ARTICLE 47 QUINQUIES (DEVENU ARTICLE 95 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
ACTUALISATION DES VALEURS LOCATIVES EN 2012

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (3ÈME SÉANCE DU MARDI 15 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 47

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n os 524 et 723.

L'amendement n° 524 est présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, M. Baert, M. Michel Bouvard et M. Hénart et l'amendement n° 723 est présenté par M. Michel Bouvard.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 47, insérer l'article suivant :

L'article 1518 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« zf) Au titre de 2012, à 1,018 pour les propriétés non bâties, à 1,018 pour les immeubles industriels relevant du 1° de l'article 1500 et à 1,018 pour l'ensemble des autres propriétés bâties. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 524.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C'est un amendement dont nous avons l'habitude puisque, chaque année, il était présenté par notre ancien collègue Marc Laffineur : il s'agit de la revalorisation des bases de la fiscalité locale : elle serait de 1,8 %, donc un peu inférieure à l'inflation. J'insiste sur l'aspect vertueux de cette proposition...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général ... parce que grâce à cette actualisation automatique, la plupart des collectivités seront incitées à ne pas bouger leurs taux. Si les majorités s'avisaient de les augmenter, il y aurait toujours un membre de l'opposition pour rappeler que du fait de l'actualisation des bases, il est préférable de se contenter des taux en vigueur. C'est donc un amendement qui en apparence crée de la taxation supplémentaire mais qui, en réalité, est profondément vertueux. Madame la ministre, ce sont les praticiens au quotidien qui vous le disent par ma voix.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement n° 723.

M. Michel Bouvard. J'ajoute deux arguments à l'excellente défense du rapporteur général.

Le premier, c'est qu'il y a de moins en moins de taux d'imposition que les élus locaux ont la liberté de voter, et il est donc important de disposer d'une dynamique en matière de base.

M. Jean-Paul Chanteguet. Grâce à vous et à votre majorité !

M. Michel Bouvard. C'est une tendance très ancienne, mon cher collègue. Je pourrais vous en faire l'historique sur trente ans.

Il est en tout cas important d'avoir une dynamique d'assiette et une revalorisation des bases qui soit juste.

Deuxièmement, si certaines dépenses peuvent être parfaitement maîtrisées par les élus locaux, il en est d'autres, singulièrement dans les départements, qui obéissent à des logiques de guichet - par exemple l'APA, les allocations pour personnes handicapées -, sur lesquelles nous n'avons aucune maîtrise et qui croissent beaucoup plus rapidement que l'inflation. Le minimum à obtenir, c'est donc la revalorisation à hauteur de l'inflation - ce qui permettra aussi de prendre en compte le GVT au niveau des salaires. Cela permettra d'avoir recours à des taux de fiscalité supplémentaires.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement salue la vertu qui s'exprime par la voix de Gilles Carrez et de Michel Bouvard. Néanmoins, comme la ministre a l'expérience non pas de diriger un exécutif local, mais d'en être membre de l'opposition, elle peut leur dire que la vertu n'est pas forcément partagée par toutes les collectivités. Il y a des collectivités qui, ayant le choix entre un taux et un autre, choisissent systématiquement de voter le taux d'impôt le plus élevé de la fourchette.

M. Michel Bouvard. Ce n'est parce qu'il y a des pécheurs qu'il faut envoyer tout le monde en enfer !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n'est pas, je le suppose, le cas général, mais il en est qui font un tel choix.

Proposer de revaloriser de manière très forte les bases taxables pour permettre aux collectivités de baisser les taux...

M. Michel Bouvard. Je n'ai pas parlé de baisser les taux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...signifie que si certaines choisissent de relever les taux, ce sera également de manière extrêmement forte.

Je ne suis donc pas favorable à ces amendements bien que je reconnaisse qu'ils puissent se justifier aisément : 1,8 %, c'est à peu près le taux de l'inflation prévu dans le budget. Néanmoins, nous sommes aujourd'hui dans une période où tout le monde fait des efforts : l'État gèle ses crédits et va même diminuer ses dépenses d'une année sur l'autre ; la fonction publique gèle son point d'indice ; votre Assemblée vient de ne voter une revalorisation des APL qu'à hauteur de 1 %, donc au taux de la croissance escomptée et non pas à celui de l'inflation. Dans ce contexte où l'on demande à chacun de faire des efforts, il faut que les collectivités envoient des signes montrant que, elles aussi, vont moins demander à leurs administrés.

En votant pour une réévaluation des bases de la fiscalité locale de 1 %, vous donneriez un signal très fort : vous montreriez que les collectivités locales prennent leur part de l'effort demandé à la nation. En portant ce taux à 1,8 %, vous montrerez que vous pensez que les collectivités locales peuvent avoir des règles beaucoup plus favorables que celles que nous imposons aux Français.

Je ne le souhaite pas et je vous demande instamment de modifier cet amendement pour fixer la revalorisation des bases à 1 %. Si vous choisissez de la laisser à 1,8 %, le Gouvernement ne pourra donner un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Pour ma part, je soutiens la position de notre rapporteur général. Si nous nous calons sur le taux de 1 %, nous perdrons sur les deux tableaux : nous aurons à la fois une évolution des bases et des augmentations de taux. En revanche s'en tenir à 1,8 % permet aux majorités, de droite comme de gauche, et aux oppositions des collectivités d'en appeler à la responsabilité au motif que, les bases étant revalorisées, on ne touche pas aux taux.

Dans ma commune, je tiens mes taux depuis dix ans. Depuis quatre ans et le passage en intercommunalité, nous faisons même l'effort de les baisser chaque année. Cela étant, il faut maintenir une certaine dynamique par le biais d'une actualisation des bases.

Ce raisonnement sain nous évite de perdre sur les deux tableau en touchant à la fois aux bases et aux taux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Voilà !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous voulez gagner sur les deux tableaux !

M. Christian Jacob. Restons-en donc à une revalorisation des bases qui prend en compte l'évolution normale et qui permet d'éviter les dérapages sur les taux. C'est pour ces raisons que je soutiens la position du rapporteur général.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Un assez large consensus se dégage sur ces bancs.

Les bases de la fiscalité locale n'évoluent pas avec l'inflation contrairement à celles des impôts d'État...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Celle des impôts d'État non plus !

M. Pierre-Alain Muet. Si, cela vaut pour la plupart des impôts : la TVA et l'impôt sur le revenu augmentent avec la croissance et avec l'inflation, par conséquent leur base augmente.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas celle de l'impôt sur les sociétés !

M. Pierre-Alain Muet. Ce n'est pas vrai pour certains impôts locaux. Il faut donc que ces bases soient raisonnables et qu'elles évoluent de façon raisonnable ne serait-ce que pour que l'on puisse avoir une idée de ce que représente un taux.

Il appartient aux collectivités de voter le taux, qu'au moins les bases ne soient pas fictives : les indexer sur l'inflation a un sens économique.

Seules les collectivités locales ont maintenu depuis trente ans un niveau de dette constant. On nous dira que c'est parce qu'il y a une règle d'or.

M. Charles de Courson. Bravo !

M. Pierre-Alain Muet. Une vraie règle d'or, monsieur de Courson, pas une règle de papier ! En tout cas une chose est sûre : ce ne sont pas les collectivités locales qui sont responsables de l'explosion de la dette. Il est donc raisonnable d'indexer les bases correctement.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la ministre, je ne peux pas vous laisser dire, sans réagir, que les collectivités locales sont moins vertueuses que l'État.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Certaines d'entre elles : voulez-vous des noms ?

M. Henri Nayrou. Les communes subissent les effets collatéraux de votre décision relative aux potentiels fiscal et financier, qui porte un nouveau préjudice à quatre-vingts départements pauvres au profit de vingt départements riches, cela s'ajoutant à la ponction de plus des 200 millions d'euros à laquelle vous venez de procéder au détriment des collectivités territoriales.

Depuis 2002, vous avez transféré certaines compétences aux collectivités sans les doter des moyens afférents. Dès lors, elles sont bien obligées de répondre aux attentes de leurs concitoyens et d'augmenter les impôts. Ne donnez donc pas de leçons dans cette matière !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier . Ce débat est particulièrement intéressant et très important.

D'abord, une révision des bases s'impose puisque, bien souvent, elles n'ont pas été révisées depuis près de trente ans.

Ensuite, madame la ministre, arrêtez de montrer du doigt les collectivités territoriales. Dans une collectivité territoriale, chaque euro donné par les contribuables leur est rendu.

M. Philippe Vigier . Ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Michel Vergnier. Les collectivités territoriales ne lèvent pas l'impôt par plaisir mais pour rendre des services à la population...

M. Jean-François Mancel. Pour embaucher à tort et à travers !

M. Michel Vergnier. ...ou pour investir. Parce que leurs carnets de commande ne vont pas au-delà de quinze jours ou trois semaines, depuis trois mois environ, des chefs d'entreprises du bâtiment défilent dans mon bureau pour me demander quel sera le montant des investissements dans ma commune.

Madame la ministre, il faut laisser aux collectivités territoriales la possibilité d'investir, ce qui produit un retour direct sur l'économie. Les étrangler et de les étouffer c'est aller à contresens car elles ont alors moins de travail et l'économie tourne à l'envers. C'est une bien mauvaise idée que vous avez là.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je le répète depuis quinze ans, nous ne sommes pas sérieux dans cette affaire de revalorisation des bases. Pourquoi ? Les bases devraient représenter la valeur locative réelle. Notre collègue a d'ailleurs rappelé que nous avons cette discussion ésotérique parce que nous n'avons jamais révisé les bases. Que faisons-nous chaque année ? Nous indexons, c'est-à-dire que nous consolidons la situation aberrante, en niveau tant absolu que relatif.

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Charles de Courson. Pourquoi prendre 1,018 ? Pour le foncier bâti c'est l'augmentation moyenne des loyers que nous devrions prendre comme index, en distinguant toutefois la partie habitation de la partie économique.

S'agissant du foncier non bâti, je répète depuis vingt ans, que l'on continue à augmenter les assiettes, alors que les situations sont extrêmement diverses dans notre pays : dans certaines régions, comme chez moi, la rentabilité des terres est beaucoup plus élevée que dans d'autres. Or on indexe nationalement alors que l'évolution des revenus agricoles n'est absolument pas homogène : allez expliquer dans le Massif Central ou dans une partie du Sud-Ouest les niveaux incroyables des valeurs locatives !

Appliquer les bases dont nous disposons à la suite de l'énorme travail qui a été mené dans toute la France exige un vrai courage. Hélas, pour ne pas avoir d'ennuis, votre Gouvernement y a renoncé, ce qui a été une énorme bêtise.

M. Pierre-Alain Muet. C'est Charasse !

M. Charles de Courson. Peut-être mais vous l'aviez voté, les enfants !

En résumé, tout cela n'est pas raisonnable. S'agissant du foncier non bâti, je propose de ne pas indexer du tout. Dans certains endroits, le revenu agricole augmente de 3 %, 4 % ou 5 %, alors que dans d'autres il baisse de 2 %, 3 % ou 4 %.

(Les amendements identiques n os 524 et 723 sont adoptés.)