Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Audition de MM. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire

La commission a procédé àl'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Nicolas Sarkozy d'avoir accepté de venir devant la commission des finances rendre compte des orientations annoncées quelques heures plus tôt lors de la première d'une série de conférences de presse trimestrielles. Il l'a félicité pour la politique volontariste qu'il entendait mener.

M. Nicolas Sarkozy a tout d'abord présenté les principes ayant guidé ses choix politiques. Il a dénoncé l'idée selon laquelle l'action politique serait inopérante dans le contexte de la mondialisation, estimant, qu'au contraire, l'Etat pouvait et devait agir. Il a également dénoncé l'idée selon laquelle les Français ne seraient pas en mesure d'adhérer à une politique volontariste, précisant qu'il convenait, d'une part, d'expliquer les choix effectués, et, d'autre part, de proposer des réformes justes. Il a illustré son propos en indiquant que, lors de ses déplacements récents, il avait ainsi pu mesurer le fossé qui s'était creusé entre l'Etat et les salariés d'EDF et d'ALSTOM. Ce constat, a-t-il ajouté, l'incitait à persévérer dans sa volonté de dialogue et de prises de contacts « sur le terrain ». Pour illustrer son souci de mettre en oeuvre des réformes justes, il a indiqué que les efforts en termes de productivité demandés par exemple aux agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ou à ceux d'EDF, devraient trouver une contrepartie en termes de gains de pouvoir d'achat. Enfin, il s'est opposé à l'idée selon laquelle le déficit et la dette publics seraient facteurs de croissance, au motif que cette analyse était démentie par les faits. Il a fait part, enfin, de son objectif de stabiliser en 2006 le poids de la dette publique dans la richesse nationale.

M. Nicolas Sarkozy a ensuite expliqué les mesures qu'il entendait prendre afin de soutenir la croissance, dont il a rappelé qu'elle était, en Europe et en France, très inférieure à son niveau mondial. Ayant précisé que le taux d'épargne des Français lui paraissait anormalement élevé, il a regretté que la croissance de notre pays soit grevée par une épargne de précaution et il a indiqué les mesures qu'il souhaitait prendre pour relancer la consommation.

En premier lieu, il a évoqué la mesure consistant à permettre, du 1er juin 2004 au 31 mai 2005, aux parents et grands-parents de donner à leur enfant ou petit-enfant majeur une somme de 20.000 euros en franchise totale d'impôts et sans formalité autre qu'un imprimé à remplir à destination de l'administration fiscale. Indiquant qu'il s'agissait de transférer du pouvoir d'achat vers des catégories plus enclines à la consommation, il a insisté sur la faiblesse du coût de cette mesure pour les finances publiques et a réfuté l'idée selon laquelle une telle disposition existait déjà.

M. Nicolas Sarkozy a ensuite fait part de son intention de permettre aux ménages de déduire de leur impôt sur le revenu les intérêts des crédits à la consommation, dans la limite de 150 euros. Il a également souhaité favoriser le déblocage anticipé des réserves de participation, et a, ensuite, exprimé le souhait d'organiser une table ronde sur la question des prix et des marges dans la grande distribution. Enfin, il a dit son intention de favoriser la transmission des petits commerces de centre ville à des commerçants ou des artisans, plutôt qu'à des banques.

Afin de libérer de l'espace foncier, M. Nicolas Sarkozy a annoncé que seraient répertoriés les terrains publics non occupés en Ile-de-France, afin de favoriser leur utilisation au bénéfice du logement social. Enfin, il a indiqué qu'il entendait encourager le développement du crédit hypothécaire, y compris pour des crédits à la consommation.

Pour conclure cet exposé des mesures qu'il préconisait, il a indiqué que celles-ci se voulaient simples, massives, et sans conséquences sur les finances publiques.

M. Nicolas Sarkozy a ensuite abordé la question de la politique industrielle, indiquant que le volontarisme dont il entendait faire preuve à ce sujet constituait un devoir pour l'Etat. Il a estimé que le gouvernement jouait le rôle qui devait être le sien, tant au sujet de la fusion SANOFI-AVENTIS, dont l'enjeu était capital pour l'avenir de l'industrie pharmaceutique française, qu'à propos d'ALSTOM. S'agissant d'EDF et de GDF, il a jugé indispensable la réforme statutaire dans le cadre de l'ouverture des marchés européens. Par ailleurs, il a indiqué sa volonté de favoriser, par des mesures fiscales, les centres de recherche et les pôles de compétitivité.

Afin de lutter contre les délocalisations abusives, il a souhaité inciter les entreprises à davantage de transparence et de communication dans ce domaine. Il a jugé que les garanties qui seraient apportées par les entreprises à ce propos devraient pouvoir être prises en compte par les collectivités publiques dans leurs décisions en matière de subventions ou d'appels d'offres.

Enfin, M. Nicolas Sarkozy a annoncé un réexamen de toutes les « niches » fiscales d'ici la fin de l'année, précisant que les gains tirés des réaménagements qui en résulteraient devraient être mis au service de la baisse des taux d'imposition.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a félicité le ministre d'Etat pour la clarté de son propos, ainsi que pour sa volonté de traiter conjointement des questions de conjoncture et des « grandes questions d'avenir ». S'étant déclaré favorable aux mesures préconisées par le ministre en matière d'épargne, il a souhaité l'interroger au sujet de la valorisation du patrimoine de l'Etat. S'agissant du patrimoine financier, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé si l'objectif de 4 milliards d'euros de recettes de privatisation inscrit en loi de finances initiale pour 2004 ne pourrait pas être dépassé. Il a souhaité connaître les objectifs du ministre d'Etat en matière de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat. Enfin, il l'a invité à faire part de ses orientations en matière de financement des infrastructures de transport. Pour conclure, il a évoqué la question des mouvements de capitaux vers les centres financiers off-shore, manifestant le souhait que ceux-ci soient mieux signalés et mieux contrôlés.

En réponse, M. Nicolas Sarkozy a tout d'abord insisté sur le fait que ces mesures avaient un objectif de simplicité et de lisibilité. S'agissant de la mise sur le marché de participations de l'Etat dans des entreprises publiques, il a indiqué que les recettes de 4 milliards d'euros anticipées correspondaient, d'une part à la cession de 35 % du capital de la SNECMA pour un montant estimé compris entre 1,6 et 2,2 milliards d'euros, et d'autre part à l'ouverture du capital de deux sociétés d'autoroutes, motivée en particulier par la nécessité d'améliorer leur bilan, compte tenu de leur niveau élevé d'endettement. Concernant les places off-shore, il a considéré qu'il était contradictoire de renforcer les règles prudentielles et de bonne gouvernance des entreprises, alors que perduraient des zones off-shore susceptibles de déstabiliser les marchés et de donner lieu à des imprudences et malversations financières. Il s'est, à cet égard, félicité que le Canada, qui ne faisait pas toujours figure de pays le plus coopératif en la matière, se soit prononcé en faveur d'une meilleure réglementation à l'occasion d'une récente réunion du G7 à Washington. Il s'est également déclaré attentif à toute proposition que la commission des finances du Sénat pourrait formuler sur ce sujet.

M. Jean Arthuis, président, a fait référence à l'audition par la commission, au mois de février dernier, de M. Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers, et s'est demandé s'il ne serait pas opportun que cette autorité vise les documents relatifs aux opérations conduites par les entreprises dans les places off-shore.

Abordant la question relative au financement des infrastructures de transport, M. Dominique Bussereau a indiqué que ces dernières n'étaient pas exclusivement financées par l'Etat, mais également par l'Union européenne -comme c'était, par exemple, le cas pour le TGV Est- et par les collectivités territoriales. Il a ajouté qu'une agence de financement des infrastructures serait créée dans les prochains mois, conformément aux décisions du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) de décembre 2003, et serait, en particulier, alimentée par les dividendes versés par les sociétés d'autoroutes.

M. Jacques Oudin a rappelé que la commission des finances, et le Sénat dans son ensemble, avaient adopté ses préconisations relatives au maintien dans le périmètre des recettes budgétaires de la « rente autoroutière » et à la mise en place d'une agence dédiée, dont il se félicitait, par ailleurs, de la prochaine création. Il a néanmoins plaidé en faveur d'une souscription, par la Caisse des dépôts et consignations, plutôt que par d'autres investisseurs, aux augmentations de capital prévues. Il s'est également demandé s'il ne serait pas opportun de lancer un « grand emprunt national » en vue d'apporter une source de financement complémentaire à l'agence ainsi mise en place. Il a enfin souhaité connaître l'état d'avancement de l'étude, demandée par le CIADT, portant sur le taux d'actualisation des investissements en matière de transports.

En réponse, M. Nicolas Sarkozy a indiqué qu'en dépit de son objectif légitime, un tel emprunt était inenvisageable du fait du poids élevé de la dette publique qui approchait en 2004 le montant de 1.000 milliards d'euros. Il a reconnu qu'il importait de ne pas abandonner l'effort d'investissement public, mais que la stabilisation de l'endettement constituait une étape préalable. Puis revenant sur la politique immobilière de l'Etat, il a fait part de sa décision de vendre les locaux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie situés dans les arrondissements centraux de Paris, afin de privilégier des implantations en banlieue, plus conformes aux nécessités d'une gestion dynamique du patrimoine.

M. Aymeri de Montesquiou a relevé que les thèmes des délocalisations et de la désindustrialisation, précédemment abordés, posaient la question du niveau de compétitivité de la France, obérée selon lui par des charges trop élevées pesant sur les entreprises. Il a estimé qu'un abaissement des charges pourrait ainsi être compensé par une hausse de la TVA, sans pour autant que le prix de revient ne s'en trouve alourdi pour le consommateur. Il s'est également interrogé sur la pertinence d'une relation inverse entre taux de croissance et taux d'épargne, considérant les niveaux élevés d'épargne en Chine (environ 35 %) et au Japon (supérieure à 20 %), qui étaient pourtant deux pays connaissant actuellement un niveau de croissance particulièrement dynamique.

M. Nicolas Sarkozy a considéré qu'une augmentation du taux de TVA irait à l'encontre de la construction européenne, qui se traduisait notamment par une convergence des taux d'imposition, alors même que le taux normal de TVA en France était, aujourd'hui, plus élevé que la moyenne de l'Union européenne. Il a ajouté, se référant au coût des 35 heures, que le budget de l'Etat n'avait pas vocation à devenir le « réceptacle » de tout ce que les acteurs économiques ne pouvaient eux-mêmes payer.

M. Jean Arthuis, président, revenant sur la perspective évoquée par M. Aymeri de Montesquiou la mise en place d'une « TVA sociale », a précisé que « les nomades » tendaient à s'exonérer de l'impôt, tandis que le poids de la fiscalité se concentrait sur « les sédentaires » résidant en France. Il a donc estimé qu'un supplément de TVA pouvait ne pas avoir d'incidence sur le prix toutes taxes comprises des produits fabriqués sur le territoire, dès lors que les charges patronales étaient parallèlement abaissées, alors que les produits importés deviendraient, eux, plus onéreux.

En réponse, M. Nicolas Sarkozy a relevé que les études économiques dont il disposait montraient que l'impact le plus récessif d'une hausse de la fiscalité des ménages provenait de la TVA, dont une hausse d'un point pouvait donner lieu à 0,9 point de croissance en moins, alors que l'impact d'une hausse de la CSG et des charges patronales était respectivement de 0,5 point et 0,4 point sur la croissance. Il a ajouté que l'accroissement du taux normal de la TVA serait problématique pour la compétitivité française, à l'heure où certains des nouveaux Etats membres de l'Union européenne proposaient des taux d'impôt sur les sociétés allant de 10 à 19 %. Il a enfin rappelé que l'Etat ne contrôlait pas le niveau des prix, et qu'il était donc à craindre qu'une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne fut intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente, à l'image de ce qui avait déjà été constaté dans la grande distribution.

M. Eric Doligé s'est félicité de ce que M. Nicolas Sarkozy ait opté en faveur de mesures simples, logiques et pragmatiques, qui tendaient à combler l'écart souvent constaté entre « la réalité du terrain » et « les décisions politiques ». Se référant aux réductions d'effectifs annoncées dans les administrations centrales, il a considéré que des marges de manoeuvre existaient également dans les services déconcentrés des préfectures. Il a ajouté que tant dans le domaine du patrimoine public que dans celui des montages financiers pour la construction d'autoroutes, la complexité des structures publiques et la communication déficiente entre collectivités territoriales et services déconcentrés contrevenaient aux exigences de bonne gestion. Il a enfin souligné le risque que comportait la hausse actuelle du cours des matières premières pour certains secteurs, tel le transport routier, et pour l'économie dans son ensemble.

M. Nicolas Sarkozy a fait valoir que cette complexité des procédures était également une caractéristique des aides aux entreprises, dont l'éparpillement était, en outre, lié à l'application du régime communautaire des aides « de minimis », plafonnées à 100.000 euros sur trois ans. Il a indiqué qu'une hausse du baril de pétrole de trois dollars avait un impact récessif de 0,3 point sur la croissance, et a formulé le souhait que la Commission européenne prête autant d'attention aux conséquences de la hausse des matières premières qu'aux aides tendant à la sauvegarde des entreprises.

M. François Trucy s'est déclaré perplexe sur l'issue de la dernière assemblée générale d'Eurotunnel et s'est demandé quelles en seraient les conséquences sur la conception des rapports entre actionnaires et dirigeants. Il a également souhaité connaître l'appréciation du ministre d'Etat sur la perspective de la cession d'une partie du stock d'or de la Banque de France.

En réponse, M. Nicolas Sarkozy a précisé que la Banque de France n'avait pas vendu d'or depuis 1969, et qu'elle disposait aujourd'hui d'un stock de 3.000 tonnes, dont 500 à 600 tonnes devraient être cédées au cours des cinq prochaines années, en accord avec la Banque centrale européenne. Il a ajouté que ce stock d'or demeurait nécessaire à titre de garantie, et que le produit des cessions à venir serait intégré dans le bilan de la Banque de France, qui rétrocèderait ensuite des dividendes à l'Etat. S'agissant d'Eurotunnel, il a confirmé les récentes déclarations de M. Dominique Bussereau selon lesquelles l'Etat, et donc le contribuable, n'avait pas à contribuer financièrement au redressement de la société, ainsi que le disposait le traité de Canterbury. Il s'est, en revanche, déclaré prêt à ce que le ministère apporte son assistance lors des négociations avec les créanciers, et a indiqué qu'il avait sollicité, auprès de son homologue britannique, une initiative similaire.

M. Dominique Bussereau a ajouté qu'Eurotunnel pouvait également choisir de développer de nouvelles activités, telles que le fret, en devenant le premier opérateur hors SNCF sur ce créneau.

M. Jean-Philippe Lachenaud a considéré que les mesures, annoncées par le ministre d'Etat, de relance de l'investissement industriel étaient insuffisantes. Il s'est demandé si les orientations budgétaires proposées étaient de nature à garantir le franchissement d'une nouvelle étape dans la réduction du déficit budgétaire d'ici 2005, et s'il était encore possible d'espérer une reprise de l'activité, compte tenu des perspectives de hausse des taux d'intérêt américains et du niveau actuellement élevé de l'euro.

M. Michel Charasse a souhaité savoir si la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie était susceptible d'être appliquée dans les autres ministères, et si le régime actuel de donation en franchise d'impôt, plafonnée à 46.000 euros sur une période de 10 ans, serait maintenu.

M. Nicolas Sarkozy a précisé que l'ampleur des non-remplacements d'effectifs serait fonction de la situation particulière de chaque ministère, et que les nouvelles modalités de donation en franchise d'impôt se cumuleraient avec les actuelles.

M. Michel Charasse s'est demandé si des mesures législatives seraient présentées avant la fin de sa session sous la forme d'un collectif budgétaire et si le ministre d'Etat envisageait de réformer les « niches » fiscales par ordonnance. En outre, il a souhaité savoir comment serait inscrite budgétairement l'annulation de la dette de l'UNEDIC et quelles mesures seraient prises concernant le patrimoine immobilier du Quai d'Orsay à l'étranger. Enfin, il s'est déclaré favorable à l'instauration d'une procédure de prélèvement automatique pour le recouvrement de la taxe sur les salaires.

En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, M. Nicolas Sarkozy a indiqué que l'investissement industriel serait relancé par les mesures déjà annoncées concernant la taxe professionnelle, sur lesquelles il convenait maintenant de communiquer davantage. A propos des orientations budgétaires pour 2005, il s'est donné pour objectif une croissance nulle des dépenses publiques et un déficit ramené à 2,9 %. Il a également évoqué les risques pesant sur la croissance mondiale et les incertitudes concernant l'évolution des taux d'intérêt. Il a indiqué que le contexte européen rendait le pilotage de la politique économique plus difficile qu'il y a dix ans.

En réponse à M. Michel Charasse, M. Nicolas Sarkozy a précisé qu'il n'était pas favorable au recours à la procédure des ordonnances pour réformer la fiscalité. Revenant sur l'annulation de la dette de l'UNEDIC, il a souligné que cette mesure ne réglerait pas le problème financier de l'UNEDIC. Faisant référence à la notion de « contrat » pour la gestion de l'UNEDIC, il a souligné qu'elle impliquait des obligations réciproques.

Pour conclure, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les mesures annoncées concernant la suppression des « niches » fiscales étaient bienvenues et que la commission des finances en procéderait à un examen très attentif. Il a remercié M. Nicolas Sarkozy et a souhaité que le débat engagé, ce jour, puisse se poursuivre lors d'une prochaine audition devant la commission des finances.

Mercredi 5 mai 2004

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances - Examen du rapport d'information

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que, comme il s'y était engagé lors de la réunion de commission du 28 avril, il avait transmis aux commissaires les propositions de modification de la maquette budgétaire présentée par le gouvernement le 21 janvier dernier, ainsi que le texte de son intervention et de celle du rapporteur général.

A cette occasion, il s'est à nouveau félicité de la belle unanimité au sein de la commission, au-delà des clivages partisans, sur ce sujet essentiel pour la bonne gestion des finances publiques.

Il a précisé que le rapport d'information dont il proposait à la commission d'autoriser la publication reprenait les observations formulées lors de la première réunion de commission du 28 avril, ainsi que lors de la discussion de la question orale avec débat du 29 avril portant sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

En particulier, il a souligné que, suite aux observations de M. Jacques Oudin, la commission des finances avait considéré que la proposition de nomenclature afférente à la mission « Transports » ne permettait pas d'individualiser de manière claire les différents modes de transport. Il a donc proposé que les moyens consacrés au transport fluvial soient individualisés au sein d'un programme spécifique, de manière à permettre au Parlement de se prononcer sur l'allocation des moyens entre les différents modes de transport.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que, dans le même esprit, la commission avait souhaité que le programme « Transports terrestres » ne comporte que les crédits relatifs aux transports collectifs et ferroviaires, afin d'individualiser les moyens qui y étaient consacrés. Par conséquent, il a proposé de renommer ce programme « Transports collectifs et ferroviaires », et d'en extraire les moyens qui ne correspondaient pas à ce mode de transport, qui seraient transférés vers le programme « Soutien des politiques d'équipement » ou « Stratégie des politiques d'équipement ».

Il a souligné que, en dehors de ces modifications, le projet final de maquette reprenait les propositions formalisées lors de la réunion du 28 avril.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que, au final, les propositions de la commission conduisaient à créer trois missions, « Urbanisme et logement », « Stratégie de l'aménagement du territoire » et « Transparence et régulation de l'action publique », tandis que quatre missions disparaissaient : « Conseil économique et social », « Protection des populations », « Logement, aménagement et tourisme » et « Ville ». Il a précisé que le nombre de missions du budget général de l'Etat diminuait ainsi de 32 à 31.

Parallèlement, il a indiqué que le nombre de missions interministérielles évoluait de 8 sur 32 à 15 sur 31. S'agissant des programmes du budget général de l'Etat, il a précisé que leur nombre augmentait de 126 à 145.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a souligné que ces propositions visaient à concilier les deux principes cardinaux de la LOLF, à savoir, le renforcement des pouvoirs budgétaires du Parlement et la modernisation de la gestion publique.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Michel Moreigne s'est interrogé quant à la place de la sécurité civile dans la nomenclature budgétaire, considérant que celle-ci aurait davantage sa place au sein de la mission « Sécurité intérieure » que dans celle « Ecologie et maîtrise des risques », dont la création était proposée par la commission.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il partageait initialement cette idée, mais qu'après avoir mûrement réfléchi et procédé à des consultations avec son homologue de l'Assemblée nationale, il avait opté pour la création d'une mission interministérielle incluant notamment l'écologie et la sécurité civile, dont l'action participait d'un même souci de protection des populations.

M. Michel Moreigne a considéré que les deux options étaient en effet envisageables mais, invoquant sa qualité de rapporteur spécial des crédits du secrétariat général de la défense nationale (SGDN), a insisté sur la nécessaire coordination de toutes les instances chargées de la sécurité.

M. Yves Fréville s'est félicité de l'existence d'un compte de commerce relatif à la dette de l'Etat. Il a indiqué qu'il avait récemment constaté que la dette du budget annexe de l'aviation civile n'était pas gérée par l'agence France Trésor, et s'est étonné de cette absence de gestion commune.

Il s'est également interrogé sur la nature et l'avenir du programme « Versements à la caisse nationale d'allocations familiales » de la mission « Engagements financiers de l'Etat ». Enfin, au sujet de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il a fait part de son accord sur la distinction des formations universitaires et de la recherche universitaire. En revanche, il a estimé que l'intitulé du programme « Recherches scientifiques pluridisciplinaires » était contestable, et a proposé de le dénommer « Autres recherches scientifiques et technologiques ».

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité connaître la place des missions économiques et commerciales dans la nomenclature budgétaire.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, a précisé que les moyens des missions économiques et commerciales figuraient dans le programme « Développement des entreprises » de la mission « Politique économique ».

M. Jacques Oudin s'est interrogé sur l'opportunité de distinguer un programme « Routes » et un programme « Sécurité routière », d'une part, et un programme « Transports collectifs et ferroviaires » et un programme « Passifs ferroviaires » au sein de la mission « Transports », d'autre part. Il a observé que le programme « Passifs miniers » figurait dans les engagements financiers de l'Etat. Enfin, il a souhaité que toutes les dettes comprises dans le périmètre des dettes publiques au sens de Maastricht soient regroupées dans une même mission.

M. Yves Fréville a indiqué que le compte de commerce relatif à la gestion de la dette permettait d'en retracer l'ensemble des charges.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le programme « Passifs ferroviaires » accueillait les dotations destinées au désendettement de Réseaux ferrés de France (RFF) et de la SNCF, alors que les crédits du programme « Passifs financiers miniers » constituaient des dotations pour faciliter les reconversions de bassins.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a suggéré que le programme « Primes d'épargne » figure dans la mission « Politiques économiques » plutôt que dans celle relative aux « Engagements financiers de l'Etat ».

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les dépenses correspondant aux primes d'épargne étaient la résultante de décisions passées, et que, par conséquent, il convenait de les maintenir au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat ».

M. Jean-Philippe Lachenaud a évoqué plusieurs points au sujet de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En premier lieu, il s'est interrogé sur la séparation entre les formations universitaires et la recherche universitaire, considérant que celle-ci serait probablement mal perçue par les présidents d'université. En second lieu, il a estimé, comme M. Yves Fréville, qu'il était nécessaire de modifier la terminologie du programme « Recherche scientifique pluridisciplinaire ». Enfin, il s'est réjoui du déplacement du programme « Enseignement supérieur et recherche agricole » vers cette mission.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné qu'au sujet de la séparation des formations et de la recherche universitaire, la commission n'était pas isolée, cette position étant également défendue par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

La commission des finances a alors autorisé, à l'unanimité, la publication d'un rapport d'information relatif aux propositions de la commission sur la nomenclature budgétaire présentée le 21 janvier 2004.

Exécution du budget 2003 - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'exécution du budget 2003.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que cette communication résultait d'une visite sur place effectuée auprès de M. Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget, en date du 16 mars dernier, dont l'objet était de se faire expliquer la façon dont le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait procédé à la clôture des comptes de l'exercice 2003. Examinant le déroulement de l'exercice 2003 et la dégradation du déficit constaté entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution, passé de 44,6 milliards d'euros à 56,9 milliards d'euros, il a formulé deux constats : l'un que les crédits ouverts en loi de finances initiale, 273,8 milliards d'euros, étaient rigoureusement identiques au montant de la dépense exécutée, l'autre que la dégradation du solde, hors comptes spéciaux du Trésor, était, à la décimale près, identique à la moins-value de recettes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a montré que les 11,1 milliards d'euros de moins-values de recettes étaient liés au faible taux de croissance enregistré en 2003, qui s'établissait à 0,5 %, contre une prévision de 2,5 %. Il a néanmoins remarqué que, contrairement à 1993, l'année 2003, si elle avait été une année creuse en termes de croissance, n'avait pas été marquée par la récession. Il a expliqué que la conséquence logique de cette faible croissance était une baisse du taux des prélèvements obligatoires, en diminution en 2002 et 2003 par rapport à l'exercice précédent. Détaillant les moins-values de recettes, il a observé, en matière de recettes fiscales, que les recettes issues de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers avaient fortement régressé en 2003, mais qu'en revanche, l'exercice s'était achevé, par rapport à la prévision, par une plus-value sur l'impôt sur le revenu de 700 millions d'euros. Il s'est félicité, par ailleurs, de la justesse de la prévision du taux d'élasticité des recettes fiscales par rapport à l'évolution du PIB, l'exécution, avec un taux d'élasticité de 0,75, se trouvant proche de la prévision en loi de finances initiale, à 0,79. Il a également rappelé que la prévision du taux d'élasticité pour la loi de finances initiale pour 2004 était particulièrement prudente, puisqu'elle était de 0,6.

En ce qui concernait les moins-values de recettes non fiscales en 2003, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que celles-ci, de 2 milliards d'euros, provenaient, pour l'essentiel, du report du versement de l'UNEDIC de 1,2 milliard d'euros. Il a noté que les annonces du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale comportaient un nouveau report de cette créance. Enfin, il a fait état, en ce qui concernait les cessions d'actifs publics, d'un produit de 2,5 milliards d'euros, en retrait par rapport à la prévision de 8 milliards d'euros établie en loi de finances initiale, ce qui témoignait d'une adaptation pragmatique aux conditions de marché.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est ensuite félicité du respect, en 2003, de la norme de dépense votée par le Parlement, à mettre au crédit d'une action volontariste du gouvernement dans ce domaine. Il a montré que l'évolution des dépenses, par rapport à l'année précédente, avait été contrastée, la progression des charges de fonctionnement se trouvant ralentie, les crédits de fonctionnement ayant été réduits et les dépenses militaires préservées, conformément à la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 de programmation militaire. Il a salué la poursuite de l'effort en matière de reports, dont le montant, sur l'exercice 2004, s'établissait à 8,8 milliards d'euros, contre 11,3 sur l'exercice 2003.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué le niveau historiquement élevé du déficit des administrations publiques, qui avait atteint en 2003 4,1 % du PIB. Tout en rappelant le caractère conjoncturel de ce chiffre, il a souligné l'incidence très significative du solde des administrations de sécurité sociale sur le solde global. Après avoir détaillé les conséquences de ce déficit sur la dette publique, il a expliqué que la forte augmentation de celle-ci, de 94,6 milliards d'euros en 2003, avait également en partie des origines comptables, liées notamment au retraitement du découvert de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale en emprunt. Il a mis en exergue, par contraste, la stabilité de l'endettement des collectivités territoriales. Il s'est par ailleurs inquiété de la dégradation des conditions relatives de financement de la dette française, dont le différentiel favorable par rapport à la moyenne de la zone euro se réduisait, tandis que la qualité de la signature de certains pays, comme l'Espagne, s'améliorait nettement. Il a rappelé les conséquences d'une hausse de 100 points de base de l'ensemble des taux sur la charge de la dette, l'évaluant à 1,1 milliard d'euros au bout d'un an, à 2,3 milliards d'euros au bout de deux années et à plus de 10 milliards d'euros à long terme.

Pour conclure, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que la maîtrise des dépenses constituerait, tout autant qu'en 2003, un impératif pour 2004 et qu'une première matérialisation de l'objectif formulé par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de « ne pas dépenser plus que le montant autorisé par le Parlement», avait consisté, le 20 avril 2004, en un gel de 4 milliards d'euros. Il a souligné que les priorités gouvernementales étaient toutefois globalement préservées.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité que la politique de maîtrise de la dépense initiée par M. Alain Lambert, lorsqu'il était ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, ait effectivement permis de respecter le plafond de dépenses voté par le Parlement.

M. Yves Fréville s'est déclaré de plus en plus mécontent des prévisions de recettes, notant que pour les impôts perçus avec un décalage d'une année, les justifications d'une mauvaise prévision étaient difficiles à percevoir.

M. François Marc a souhaité insister sur le décalage entre les mouvements de crédits engendrés à l'issue de 3 semaines de débats parlementaires sur le projet de loi de finances et l'importance des gels de crédits décidés, « sans concertation », par le pouvoir exécutif.

M. Maurice Blin s'est inquiété des coupes sévères opérées par le gel du 20 avril 2004 sur les crédits du ministère de la défense et souhaité connaître la répartition des gels entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement.

M. Jean Arthuis, président, en rappelant l'engagement du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de revenir prochainement devant la commission des finances, s'est interrogé pour savoir si les modèles économétriques permettant d'établir les prévisions de recettes n'avaient pas perdu de leur pertinence en raison de la globalisation économique et a souhaité qu'une étude puisse être réalisée sur ces outils.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est montré d'accord avec cette idée. Il a rappelé, néanmoins, l'exactitude de la prévision d'élasticité du gouvernement pour 2003. Faisant état de la dernière « situation hebdomadaire » des recettes de l'Etat, il a relevé une forte progression, d'une année sur l'autre, des recettes de TVA, encore difficile à interpréter à ce stade.

S'opposant à M. François Marc jugeant les mises en réserve de crédits peu respectueuses des droits du Parlement, M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que, dans une vision globale, ces gels permettaient, au contraire, de respecter le plafond de dépense acté par le Parlement et de rester dans l'épure du budget voté par celui-ci.

En ce qui concernait les dépenses militaires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les négociations se poursuivaient entre la direction du budget et le ministère de la défense pour répartir le milliard de gel de crédits demandé à ce ministère. Il a indiqué que contrairement aux « réserves d'innovation » faites en 2003, qui permettaient au ministère de la défense de gager d'éventuelles dépenses nouvelles, le gel 2004 avait encore un statut incertain.

En complément, M. Jean Arthuis, président, a souhaité rappeler qu'aucun crédit destiné à financer les opérations extérieures (OPEX) du ministère de la défense n'avait été voté en loi de finances initiale pour 2004.

La commission a alors donné acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication et décidé d'autoriser sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a demandé à être saisie pour avis du projet de loi, eu cours d'examen à l'Assemblée nationale, relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et a désigné M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis, sur ce projet de loi.