ARTICLE 47 TERDECIES (DEVENU ARTICLE 105 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
INSTAURATION D'UNE CARENCE D'UN JOUR POUR LES FONCTIONNAIRES MALADES

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (3ÈME SÉANCE DU MARDI 15 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 47

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n os 561 et 817, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 817 fait l'objet du sous-amendement n° 820.

L'amendement n° 561 présenté par M. Tian, est ainsi libellé :

Après l'article 47, insérer l'article suivant :

Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire en congé de maladie ne perçoit pas son traitement et ses indemnités, à l'exception du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, durant le délai déterminé à l'article L. 323-1 du code de la sécurité sociale.

Ces dispositions sont applicables sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 561.

M. Dominique Tian . Les arrêts maladie coûtent plusieurs milliards d'euros par an. Si certains sont justifiés, d'autres ne le sont pas.

Contrairement au secteur privé pour lequel le code de la sécurité sociale prévoit trois jours de carence, pendant lesquels le salarié ne perçoit pas d'indemnités journalières, les fonctionnaires bénéficient de la rémunération de leurs arrêts de travail dès le premier jour. Il en résulte une multiplication des petits arrêts de travail de complaisance qui coûtent extrêmement cher à la collectivité.

C'est ainsi qu'une récente étude a démontré que si les arrêts de travail étaient en moyenne de onze jours par salarié dans le privé, ils atteignaient plutôt de treize à quatorze jours dans la fonction publique. Dans la fonction publique territoriale, ils sont même de vingt-deux jours. Cette dérive est très inquiétante. Aussi, je vous propose une mesure de bon sens, de justice et d'équité entre le secteur privé et le secteur public à savoir l'application, dans la fonction publique, du même délai de carence que dans le secteur privé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission n'a pas examiné cet amendement. Je souhaiterais que le Gouvernement présente l'amendement n° 817, afin que je puisse me forger une opinion.

Mme la présidente. L'amendement n° 817 présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 47, insérer l'article suivant :

Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 817.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet amendement a deux objets.

Il s'agit d'abord de remplacer une mesure sur un nouveau mode de calcul des indemnités journalières proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les parlementaires ayant souhaité que nous ne modifiions pas le calcul des indemnités journalières, notamment pour prendre en compte la situation de grande précarité d'un certain nombre de salariés du secteur, un accord a été trouvé avec la représentation nationale pour augmenter le nombre de jours de carence dans le secteur privé, et de prévoir un quatrième jour de carence.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, avec qui avez-vous passé un accord ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec la majorité présidentielle, c'est-à-dire ceux qui votent nos amendements !

M. Christian Eckert. Ne confondez pas représentation nationale et majorité présidentielle !

Mme la présidente. Seule Mme la ministre a la parole !

M. Christian Eckert. Madame la ministre, ce que vous venez de dire est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons négocié avec la majorité présidentielle de la représentation nationale !

Monsieur Eckert, si vous votiez de temps en temps les projets de loi du Gouvernement, nous négocierions davantage avec l'opposition !

Pour des raisons d'équité, dès lors qu'un quatrième jour de carence est envisagé dans le secteur privé, il est proposé aujourd'hui à l'ensemble de la représentation parlementaire de voter un jour de carence dans la fonction publique.

Je fais remarquer à l'ensemble des députés présents qu'il s'agit d'un changement majeur. C'est en effet la première fois que l'État imposera un jour de carence au congé maladie des fonctionnaires. Nous le faisons dans une logique de pure équité, qui n'est pas exactement identique à celle de Dominique Tian qui a plutôt basé ses amendements sur la lutte contre la fraude. Il ne s'agit pas pour le Gouvernement de s'attaquer à une suspicion de fraude par essence, mais de prendre une mesure d'équité entre le secteur privé et le secteur public.

Pourquoi un jour de carence dans le secteur public et quatre jours dans le secteur privé ? Parce que 80 % des salariés du secteur public sont entièrement couverts par leur employeur sur leur jour de carence. Il ne nous paraît pas possible de décider d'un seul coup quatre jours de carence pour la totalité des fonctionnaires.

Je souhaite que M. Tian retire son amendement au profit de celui du Gouvernement. À défaut, j'y serais défavorable car son application me semble brutale.

M. Philippe Vigier. Mais juste...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Vigier, en la matière, nous préférons la modération qui sied au Nouveau Centre.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 820 présenté par M. Tardy, est ainsi libellé :

Substituer aux mots :

« du premier jour »

les mots :

« des quatre premiers jours ».

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 820.

M. Lionel Tardy. La ministre a répondu en grande partie à mon sous-amendement. Il y a un vrai débat s'agissant du délai de carence entre le secteur public et le secteur privé et nous avons été beaucoup interrogés sur ce point dans nos permanences. Il apparaîtrait équitable à bon nombre de nos concitoyens, au titre de l'égalité de traitement entre fonctionnaires et salariés du privé, que tout le monde soit traité à la même enseigne en matière de délai de carence s'agissant des congés maladie, et que l'on aligne le délai de carence à quatre jours pour le secteur public comme le secteur privé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 820 et sur les amendements n os 561 et 817 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . J'ai une préférence pour l'amendement n° 817 du Gouvernement qui couvre l'ensemble des agents publics alors que l'amendement de M. Tian ne concerne que les fonctionnaires.

Par ailleurs, comme l'a fort bien souligné Mme la ministre, il s'agit d'une mesure lourde ; aussi vaut-il mieux commencer par ne prévoir qu'un seul jour de carence pour les agents publics. Et si, en apparence, on note une différence de trois jours entre le secteur privé et le secteur public, une partie non négligeable des salariés du privé sont couverts par des accords collectifs.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas tous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Dès lors, ces jours de carence sont pris en charge au titre de ces accords ou, le cas échéant, par les mutuelles.

Je souhaite poser deux questions à Mme la ministre, l'une concerne la date d'application du dispositif - s'agira-t-il de la date de promulgation de la loi ? -, l'autre touche à l'alinéa qui figure dans l'amendement de M. Tian mais pas dans celui du Gouvernement et qui prévoit l'application de la mesure à l'Alsace et à la Lorraine. Je veux donc m'assurer que le dispositif prévu par le Gouvernement s'applique bien aux fonctionnaires et agents publics sur l'ensemble du territoire national, Alsace et Lorraine comprises.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire . La Moselle, pas la Lorraine !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La Moselle, bien sûr !

Par ailleurs, je suis défavorable au sous-amendement n° 820.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 820 ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je vous remercie d'avoir bien voulu préciser qu'il s'agissait de l'Alsace et de la Moselle et non de l'Alsace et de la Lorraine : étant député de Meurthe-et-Moselle, je sais bien la différence.

Il est une heure et demie du matin, mes chers collègues, et les masques tombent. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) L'amendement du Gouvernement n'a pas été examiné par la commission. Le rapporteur général a donné un avis à titre personnel.

M. Charles de Courson. C'est l'usage !

M. Christian Eckert. C'est en effet l'usage mais permettez-moi, sur la forme, de m'étonner. Après une campagne de communication qui, sur la fraude, dure depuis un ou deux jours - merci, madame la ministre, d'avoir quelque peu précisé la notion de fraude ; je vais revenir sur celle d'équité -, présenter cet amendement à cette heure n'est-il pas un peu croquignolet, d'autant que vous avouez avoir passé un accord avec votre majorité il y a quelques jours ?

Et nous découvrons dans la presse que vous prévoyez un quatrième jour de carence - j'imagine que nous en discuterons à l'occasion d'un projet de loi de financement rectificatif...

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'était l'objet de l'accord !

M. Christian Eckert. Sans doute, mais vous auriez pu avoir la décence de nous présenter cet amendement en commission plus tôt.

Quant au fond, merci d'avoir rappelé, monsieur le rapporteur général, que dans le secteur privé, bien souvent, les jours de carence sont couverts par l'employeur aux termes d'accords collectifs, grâce à des systèmes d'assurance, cela, j'y insiste, dans le cadre d'une négociation.

Mais quand avez-vous négocié avec les organisations syndicales ? Un fonctionnaire aussi est lié par une notion de contrat avec son employeur ?

M. Jean-François Mancel. Mais non puisqu'il est fonctionnaire !

M. Christian Eckert. Ceux qui ont choisi la fonction publique l'ont fait sur la base d'un statut. Et ce statut peut changer, certes ; mais pour le changer, il faut négocier avec les organisations syndicales, il faut qu'il y ait des contreparties. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Seul M. Eckert a la parole !

M. Christian Eckert. Connaissez-vous, mes chers collègues, une seule situation où l'une des parties peut rompre unilatéralement le contrat qui lie l'employeur - ici l'État - et le fonctionnaire ? (Mêmes mouvements.) Cela se négocie, or vous n'avez mené aucune concertation avec les organisations syndicales.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Eckert !

M. Christian Eckert. Ensuite, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ... Il est inutile de vous exciter, mes chers collègues, nous avons tout notre temps ; vous avez attendu une heure et demie du matin pour faire ce coup, eh bien, nous sommes prêts à siéger plus longtemps que prévu si Mme la présidente nous y autorise.

Mme la présidente. Le tout est de respecter son temps de parole, monsieur Eckert !

M. Christian Eckert. Je n'ai pas à juger de votre présidence, mais reconnaissez que nous sommes amenés à examiner à cette heure avancée un amendement fondamental. Compte tenu du nombre de présents, permettez que notre groupe s'exprime un peu plus longuement sur ce point. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Eckert, vous vous êtes déjà exprimé deux fois plus longtemps que le temps qui vous est imparti.

M. Christian Eckert. Je vais donc conclure.

Je rappellerai simplement qu'il n'y a eu aucune négociation avec les organisations syndicales.

M. Dominique Tian. Lamentable !

M. Christian Eckert. Comment, cela, « lamentable » ? Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?

M. Dominique Tian. Vous voulez donc que l'on négocie les arrêts de travail ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Eckert !

M. Christian Eckert. Chaque évolution du statut des fonctionnaires est le fruit d'une négociation. Or, dans l'affaire qui nous occupe, vous n'avez rien négocié. Voilà quarante-huit heures que occupez toutes les chaînes de télévision en stigmatisant les malades, les fonctionnaires et les fraudeurs. Eh bien, vous assumerez votre décision, mes chers collègues...

M. Dominique Tian. Tout à fait !

M. Christian Eckert. ...et vous la paierez cher. Vous le savez d'ailleurs si bien que vous avez procédé à un amalgame entre la fraude et ce fameux délai de carence.

Tout peut se négocier mais vous n'avez rien négocié. Vous avez même le culot de présenter ce dispositif comme une mesure d'équité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. J'apporte mon soutien à l'amendement de notre collègue Tian. Le dispositif qu'il propose a en effet le mérite de l'équité. J'ai en effet du mal à comprendre où se trouve l'équité quand on maintient, comme le prévoit l'amendement du Gouvernement, trois jours d'écart entre le secteur privé et le secteur public, le délai de carence passant pour le premier à quatre jours et à un pour le second. On ne ferait de la sorte que maintenir le statu quo de la différence entre salariés du privé et du public.

Ensuite, si l'on doit évoquer les difficultés liées à ces journées d'absence, notamment dans le secteur public, alors mettons tout sur la table, par exemple les journées d'absence autorisée pour enfant malade dont bénéficie le secteur public et non le secteur privé.

M. Christian Eckert. Eh bien, supprimez-les !

M. Nicolas Perruchot. Il s'agit par conséquent, encore une fois, d'un avantage important donné aux fonctionnaires.

Abordons aussi l'absentéisme et comparons, par exemple, le secteur hospitalier et les cliniques privées. J'avais observé, quand je présidais le conseil d'administration de l'hôpital de Blois, une différence très importante entre le secteur public et le secteur privé au sein des mêmes services, et pour un système de santé de qualité équivalente.

M. Christian Eckert. Vous n'avez donc qu'à licencier les agents du secteur public hospitalier !

M. Nicolas Perruchot. Où est l'équité dans tout cela ? Aussi l'amendement de M. Tian me paraît-il aller dans le bon sens puisqu'il tend pour sa part à établir l'égalité, l'équité entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public qui, même si les partenaires sociaux pourraient en effet être associés aux décisions, bénéficient toujours de nombreux avantages.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En ce qui concerne les délais de carence en matière de congé maladie, il existe deux inégalités : d'une part celle dont nous sommes en train de débattre - les agents publics bénéficient de leurs indemnités sans délais de carence tandis que les salariés du secteur privé doivent attendre trois jours avant de percevoir les leurs - d'autre part, celle liée au mode de financement des indemnités.

Peu de gens savent en effet que lors de la création des régimes de protection sociale, en 1947 - et cette disposition n'a pas disparu du code de la fonction publique -, il était prévu pour le secteur public un taux de cotisation sociale salarié qui n'a jamais été fixé mais qui figure toujours dans la loi. En revanche, dans le secteur privé, un partage est prévu pour les indemnités journalières de base. Quant aux indemnités journalières complémentaires, elles font parfois, suivant les termes des conventions collectives, l'objet d'une assurance complémentaire, qui est cofinancée.

Si nous voulons montrer à nos concitoyens que nous tâchons d'établir une certaine équité entre les secteurs public et privé, alors il n'y a pas à hésiter, il convient de voter l'amendement de M. Tian,...

M. Jean-François Mancel. Tout à fait !

M. Charles de Courson. ...quitte à le sous-amender pour remplacer le mot « fonctionnaire » par le mot « agent public ».

Il restera, madame la ministre, à fixer un taux de cotisation salarié pour les fonctions publiques. Si le délai de carence est de trois jours dans le privé, qu'il soit également de trois jours dans le public.

M. Christian Eckert. Votez l'amendement de M. Tian, en effet, il est meilleur que celui du Gouvernement !

M. Charles de Courson. Quel sens de l'équité avez-vous donc, mon cher collègue ?

Vous avez du reste tenu des propos qui m'ont beaucoup choqué. Je me permets de vous rappeler que le statut des fonctionnaires n'est pas de nature contractuelle mais de nature légale et réglementaire.

M. Jean Launay. M. Eckert n'a jamais dit le contraire !

M. Christian Eckert. J'ai bien précisé qu'ils avaient un statut !

M. Charles de Courson. On ne peut pas jouir de droits sans être assujetti à des devoirs : les deux doivent être équilibrés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. À la demande du groupe SRC, je suis saisie de demandes de scrutin public sur l'amendement n° 561 et sur l'amendement n° 817. Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je félicite M. Tian pour son travail contre la fraude sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Oh oui, bravo !

M. Christian Jacob. Je suis ravi, monsieur Eckert, que vous l'applaudissiez parce qu'il le mérite.

Tout le monde partage la volonté de M. Tian d'harmoniser les secteurs privé et public en matière de délais de carence.

M. Christian Eckert. Tout le monde ? Vous parlez en notre nom désormais ?

M. Christian Jacob. Je diverge néanmoins sur quelques points et je pense qu'à la lumière de certaines explications il pourrait retirer son amendement. Il est en effet toujours difficile de comparer les secteurs public et privé et d'établir une certaine équité entre eux. Au reste, il existe une réelle différence. Dans 75 ou 80 % des cas, les salariés du privé sont couverts par des accords de convention collective grâce auxquels les jours de carence ne sont pas à leur charge directe mais à celle de l'employeur. Si l'on appliquait ce système dans le secteur public, les jours de carence seraient dès lors à la charge de la collectivité qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales.

M. Christian Eckert. Vous venez enfin de comprendre pourquoi il n'y a pas de délai de carence dans le secteur public !

M. Christian Jacob. Gardez votre calme, monsieur Eckert, restons sereins sur cette question.

Par conséquent, établir ce système dans le secteur public n'aurait pas la même efficacité puisque la collectivité ne réaliserait pas d'économies. C'est pourquoi je considère que passer pour les agents publics à un jour de carence constitue déjà une avancée très importante.

Je rappelle à M. Eckert que, bien entendu, les arrêts de travail ne relèvent pas du statut de la fonction publique.

M. Christian Eckert. Mais je n'ai jamais rien dit de tel !

M. Christian Jacob. Je garde à l'esprit l'intérêt de renforcer l'harmonisation entre les secteurs, sachant bien que les situations ne sont pas comparables du fait de l'existence des conventions collectives.

M. Christian Eckert. Justement ! C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de délai de carence pour les agents publics !

M. Christian Jacob. Passer à une journée de carence dans la fonction publique me paraît constituer, j'y insiste, une avancée importante...

M. Jean Launay. Vous avez une drôle de conception des avancées sociales !

M. Christian Jacob. ...et c'est la raison pour laquelle je me rallie à la proposition du Gouvernement, frappée au coin du bon sens puisqu'elle poursuit l'objectif d'une harmonisation entre les deux secteurs tout en respectant la disparité qui existe entre eux.

À la lumière de ces explications, M. Tian pourrait retirer son amendement. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe NC.)

M. Charles de Courson. S'il le retire, nous le reprendrons !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je joins ma voix à celle du président du groupe UMP pour demander à M. Tian de retirer son amendement. Franchement, le travail accompli par Dominique Tian et par certains députés depuis le début de la session a permis de considérables avancées dans la lutte contre la fraude sociale.

M. Pierre-Alain Muet. Belle manipulation !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Président de la République lui-même a salué ce matin le travail de Dominique Tian.

Ce dernier peut du reste témoigner que le Gouvernement, qui avait accueilli ses amendements avec quelque étonnement, a fait preuve d'un esprit des plus constructifs pour que chacun d'entre eux soit voté, y compris dans des domaines aussi techniques que celui de la sécurité sociale où il n'était pas toujours facile de trouver le bon dispositif et le bon levier d'action.

Vraiment, il y a eu, de part et d'autre, du côté tant du Gouvernement que de Dominique Tian et des parlementaires, la volonté de travailler ensemble à la construction d'un système équilibré qui permette de lutter contre la fraude. Néanmoins, j'abonde dans le sens de Christian Jacob qui, en tant qu'ancien ministre de la fonction publique, le sait : un premier jour de carence dans la fonction publique, c'est une petite révolution et un très grand pas en avant vers l'harmonisation des deux systèmes.

Au Nouveau Centre, je rappelle quand même qu'il n'est pas question que, pour la fonction publique d'État, l'État couvre le délai de carence et indemnise les fonctionnaires. Or, dans les entreprises, vous le savez, beaucoup de salariés ne supportent pas le coût des jours de carence.

M. Nicolas Perruchot. Il est cofinancé dans le privé.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Le plus calmement possible, je ferai deux remarques.

La première concerne la fraude et le rôle des uns et des autres dans les arrêts maladie. Tout le monde sait, quand même, que ce sont les médecins qui prescrivent les arrêts maladie. La relation qu'ils ont avec leur patient ne concerne pas l'employeur. Comme certains d'entre vous, je suis employeur en tant que maire d'une collectivité. Jamais, lorsque j'ai eu le sentiment que des arrêts étaient abusifs, je ne me suis permis d'appeler le médecin prescripteur car je respecte la confidentialité du secret médical. Des contrôles ont été organisés ou des éclaircissements demandés par l'intermédiaire des organismes ad hoc .

En second lieu, je remarque avec insistance que vous venez de comprendre que vous ne prenez pas une mesure d'équité. Madame la ministre, monsieur Jacob, vous l'avez dit, la plupart des travailleurs du secteur privé sont couverts par des accords collectifs grâce auxquels ils ne subissent pas le délai de carence de trois jours. Or Mme la ministre vient de confirmer qu'il n'est pas question pour l'État de faire la même chose. Vous venez aussi de comprendre pourquoi, dans la fonction publique, il n'y a pas de délai de carence, comme il n'y a pas de cotisation aux ASSEDIC puisqu'il n'y a pas de possibilité de licencier. Vous n'allez pas couvrir par une assurance quelque chose que vous pouvez payer par vous-même.

Plutôt qu'une mesure de rattrapage ou d'égalité, c'est une mesure qui va conduire à une inégalité. À l'inverse de ce que vous prétendez faire, les salariés du public vont subir financièrement un jour de délai de carence alors que beaucoup de salariés du privé n'en subissent aucun puisqu'ils sont couverts par une assurance. Certes, la sécurité sociale récupère ces trois jours de carence, mais le salarié, lui, n'en subit pas les conséquences. Franchement, mes chers collègues, on frise le ridicule. Au bout du compte, ce sont les salariés qui vont trinquer, mais ils commencent à en avoir l'habitude. !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je voudrais apporter mon soutien à Dominique Tian. Son amendement est tout aussi exemplaire que le travail qu'il a effectué sur la lutte contre les fraudes, et nous l'accompagnerons jusqu'au bout.

J'entends bien, madame la ministre, qu'il faut de la convergence. Mais pour cela, il aurait fallu laisser le délai de carence à trois jours dans le privé et instaurer un jour dans le public, de manière à rapprocher les deux secteurs. Avec quatre jours et un jour, vous maintenez des lignes parallèles dont chacun sait, qu'elles ne se rejoignent jamais.

M. Eckert semble avoir oublié que, dans le privé, le financement n'est pas assumé par le seul employeur : le salarié en paie une partie, personne ne l'a dit.

M. Christian Eckert. Cela se négocie.

M. Philippe Vigier. Dans le public, c'est l'employeur - 1,7 % de la masse salariale dans ma petite collectivité.

Enfin, monsieur Eckert, vous avez reproché à Mme la ministre de ne pas avoir négocié. Aviez-vous négocié préalablement lorsque, en 1997, vous avez décidé des 35 heures ? Je suis heureux de l'apprendre ce soir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Tian, répondez-vous à l'invitation de retirer l'amendement ?

M. Dominique Tian. Non, je ne retire pas l'amendement. Je suis pour la parité et je reste sur cette idée. Un jour ou l'autre, elle existera ne serait-ce qu'à cause de ces vingt-deux jours d'arrêt de travail par salarié dans les collectivités territoriales contre dix dans le privé. Il faut absolument arriver à la convergence, et trois jours dans chaque secteur me paraît équitable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. J'ai une autre notion de la parité que M. Tian. D'ailleurs, je souligne que, dans nos débats, sont complètement oubliés un grand nombre de salariés, en particulier des femmes qui sont en contrats précaires et en CDD et qui sont rarement couvertes, y compris dans le privé, par les accords qui leur permettent d'être payées dans le cadre du délai de carence.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Après quelques jours d'un large débat sur cette mesure, on ne peut que rejoindre la position de la ministre, sachant qu'une mesure d'une telle ampleur ne peut que s'inscrire dans une progressivité. Fort de cette idée, le groupe UMP soutiendra l'amendement du Gouvernement et votera, malheureusement, contre celui de Dominique Tian.

Chacun sent bien, en effet, que notre collègue se tient à une logique et accomplit, depuis plusieurs années maintenant, puisqu'il a commencé à la fin de la dernière législature, un vrai travail. Cela montre à la fois sa détermination, son engagement et son opiniâtreté qui finira, à terme, par lui donner raison. Reste à savoir quand. En tout cas, le terme n'est pas venu aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, nous engageant dans cette voie très progressive, nous soutiendrons l'amendement du Gouvernement et, malheureusement encore, voterons contre celui de notre collègue et ami Dominique Tian.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Au sein de la majorité, certains poussent à l'outrance qui, d'ailleurs, est déjà de ce monde. Resituons le débat.

Dans la situation actuelle, nombre de nos concitoyens sont empêchés d'accéder aux soins par les franchises médicales, le déremboursement des médicaments, l'augmentation des forfaits hospitaliers. Une grande majorité d'entre eux est interdite d'accès aux mutuelles parce que, année après année, les taxes augmentent. Maintenant, les indemnités pour accident du travail sont fiscalisées. Ce sont autant d'initiatives que vous avez prises au fur et à mesure de cette législature. Et aujourd'hui, ceux qui sont malades ne pourront pas être remboursés du temps passé à être malade alors que c'est un temps non choisi.

Dans un tel contexte, les Français devront comprendre qu'est en train de s'exprimer ici un mépris pour ceux qui ont des problèmes de santé.

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 561.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 68

Nombre de suffrages exprimés 66

Majorité absolue 34

Pour l'adoption 14

Contre 52

(L'amendement n° 561 n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 820 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 817.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 67

Nombre de suffrages exprimés 67

Majorité absolue 34

Pour l'adoption 51

Contre 16

(L'amendement n° 817 est adopté.)