M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial

II. UNE PRÉVISION BUDGÉTAIRE ALÉATOIRE, UNE GESTION COÛTEUSE POUR LES FINANCES PUBLIQUES

De 2006 à 2008, les crédits inscrits au budget général ont été systématiquement insuffisants pour faire face au paiement, par le Crédit foncier, des primes d'épargne-logement. Cette situation a abouti à la constitution d'une dette à l'égard du CFF dont les modalités de résorption restent à définir. Elle atteste également de la nécessité d'améliorer la fiabilité de la prévision budgétaire en la matière.

A. DES SOUS-BUDGÉTISATIONS RÉPÉTÉES, PRÉJUDICIABLES AUX INTÉRÊTS FINANCIERS DE L'ETAT

Le paiement des primes afférentes aux comptes épargne et aux plans d'épargne logement ainsi que le paiement des frais de gestion du dispositif s'imputent sur l'action 1 « Epargne logement » du programme 145 « Epargne », au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat » 28 ( * ) . Les primes ont fait l'objet, en loi de finances pour 2010, d'une dotation de 1,25 milliard d'euros, dont 750 000 euros au titre des frais de gestion de ce dispositif par le CFF.

1. Un report de charge croissant jusqu'en 2009

Ainsi que l'a souligné la Cour des comptes dans ses notes relatives à l'exécution budgétaire de 2008 et 2009, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2006, 2007 et 2008 ont été systématiquement insuffisants pour couvrir les primes d'épargne-logement servies par le Crédit foncier . Malgré des ouvertures de crédits complémentaires en loi de finances rectificative (en 2006 et 2007) ou par décret d'avance (en 2008), cette situation s'est traduite par l'existence, à la fin de chaque exercice, d'un report de charge croissant, aboutissant à la constitution d'une dette totale de 963 millions d'euros à fin 2008, à l'égard du CFF ( cf . tableau).

Evolution du report de charge de 2007 à 2009

(en millions d'euros)

Source : direction générale du Trésor

Comme l'indique le tableau qui précède, la tendance qui vient d'être décrite a toutefois connu une inflexion forte en 2009, année où les primes servies ont atteint 907,7 millions d'euros, soit une diminution de 43 % par rapport à 2008 et de 38,5 % par rapport à 2007 . Selon la direction générale du Trésor, ce mouvement s'explique :

1) par les taux de clôture élevés observés en 2007 (19,96 %) et 2008 (19,5 %), auxquels succède logiquement « une stabilisation, voire un ralentissement des fermetures de PEL et du volume financier de primes versées » ;

2) par le contexte économique , dans lequel « les épargnants n'ont pas souhaité retirer leurs liquidités du PEL, compte-tenu du rendement intéressant (proposé) par rapport aux autres produits d'épargne réglementés ». De la même manière, certains PEL des générations 1997-1999, ayant atteint ou dépassé dix ou douze ans d'ancienneté, n'ont pas eu intérêt à être clôturés car ils continuent à présenter un rendement comparativement intéressant, et ce malgré leur fiscalisation ;

3) enfin, par des taux d'emprunt immobilier peu attractifs pour ces générations (4,80 % pour la génération 1997, 4,60 % pour la génération 1998 et 4,31 % pour la génération 1999, contre 4,43 % de taux moyen pour un prêt libre en 2009).

1,157 milliard d'euros de crédits avaient été inscrits à l'action 1 pour financer, en 2009, les primes d'épargne logement et les frais de fonctionnement exposés par le CFF. En exécution, les primes ont atteint 907,657 millions d'euros, et les frais facturés par le CFF 4,661 millions d'euros (dont 3,219 millions d'euros d'intérêts débiteurs, 0,68 million d'euros de commissions de gestion et 0,69 million d'euros de frais de gestion). A ce total de 912,319 millions d'euros, se sont ajoutés 759 315 euros de fongibilité entre l'action 1 et l'action 2 29 ( * ) . 244 millions d'euros restaient donc disponibles, qui ont été intégralement utilisés pour résorber une partie de la dette contractée à l'égard du CFF. Le report de charge est ainsi passé de 963 millions d'euros fin 2008 à plus de 719 millions d'euros fin 2009.

L'exécution 2010 semble à nouveau marquée par la baisse sensible de fermeture de PEL de près de 40 % par rapport à 2010 et d'environ 61 % par rapport à 2009. Ainsi, au 1 er novembre 2010, près de 514 millions d'euros de primes avaient été versés contre environ 802 millions d'euros à la même date en 2009. Au total, d'après les prévisions de la direction générale du Trésor, en 2010, le montant des primes versées ne devrait pas excéder 612 millions d'euros .

2. Une entorse aux principes budgétaires

La persistance d'un report de charge de plusieurs centaines de millions d'euros enfreint plusieurs principes budgétaires . Dans sa note d'exécution budgétaire 2009, la Cour des comptes considérait tout d'abord que l'Etat, en demeurant débiteur à l'égard du CFF, « met à mal trois des quatre principes budgétaires », et en l'occurrence :

1) le « correct calibrage » des dotations en loi de finances initiale, ce que votre rapporteur spécial analyse comme une entorse au principe de sincérité ;

2) le principe d' universalité , en « faisant financer par un établissement de crédit des dépenses qui doivent juridiquement être inscrites au budget » ;

3) le principe d' annualité , en « repoussant d'un exercice sur l'autre la charge non budgétée des dépenses d'épargne logement ». Sur ce dernier point, le Gouvernement a pu avancer que le découvert de l'Etat auprès du CFF correspondait à une volonté de « lissage » d'une dépense dont l'inflation était considérée comme ponctuelle . Votre rapporteur spécial partage l'analyse de la Cour des comptes, selon laquelle un tel lissage peut se concevoir s'il s'opère au moyen d'une réserve de trésorerie préalablement constituée, mais ne présente guère d'intérêt s'il se traduit par la constitution d'une dette et le paiement d'intérêts. Les arguments du Gouvernement sont donc, à cet égard, difficilement recevables.

Outre qu'elles peuvent s'analyser comme une entorse aux principes budgétaires, il n'est pas certain que les avances consenties par le CFF constituent une bonne opération financière pour l'Etat , dans la mesure où leurs conditions 30 ( * ) sont moins avantageuses que celles que l'Agence France Trésor pourrait consentir à d'autres services auxquels sont consenties de telles avances.

Dans sa note d'exécution budgétaire 2008, la Cour avait comparé la rémunération des avances du CFF avec les émissions de Bons du Trésor à taux fixe (BTF) par l'AFT. Elle en avait conclu que « aux sept dates d'émission (de BTF à 1 mois intervenues en 2008), la rémunération versée au CFF [...] a toujours été supérieure au taux des BTF, sans même prendre en compte la capitalisation mensuelle des intérêts ».

Ainsi, en 2008, année où les intérêts versés ont été les plus élevés, le coût du financement par le CFF aurait été supérieur d'environ 500 000 euros par rapport au recours à des BTF. En revanche, le CFF estime que, au moins pour la période récente, les conditions qu'il propose sont plus favorables à l'Etat que celles d'un refinancement par les BTF.

Il va de soi que les exigences du marché constituent un facteur déterminant pour apprécier la comparaison entre le financement par BTF et les avances rémunérées consenties par le CFF. En tout état de cause, la politique monétaire non conventionnelle actuelle, qui perturbe la vision des taux à court terme, ne permet pas de se prononcer sur le surcoût pour l'Etat. Quoi qu'il en soit, votre rapporteur spécial adhère aux remarques de la Cour des comptes : il n'est pas souhaitable qu'un déficit de cette ampleur soit débudgétisé.

Par ailleurs, comme indiqué plus haut, les avenants successifs à la convention de 1992 entre l'Etat et le Crédit foncier ont prévu qu'en cas de solde débiteur, l'Etat paierait au CFF des intérêts au taux EONIA majoré de 6,5 points de base. La direction générale du Trésor rappelle que le taux initialement prévu était égal au taux EONIA+12,5 points de base, et que les avenants successifs ont donc permis de « limiter le coût du portage du découvert auprès du CFF ».

D'après les réponses au questionnaire, ces clauses ont entraîné le paiement par l'Etat de montants d'intérêts égaux à 12,54 millions d'euros en 2007, 21,2 millions d'euros en 2008 et 3,3 millions en 2009.

Ces montants, qui gagneraient à figurer explicitement dans la justification au premier euro des projets et rapports annuels de performances , ne sont pas directement corrélés à celui du report de charge constaté, chaque année, en début de gestion, mais à la variation du solde du compte ouvert auprès du CFF.

Les intérêts étant calculés à la fin de chaque mois, le paiement des provisions par l'Etat a pour effet de minorer le solde débiteur auquel sont appliqués les intérêts débiteurs, voire de le transformer en solde créditeur auquel sont appliqués des intérêts créditeurs .

Afin de minorer au maximum les intérêts débiteurs en début d'année, la direction générale du Trésor verse une provision importante dès qu'elle dispose des crédits budgétaires, c'est-à-dire, le plus souvent, pour le mois de février. Ainsi, en 2009, pour éviter de dépasser le seuil d'un milliard d'euros prévu par la convention Etat-CFF, la provision transférée en janvier, correspondant à la quasi-totalité de la dotation budgétaire votée en loi de finances pour 2009, a permis de rétablir un solde créditeur. Une telle opération ne consiste pas à apurer le découvert mais à le combler provisoirement. Il s'agit donc d'une opération de « cavalerie » qui consiste à pousser les déficits en avant sans les résorber ( cf. tableau ci-après).

Au 1 er novembre 2010, près de 404 000 euros d'intérêts avaient été versés au Crédit foncier, ce qui met en évidence la très forte diminution du découvert .

Évolution du solde débiteur de l'Etat auprès du CFF entre 2006 et 2010

(en euros)

2006

2007

2008

2009

2010

Provisions reçues

Primes payées

Provisions reçues

Primes payées

Provisions reçues

Primes payées

Provisions reçues

Primes payées

Provisions reçues

Primes payées

Janvier

0,00

182 263 830,36

220 000 000,00

153 550 356,38

220 000 000,00

132 375 295,08

1 083 144 075,09

143 351 490,72

0,00

48 910 560,47

Février

235 000 000,00

225 986 545,49

865 000 000,00

184 871 876,17

973 000 000,00

175 091 204,99

0,00

142 401 262,50

819 242 824,31

58 277 295,94

Mars

220 000 000,00

216 947 060,36

200 000 000,00

156 807 371,67

0,00

146 220 542,14

0,00

92 716 312,11

0,00

60 642 783,71

Avril

350 000 000,00

164 380 671,18

77 000 000,00

117 554 820,25

0,00

146 955 806,07

0,00

79 095 433,22

90 000 000,00

53 821 215,86

Mai

0,00

129 286 573,91

0,00

109 677 285,25

0,00

112 518 077,46

0,00

56 787 286,23

70 000 000,00

45 171 262,66

Juin

200 000 000,00

147 209 271,73

0,00

112 765 600,73

0,00

133 311 784,13

0,00

68 799 458,25

0,00

55 618 453,51

Juillet

85 000 000,00

118 151 431,55

0,00

118 455 200,80

0,00

134 811 994,13

0,00

66 606 326,58

110 000 000,00

52 580 938,90

Août

0,00

94 962 734,65

0,00

75 427 876,27

0,00

79 237 611,37

0,00

43 444 317,57

39 256 066,08

Septembre

85 000 000,00

100 545 296,49

0,00

81 916 724,10

145 000 000,00

107 064 655,09

70 000 000,00

49 790 763,82

50 000 000,00

47 478 646,81

Octobre

0,00

135 598 226,55

0,00

119 254 879,97

0,00

167 211 852,87

0,00

59 301 663,45

52 287 117,54

Novembre

0,00

124 048 992,94

0,00

116 488 647,96

0,00

114 014 960,91

0,00

48 339 593,95

Décembre

0,00

144 881 694,10

0,00

128 988 890,95

151 855 924,91

139 310 829,63

2 605 963,15

57 023 219,70

Total

1 175 000 000,00

1 784 262 329,31

1 362 000 000,00

1 475 759 530,50

1 489 855 924,91

1 588 124 613,87

1 155 750 038,24

907 657 128,10

1 139 242 824,31

514 044 341,48

Solde débiteur année n

- 609 262 329,31

- 113 759 530,50

- 98 268 688,96

248 092 910,14

Solde débiteur année n-1

- 95 702 408,82

- 715 299 633,68

- 842 703 558,34

- 963 363 591,95

- 719 242 824,31

Commission gestion année n

- 1 341 361,09

- 1 107 294,82

- 1 191 424,57

-680 997,95

Intérêts débiteurs année n

-8 993 534,46

- 12 537 099,34

- 21 199 920,08

- 3 291 144,55

Solde débiteur total

- 715 299 633,68

- 842 703 558,34

- 963 363 591,95

- 719 242 824,31

Source : direction générale du Trésor

B. UNE DETTE PERSISTANTE À L'ÉGARD DU CFF, QUE NE JUSTIFIE PAS ENTIÈREMENT LE CARACTÈRE ALÉATOIRE DE LA PRÉVISION

1. Une prévision délicate

S'agissant de la sincérité de la prévision budgétaire, votre rapporteur spécial prend volontiers acte du fait qu'elle constitue un exercice difficile . Comme le fait valoir la direction générale du Trésor, « la dépense épargne-logement est délicate à appréhender car fortement dépendante des comportements des détenteurs de PEL et de CEL, ces derniers étant attentifs à l'évolution de deux facteurs principaux qui conditionnent l'attractivité du PEL en tant que produit d'épargne et produit d'accession :

« - des facteurs économiques : taux de rémunération du PEL au regard du taux de rémunération des autres produits d'épargne (livret A, assurance-vie), taux d'un prêt PEL au regard des taux de prêts libres ;

« - des facteurs réglementaires , voire fiscaux , l'arrivée d'un PEL à une maturité de 10 ans ou 12 ans (n'étant) pas sans conséquence en matière fiscale ».

L'ensemble de ces éléments conduit le Gouvernement à souligner la difficulté de « prendre en compte dans l'exercice de chiffrage l'ensemble des facteurs économiques ou conjoncturels qui jouent un rôle déterminant dans la clôture des plans et comptes d'épargne-logement et dans le déclenchement du paiement de la prime » . On relève néanmoins que « les effets de la fiscalisation peuvent être mieux anticipés lors de l'exercice de prévision budgétaire : en effet celui-ci repose principalement sur un chiffrage prévisionnel des taux de clôture pour chaque génération de PEL. Or, lors de cet exercice, est pris en compte l'impact que pourraient avoir les effets de la fiscalisation sur les générations de PEL de 10 ans et 12 ans : pour ces générations, le taux de clôture est systématiquement majoré entraînant ainsi une augmentation du montant de primes susceptibles d'être versées ».

Concrètement, la prévision inscrite au projet annuel de performances croise :

1) les statistiques générationnelles , fournies par les huit principaux établissements de crédit servant les primes (nombre de PEL ouverts à la fin de chaque année, montant de leur encours, prime moyenne acquise pour chaque génération de plan donnée) ;

2) l'évolution du montant de primes versées au cours des dernières années ;

3) l'évolution du taux de clôture des PEL, dans leur ensemble et par génération, depuis au moins deux ans.

Selon le Trésor, « l'analyse comparative de l'ensemble de ces données, associée à la prise en compte des effets de la réglementation fiscale actuelle permet, dans une certaine limite, d'extrapoler sur les trois années à venir les taux de clôture de l'ensemble des générations de PEL et d'en déduire le montant de primes à payer ».

L'évolution des crédits sur trois ans inscrits dans le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances montre que la dotation du programme 145 « Epargne » devrait croître d'environ 0,72 % en 2012 (1 129 millions d'euros) pour ensuite diminuer de près de 1,43 % en 2013 (1 113 millions d'euros). Ces variations ne semblent pourtant pas correspondre au dynamisme attendu en termes de clôture de plans en 2011 et 2012 ( cf. infra ).

2. Apurer la dette à l'égard du CFF et prévenir sa reconstitution

Il n'est donc pas contestable que le calibrage annuel du besoin de crédits constitue un exercice délicat, car soumis à de nombreux aléas. Pour autant, votre rapporteur spécial considère que les prévisions élaborées au cours des trois dernières années ne pouvaient être qualifiées de totalement sincères dans la mesure où, au-delà des difficultés liées à l'estimation des crédits nécessaires pour couvrir les primes de l'année à venir, elles ne prévoyaient aucune marge de manoeuvre supplémentaire pour résorber le report de charge accumulé qui, lui, était certain.

En effet, si le décalage entre prévision et exécution est difficilement évitable, une prévision sincère devrait néanmoins tenir compte des éventuelles insuffisances constatées au titre des années passées pour procéder à des ajustements réguliers des crédits ouverts en loi de finances initiale, afin d'éviter l'accroissement du découvert de l'Etat auprès du Crédit foncier.

Il ne semble pas qu'une telle pratique ait été observée au cours des dernières années et, dans ces conditions, votre rapporteur spécial recommande que la budgétisation de l'action 1 du programme « Epargne » tienne compte, à l'avenir, de la nécessité de résorber les reports de charge attendus en fin de gestion. Par exemple, à la fin de l'année 2008, la dotation budgétaire votée pour l'année 2009 était à peine suffisante pour couvrir les découverts de l'année précédente. La reconstitution d'une dette était par conséquent certaine.

Il a fallu des événements conjoncturels (la baisse inopinée du nombre de primes versées en 2010) pour que le découvert soit sensiblement diminué et qu'il soit même possible d'envisager sa résorption définitive au cours de l'année 2011 ( cf. infra ). Au 1 er novembre 2010, le découvert ne s'élevait plus qu'à 42,5 millions d'euros .

Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur spécial, la dépense associée aux primes devrait avoisiner 612 millions d'euros en 2010, soit un montant bien inférieur de celui constaté en 2009. 1 249,525 millions d'euros ayant été inscrits en loi de finances initiale, le surplus de crédits disponibles par rapport aux besoins devrait s'établir à environ 637,525 millions d'euros. Si ce surplus était affecté entièrement à la résorption du report de charge existant, le report de charge résiduel pourrait passer de 719 millions d'euros début 2010 à environ 82 millions d'euros début 2011 , à la condition que la réserve de précaution initiale - consistant à geler 5 % des crédits votés en début d'exercice, soit 109 millions d'euros - soit levée.

Votre rapporteur spécial préconise cette solution - ou l'ouverture de crédits supplémentaire en loi de finances rectificative pour 2010 - afin de débuter l'année 2011 sur des bases financières totalement assainies. Une telle démarche apparaît d'autant plus souhaitable que, selon la Cour des comptes, « de nouveaux pics de dépenses devraient être observés » 31 ( * ) entre 2011 et 2013, « compte tenu de l'arrivée à échéance de grosses générations de prêts de 10-12 ans, impactés par les dispositions fiscales et sociales décidées en 2005 et 2006 ».

C. DES COÛTS DE GESTION ÉLEVÉS ET INSUFFISAMMENT CONTRÔLÉS

Outre les intérêts dus au Crédit foncier en cas de provisions insuffisantes et de solde débiteur, les modalités actuelles de financement de l'épargne-logement occasionnent des frais de gestion insuffisamment maîtrisés.

1. Les frais de gestion liés aux primes d'épargne-logement

Aux termes de l'article 11 de la convention de 1992, « les frais et dépenses de fonctionnement auxquels donnent lieu les services assurés en exécution de la présente convention sont remboursés semestriellement par le Trésor au Crédit foncier sur la production d'états justificatifs qu'il appartient à cet établissement de fournir à la direction du Trésor » .

Votre rapporteur spécial observe que les frais de gestion exposés par le CFF pour le paiement des primes d'épargne-logement sont passés de 330 484 euros en 2002 à 690 646 euros en 2009, après un pic à 710 497 euros en 2008. La loi de finances initiale pour 2010 les évalue à 750 000 euros et le projet de loi de finances pour 2011 à plus de 866 000 euros. Entre 2002 et 2009, l'augmentation annuelle de ces frais aura donc été de 14 % en moyenne.

Évolution des frais de gestion facturés par le CFF

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses du Crédit foncier de France.

Selon le projet annuel de performances pour 2010, cette augmentation notable s'explique par le fait que le Crédit foncier a, à compter de 2005, « été amené à réaliser de nombreux développements informatiques afin de tenir compte des modifications réglementaires », telles que l'obligation de souscrire un prêt immobilier pour bénéficier du versement de la prime, ou de répondre aux demandes de l'administration (contrôle accentué des homonymies...). De même, en 2008, la modification du « schéma de comptabilité analytique » du CFF « a eu un impact sur la répartition des différents coûts de sa structure et par conséquent sur le montant des frais de gestion facturés ».

Selon les réponses au questionnaire, la direction générale du Trésor « contrôle le relevé de dépenses fourni par le CFF et vérifie à ce titre les sommes de l'ensemble des postes de dépenses qui composent les frais de gestion (dépenses de personnel, dépenses de matériel, charges) ».

Pour l'année 2009, les frais se sont décomposés ainsi :

Frais de personnel

417 925,43

Frais de matériel

113 448,15

Charges

130 100,68

Total

661 474,26

Ce contrôle s'opère tant par rapport à l'évolution des frais constatée les semestres précédents que par rapport aux justificatifs fournis par le Crédit foncier, expliquant d'éventuelles hausses des coûts.

Votre rapporteur spécial a pu constater que les justificatifs détaillent chaque poste de dépense très précisément et il convient de souligner l'effort de comptabilité analytique qui a été entrepris. Le CFF est ainsi en mesure d'indiquer que 2,97 ETP sont affectés au traitement des primes d'épargne-logement en 2010 (contre 3,47 en 2009 et 4,06 en 2008).

Néanmoins, il ne serait possible de porter une appréciation sur la justesse de ces documents qu'à l'appui d'un contrôle approfondi sur place et au vu des pièces comptables certifiées. La direction générale du Trésor a expliqué qu'elle ne mandate pas de commissaire aux comptes pour expertiser la gestion du CFF. En revanche, de telles missions ont déjà été confiées à l'Inspection générale des finances. La dernière remonte à l'année 2003. Il serait souhaitable que l'IGF soit à nouveau mandatée pour expertiser en profondeur la gestion du CFF , non pas que votre rapporteur spécial mette en doute la fiabilité et la véracité des données transmises mais parce qu'il est sain qu'un mandant contrôle à échéance régulière son mandataire.

Votre rapporteur spécial relève enfin que, parmi l'ensemble des dépenses non liées directement au paiement des primes d'épargne-logement, seuls les frais de gestion stricto sensu font l'objet d'une présentation distincte dans les documents budgétaires, en tant que crédits de fonctionnement (titre 3).

Il n'en est pas de même de la commission de gestion perçue par le CFF, soit près de 570 000 euros en 2009 et environ 347 000 euros au 1 er novembre 2010, sans que l'on puisse en expliquer clairement la raison. Elle représente la rémunération du service rendu par le CFF à l'Etat et est égale à 0,0625 % hors TVA des primes versées chaque mois.

Lors de son audition par votre rapporteur spécial, la Cour des comptes a fait valoir qu'il serait plus logique que la commission soit calculée en fonction du nombre de dossiers traités plutôt qu'en fonction du montant des primes . En effet, seul le traitement des dossiers constitue un acte de gestion pour le CFF et ce quel que soit le montant de la prime. Votre rapporteur spécial adhère à cette préconisation .

La rémunération totale du CFF dépend de plusieurs facteurs comme le montre le tableau ci-dessous. Depuis 2002, elle a ainsi fluctuée dans une fourchette de 1 à 17, principalement du fait d'intérêts débiteurs élevés.

Rémunération du CFF au titre de la gestion des primes d'épargne-logement

(en euros)

Frais de gestion

Dont frais informatiques

Commissions de gestion

Intérêts débiteurs Trésor

Total

2002

303 153,48

61 170,00

832 294,81

1 651 346,35

2 786 794,64

2003

335 216,34

81 883,00

568 210,59

428 690,47

1 332 117,40

2004

377 193,81

75 071,00

537 614,86

982 391,90

1 897 200,57

2005

634 291,69

247 635,00

608 759,18

1 117 801,75

2 360 852,62

2006

654 103,25

221 624,00

1 121 539,37

8 993 534,47

10 769 177,09

2007

670 536,15

233 881,00

925 831,79

12 537 099,35

14 133 467,29

2008

713 812,97

262 739,00

996 174,38

21 199 920,09

22 909 907,44

2009

661 474,27

254 282,00

569 396,30

3 291 144,55

4 522 015,12

Source : Crédit foncier de France

2. Les frais de gestion associés aux prêts au secteur aidé

Hors primes associées aux CEL et PEL, la Cour des comptes relève, dans sa note d'exécution budgétaire relative à l'exercice 2009, que le financement des prêts du Crédit foncier au secteur aidé 32 ( * ) se caractérisent également par d'importants frais de gestion .

Ainsi, 40 % des dépenses de l'action 2 « Instruments de financement du logement » du programme 143 « Epargne » correspondent à des frais de gestion et la commission de gestion versée au CFF, soit 1,955 million d'euros, « représente la moitié du montant des aides versées par l'Etat en 2009 (3,8 millions d'euros) » . S'agissant de mécanismes de prêts en extinction, la Cour recommande de mettre un terme à leur gestion par le Crédit foncier en faisant racheter par l'Etat le portefeuille résiduel de prêts.


* 28 L'action 2 de ce programme « Instruments de financement du logement social » retrace quant à elle l'intervention de l'Etat au niveau des prêts du secteur aidé du Crédit foncier de France et des prêts conventionnés gérés par la Société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS), l'ensemble de ces prêts concourant à l'amélioration de l'accession à la propriété.

* 29 Ce redéploiement a contribué à financer un dépassement des dépenses initialement prévues et dû à la restructuration de prêts en faveur de l'outre-mer.

* 30 Soit EONIA+0,065 % et capitalisation mensuelle.

* 31 Note d'exécution budgétaire 2009.

* 32 Soit les prêts d'accession à la propriété (PAP), les prêts locatifs aidés (PLA), les prêts spéciaux immédiats (PSI), les prêts pour le financement d'immeubles à loyer moyen (ILM) et les prêts complémentaires fonctionnaires (PCF).