaux sur les contrôles de l'IGAS.

M. Dominique Conort a indiqué qu'une bonne concertation avec l'IGA permettait de mener, d'ores et déjà, un contrôle alterné en outre-mer, et qu'il était favorable à la communication aux rapporteurs spéciaux du programme de mission du Contrôle général des armées.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité des efforts de coordination des grands corps de contrôle entre eux, mais aussi, tout particulièrement, de leur volonté de faciliter le travail de la commission des finances du Sénat grâce à la transmission d'informations.

M. Daniel Conort a observé que, pour être efficaces, les contrôles ne devaient pas être concomitants. Il a souligné qu'un contrôle ne devait pas rester sans effet, et que l'exploitation des résultats du contrôle était la garantie de l'efficacité, mais aussi de la crédibilité d'une mission d'inspection.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a jugé que la mise en place de la LOLF serait grandement facilitée par la possibilité qui s'offrait à la commission des finances de s'appuyer pour mener à bien sa mission de contrôle, telle que prévue par l'article 57 précité, sur les travaux objectifs et de grande qualité des inspections générales. Il a souscrit à la remarque de M. Daniel Conort, estimant qu'une mission de contrôle n'avait de sens que si elle était judicieuse et faisait ensuite l'objet d'un réel suivi et d'une action, soutenue par la volonté politique des parlementaires. Enfin, il s'est réjoui de la volonté de transparence ici manifestée par les grands corps d'inspection de l'Etat.