II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012) TOME III ANNEXE 37

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet principal de réformer le mode de calcul des potentiels fiscal et financier des départements utilisés pour l'attribution de leur dotation de péréquation de la DGF, de la dotation globale d'équipement mais aussi pour le fonctionnement des deux fonds de péréquation spécifiques aux départements.

D'une manière plus particulière, il modifie plusieurs modalités d'attribution des dotations perçues par les départements :

- il prévoit la possibilité pour le Comité des finances locales de minorer la dotation de garantie des départements afin de financer une augmentation de la part péréquation. Il confère en outre à ce comité le pouvoir de mettre en réserve une partie du Fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) créé en 2010 ;

- il crée une garantie au bénéfice des départements dont les critères d'éligibilité les font basculer de la dotation de péréquation urbaine (DPU) à la dotation de fonctionnement minimale (DFM) ou vice-versa ;

- il durcit les conditions d'éligibilité à la DPU, en ajoutant au critère du potentiel financier un critère relatif au revenu moyen par habitant du département. Parallèlement, il renforce la garantie d'évolution du montant versé aux départements éligibles ;

- il assouplit les conditions d'éligibilité à la part péréquation de la dotation globale d'équipement des départements tout en créant une garantie sur l'évolution du montant de cette part.

L'ensemble de ces modifications intervient alors que l'architecture de la dotation globale de fonctionnement pour 2012 a été établie à partir d'une augmentation de 67 millions d'euros de la part réservée aux départements, entièrement financée par une répercussion sur les variables d'ajustements de l'enveloppe normée.

I.- LA RÉFORME DES POTENTIELS FISCAL ET FINANCIER DES DÉPARTEMENTS

Tirant les conséquences de la réforme de la fiscalité locale opérée en 2010, le IV du présent article adapte les modalités de calcul du potentiel fiscal et du potentiel financier des départements à leurs nouvelles ressources.

1.- Les modalités de calcul en vigueur

a) Le potentiel fiscal

Conformément à l'objet même de la notion de potentiel fiscal, qui consiste à déterminer les ressources fiscales dont pourrait bénéficier une collectivité indépendamment de sa politique de taux, le potentiel fiscal des départements est calculé, depuis sa création par l'article 18 de la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 réformant la DGF des départements, par application aux bases départementales des quatre taxes directes locales du taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes.

L'article 3 de la loi de finances pour 2000 a ensuite ajouté au résultat de ce calcul le montant de la compensation de la suppression de la part salaire tandis que l'article 49 de la loi de finances pour 2005 l'a complété par le montant de la moyenne, sur les cinq dernières années, des droits de mutation à titre onéreux perçus par le département.

L'article 183 de la loi de finances pour 2011 a en outre augmenté ce potentiel fiscal des montants perçus ou prélevés au titre de la DCRTP ou du FNGIR ; de manière transitoire, il a en outre précisé que, pour l'année 2011, le potentiel fiscal est calculé avec les bases et les taux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal de l'année 2010, lui-même calculé à partir de la taxe professionnelle acquittée en 2009.

b) Le potentiel financier

Créé par l'article 49 de la loi de finances pour 2005, le potentiel financier des départements (PFI) vise à donner une image plus exhaustive de leurs ressources dans un objectif de péréquation juste et efficace.

À cette fin, le potentiel financier a été calculé, jusqu'en 2011, en ajoutant au potentiel fiscal :

- la dotation de compensation créée par la loi de finances pour 2004, qui correspond aux montants dus en 2003 au titre de l'ancien concours particulier compensant la suppression des contingents communaux d'aide sociale (CCAS) et de 95 % de la dotation générale de décentralisation hors compensations fiscales ;

- la totalité de la dotation forfaitaire (c'est-à-dire la dotation de base d'un montant de 74,02 euros par habitant et la dotation de garantie destinée à lisser l'effet de la réforme de la DGF de 2004).

Toutefois, la garantie liée à la compensation de la suppression de la part salaire est retranchée du calcul du potentiel financier, ce montant ayant été déjà intégré dans le calcul du potentiel fiscal.

LA DGF DES DÉPARTEMENTS EN 2011

(en millions d'euros)

Montant

Évolution 2011/2010 (en %)

Dotation forfaitaire

8 034,9

+ 0,33

- dotation de base

4 812

+ 0,56

- complément de garantie

3 204

-

- dotation forfaitaire de Paris

17,99

-

Dotation de compensation

2 835,7

+ 0,03

Dotation de péréquation

1 382,9

+ 3

- dotation de péréquation urbaine

557,9

+ 0,4

- dotation de fonctionnement minimale

825

+ 4,85

Total DGF des départements

12 254,5

+ 0,54

Source : Circulaire DGCL du 13 avril 2011.

c) Une remise à plat prévue par l'article 183 de la loi de finances pour 2011

L'article 183 de la loi de finances pour 2011 a prévu, de manière très succincte, que le potentiel fiscal serait calculé à compter de 2012 à partir de l'ensemble des impositions directes revenant aux départements mentionnées à l'article 1586 du code général des impôts à l'exception de la redevance des mines, en prenant en outre en compte la DCRTP et le FNGIR.

De manière surprenante, cette rédaction n'intègre pas dans le calcul des potentiels les DMTO, ce que l'on peut considérer comme un oubli.

S'agissant de la redevance des mines, dont le régime est fixé par l'article 1587 du CGI, son exclusion du calcul du potentiel est justifiée par les difficultés pratiques à récolter et contrôler les informations relatives au produit perçu par les départements, mais aussi en raison de son produit marginal et étalé sur un grand nombre de départements qui impacte peu le potentiel des départements.

2.- Ces potentiels entrent dans le calcul de plusieurs dotations et fonds de péréquation

Actuellement, les potentiels départementaux entrent dans le calcul de deux dotations et de deux fonds de péréquation.

a) La dotation de péréquation des départements et la dotation globale d'équipement

La dotation de péréquation des départements est composée de deux compartiments - la dotation de péréquation urbaine (DPU) et la dotation de fonctionnement minimale (DFM) - qui sont complémentaires dans la mesure où les départements non éligibles à la DPU sont automatiquement éligibles à la DFM.

Sont éligibles à la DPU les départements urbains dont le potentiel financier par habitant est supérieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen des départements urbains. L'indice synthétique permettant la répartition de cette dotation est en outre calculé à partir de ce même potentiel financier.

Par ailleurs, la DFM ne peut être versée qu'aux départements non urbains dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois la moyenne des départements.

En outre, les modalités de répartition de la DFM, fixées par décret, prévoient que son montant est réparti :

- pour 40 % en proportion de l'écart à la moyenne du PFI par habitant du département ;

- pour 30 % en proportion de l'écart à la moyenne du PFI superficiaire du département ;

- pour 30 % en proportion de la longueur de voirie du département.

S'agissant par ailleurs de la dotation globale d'équipement des départements , elle comprend une part de 15 % destinée à la péréquation dont le montant majore la dotation des départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 40 % au potentiel fiscal moyen par habitant des départements ou dont le potentiel fiscal superficiaire est inférieur d'au moins 60 % au potentiel fiscal superficiaire moyen des départements. L'article R. 3334-7 du CGCT précise en outre que cette fraction est versée en proportion de l'inverse du potentiel fiscal par habitant et de l'inverse du potentiel fiscal superficiaire de chaque département.

b) Les fonds de péréquation spécifiques aux départements

La réforme de la fiscalité locale s'est accompagnée d'une volonté politique sans précédent de développer la péréquation, notamment au niveau départemental grâce à la création du Fonds de péréquation des DMTO et du Fonds de péréquation de la CVAE.

S'agissant d'abord du Fonds de péréquation des DMTO , qui a permis dès cette année la redistribution nette de près de 340 millions d'euros, sa répartition est opérée entre les départements dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne nationale. Le montant reversé est en outre déterminé pour un tiers en fonction de l'écart à la moyenne de ce même potentiel financier et pour un autre tiers en fonction de l'écart à la moyenne du potentiel financier rapporté à la population (le dernier tiers l'étant en fonction du montant par habitant des DMTO).

Le Fonds de péréquation de la CVAE , dont les modalités de fonctionnement ont été fixées l'année dernière mais dont les premiers prélèvements et versements interviendront seulement l'année prochaine, est opéré grâce au potentiel financier des départements à la fois pour ses prélèvements et pour ses reversements :

- sont contributeurs au fonds les départements dont la CVAE enregistre une progression et dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne ;

- sont bénéficiaires les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne. Le montant versé est en outre déterminé pour moitié en fonction de l'écart à la moyenne de ce potentiel financier par habitant.

Le fonctionnement de ces fonds de péréquation sera certainement impacté par la refondation des potentiels départementaux ; s'agissant du Fonds de péréquation des DMTO, cette prise en compte a toutefois été repoussée à 2013 par le présent article. S'agissant du fonds de péréquation de la CVAE, de nouvelles simulations seront nécessaires dans le courant de l'année 2012 afin de déterminer si des ajustements législatifs doivent encore être envisagés dans le projet de loi de finances pour 2013.

3.- Le dispositif prévu par le présent article confirme les options posées en loi de finances pour 2011

a) Le potentiel fiscal à compter de 2012

Dans une rédaction plus précise et plus étoffée, le présent article reprend les options posées dans l'article 183 de la loi de finances pour 2011.

À compter de 2012, le potentiel fiscal des départements sera calculé à partir :

1. du produit déterminé par application aux bases départementales de la taxe sur le foncier bâti du taux moyen national de cette imposition ;

2. de la fraction de CVAE versée aux départements à hauteur de 48,5 % du montant imposé dans les communes du département ;

3. des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) affectées aux départements ;

LE MONTANT DES IFER PERÇUS PAR LES DÉPARTEMENTS

Conformément à l'article 1586 du CGI, les départements reçoivent à compter de 2011 :

- une part de l'IFER relative aux installations terrestres de production d'énergie utilisant l'énergie mécanique du vent. Lorsque l'installation est située dans une commune isolée, cette part est de 80 % ; dans un EPCI à fiscalité additionnelle ou à fiscalité professionnelle de zone, cette part est de 50 % et dans un EPCI à fiscalité professionnelle unique, elle est de 30 % ;

- 50 % de l'IFER relative aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique des courants (indépendamment de la structure intercommunale) ;

- 50 % de l'IFER relative aux installations nucléaire ou thermique à flamme (indépendamment de la structure intercommunale) ;

- 50 % de l'IFER relative aux centrales de production d'énergie électrique d'origine photovoltaïque ou hydraulique (indépendamment de la structure intercommunale) ;

- un tiers de l'IFER relative aux stations radio-électriques (indépendamment de la structure intercommunale) ;

- 50 % de l'IFER relative aux sites de stockage souterrain de gaz naturel, uniquement lorsque le site se situe dans une commune isolée. Dès lors que la commune adhère à un EPCI, le département ne le perçoit plus ;

- 50 % de l'IFER relative aux canalisations de transport de gaz naturel ou d'autres hydrocarbures (indépendamment de la structure intercommunale).

4. des montants positifs ou négatifs perçus au moyen de la DCRTP ou du FNGIR ;

5. de la moyenne sur les cinq dernières années du montant perçu au titre des DMTO départementaux ;

6. du montant de compensation de la suppression de la part salaire ;

7. du montant de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) affecté aux départements.

Cette prise en compte du produit de la TSCA constitue indéniablement la principale nouveauté par rapport aux potentiels actuels et la réforme projetée par l'article 163 de la loi de finances pour 2011.

Elle résulte de préconisations du groupe de travail sénatorial consacré à la péréquation entre les collectivités territoriales, dont le rapport d'information a été rendu public le 6 juillet 2011.

S'agissant de cette dernière taxe, le présent article prévoit que le montant à prendre en compte est déterminé par référence « à l'article 1001 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ».

LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU PRODUIT DE LA TSCA
AUX DÉPARTEMENTS

Jusqu'en 2010, les 6 milliards d'euros de recettes issues de la TSCA étaient affectés, dans la même proportion, au budget général et aux départements. À compter de 2011 et en application de la réforme de la taxe professionnelle, l'intégralité de cette recette est désormais versée aux départements. Seule la fraction résultant de l'application d'un taux réduit de TSCA aux contrats solidaires et responsables échappe à cette affectation. En 2011, le produit de la TSCA revient donc pour les quatre cinquième aux départements (4,8 milliards d'euros) et pour un cinquième à la CNAF (1,2 milliard d'euros).

S'agissant de la part revenant aux départements, l'attribution individuelle est calculée à partir de la photographie des ressources avant et après réforme de la TP utilisée pour le calcul de la DCRTP et du FNGIR : le produit total de la TSCA est réparti entre les départements dont la réforme de la fiscalité locale a entraîné une baisse de ressources de plus de 10 %, en proportion de cette baisse de ressources.

Cette référence à une rédaction antérieure de l'article 1001 du CGI a pour effet d'exclure du calcul du potentiel :

- le produit relatif au tarif de 3,5 % appliqué aux contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables » dont le montant a été affecté à la Caisse nationale des allocations familiales, en application de l'article 21 de la loi de finances pour 2011 ;

- l'augmentation de produit lié au relèvement de ce tarif à 7 % et à son affectation à parts égales à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, en application de l'article 9 de la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011.

Toutefois, ce retour à une rédaction antérieure à la loi de finances pour 2011 aura également pour conséquence de ne pas prendre en compte l'augmentation de 7 à 9 % des contrats qui ne sont pas solidaires et responsables, prévue par ce même article 9 de la loi de finances rectificative pour 2011, et dont le produit attendu pour les départements devrait être de 23 millions d'euros.

b) Le potentiel financier à compter de 2012

Le présent article prévoit en outre, de manière cohérente avec le droit actuel, que le potentiel financier d'un département est égal à son potentiel fiscal majoré des montants perçus l'année précédente au titre de la dotation de compensation et de la dotation forfaitaire (hors le montant de la garantie part salaire déjà intégré dans le calcul du potentiel fiscal).

4.- Quel impact sur le versement des dotations à compter de 2012 ?

Cette modification des modalités de calcul des potentiels départementaux a donné lieu à une note de l'Assemblée des départements de France du 28 juillet 2011 faisant état d'un impact important sur les dotations versées aux départements à compter de 2012.

Cette note relève à juste titre que les nouveaux potentiels seront désormais davantage fondés sur des produits perçus par les départements que sur les impositions à l'égard desquelles les départements disposent d'un pouvoir de taux. La notion même de « potentiel » fiscal et financier s'en trouve par là remise en cause.

D'après les simulations réalisées par l'ADF à partir des états 1253, ces nouveaux potentiels entraîneraient des modifications importantes dans le classement des départements en fonction de ces potentiels. Globalement, les départements affichant en 2009 un taux de taxe professionnelle inférieur au taux moyen voient leur potentiel fiscal et financier diminuer par rapport à ceux dont ce taux est supérieur à la moyenne. D'après l'ADF, le département de Paris voit ainsi son potentiel fiscal diminuer de 35 %, alors que celui de la Creuse augmente de 14 %.

Les effets seraient les mêmes s'agissant du potentiel financier, avec des modifications dans le classement qui seraient importantes pour certains départements : ainsi la Creuse passerait de la 96 ème place à la 34 ème place, et le Cantal de la 86 ème place à la 52 ème place. À l'inverse, le Loiret passe de la 31 ème place à la 72 ème place.

Dans le même temps, l'ADF note que l'introduction de la TSCA dans le calcul du potentiel financier, conformément aux préconisations du groupe de travail du Sénat sur la péréquation entre les collectivités territoriales, conduit à atténuer les variations induites par le DCRTP et le FNGIR.

Ces réserves de l'ADF appellent, de la part du Rapporteur spécial, plusieurs précisions :

- une modification dans le classement des départements en fonction de leur potentiel fiscal ou financier ne se traduira pas, à due concurrence, par une modification du montant des dotations, pour le versement desquelles ces potentiels sont pris en compte. En effet, la répartition de ces dotations fait entrer en ligne de compte d'autres critères, qui viendront atténuer les effets de cette réforme (pour le DPU, le nombre de bénéficiaires d'aides au logement, de titulaires du RSA, ou encore le revenu moyen ; pour la DFM, la longueur de voirie du département et sa superficie ; pour la dotation globale d'équipement, la superficie) ;

- le présent article écarte en outre tout effet sur le Fonds de péréquation des DMTO, tandis que le Fonds de péréquation de la CVAE ne sera opérationnel que l'année prochaine ;

- enfin et surtout, le dispositif prévu par le présent article prévoit d'amortir les effets de la réforme des potentiels départementaux par de nombreux mécanismes de garantie, qui viendront lisser ces effets dans le temps :

? garantie sur le montant de la DPU à hauteur de 95 % du montant perçu l'année précédente ;

? garantie sur le montant de la dotation globale d'équipement de 90 % du montant perçu l'année précédente ;

? garantie en cas de basculement de la DPU à la DFM, ou vice-versa ;

Ces nouvelles garanties viennent s'ajouter à celles qui existent déjà dans le code général des collectivités territoriales :

? garantie de 66 % puis de 33 % en cas de perte d'éligibilité à la DFM ;

? garantie, à compter de 2006, de recevoir une DFM au moins égale à celle de l'année précédente pour les départements qui restent éligibles ;

? garantie de 66 % puis de 33 % pour les départements qui ne sont plus éligibles à la DPU.

Au total, l'ensemble de ces garanties doit permettre d'assurer l'acceptabilité financière d'une réforme par ailleurs indispensable, tant il est vrai que les potentiels départementaux ne peuvent pas continuer à être calculés indéfiniment sans tirer les conséquences de la réforme de la fiscalité locale.

II.- UNE AUGMENTATION DES POUVOIRS DU COMITÉ DES FINANCES LOCALES DANS LE DOMAINE DE LA PÉRÉQUATION

Le présent article pose en outre les bases d'un meilleur arbitrage, au sein de la DGF, entre la part réservée à la dotation forfaitaire et la part réservée à la péréquation. Il prévoit en outre un mécanisme de mise en réserve des excédents du fonds de péréquation du fonds des DMTO départementaux.

L'ensemble de ces arbitrages a été confié au Comité des finances locales, qui voit par conséquent ses pouvoirs considérablement accrus dans le domaine de la péréquation départementale.

A.- UN POUVOIR DE MAJORATION DE LA PART PÉRÉQUATION GAGÉE PAR UNE MINORATION DE LA PART GARANTIE

Le II du présent article prévoit un gel pérenne de la dotation forfaitaire des départements, alors que ce gel n'était actuellement prévu que pour l'année 2011.

Ce gel a été voté, l'année dernière, pour la dotation de base par habitant (fixée à 74,02 euros par habitant), pour la dotation de garantie perçue par chaque département à raison de la perte de dotation forfaitaire enregistrée à la suite de la réforme de la DGF opérée en 2004 ainsi que pour la dotation forfaitaire perçue par le département de Paris.

Ce gel est toutefois assorti, dans le présent article, de la possibilité, conférée au Comité des finances locales, de minorer le montant de garantie de la dotation forfaitaire à hauteur d'un taux déterminé par lui. Cette minoration doit permettre de financer, dans la limite de 5 % pour chacune des dotations, l'augmentation de la dotation de péréquation urbaine et de la dotation de fonctionnement minimale.

Si le Comité des finances locales a été, pour l'année 2011, totalement privé de son pouvoir d'arbitrage entre la part forfaitaire et la part péréquation au profit d'une inscription des montants directement dans la loi, tel n'était pas le cas antérieurement.

À compter de 2006, le Comité des finances locales bénéficiait en effet du pouvoir de faire évoluer la dotation de base et la dotation de garantie, selon des taux au plus égaux respectivement à 70 % et 50 % du taux de croissance de l'ensemble des ressources de la dotation de fonctionnement. Il pouvait en outre arbitrer entre l'augmentation de la DPU et de la DFM.

Le présent article renoue par conséquent avec un pouvoir ancien du Comité des finances locales ; toutefois, alors que le dispositif applicable depuis 2006 consistait à répartir une augmentation de la DGF, on constate à l'évidence que le présent article change de nature dans la mesure où son pouvoir consiste désormais à imposer une minoration applicable à la dotation de garantie.

B.- UN POUVOIR DE MISE EN RÉSERVE DES MONTANTS PRÉLEVÉS EN FAVEUR DU FONDS DE PÉRÉQUATION DES DMTO

Le présent article crée par ailleurs, au bénéfice du Comité des finances locales, un pouvoir inédit de mise en réserve des excédents du fonds de péréquation des DMTO créé l'année dernière.

LE FONDS DE PÉRÉQUATION DES DMTO DÉPARTEMENTAUX

Le Fonds de péréquation des DMTO a été créé par l'article 78 de la loi de finances pour 2010. Le mécanisme initial prévoyait que, lorsque la croissance du produit des DMTO d'un département excède de deux fois l'inflation, la moitié de cet excédent est reversée au fonds de péréquation. En outre, les départements dont le niveau de DMTO est inférieur de 25 % à la moyenne sont exonérés de contribution. La redistribution devrait être opérée en fonction du potentiel financier des départements.

Ce mécanisme, dont les premières simulations laissaient craindre des prélèvements trop importants sur la croissance de DMTO, a toutefois été ajusté en LFI pour 2011 :

- l'alimentation du fonds est désormais réalisée à partir d'un prélèvement sur stock, auxquels sont éligibles les départements dont les DMTO sont supérieurs à 0,75 fois la moyenne. Le montant du prélèvement est progressif (10 %, 12 %, 15 %) en fonction de l'importance des DMTO (entre 0,75 fois et une fois la moyenne, entre une fois et deux fois la moyenne, au-delà de deux fois) ;

- un second prélèvement pèse sur l'augmentation annuelle des DMTO des départements dont le montant par habitant des DMTO est supérieur à 0,75 fois la moyenne. Le prélèvement est alors de la moitié de cette augmentation corrigée du double de l'inflation.

Les modalités de reversement du Fonds ont par ailleurs été affinées en loi de finances initiale pour 2011. Ses ressources sont réparties :

- pour 1/3 en fonction du potentiel financier ;

- pour 1/3 en fonction du potentiel financier reporté à la population ;

- pour 1/3 en fonction des DMTO départementaux reportés à la moyenne.

Le présent article prévoit que lorsque le montant total des deux prélèvements est supérieur à 300 millions d'euros, le CFL peut décider de mettre en réserve tout ou partie du montant excédant ce montant. Les sommes ainsi mises en réserves viennent, sur décision du CFL, abonder les ressources mises en répartition au titre des années suivantes lorsque les prélèvements alimentant le fonds sont inférieurs à 250 millions d'euros.

D'après les informations fournies au Rapporteur spécial, l'évolution des montants perçus en 2011 par les départements au titre des DMTO est soutenue et ils devraient rester importants en 2012. En effet, dans la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011 vient d'être adoptée une réforme des plus-values immobilières qui devrait puissamment inciter les propriétaires fonciers à anticiper des ventes afin d'éviter d'avoir à assumer la charge fiscale supplémentaire liée au nouveau dispositif, moins favorable. En revanche, cette accélération des ventes en 2011 et durant les premiers mois de l'année 2012 laisse penser que les rentrées fiscales vont ensuite baisser de manière assez importante, ce qui justifie ce mécanisme de lissage.

Le présent article précise enfin que le potentiel financier utilisé pour le fonctionnement du fonds en 2012 restera celui de l'année 2011, afin d'éviter des mouvements financiers trop importants sur l'ensemble des montants perçus par ou prélevés sur les départements.

III.- LES PRÉCISIONS CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE LA DOTATION DE PÉRÉQUATION ET LA DOTATION GLOBALE D'ÉQUIPEMENT

A.- LE LISSAGE DES EFFETS DU PASSAGE DE LA DPU À LA DFM EST ASSORTI D'UN MÉCANISME DE GARANTIE INDIVIDUEL

? L'article 113 de la loi de finances pour 2008 a prévu que lorsqu'un département devient éligible à la DPU - et qu'il ne l'est plus, par conséquent, à la DMF - le montant total de la DPU est majoré du montant perçu l'année précédente au titre de la DFM.

À l'inverse, le même article précise que lorsqu'un département ne remplit plus les conditions pour être considéré comme urbain au sens de l'article L. 3334-6-1 du CGCT, le montant de la DPU est minoré du montant qu'il a perçu à ce titre au profit de la DFM.

Ces deux mécanismes permettent de ne pas faire supporter par les autres départements éligibles les effets d'un changement de catégorie d'un département.

? Ce dispositif a été actionné cette année du fait du passage de l'Oise de la catégorie des départements urbains à celle des départements non urbains. À ce titre, le montant de la DPU touchée par ce département en 2010 (11,9 millions d'euros) a été soustrait de la masse à répartir en 2011 au titre de la DPU des départements de métropole pour être ajouté à la masse à répartir en 2011 au titre de la DFM.

Au total, les masses à répartir en 2011 avant basculement de l'Oise étaient de 569,8 millions d'euros pour la DPU et de 813,1 millions d'euros au titre de la DFM. Après basculement, ces montants sont respectivement de 557,9 millions d'euros et de 825 millions d'euros.

En 2011, le montant de la DFM touchée par le département de l'Oise s'est élevé à 12,7 millions d'euros.

À l'occasion de ce basculement, il est apparu qu'il n'existait pas de mécanisme individuel de lissage du montant perçu en cas de changement de catégorie.

? Le présent article prévoit donc deux mécanismes de garantie individuelle en cas de changement de catégorie :

- la DPU perçue par un département anciennement éligible à la DFM ne peut être inférieure à 95 % du montant de la DFM perçue l'année précédente ;

- à l'inverse, la DFM perçue par un département anciennement éligible à la DPU ne peut être inférieure au montant de la DPU perçue l'année précédente.

B.- UN DURCISSEMENT DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ À LA DPU

Actuellement, sont éligibles à la DPU les départements considérés comme urbains à condition que leur potentiel financier par habitant soit inférieur ou égal à 1,5 fois la moyenne des départements urbains.

Le présent article durcit les conditions d'éligibilité à cette dotation en précisant que ces départements urbains doivent en outre avoir un revenu par habitant inférieur à 1,4 fois le revenu moyen par habitant des départements urbains.

Rappelons que le revenu moyen entre par ailleurs déjà dans le calcul de l'indice synthétique (avec le potentiel financier, le nombre de bénéficiaires d'aides au logement et, le nombre de bénéficiaires du RSA) qui permet la répartition de la DPU entre les départements éligibles.

Ce critère supplémentaire permettra de conforter le caractère péréquateur de la DPU, le revenu moyen étant un effet un critère de charges synthétisant l'ensemble des difficultés que peut connaître la population d'un département.

D'après les informations transmises par le Gouvernement, ce nouveau critère doit permettre de maintenir l'inéligibilité de Paris et des Hauts-de-Seine.

C.- LA DOTATION GLOBALE D'ÉQUIPEMENT : ÉLARGISSEMENT DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ET MÉCANISME DE GARANTIE

Le présent article modifie par ailleurs les conditions de répartition de la dotation globale d'équipement des départements, qui est une dotation budgétaire imputée sur la mission Relations avec les collectivités territoriales , dont le montant en 2012 sera de 224,4 millions d'euros.

? Actuellement, la DGE des départements est répartie entre les départements :

- pour 76 % de son montant au prorata des dépenses d'aménagement foncier effectuées et des subventions versées pour la réalisation de travaux d'équipement rural par chaque département ;

- pour 9 % de son montant afin de majorer les attributions versées aux départements au titre de leurs dépenses d'aménagement foncier ;

- pour 15 % de son montant afin de majorer la dotation des départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 40 % au potentiel fiscal moyen des départements ou dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur d'au moins 60 % au PF superficiaire moyen des départements.

? Le présent article prévoit que la part péréquation de 15 % sera désormais versée aux départements dont le potentiel fiscal superficiaire est inférieur d'au moins 50 % au PF superficiaire moyen des départements, ce qui conduit par conséquent à élargir légèrement l'éligibilité à cette part péréquation.

Cette rectification des critères d'éligibilité pourrait être l'occasion d'asseoir la répartition de cette part péréquation sur le potentiel financier et non sur le potentiel fiscal.

L'article prévoit enfin qu'à compter de 2012, l'attribution perçue au titre de cette majoration par un département éligible ne peut être inférieure à 90 % du montant perçu l'année précédente.

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La Commission est saisie d'un amendement II-CF-107 de MM. Bernard Carayon et Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. À partir de 2012, la péréquation horizontale sera appliquée en prenant en compte un potentiel financier incluant les recettes provenant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il ne serait pas sage de bouleverser dans le même temps la péréquation horizontale et la péréquation verticale. Cet amendement propose donc, pour les départements, que la dotation de péréquation urbaine ait un montant 2012 au moins équivalent au montant perçu en 2011. Il s'agit d'un amendement de précaution, de sagesse, qui s'inspire de ce qui a déjà été fait pour les communes.

M. Thierry Carcenac. Quelles seront les conséquences d'un tel amendement pour les départements de Paris et des Hauts-de-Seine, qui sont les seuls départements urbains ne bénéficiant pas de la dotation de péréquation urbaine ?

M. le Rapporteur général. Ils n'en bénéficieront pas plus. L'amendement n'aura pas d'incidence sur le financement de la dotation de péréquation urbaine et la dotation de solidarité rurale, par un prélèvement sur les départements contributeurs. En revanche, les départements qui verraient leur dotation de péréquation urbaine augmenter en 2012 connaîtront une hausse limitée par la garantie de ressources apportée à ceux dont la dotation devrait baisser.

L'amendement II-CF-107 est adopté (amendement n° 26) .

La Commission est saisie d'un amendement II-CF-72 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Les potentiels fiscal et financier visent à évaluer une richesse réelle des départements. À ce titre, l'introduction dans la base de calcul de ces potentiels de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) fausse les comparaisons, en introduisant une ressource figée.

M. le Rapporteur général. Le fait de prendre en compte ces ajustements crée des effets pervers. Par exemple, les Yvelines, où les bases de la taxe professionnelle étaient importantes et les taux faibles, étaient un département riche dans l'ancienne appréciation ; dans le nouveau système, ce département apparaît comme relativement pauvre. Inversement, la Creuse remonte. Il est de ce point de vue intéressant de comparer le classement de la richesse des départements selon l'ancienne méthode et la nouvelle méthode d'appréciation. Mais ces simulations sont à prendre avec précaution.

M. Jean-Pierre Balligand. Je tiens à dire que cet amendement ne peut être voté en l'état. Mais il conviendra de regarder annuellement l'évolution du FNGIR et de la DCRTP, qui ne prennent pas en compte l'inflation.

L'amendement II-CF-72 est retiré par son auteur.

La Commission est saisie de l'amendement II-CF-71 rectifié du même auteur.

M. Michel Bouvard. Cet amendement, de même que l'amendement II-CF-73, a pour but d'exclure les départements ruraux du mécanisme de péréquation portant sur les droits de mutation à titre onéreux. Ces départements ne devraient contribuer que pour cinq d'entre eux à la péréquation, dans une proportion très faible, correspondant à 3,15 % de l'ensemble des sommes mises en péréquation. Il n'est pas souhaitable de les maintenir dans ce dispositif, sauf à commettre de profondes injustices, telles que la participation de la Corse du Sud à la politique de péréquation.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je crois qu'il faut examiner cet amendement en prenant en compte l'intérêt général.

M. Bernard Carayon, Rapporteur spécial sur les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales . Avis défavorable.

M. le Rapporteur général. Un département rural peut avoir des droits de mutation à titre onéreux conséquents. C'est en particulier le cas de la Savoie. La partie de l'ancien duché de Savoie qui est devenue le département de la Savoie entre dans la catégorie des départements ruraux, alors que celle qui est devenue le département de la Haute Savoie est dans la catégorie des départements urbains.

Les amendements II-CF-71 rectifié et II-CF-73 sont retirés par leur auteur.

L'article 53 est adopté ainsi modifié par la Commission.