V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III ANNEXE 23

Commentaire : le présent article vise à définir les nouvelles modalités de répartition de la dotation de péréquation des régions et à geler les montants des dotations forfaitaires.

I. LE DROIT EXISTANT

La dotation globale de fonctionnement des régions est composée de deux parts :

- une part forfaitaire dont le taux de croissance était jusqu'en 2010 fixé par le comité des finances locales (entre 60 % et 90 % du taux d'évolution de la DGF) ;

- et une part péréquation dont la masse est égale à la différence entre l'ensemble des ressources affectées à la DGF des régions et la dotation forfaitaire.

Le Comité des finances locales a, depuis 2004, très fortement favorisé la péréquation régionale. Ainsi la masse dédiée à cette part a augmenté de plus de 107 millions d'euros, soit + 142 % entre 2004 et 2011.

En 2011, la DGF des régions est demeurée identique à celle de 2010. Néanmoins, la part forfaitaire a fait l'objet d'une diminution de 0,12 %, permettant ainsi d'assurer une progression de la part péréquation de 6,3 millions d'euros.

Conformément à l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales, sont bénéficiaires de la dotation de péréquation, les régions dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 15 % au potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des régions. Ce potentiel fiscal est établi par application de l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales et tient compte des différentes compensations et exonérations (y compris celles concernant la taxe d'habitation).

Ainsi, en 2011, le seuil d'éligibilité à la péréquation régionale était de 98,05 euros par habitant (soit 85 % du potentiel fiscal moyen de l'ensemble des régions égal à 115,35 euros/hab.) et, comme en 2010, onze régions étaient éligibles à cette part. La région Nord-Pas-de-Calais et la région Auvergne, qui avaient bénéficié en 2010 d'une attribution de sortie non renouvelable, ne sont pas redevenues éligibles en 2011.

La réforme des finances locales et la suppression de la taxe professionnelle ont profondément modifié les ressources fiscales des régions. En effet, celles-ci ne disposent pas de pouvoir de taux sur leurs ressources fiscales professionnelles , constituées de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et des impositions forfaitaires sur le matériel roulant et sur les répartiteurs.

La notion de potentiel fiscal étant devenue dès lors obsolète , un nouvel indicateur de ressources des régions devait être mis en place.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose, dans son paragraphe I, de remplacer la notion de potentiel fiscal régional, telle qu'elle est définie depuis la loi de finances pour 2011 1 ( * ) à l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales, par celle d' indicateur de ressources fiscales qui sera utilisée pour la répartition de la dotation de péréquation régionale.

Cet indicateur des ressources fiscales des régions (IRFR) permet de prendre en compte le nouveau panier de ressources fiscales des régions tel qu'il résulte de la réforme de la taxe professionnelle, tout en atténuant ses effets sur le « classement » des régions grâce à un resserrement sur les ressources fiscales dont les bases sont évolutives .

En effet, l'article 183 de la loi de finances pour 2011 prévoyait que, à compter de 2012, le calcul du potentiel fiscal des régions intègre les nouvelles ressources fiscales des régions : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) relative au matériel roulant utilisé sur le réseau ferré national pour des opérations de transport de voyageurs et IFER relative aux répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre et aux équipements de commutation.

Aux bases brutes de ces impositions devait s'appliquer le taux moyen national de chacune des impositions. Le potentiel fiscal est ensuite majoré des montants perçus au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et majoré ou minoré des montants perçus ou versés au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).

Toutefois, d'après les simulations réalisées avec les données fiscales provisoires, le potentiel fiscal ainsi calculé bouleverserait la répartition de la dotation de péréquation dans la mesure où toutes les régions de métropole jusqu'à présent éligibles perdraient leur éligibilité et où seule la région Île-de-France, nouvellement éligible bénéficierait des crédits de la péréquation.

Pour calculer la richesse des régions, le nouvel indicateur proposé par le présent article ne retient donc que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER), la taxe sur les certificats d'immatriculation et la TIPP modulable. Il exclut la DCRTP et les versements du FNGIR . Il prévoit toutefois de minorer l'indicateur par le prélèvement effectué au titre du FNGIR.

Le paragraphe II supprime l'article L.4332-6 du CGCT qui définissait l'effort fiscal régional comme le rapport entre le produit des trois taxes directes locales perçues par la région et le potentiel fiscal. Cette notion a perdu toute signification depuis la réforme de la fiscalité locale en ce qui concerne le niveau régional.

Le paragraphe III gèle les montants des dotations forfaitaires des régions et de la collectivité territoriale de Corse, définis à l'article L. 4332-7 du CGCT, à leur niveau de 2011 et prévoit que le comité des finances locales peut, le cas échéant, diminuer le montant de la dotation forfaitaire des régions afin d'augmenter les masses consacrées à la péréquation.

Le paragraphe IV propose de nouvelles modalités de r épartition de la dotation de péréquation régionale. Il modifie l'article L. 4332-8 du CGCT sur les points suivants :

- les régions d'outre-mer deviennent éligibles de droit à la part péréquation ;

- le critère d'éligibilité , exigeant un potentiel fiscal par habitant inférieur d'au moins 15 % au potentiel fiscal moyen, est remplacé par la double condition d'un IRFR inférieur à l'IRFR moyen par habitant de l'ensemble des régions métropolitaines et de collectivité territoriale de Corse et d'un PIB par habitant inférieur à 1,3 fois le PIB moyen par habitant des mêmes collectivités. L' introduction d'un critère PIB 2 ( * ) permet d'écarter les régions les plus développées économiquement, au premier rang desquelles la région Ile-de-France, du bénéfice de la dotation de péréquation ;

- en parallèle des nouveaux pouvoirs qui lui sont attribués au titre de l'article L. 4332-7, le comité des finances locales est autorisé à accroître le montant consacré à la péréquation régionale dans la limite de 5 % par an ;

- les critères de répartition des versements sont modifiés pour remplacer la référence au potentiel fiscal par une référence à l'IRFR et supprimer la mention de l'effort fiscal. Ils maintiennent le principe d'une répartition reposant sur le calcul de deux parts égales , la première évaluée en fonction de la population et de l'écart entre l'IRFR par habitant de la région considérée et l'IRFR moyen par habitant des régions ; la seconde part calculée en fonction de l'IRFR superficiaire 3 ( * ) , selon l'écart entre la moyenne des régions et la région considérée ;

- des garanties sont mises en place afin d'éviter une diminution brutale des attributions des régions jusqu'à présent éligibles. Le texte prévoit pour ces régions, une « garantie de baisse limitée » (GBL), consistant en une diminution progressive de leurs attributions sur les trois prochaines années (à hauteur de 90 % en 2012, 75 % en 2013 et 50 % en 2014 de l'attribution perçue l'année précédente). Ce mécanisme vise à assurer une convergence progressive des dotations de péréquation des régions jusqu'à présent éligibles et des régions nouvellement éligibles. Pour les régions devenant inéligibles, la garantie de sortie « de droit commun » d'ores et déjà prévue est maintenue. Elle assure à toute région devenue inéligible une attribution non renouvelable égale à 50 % du montant perçu l'année précédente.

Le paragraphe V modifie l'article L. 4434-9 du CGCT relatif à la quote-part de la dotation de péréquation régionale perçue par les régions d'Outre-mer . Il prévoit le plafonnement de la progression de leur quote-part à + 2,5 % par rapport à l'année antérieure et apporte des ajustements de coordination , en supprimant les références à l'effort fiscal et à l'écart à 85 % du potentiel fiscal par habitant.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre une correction rédactionnelle, l'Assemblée nationale a adopté sur le présent article, quatre amendements du Gouvernement , avec l'avis favorable de la commission des finances.

Ces amendements sont la conséquence de l'introduction en première partie de la loi de finances de mesures d' économies supplémentaires , à hauteur de 200 millions d'euros , pesant sur les concours de l'Etat aux collectivités territoriales, et en particulier, de la suppression de l'augmentation de 16 millions d'euros de la DGF régionale.

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale visent donc à reconduire en 2012 les montants de dotation forfaitaire et de dotation de péréquation perçus par les régions en 2011 .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des finances a décidé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 de s'opposer au plan d'économies supplémentaire de 200 millions d'euros imposé aux collectivités territoriales.

Elle ne peut donc être que défavorable aux modifications introduites en ce sens sur le présent article par l'Assemblée nationale et elle vous propose par amendement de les supprimer.

S'agissant de la création du nouvel indicateur de ressources fiscales et des nouvelles modalités de répartition de la dotation de péréquation régionale, vos rapporteurs spéciaux notent qu'elles réduisent la complexité et les injustices du dispositif antérieur et qu'elles atténuent les anomalies liées à la suppression de la taxe professionnelle dans le « classement » des régions, notamment du fait de l'introduction du critère de PIB régional.

Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Votre commission des finances n'avait pas approuvé cette définition, estimant nécessaire de disposer préalablement de simulations.

* 2 Produit intérieur brut connu au 1 er janvier de l'année de répartition dont le montant est fixé de manière définitive par l'institut national de la statistique et des études économiques.

* 3 De ce point de vue, la réforme proposée ne supprime pas la dualité des critères d'éligibilité et de répartition dénoncée par votre rapporteur spécial dans son rapport sur la péréquation régionale en 2009 (Rapport d'information n° 556 (2008-2009) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des finances).