ARTICLE  45 TER A (NOUVEAU) : ABAISSEMENT DU PLAFOND DES DÉPENSES ÉLIGIBLES À LA RÉDUCTION D'IMPÔT POUR L'EMPLOI D'UN SALARIÉ À DOMICILE DE 12 000 EUROS À 7 000 EUROS

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU SAMEDI 3 DÉCEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 45 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-363 rectifié est présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° II-407 rectifié bis est présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 3 de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Aux premier et deuxième alinéas, et aux première et avant-dernière phrases du dernier alinéa, le montant : « 12 000 euros » est remplacé par le montant : « 7 000 euros » ;

2° Au deuxième alinéa, à l'avant-dernière et à la dernière phrase du dernier alinéa, le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros ».

II. - Ces dispositions sont applicables aux revenus perçus au titre de l'année 2012.

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° II-363 rectifié

Mme Mireille Schurch. Cet amendement vise à rendre à la réduction d'impôt pour emploi à domicile son usage initial, qui est de favoriser l'emploi.

Nous souhaitons que le dispositif cesse d'être un outil d'optimisation fiscale pour ménages aisés, bien au-delà de ce que nombre de foyers modestes - je pense notamment aux personnes âgées - font valoir à ce titre.

Il faut ramener la réduction d'impôt à un niveau conforme à notre volonté de maîtriser la dépense fiscale en général.

Par conséquent, si nous disons oui à une mesure qui favorise l'autonomie des personnes âgées ou qui représente une aide ponctuelle pour les familles devant faire garder leurs enfants, nous disons non à une niche fiscale qui permet à quelques ménages très aisés de ne plus payer d'impôts, notamment grâce à la prise en compte du personnel de gardiennage de leurs propriétés ou de leurs résidences secondaires.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° II-407 rectifié bis .

M. Richard Yung. Cet amendement a pour objet de rendre son usage initial à la niche fiscale relative à l'emploi des salariés à domicile, aujourd'hui transformée en outil au service de quelques familles très aisées.

La majorité présidentielle ne peut pas s'abriter éternellement derrière le fait que la mesure a été mise en place par un gouvernement socialiste pour refuser d'admettre que les hausses considérables du plafond des dépenses prises en compte la font totalement changer de cible et de nature.

Alors qu'il était initialement fixé à 3 811 euros, le plafond de dépenses avait été relevé à 3 964 euros en 1994 et à 13 720 euros, soit une multiplication par quatre, dans le projet de loi de finances pour 1995 ! Il y a là clairement une dérive.

Dans le projet de loi de finances pour 1998, les députés socialistes ont réduit le plafond de moitié, le ramenant à 6 860 euros, mais l'actuelle majorité présidentielle est revenue en 2005 à un niveau de déduction proche de celui qui avait été atteint en 1995, en établissant un plafond de 12 000 euros.

Dès lors, et en conformité avec les multiples engagements qui ont été pris de remettre en cause les niches fiscales n'ayant pas fait la preuve indéniable de leur utilité, nous proposons de revenir à un niveau raisonnable, proche de celui qui existait en 2002, c'est-à-dire 7 000 euros.

D'ailleurs, la lecture du rapport commandé à l'Inspection générale des finances prouve que le Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales se montre sans concession sur cette exonération.

Avec moins de 2 % des bénéficiaires, le plafond actuel ne reste qu'une hypothèse théorique. En effet, la dépense médiane est de l'ordre de 1 270 euros par foyer concerné !

Le relèvement du plafond a rendu la niche encore plus injuste, en la faisant bénéficier, pour plus des deux tiers, aux 10 % de nos concitoyens les plus aisés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui tend à rétablir la justice fiscale s'agissant d'un dispositif très coûteux profitant essentiellement aux ménages les plus aisés.

Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer davantage, mais j'ai procédé à une estimation.

Sachant que les amendements visent à revenir au plafond antérieur à 2002, que le coût de la dépense fiscale est d'environ 3,1 milliards d'euros pour 2012, dont 1,3 milliard d'euros pour la réduction d'impôt et 1,8 milliard d'euros pour le crédit d'impôt, et que la dépense fiscale a doublé depuis 2003, on peut considérer que la réduction du plafond à 10 000 euros permettrait, en théorie, de diviser par deux le coût de la niche, donc de la ramener aux alentours de 1,5 milliard d'euros. Peut-être cette affirmation doit-elle être nuancée, peut-être la somme doit-elle être revue... À vous de nous le dire, madame la ministre.

En outre, même si je ne veux pas revenir sur les emplois à domicile - le débat avait beaucoup agité le Sénat comme l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi de finances pour 2011 -, il me semble toutefois que la suppression des exonérations spécifiques des cotisations sociales à la charge de l'employeur dans le domaine des services à la personne était assez incohérente. Si elle a peut-être représenté un gain immédiat pour les finances publiques, elle a également créé un surcoût pour les employeurs.

Nous avons reçu la Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM, qui nous a alertés sur la baisse très significative du nombre d'heures déclarées. Je pense que les particuliers employeurs comme les employés ont donc subi un tel préjudice.

Pour notre part, avec ces deux amendements identiques, nous prenons une mesure de justice, d'économie et de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Madame la rapporteure générale, même si nous ne sommes pas en mesure d'estimer avec exactitude la recette fiscale qui découlerait d'un tel dispositif, nous pensons toutefois qu'elle se chiffrerait bien plus en centaines de millions d'euros qu'en milliards d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Donnez-nous des chiffres précis !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous ne pouvons pas le faire, car cela dépend du comportement des particuliers employeurs !

Aujourd'hui, l'importance du secteur des emplois à domicile, avec 2 millions de salariés et un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros, est considérable. Et c'est le développement de la niche fiscale dont nous discutons actuellement qui en a permis l'essor !

Sur ce sujet, je vous renvoie à un rapport rédigé par M. Thomas Piketty, qui inspire régulièrement le parti socialiste. Pour lui, en France, le travail non qualifié pâtit largement du manque de services à domicile et de l'absence de développement d'un véritable secteur du service à domicile, avec des clients solvables. Cela renvoie évidemment au problème du coût du travail, notamment des charges sociales qui pèsent sur l'emploi non qualifié.

Nous avons apporté des solutions. Il s'est agi non pas de baisser les charges sociales sur le coût du travail non qualifié, du moins pas pour les particuliers employeurs, mais de défiscalisant les emplois concernés. Les réductions des charges sociales que nous avons décidées étant liées aux allocations familiales.

On peut, certes, porter un regard moral sur le développement des emplois à domicile. Mais on peut aussi en faire une lecture économique, en considérant les créations d'emplois. C'est ce que fait l'Inspection générale des finances, qui attribue à cette niche fiscale un score de 2 sur 3. Il faut donc maintenir le dispositif.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-363 rectifié et II-407 rectifié bis .

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45 bis .