ARTICLE 52 (DEVENU ARTICLE 131 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
PROROGATION DE DEUX ANNÉES DE LA TAXE FINANÇANT LE FONDS D'INDEMNISATION DES AVOUÉS

I. TEXTE DU PROJET DE LOI N° 3775

Au II de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, l'année : « 2018 » est remplacée par l'année : « 2020 ».

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012) TOME III ANNEXE 28

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de proroger de deux ans la durée de perception du droit de 150 euros du par les parties à l'instance d'appel.

I.- LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATION DEVANT LES COURS D'APPEL

L'objectif de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel avait un objectif double : d'une part, simplifier l'accès à la justice en appel, et d'autre part, assurer le respect de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

1.- La fonction d'avoué

Apparue en 1791, la fonction d'avoué a été réformée à de nombreuses reprises. Ses caractéristiques actuelles sont héritées de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Celle-ci modifie notamment le champ de compétence des avoués et des avocats : pour les procédures avec représentation obligatoire, les avoués ont le monopole de la postulation et de la plaidoirie en appel, tandis que les avocats exercent ce monopole en première instance. En vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2591 du 2 novembre 1945 relative au statut des avoués, ceux-ci représentent les parties devant les cours d'appel auprès desquelles ils sont établis. Ils perçoivent à ce titre des émoluments tarifés. Au 1 er janvier 2009, les vingt-huit cours d'appel concernées par la réforme comptaient 231 offices d'avoués au sein desquels exerçaient 433 avoués et 1 862 salariés.

Pour rappel, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ainsi que dans les départements et les collectivités d'outre-mer, la postulation devant les cours d'appel est d'ores et déjà assurée par les avocats.

2.- Le double objectif de la réforme

a) La transposition de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur

La fusion des professions d'avocats et d'avoués répond à la nécessité de se conformer à la directive européenne du 12 décembre 2006 (dont la transposition doit intervenir au plus tard le 27 décembre 2009). En effet, comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi, cette obligation communautaire « ne permet pas de maintenir en l'état le statut des avoués, titulaires d'un office, nommés par le garde des Sceaux et soumis à un tarif, les entraves de la libre circulation des services ne pouvant être justifiées que pour les activités participant à l'exercice de l'autorité publique ».

b) La simplification de l'accès au droit en appel

La réforme simplifie les démarches du justiciable en permettant à l'avocat qui a plaidé en première instance de plaider à nouveau en appel. De plus, selon le Gouvernement, « la suppression de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat favorisera la baisse du coût du procès » (1). Cette baisse potentielle ne concernera que le justiciable qui aurait souhaité conserver son avocat, malgré l'obligation de recourir à un avoué. En effet, aux honoraires fixés librement entre l'avocat et son client, s'ajoute dans ce cas la rémunération de l'avoué fixée par un tarif (le montant de l'émolument moyen alloué aux avoués est de 931 euros en moyenne). Cependant, le justiciable aurait pu choisir de n'être représenté que par l'avoué et, par conséquent, ne s'acquitter que de l'émolument. Dans ce cas, le cumul des honoraires de l'avocat et du droit fixé à 330 euros ne se traduira pas nécessairement par une réduction du coût du procès.

L'étude d'impact jointe au projet de loi prévoit une augmentation de 15 % du nombre des procédures en appel du fait de la disparition des avoués qui, fort de leur expérience, peuvent dissuader les parties d'interjeter appel si le dossier ne contient pas d'éléments susceptibles d'entraîner une décision favorable de la juridiction.

3.- Les dispositions de la réforme

? La fin du droit de présentation des avoués

La réforme a pour effet de priver les avoués de leur droit de présentation, ce qui constitue un préjudice et légitime une indemnisation corrélée à la valeur économique de l'office. Par ailleurs, la suppression du monopole de la postulation qui leur était accordé les conduit, sauf renonciation de leur part, à exercer à l'avenir leur activité en concurrence avec les avocats devant l'ensemble des juridictions. Or, cette modification des conditions d'exercice conduira de nombreuses études d'avoués à licencier une partie de leurs 1 862 salariés. En effet, un avocat emploie en moyenne 0,8 salarié contre 4,5 pour un avoué. Cette conséquence directe de la réforme a justifié l'instauration des indemnités de licenciement supra-légales et des dispositions de reclassement présentées ci-dessous.

Par ailleurs, la date d'entrée en vigueur de la fusion des professions d'avoués et d'avocat est fixée au 1er janvier 2011, l'année 2010 constituant une année transitoire nécessaire à la mise en oeuvre de la réforme.

? L'intégration des avoués dans la profession d'avocat et leur inscription au tableau de l'ordre du barreau près le tribunal de grande instance (TGI) dans le ressort duquel leur office est situé.

L'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est modifié afin de substituer à la profession d'avoué près les cours d'appel la profession d'avocat. Il est précisé que, dès lors, les avoués peuvent exercer l'ensemble des fonctions antérieurement dévolues aux avocats et de conseil juridique. Les avoués bénéficient également de la possibilité de renoncer à entrer dans la profession d'avocat ou de choisir un autre barreau. En outre, comme cela avait été prévu pour les avocats et avoués qui ne feraient pas partie de la nouvelle profession d'avocat définie par la loi du 31 décembre 1971 précitée, les avoués en exercice depuis plus de quinze ans seront autorisés à solliciter l'honorariat lors de la cessation de leurs fonctions.

En parallèle, les avocats exerceront les activités auparavant réservées aux avoués devant les cours d'appel. L'encadrement spatial de l'exercice de la profession d'avocat reste inchangé : un avocat, dont la résidence professionnelle est établie dans le ressort d'un tribunal de grande instance, ne pourra postuler et plaider que devant la cour d'appel dont ce tribunal dépend. La postulation en appel fera l'objet d'honoraires, fixés entre l'avocat et son client (1) . Par ailleurs, il sera désigné, au sein de chaque cour d'appel, un représentant des barreaux (en la personne de l'un des bâtonniers du ressort de la cour), susceptible de traiter de l'ensemble des questions intéressant la profession à cet échelon.

Dans le cas où les avoués et les collaborateurs titulaires du diplôme d'avoués renonceraient à devenir avocats, ils pourront accéder à l'ensemble des professions juridiques et judiciaires libérales réglementées (avocats au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, huissier de justice, commissaire priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce). La demande devra en être faite dans un délai de cinq ans. Un décret en Conseil d'État précisera les conditions d'application de cette disposition.

De plus, les collaborateurs titulaires du diplôme d'avoué bénéficieront d'un accès direct à la profession d'avocat. Dans le cas des collaborateurs juristes, non titulaires du diplôme d'avoué, un second décret en Conseil d'État prévoira les dispenses à certaines conditions d'accès à ces professions. Les collaborateurs en cours de stage accéderont directement à la formation d'avocat, sans examen.

Ces mesures s'accompagnent de dispositions transitoires permettant aux avoués d'exercer de façon simultanée leur profession et celle d'avocat dès le 1er janvier 2010.

Par ailleurs, la fusion des deux professions conduira à modifier de fait l'objet social des sociétés d'avoués qui n'auront pas été dissoutes à la date d'entrée en vigueur de la loi : elles seront réputées avoir pour objet social l'exercice de la profession d'avocat .

? La suppression des offices d'avoués près les cours d'appel et le principe de l'indemnisation pour la perte du droit de présentation

Une indemnité est versée aux avoués pour la perte du droit qui leur est reconnu par l'article 91 de la loi du 2 avril 1816 de présenter un successeur à l'agrément du garde des Sceaux. En effet, lorsque la suppression du droit de présentation de l'ensemble d'une catégorie d'officiers ministériels a été décidée, le principe d'une indemnisation de cette perte, correspondant à la valeur de l'office, est reconnu et pris en charge par l'État ( 6 ) . L'indemnisation a été fixée à 100% par voie d'amendement à l'Assemblée nationale.

? L'indemnisation des salariés des avoués

Le texte proposé pose le principe selon lequel tout licenciement survenant en conséquence de la réforme, soit entre la date de publication de la loi et le 31 décembre 2012, est réputé licenciement économique (au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail). Les salariés licenciés comptant un an d'ancienneté perçoivent des indemnités de licenciement calculées par application, au nombre d'années d'ancienneté dans la profession, du double du taux légal, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année d'ancienneté comprise entre quinze et vingt, quatre quinzièmes par année d'ancienneté comprise entre vingt et vingt-cinq, six quinzièmes par année d'ancienneté comprise entre vingt-cinq et trente ans,
- huit quinzièmes par année d'ancienneté comprise entre trente et trente-cinq ans, dix quinzièmes par année d'ancienneté comprise entre trente-cinq, quarante ans et douze quinzièmes par année d'ancienneté au-delà de quarante ans.

? Le versement aux avoués d'un acompte sur leurs indemnités afin de financer les indemnités de licenciement de leurs salariés et de restructurer leur office.

Les avoués pourront demander un acompte sur les indemnités qui leur sont dues au titre de leur office dans la limite de 50 % de la recette nette réalisée telle qu'elle résulte de la déclaration fiscale connue à la date de publication de la loi. Le délai de versement de l'acompte sera de trois mois après le dépôt de la demande.

II.- LE VOLET FISCAL DE CETTE RÉFORME

1.- L'instauration d'un droit de 150 euros perçu par voie de timbre

Le droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel a été institué par l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, codifié à l'article 1635 bis P du code général des impôts.

Ce droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client, soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Malgré les coûts de fabrication, d'acheminement des valeurs et de remise aux débitants de tabacs, chargés d'en assurer la distribution, cette solution simplifie le contrôle du respect de l'obligation fiscale. Le greffe, au moment du dépôt, peut aisément s'assurer de l'acquittement du droit. Ce paiement conditionnera la recevabilité et l'effectivité de la requête.

Ce droit s'applique aux appels interjetés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2018 à la condition que le fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel ait été créé. À la condition que le fonds d'indemnisation ait été créé, ce droit sera perçu du 1 er janvier 2011 au 31 décembre 2018 afin que le justiciable n'ait pas à s'acquitter pendant la période transitoire d'une double charge constituée des émoluments des avoués et du droit ainsi créé. Cette période de huit années doit permettre de couvrir le montant total des dépenses du fonds d'indemnisation des avoués. La prévision de recettes a été calculée sur une base moyenne annuelle de 130 000 affaires jugées en appel (hors aide juridictionnelle).

L'indemnisation à 100 % de la valeur des offices, majorée le cas échéant à hauteur de l'apport personnel consenti et du montant du capital restant dû au titre des emprunts contractés aux fins d'acquisition de l'office, représente un coût de 252 millions d'euros. Par ailleurs, le montant total du remboursement des indemnités de licenciement et des sommes dues au titre du reclassement des salariés licenciés est de 27 millions d'euros. Au total, les indemnisations versées aux avoués et à leurs salariés représentent donc 279 millions d'euros.

Le coût de la réforme (indemnisation de la valeur des études et indemnités de licenciement des salariés des avoués) est estimé à 304 millions d'euros.

2.- La création d'un fonds d'indemnisation

Le fonds a été créé par l'article 19 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel. Le droit de 150 euros s'appliquera ainsi à compter du 1er janvier 2012.

Les modalités de fonctionnement du fonds ont été déterminées par le décret n° 2011-419 du 18 avril 2011 . Celui-ci prévoit que :

- les recettes du fonds sont constituées du droit dû par les parties et des emprunts ou avances contractés auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;

- les dépenses sont constituées par les indemnités à verser aux avoués et à leurs salariés, par les frais financiers et de gestion dus à la caisse et par le remboursement des emprunts et avances contractés auprès de la caisse.

III.- DES MOYENS INSUFFISANTS QUI NÉCESSITENT UNE AUGMENTATION DE LA DURÉE DE PERCEPTION DU DROIT

Les simulations effectuées ont fait apparaître que le montant des ressources du fonds sur la période du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2018 (41,5 millions d'euros sur 7 années, soit 290,5 millions d'euros) ne permettent pas de couvrir les dépenses prévisionnelles induites par la réforme de la représentation devant les cours d'appel : 351,5 millions d'euros.

Les dépenses prévisionnelles du fonds d'indemnisation, se décomposent ainsi :

DÉPENSES PRÉVISIONNELLES DU FONDS

Indemnisations des avoués

251 609 000 euros

Indemnisation des salariés

51 900 000 euros

Frais perçus par la Caisse des dépôts et consignations

48 000 000 euros

TOTAL

351 509 000 euros

Le présent article prévoit donc une augmentation de deux années de la durée de perception du droit de 150 euros qui permet d'équilibrer les dépenses prévisionnelles d'ici au 31 décembre 2020. Le choix de l'allongement de la durée de perception permet de ne pas alourdir le coût du recours à la procédure d'appel.

Le besoin de financement estimé (61 millions d'euros) sera inférieur au produit de deux années de recouvrement supplémentaires (83 millions d'euros). Le solde sera donc reversé au budget de l'État au moment de la clôture du fonds d'indemnisation.

Suivant l'avis favorable de M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, la Commission adopte l'article 52 sans modification .