ARTICLE  47 SEPTIES C (NOUVEAU) : RELÈVEMENT DU PLAFONNEMENT DE LA DOTATION SUPERFICIAIRE DE LA DGF DE GUYANE

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 5 DÉCEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 47 sexies

M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° II-425, présenté par MM. Patient, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et Vergoz, et ainsi libellé :

Après l'article 47 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple » ;

2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »

II. - Les conséquences financières résultant pour l'État de l'augmentation de la part de la dotation forfaire de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Georges Patient. Dans son rapport Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, la mission commune d'information du Sénat sur la situation des départements d'outre-mer a dressé le constat déjà bien établi d'un recensement lacunaire des populations des DOM.

Cette sous-évaluation s'explique notamment par les difficultés de recensement de la population liées à l'importante proportion de résidents en situation irrégulière. Ce phénomène se manifeste avec une particulière acuité en Guyane française.

Cet amendement tend à multiplier par 1,193 la population totale recensée dans les communes aurifères de Guyane, afin de prendre en compte ces populations en situation irrégulière dans le cadre du calcul de la dotation forfaitaire allouée à ces collectivités territoriales. En effet, treize des vingt-deux communes de Guyane sont aurifères et la dangerosité des opérations de recensement ne permet pas aux services de l'INSEE de procéder au décompte exhaustif de la population.

Dans son rapport de 2009, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM indique que, selon les sources, la Guyane compterait entre 3 000 et 15 000 orpailleurs clandestins. Sur la base de la population officielle de ces communes établie en 2011 - soit 75 465 personnes selon l'INSEE - les orpailleurs clandestins représentent entre 3,98 % et 19,88 % des individus recensés. Sur la base d'une population moyenne clandestine de 9 000 personnes, la proportion des clandestins s'élève ainsi à 11,93 % des populations recensées par l'INSEE.

En conséquence, face à l'impossibilité pour les services de l'INSEE de procéder à un recensement efficace des habitants des communes aurifères de Guyane, il paraît légitime de majorer la population prise en compte pour le calcul des dotations de l'État, comme cela se pratique déjà en métropole : je songe notamment à la majoration pour places de caravanes dans les aires d'accueil des gens du voyage.

Le ministère de l'intérieur et l'INSEE, qui a reconnu l'impossibilité de procéder à ce recensement du fait de la dangerosité de la situation, sont saisis de la question.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-424, pour une raison de fond qui vaut également pour l'amendement n° II-425. En effet, la majoration de la dotation de base des communes aurifères de Guyane pèserait sur les autres composantes de la DGF des communes concernées, cette dotation constituant une enveloppe fermée.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tel en est le principe de l'enveloppe fermée : l'augmentation d'une dotation réduit d'autant le reste disponible.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. La remarque de Mme la rapporteure générale est tout à fait pertinente.

J'ajoute qu'en Guyane le calcul de la DGF des communes est très favorable. En effet, cette dotation s'élève de 280,43 euros par habitant, alors que la moyenne nationale s'établit à 238,20 euros, contre 241,99 euros pour la moyenne des DOM. Les modalités actuelles de calcul de la DGF sont donc d'ores et déjà à l'avantage des communes guyanaises.

En outre, malgré le gel des concours financiers de l'État prévu jusqu'en 2014, les dotations de péréquation continueront d'augmenter en Guyane, grâce au mécanisme de la péréquation horizontale.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière un dispositif de taxation de l'exploration pétrolière, lequel devrait dégager d'importantes ressources pour la région de Guyane.

M. Serge Larcher. En quelle année ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette mesure sera effective dès 2013, monsieur Larcher !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Frécon. J'ai pris connaissance aujourd'hui même, interrogeant mon collègue Georges Patient, des incidents qui ont eu lieu lors du recensement en Guyane.

Dans le rapport que je viens de consulter, l'INSEE admet que ce recensement s'est mal déroulé. En effet, au sein des communes aurifères, de graves troubles ont éclaté et, quoique renforcée, l'équipe envoyée en Guyane a dû interrompre les opérations de recensement, de sérieuses menaces de mort pesant sur ses membres.

C'est pourquoi, en tant que président du groupe de travail relatif à l'évolution du questionnaire de recensement de la population, je m'engage auprès de l'INSEE à tirer les choses au clair. S'il est effectivement impossible d'opérer un recensement exhaustif de la population, il faudra adopter les mesures nécessaires pour y remédier. L'INSEE et, bien sûr, le ministère de l'économie et des finances, auquel cet institut est rattaché, prendront les décisions qui s'imposent, peut-être sur la base d'un forfait.

Toutefois, le montant de la DGF étant déjà fixé pour l'année 2012, de semblables mesures ne peuvent pas être mises en oeuvre immédiatement. Comme l'a souligné Mme la rapporteure générale il y a quelques instants, il s'agit d'une enveloppe fermée, et les crédits consacrés à cette action seraient nécessairement pris sur d'autres. Il nous faut donc des données plus précises, et je m'engage à oeuvrer en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.

M. Georges Patient. À plusieurs reprises, Mme la ministre a laissé entendre que la Guyane bénéficierait d'un traitement de faveur et qu'elle serait avantagée par rapport aux autres communes de métropole et d'outre-mer pour ce qui est de la DGF.

Madame la ministre, il faut comparer ce qui est comparable ! Ma propre commune présente, par exemple, une étendue de 6 350 kilomètres carrés : à elle seule, elle peut contenir la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et de nombreux départements métropolitains !

À mes yeux, la Guyane souffre plutôt de mesures discriminatoires. Il s'agit pourtant d'un département de droit commun, où les règles générales doivent être appliquées. Or la Guyane est précisément le seul département où la DGF est plafonnée. Toutes les communes de France et d'outre-mer perçoivent un montant de 3 euros par hectare ; en métropole, cette somme peut atteindre 5 euros par hectare pour les communes de montagne.

La Guyane est un département de vaste étendue ; à nous d'assumer cette spécificité territoriale ! On est bien aise de pouvoir faire décoller des fusées de Kourou et on se partage déjà, au détriment des communes, les royalties des gisements de pétrole récemment découverts. Puisque spécificité il y a, il faut en tenir compte !

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.

M. Roland du Luart. J'ai eu l'honneur d'accompagner MM. Patient et Antoinette en Guyane au cours du mois de septembre avant d'aller au Brésil et de me pencher notamment sur les problèmes de l'Amapá et du pont sur l'Oyapock.

Cela étant, je ne comprends pas le sens de cet amendement : sur quel fondement veut-on multiplier la population recensée par 1,193 ? D'où vient ce nombre ? À quoi correspond-il ?

Au total, les immenses étendues de la Guyane subissent une immigration clandestine d'environ 10 000 orpailleurs qui polluent le pays et qui entretiennent une forte insécurité, nous l'avons nous-mêmes constaté en visitant un camp sauvage. Mais le problème, tel que je l'ai alors perçu, était bien de reconduire les orpailleurs clandestins au Brésil ou au Surinam, et non de faciliter leur installation.

À mon sens, cet amendement est réellement contradictoire : la DGF étant une enveloppe fermée, une telle mesure ne serait pas neutre.

Le véritable enjeu est double : il s'agit premièrement de lutter contre la pollution et deuxièmement de réprimer l'orpaillage clandestin, qui est d'une violence inimaginable, mes chers collègues.

Je souligne à ce titre une des aberrations de notre législation en la matière : lorsque d'honnêtes citoyens souhaitent investir dans la recherche aurifère, ils sont contraints de déposer un dossier à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, qui met trois ans pour l'instruire ! Entre-temps, le dossier est sur Internet, et les orpailleurs clandestins ont tout le temps de prospecter sur place et de s'accaparer l'or.

Commençons par renforcer le contrôle, par les autorités, des ressources aurifères et luttons tous ensemble contre l'orpaillage clandestin, qui constitue un véritable drame pour notre pays ! Quelle que soit l'amitié que je porte à MM Patient et Antoinette, je ne crois pas que cet amendement soit pertinent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur du Luart, c'est un voeu pieux d'affirmer que les clandestins vont quitter la Guyane : en effet, ils y sont souvent installés depuis des années et ils sont de plus en plus nombreux ! En attendant, ils accomplissent diverses démarches auprès des communes, notamment afin d'inscrire leurs enfants au sein des groupes scolaires, et leur présence suscite ainsi des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales.

Madame la rapporteure générale, nous sommes conscients que la DGF constitue une enveloppe fermée. Toutefois, lorsque nous présentons des propositions comme l'amendement n° II-421 que je viens de défendre, ou celui que je vais présenter, concernant les ressources propres, vous nous répondez qu'il ne faut pas augmenter les ressources propres de nos collectivités ! Il y a là une contradiction !

Nous sommes prêts à prendre notre part de l'effort de solidarité nationale en acceptant le gel de l'enveloppe de la DGF. Mais lorsque la Guyane peut bénéficier de richesses endogènes, comme l'or ou le pétrole, on nous impose une répartition inéquitable et incohérente des ressources !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-424.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 47 sexies .

Je mets aux voix l'amendement n° II-425.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 47 sexies .

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-425.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 47 sexies .