II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012)

Observations et décision de la Commission :

Le présent article introduit pour la seconde année une réduction homothétique, dénommée plus communément « rabot », de 10 % portant sur les taux ou les plafonds d'imputation annuelle de certains des avantages fiscaux compris dans le champ du plafonnement global. Cet article s'inscrit ainsi dans la continuité du travail de rationalisation de l'accès à la dépense fiscale et de son coût mené par le Parlement depuis 2008.

Le rabot ainsi proposé vise à nouveau à réduire le coût de certaines dépenses fiscales ciblées et complète à ce titre les dispositions de plafonnement visant à modérer l'accès à la dépense fiscale (I). Le maintien du périmètre des dépenses fiscales concernées par le rabot et la reconduction d'un taux de réduction de 10 % soulignent la volonté de présenter une mesure équilibrée ne remettant en cause ni la légitimité des dépenses concernées, ni les démarches d'évaluation ou de réforme particulières à certains dispositifs fiscaux (II).

I.- LE DISPOSITIF EN VIGUEUR

L'application d'un rabot identique sur un ensemble de niches doit permettre de réduire leur coût global, sans toutefois remettre en question leur intérêt pour les contribuables. L'impact de ce deuxième rabot sur le niveau des niches visées est néanmoins plus sensible puisqu'il intervient sur des taux d'ores et déjà dégradés et ce d'autant que le périmètre des avantages visés est très limité.

1.- Le coût des niches fiscales au regard du produit de l'impôt sur le revenu

Les avantages fiscaux relatifs à l'impôt sur le revenu constituent l'ensemble le plus important (en termes de nombre et de coût) des dépenses fiscales présentées dans le fascicule « Voies et moyens ». Sur un montant total de 67,5 milliards d'euros pour 504 dépenses fiscales recensées en 2011 et concernant l'ensemble des impôts, le montant de celles propres à l'impôt sur le revenu est de 34,5 milliards d'euros (au lieu de 33 milliards d'euros prévus en LFI 2011), soit un peu plus de 5 0 % de l'ensemble des dépenses .

VENTILATION DU COÛT DES DÉPENSES FISCALES PAR TYPE D'IMPÔT EN 2011

Mds€

%

Impôt sur le revenu (hors mesures communes IR-IS)

34,5

51%

TVA

17,7

26 %

Impôt sur les bénéfices (yc IR)

8,3

12,3 %

Taxes intérieures énergétiques

2,2

3,4 %

Droits d'enregistrement

1,2

1,7 %

Impôts locaux

2,2

3,4 %

ISF

0,8

1,3 %

Divers

0,6

0,9 %

Total

67,5

100 %

Source : Fascicule « Voies et moyens » annexé au PLF pour 2012, tome II

Le tableau suivant retrace l'augmentation de la dépense fiscale propre à l'impôt sur le revenu depuis 2010. On constate que le coût des réductions d'impôt se dégrade un peu plus chaque année, tandis que celui des crédits d'impôt reste stable.

VENTILATION DU COÛT DES DÉPENSES FISCALES RELATIVES
À L'IMPÔT SUR LE REVENU PAR TYPE DE DÉPENSE

(en milliards d'euros)

Coût 2010

Coût 2011

Coût 2012 (estimations)

Dépense fiscale à l'impôt sur le revenu :

- dont crédit d'impôt

- dont réduction d'impôt

35

11

5

34,5

10

5

33,3

9

5

Source : Fascicule « Voies et moyens » pour 2012, tome II

La baisse du coût de la dépense fiscale depuis 2010 doit être interprétée de façon prudente puisque des déclassements conséquents sont intervenus depuis 2009 (déclassement de l'abattement de 40 % sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères chiffré à 1 milliard d'euros en 2009 ou de la déduction du revenu imposable des cotisations de retraite complémentaire des non-salariés chiffrée à 800 millions d'euros en 2011).

Cette évolution du coût de la dépense fiscale est à apprécier au regard de celle du produit net de l'impôt sur le revenu qui atteint 51,6 milliards d'euros pour 2011.

ÉVOLUTION DU PRODUIT NET DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012
(estimations)

Impôt sur le revenu

50

51,7

46,7

47,4

51,6

58,4

On notera cependant que la réflexion sur les niches fiscales ne peut reposer uniquement sur l'évaluation de leur coût au regard du rendement de l'impôt. Leur capacité à répondre à un enjeu de politique publique doit également être prise en compte. À titre d'exemple, une mesure favorisant le retour
à l'emploi telle que la prime pour l'emploi représente un coût important (3,2 milliards d'euros en 2011). Il en va de même pour les exonérations des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin (1,6 milliard d'euros en 2011). Cependant, ces dispositifs ne peuvent être supprimés à moins d'accepter des pertes substantielles de pouvoir d'achat pour les contribuables bénéficiaires. Par conséquent, la seule approche légitime est une approche privilégiant la distinction entre niches subies et niches choisies, qui a d'ailleurs guidé la mise en oeuvre du plafonnement global et du rabot.

2.- Le rabot constitue un dispositif de rendement complémentaire des mesures de plafonnement

a) L'évolution du coût des niches comprises dans le champ du plafonnement global

À l'initiative de l'Assemblée nationale, le législateur a introduit un nouvel article 200-0 A dans le code général des impôts (CGI) disposant que le total de certains avantages fiscaux relatifs à l'impôt sur le revenu ne peut procurer une réduction de l'impôt dû par le foyer concerné supérieure à 25 000 euros majorés de 10 % du revenu imposable de 2009, à 20 000 euros et 8 % du revenu imposable de 2010, puis à 18 000 euros et 6 % du revenu imposable de 2011. Par conséquent, tout avantage supérieur au plafonnement global ainsi déterminé ne permet plus de minorer l'imposition du contribuable. Le plafonnement global ne vise donc pas à réduire le coût de la dépense fiscale (bien qu'il y participe indirectement), mais à garantir que ce recours ne soit pas excessif au point d'annuler l'imposition de contribuables disposant de revenus importants.

Ce plafonnement s'exerce sur un périmètre réduit de dépenses fiscales. Ainsi, sont explicitement exclus de l'application de l'article 200-0 A du CGI les dispositifs accordés au titre d'une situation subie (situation familiale, situation professionnelle...). À ceux-ci s'ajoutent les avantages liés à la poursuite d'un intérêt général sans contrepartie. Seuls les avantages en impôt reçus en contrepartie d'un investissement ou du recours à une prestation sont donc susceptibles d'être plafonnés au regard de l'avantage total en impôt que le contribuable en retire.

Parmi les dix-sept dépenses fiscales les plus coûteuses chiffrées pour 2012 (qui représentent plus de 50 % du coût total des dépenses fiscales), dix sont relatives à l'impôt sur le revenu pour un montant de 16,4 milliards d'euros, parmi lesquelles quatre sont comprises dans le champ du plafonnement global pour un m ontant de 6,4 milliards d'euros.

Le plafonnement global porte donc sur un ensemble de niches dont le coût cumulé est conséquent, bien que certaines dépenses commencent à diminuer du fait de réformes récentes. Le tableau suivant retrace l'évolution du coût des plus importantes d'entre elles pour la période 2008-2012.

(en millions d'euros)

2008

2012

Évolution en %
par rapport à n-4

Réduction et crédit d'impôt salarié

à domicile

2 595

3 180

+ 18

Crédit d'impôt frais de garde des jeunes enfants

840

940

+ 10

Crédit d'impôt équipements habitation principale

2 100

1 400

- 33

Réduction d'impôt investissements outre-mer

940

865

- 8

Crédit d'impôt intérêts d'emprunt

249

1 825

+ 86

b) Le rabot a été conçu de manière à s'appliquer à l'ensemble des contribuables bénéficiant des niches comprises dans le périmètre du plafonnement global

La référence au périmètre du plafonnement global fait du rabot une mesure strictement réservée aux ménages. Toutefois, le rabot se distingue nettement du plafonnement global en ce qu'il ne poursuit qu'un objectif de rendement. Il est d'application universelle et touche les ménages proportionnellement au montant de dépenses qu'ils réalisent.

Pour un même montant d'investissement, les contribuables bénéficieront donc d'une moindre réduction d'impôt. Seules les personnes disposant de revenus suffisants pourront décider d'augmenter leur investissement pour parvenir au même montant d'avantage fiscal. L'ensemble des dispositifs étant plafonné, cette faculté reste néanmoins limitée.

À titre d'exemple, en 2012, un contribuable décide d'investir 250 000 euros dans un logement Scellier neuf respectant la norme « bâtiment basse consommation ». En application des dispositions prévues à l'article 40
du présent projet de loi, il bénéficie d'une réduction d'impôt de 16 % de
son investissement, soit 40 000 euros, répartie en parts égales
sur neuf ans (4 444 euros par an). En application du rabot, le taux est abaissé à 14 % (16*0,9 arrondis à l'unité inférieure). Si le contribuable souhaite maintenir son niveau de réduction d'impôt initial, il est contraint d'investir 286 000 euros, soit 13 % de plus. Dans ce cas, l'économie générée par le rabot est remise en cause par la modification de comportement du contribuable.

Si ce même contribuable réalise un investissement au plafond, soit 300 000 euros, dans un même type de logement, il bénéficie d'une réduction d'impôt avant rabot de 48 000 et de 42 000 euros après rabot qu'il ne peut maximiser. Dans ce cas, le rabot génère une véritable économie.

Le rabot ne s'oppose donc pas à ce que les contribuables puissent continuer de diminuer autant qu'auparavant leur imposition :

- soit en recourant plus intensivement à des niches qu'ils ne plafonnent pas ;

- soit en recourant à des niches exclues de son périmètre.

Ce nouvel outil est donc complémentaire des mesures de plafonnement mises en oeuvre ces dernières années puisqu'il garantit que les personnes maximisant leur avantage fiscal contribuent davantage à cette mesure de rendement, tout en réduisant l'intérêt d'une dépense supplémentaire pour les personnes en deçà des plafonds. De plus, à l'instar du plafonnement, il ne remet pas en cause la légitimité de la dépense fiscale, mais uniquement une partie de son coût au regard des capacités actuelles des finances publiques.

Les choix qui ont présidé à la rédaction du présent article emportent néanmoins des conséquences sur le rendement de la mesure afin d'en atténuer l'impact pour les ménages concernés.

II.- LA NOUVELLE MESURE DE RABOT PROPOSÉE

Le rabot proposé par le présent article est en tous points semblable à celui adopté en loi de finances pour 2011. Le développement suivant se concentrera donc sur les modifications adoptées à l'initiative du Parlement qui ont été reprises dans le cadre du présent article et renverra pour plus de précisions au rapport sur le projet de loi de finances pour 2011.

1.- Le maintien d'un périmètre d'application restreint

Sur la base des éléments disponibles dans le « Voies et moyens » consacré aux dépenses fiscales, annexé au projet de loi de finances pour 2011, le montant cumulé des réductions d'impôt et crédits d'impôt pris en compte par le plafonnement global correspond à 11 milliards d'euros.

PÉRIMÈTRE DU PLAFONNEMENT GLOBAL

(en millions d'euros)

Réduction d'impôt ou crédit d'impôt accordés au titre :

Base légale

Dépense fiscale
en 2011

- des souscriptions de parts de fonds d'investissement de proximité situé en métropole et en Corse

Art. 199 terdecies

76

- des souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l'innovation

Art. 199 terdecies

100

- des souscriptions au capital des petites et moyennes entreprises

Art. 199 terdecies

235

- de l'emploi d'un salarié à domicile

Art. 199 sexdecies

3 180

-  des souscriptions au capital des Sofica et Sofipêche

Art. 199 unvicies

Art. 199 quatervicies

28

-

- des travaux de restauration et de conservation d'objets classés

Art. 199 duovicies

1

- des investissements immobiliers locatifs dans le secteur du tourisme ou hôtelier à vocation sociale

Art. 199 decies E à 199 decies G

Art. 199 decies I

52

-

- des investissements forestiers

Art. 199 decies H

6

- des investissements immobiliers locatifs

Art. 199 septvicies

Art. 199 sexvicies

Art. 31, I-1°, h et 31 bis

Art. 31, I-1°, l

270

55

415

120

- des investissements en outre mer (1)

Art. 199 undecies A

Art. 199 undecies B

Art. 199 undecies C

315

730

70

- de la télédéclaration

Art. 199 novodecies

-

- des opérations de restauration immobilière

Art. 199 tervicies

4

- des dépenses effectuées en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel

Art. 199 octovicies

-

- des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de l'habitation principale

Art. 200 quaterdecies

1 920

- des équipements de l'habitation principale favorable au développement durable

Art. 200 quater

2 000

- des frais de garde des jeunes enfants

Art. 200 quater B

940

- des revenus distribués

Art. 200 septies

-

- des primes d'assurance pour garantir les loyers impayés

Art. 200 nonies

6

TOTAL

10 523

(1) Dans les cas où la loi impose la rétrocession d'une partie de la réduction d'impôt obtenue (selon les cas de 65 %, 60 % ou 50 %), celle-ci n'est retenue que pour la fraction de son montant correspondant à l'avantage réel dont bénéficie in fine le contribuable (soit respectivement 35 %, 40 % ou 50 %).

Le périmètre du rabot exclut cependant deux des mesures les plus coûteuses au regard de l'impôt sur le revenu : les crédit et réduction d'impôt au titre des dépenses réalisées pour l'emploi d'un salarié à domicile (dont le coût au titre de 2011 est de 3,2 milliards d'euros et qui couvrent un champ très large de services allant de la garde des enfants à domicile aux cours à domicile pour apprendre à nager, à la préparation des déjeuners, etc. et les frais de garde des jeunes enfants (940 millions d'euros).

Enfin, la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies C est également exclue du rabot au titre de l'effort prioritaire que représente la construction de logements sociaux en outre-mer (pour un coût évalué pour 2011 à 70 millions d'euros).

Au final, le rendement de cette mesure au périmètre très limité n'est plus que de 340 millions d'euros.

PÉRIMÈTRE DU RABOT SUR LES DÉPENSES FISCALES

(en millions d'euros)

Réduction d'impôt ou crédit d'impôt accordés
au titre :

Base légale

Dépense fiscale en 2011

- des souscriptions de parts de fonds d'investissement de proximité situé en métropole et en Corse

art. 199 terdecies-0 A

76

- des souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l'innovation

art. 199 terdecies-0 A

100

- des souscriptions au capital des petites et moyennes entreprises

art. 199 terdecies-0 A

235

- des souscriptions au capital des Sofica et Sofipêche

art. 199 unvicies

art. 199 quatervicies

28

-

- des travaux de restauration et de conservation d'objets classés

art. 199 duovicies

1

- des investissements immobiliers locatifs dans le secteur du tourisme ou hôtelier à vocation sociale

art. 199 decies E à 199 decies G art. 199 decies I

52

-

- des investissements forestiers

art. 199 decies H

6

- des investissements immobiliers locatifs

art. 199 septvicies

art. 199 sexvicies

270

55

- des investissements en outre mer (1)

art. 199 undecies A

art. 199 undecies B

art. 199 undecies D

315

730

- des opérations de restauration immobilière

art. 199 tervicies

4

- des dépenses effectuées en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel

Art. 199 octovicies

-

- des équipements de l'habitation principale favorable au développement durable

art. 200 quater

2 000

- des primes d'assurance pour garantir les loyers impayés

art. 200 nonies

6

TOTAL

3 378

Par conséquent, on ne peut que constater que l'objectif de rendement de la mesure est nettement subordonné à la préservation de certains avantages fiscaux, ce qui est cohérent avec la volonté de ne pas pénaliser trop fortement les ménages concernés.

2.- La réduction de 10% des taux et des plafonds d'imputation annuelle des réductions et crédits d'impôt concernés

a) Un dispositif d'application transversale

Le taux de 10 % proposé par le présent article est conforme à l'objectif poursuivi par le rabot qui vise à réduire le coût global de certaines niches sans remettre en question leur légitimité. Il a vocation à s'appliquer à la fois aux taux des réductions et des crédits d'impôt, aux plafonds d'imputation annuelle de ces avantages, ainsi qu'aux plafonds de ces avantages admis en imputation, qu'ils soient exprimés en euros ou en pourcentage d'un revenu.

Concrètement, ces montants ou ces taux sont multipliés par 0,9, puis arrondis à l'unité inférieure. Le rabot ne s'applique qu'une seule fois en application des dispositions définies par la loi. Les taux ainsi modifiés seront ensuite substitués par décret en Conseil d'État aux taux en vigueur dans le code général des impôts avant le 30 avril 2012. La traduction mathématique du premier rabot sur les avantages fiscaux obtenus au titre de dépenses réalisées en 2011 a ainsi été effectuée par le décret n° 2011-520 du 13 mai 2011.

À titre d'exemple, un collectionneur de pendules anciennes souhaitant bénéficier de la réduction d'impôt au titre des dépenses de restauration d'objets mobiliers classés ne pourra plus bénéficier que d'un taux de 19 % à compter des dépenses réalisées en 2012, ce taux ayant été abaissé successivement
de 25 % à 22 %, puis de 22 % à 19 % sous l'effet des deux rabots.

b) Le traitement spécifique des réductions d'impôt en faveur des investissements en outre-mer

? Le traitement spécifique de la réduction d'impôt au titre des investissements productifs réalisés dans le cadre d'un schéma locatif (199 undecies B)

L'application du rabot à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B accordée au titre d'investissements productifs réalisés en outre-mer dont une partie est restituée à l'exploitant ultramarin est plus complexe.

En effet, la réduction des taux proposée a été modifiée à l'initiative de l'Assemblée nationale de sorte à ne plus faire porter le rabot que sur la part de l'avantage non restituée à l'entreprise ultramarine par le contribuable et d'augmenter de façon proportionnelle le taux de la rétrocession. Par conséquent, l'avantage du contribuable est diminué de 10 % bien qu' in fine le rabot global sur la dépense fiscale ne soit que de 4 % pour les investissements dont le montant par programme et par exercice est inférieur à 300 000 euros par exploitant et de 5 % pour les autres investissements.

L'adoption d'une telle mesure se justifiait par le fait que, dans la version initiale du rabot proposée à l'article 58 du projet de loi de finances pour 2011, le contribuable était plus durement traité dans le cas d'un investissement en outre-mer que dans le cas d'autres investissements puisqu'il supportait à la fois le rabot portant sur la part non rétrocédée et le rabot sur la part rétrocédée. De fait, la réduction de l'avantage fiscale était alors non plus de 10 %, mais de 25 % ou 20 % pour le contribuable selon que le taux de la rétrocession était de 50 % ou de 60 %. Ce déséquilibre a ainsi été corrigé à l'occasion de l'examen du dispositif par l'Assemblée nationale.

Exemple 1 : un investissement de 100 000 euros donnant droit à une réduction d'impôt de 50 % avant application du rabot 2011 procurait un avantage fiscal de 50 000 euros. La part de cette réduction d'impôt rétrocédée à l'exploitant ultramarin était quant à elle de 50 %, soit 25 000 euros. Le contribuable bénéficiait donc d'un avantage net en impôt de 25 000 euros.

Dans le cadre de l'application du premier rabot, ce même investissement réalisé en 2011 donne lieu à une réduction d'impôt de 47,5 %, soit 47 500 uros, dont 47,37 % reviennent au contribuable (soit 22 500 euros ( 49 ) ) et 52,63 % à l'exploitant (soit 25 000 euros). On constate donc que le contribuable conserve bien le montant de réduction d'impôt qui aurait résulté de la baisse de 10 % du taux global de la réduction d'impôt, tandis que le rabot est neutre pour l'exploitant.

Le raisonnement est le même dans le cas d'un investissement de montant supérieur.

Exemple 2 : Un investissement de 1 million d'euros donnant droit à une réduction d'impôt de 50 % avant application du rabot 2011 procurait un avantage fiscal de 500 000 euros. La part de cette réduction d'impôt rétrocédée à l'exploitant ultramarin était de 60 %, soit 300 000 euros. Le contribuable bénéficiait donc d'un avantage net en impôt de 200 000 euros. Après application du premier rabot, le taux de la réduction de 50 % est abaissé à 48 % (soit 480 000 euros de réduction d'impôt totale). La part de l'avantage rétrocédé qui était de 60 % avant l'application du premier rabot est portée à 62,50 % afin de maintenir à 300 000 euros la part dont bénéficie l'exploitant ultramarin.

Le présent article, en proposant l'application d'un second rabot, modifie les taux applicables dans le respect des arbitrages votés par l'Assemblée nationale.

Dans le cas de l'exemple précité d'un investissement de 100 000 euros donnant lieu à une réduction d'impôt avant le premier rabot de 50 %, le contribuable et l'exploitant auraient tous deux bénéficié de 25 000 euros (le taux de rétrocession étant de 50 %). En application du second rabot, le taux de réduction d'impôt est abaissé à 45,25 % et donne ainsi droit à une réduction d'impôt de 45 250 euros. La part rétrocédée de la réduction d'impôt est de 55,25 %, ce qui permet à l'exploitant ultramarin de conserver un avantage de 25 000 euros, tandis que la part de l'avantage non rétrocédée est de 20 000 euros. Ce montant correspond bien à l'avantage qui aurait résulté d'une réduction de 20 % du taux initial de la réduction d'impôt.

Il en va de même dans le cas de montants d'investissements plus importants ou d'investissements donnant lieu à une réduction d'impôt de 60 %.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA MODIFICATION DES TAUX APPLICABLES À
L'ARTICLE 199 UNDECIES B DANS LE CADRE D'UNE RÉDUCTION D'IMPOT DE 50 %

Investissement < 300 000 euros

Investissement = à 300 000 euros

Réduction d'impôt

Part rétrocédée

Réduction d'impôt

Part rétrocédée

Taux en vigueur

50 %

50 %

50 %

60 %

Taux après application du premier rabot (LFI 2011)

47,5 %

52,63 %

48 %

62,5 %

Taux après application du second rabot (PLF 2012)

45,25 %

55,25 %

46,2 %

64,94 %

TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA MODIFICATION DES TAUX APPLICABLES À L'ARTICLE 199 UNDECIES B DANS LE CADRE D'UNE RÉDUCTION D'IMPOT DE 60 %

Investissement < 300 000 euros

Investissement = à 300 000 euros

Réduction d'impôt

Part rétrocédée

Réduction d'impôt

Part rétrocédée

Taux en vigueur

60 %

50 %

60 %

60 %

Taux après application du premier rabot (LFI 2011)

57 %

52,63 %

57,6 %

62,5 %

Taux après application du second rabot (PLF 2012)

54,3 %

55,25 %

55,44 %

64,94 %

Par ailleurs, toutes les dispositions de coordination prises sont identiques à celles prévues dans le cadre de la précédente mesure de rabot, notamment s'agissant de l'aménagement des taux spécifiques applicables selon les différents investissements ou des montants de réduction d'impôt à retenir dans le cadre du plafonnement global.

? Le traitement spécifique du plafonnement des réductions d'impôt outre-mer prévu à l'article 199 undecies D

Dans le cadre de la loi de finances pour 2011, le premier rabot s'est appliqué au plafond spécifique aux réductions d'impôt prévues aux articles 199 undecies A et 199 undecies B qui a ainsi été abaissé de 40 000 euros à 36 000 euros. Le plafond optionnel de 15 % du revenu du foyer est quant à lui désormais de 13 %. Cette application est conforme à la disposition selon laquelle, lorsque plusieurs avantages fiscaux sont soumis à un plafond commun, celui-ci est également soumis au rabot. Ces niveaux de plafond devraient être abaissés dans le cadre du présent article à respectivement 32 000 euros et 11 %.

Une exception est néanmoins faite à cette disposition puisque, afin de neutraliser complètement l'effet du rabot sur la réduction d'impôt en faveur du logement social prévue à l'article 199 undecies C, les niveaux de plafonnement applicable au cumul des réductions d'impôts prévues aux articles 199 undecies A, 199 undecies B et 199 undecies C sont maintenus à 40 000 euros ou 15 % du revenu imposable du foyer. En pratique, un contribuable pourra donc bénéficier des deux premières réductions d'impôt à hauteur de 32 000 euros, puis de la troisième réduction d'impôt à hauteur de la différence entre les deux plafonds, soit de 8 000 euros. Par conséquent, l'avantage comparatif de la réduction d'impôt en faveur du logement social ne cesse de s'accroître au détriment des autres réductions d'impôt. L'objectif de diminution de la dépense fiscale demeure donc tempéré par la volonté de préserver certains investissements.

Ces deux plafonds ne prennent en compte que la part non rétrocédée de la réduction d'impôt, c'est-à-dire l'avantage fiscal définitif du contribuable.

Le montant maximal imputable des fractions ou reports de réductions d'impôt correspondant à la part rétrocédée de l'avantage et non retenus dans le plafond de 40 000 euros est en effet soumis à un plafonnement particulier égal à 60 000 euros dans le cas où l'avantage est rétrocédé à hauteur de 60 % à l'exploitant et à 40 000 euros dans le cas où la rétrocession s'élève à 50 %. Par conséquent, l'avantage maximal en impôt que peut obtenir un contribuable au titre de l'un des investissements visés par l'article 199 undecies B est de 100 000 euros (part rétrocédée comprise).

Par mesure de coordination avec les aménagements prévus pour les investissements réalisés dans le cadre de schémas locatifs, ce plafond distinct applicable à la part non rétrocédée a été maintenu dans le cadre du premier rabot et l'est à nouveau dans le cadre du second rabot prévu par le présent article.

III.- LES MODALITÉS PARTICULIÈRES D'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF

La mesure de rabot prévue par le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2012 pour les dépenses payées à compter du 1 er janvier 2012.

Cependant, une première exception est prévue pour le cas où le contribuable justifie qu'il a pris, au plus tard le 31 décembre 2011, l'engagement de réaliser un investissement immobilier. Conformément aux dispositions adoptées à l'Assemblée nationale dans le cadre du précédent rabot, cet engagement peut prendre la forme d'un contrat de réservation, à condition qu'il soit enregistré chez un notaire ou au service des impôts au plus tard le 31 décembre 2011. L'acte authentique doit quant à lui être passé au plus tard le 31 mars 2012.

Une seconde exception prévoit que le rabot ne s'applique pas aux investissements agréés avant le 28 septembre 2011 par le ministre chargé du budget conformément aux dispositions du II de l'article 199 undecies B, ainsi qu'aux investissements ayant fait l'objet d'une demande d'agrément avant cette date et agréés avant le 31 décembre 2011 et qui ouvrent donc droit à la réduction d'impôt sur les revenus de 2011.

IV.- ÉVALUATION DU RENDEMENT DE LA MESURE

Le Gouvernement estime le gain budgétaire à 340 millions à compter de l'impôt perçu en 2013, soit 10 % du coût annuel cumulé des différentes dépenses fiscales comprises dans le périmètre du rabot. On notera cependant que ces coûts intègrent toutes les mesures de report prévues pour le versement des réductions d'impôt qui ne sont pas prises en compte pour l'application du rabot. Cette estimation est donc majorante.

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La Commission en vient à l'amendement II-CF 244 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Gérard Bapt. Nous proposons d'inclure le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et celui pour frais de garde des jeunes enfants dans le périmètre de la réduction globale de 10 % appliquée aux réductions et crédits d'impôt au titre du plafonnement global des niches. L'amendement vise à aider le Gouvernement, en supprimant une dépense fiscale de près de 4 milliards.

M. le rapporteur général. Défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement II-CF 168 de M. François Scellier.

Elle est saisie de l'amendement II-CF 144 de M. Victorin Lurel.

Mme Annick Girardin. L'amendement vise à maintenir en l'état le régime de la défiscalisation des investissements outre-mer.

M. le rapporteur général. Défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement II-CF 150 de M. Gaël Yanno.

M. Gaël Yanno. Contrairement au précédent, cet amendement ne remet pas en cause le coup de rabot, et n'a pas d'impact budgétaire pour l'État. Il vise à maintenir les taux de rétrocession adoptés dans la loi de finances pour 2011, sachant que les exploitants ultramarins supporteront une partie des effets du rabot sans être exclus des dispositifs ou financements défiscalisés qui leur sont destinés.

M. le rapporteur général. En 2010, M. Yanno avait observé à juste titre que le texte du Gouvernement était défavorable à l'outre-mer, car, pour un investissement défiscalisé de 100, l'entreprise dans laquelle se faisait l'investissement partageait l'avantage avec le contribuable, par le biais du taux de rétrocession de 60 %. Faire supporter le coup de rabot de 10 %, soit de 10, au seul investisseur, auquel il ne restait que 40, le privait en fait du quart de la somme. L'an dernier, M. Yanno, soutenu par tous ses collègues de l'outre-mer, a proposé une modification, que Bercy a acceptée. Cette année, il suggère, pour que le coup de rabot ne concerne pas le seul investisseur, de figer le taux de rétrocession. Le principe est juste mais, la rédaction de l'amendement étant délicate, je suggère son retrait, afin d'en proposer une nouvelle version lors de la réunion qui se tiendra dans le cadre de l'article 88 du Règlement.

M. Gaël Yanno. Je retire l'amendement.

L'amendement II-CF 150 est retiré .

La Commission en vient à l'amendement II-CF 256 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. L'amendement vise à supprimer la mesure transitoire prévue par le projet de loi pour l'application du rabot, au profit de celle que nous avons votée dans le cadre du dispositif Scellier.

La Commission adopte l'amendement (amendement n° II-518) .

Puis elle adopte l'article 45 ainsi modifié .