ARTICLE 62 BIS (DEVENU ARTICLE 152 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
SUPPRESSION DE L'ALLOCATION SPÉCIALE DU FONDS NATIONAL DE L'EMPLOI (ASFNE)

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (2ÈME SÉANCE DU VENDREDI 4 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 62

Mme la présidente. L'amendement n° 338 présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 62, insérer l'article suivant :

I. - Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le 2° de l'article L. 5123-2 est supprimé ;

2° L'article L. 5123-7 est abrogé.

II. - Le I  entre en vigueur le 1 er janvier 2012 et s'applique aux conventions signées à compter de cette date conformément au premier alinéa de l'article L. 5123-1 du code du travail.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nadine Morano, ministre. C'est un amendement historique que je présente à l'Assemblée.

Le dispositif des allocations spéciales du Fonds national de l'emploi est le dernier dispositif de préretraites publiques non ciblé encore en vigueur. Créées en 1963 pour les salariés âgés de soixante ans, les allocations spéciales du FNE ont été étendues aux salariés de plus de cinquante-cinq ans en 1979. Le dispositif a été fortement utilisé au cours des années 90, avec près de 50 000 entrées en 1993 et un volume maximum de 180 000 bénéficiaires indemnisés.

Au cours de ces dernières années, en cohérence avec la politique d'emploi des seniors, le FNE a été réservé aux restructurations touchant les salariés les plus fragiles sur les territoires en difficulté. Ainsi, à la fin du mois d'août 2011, seulement 492 entrées dans le dispositif ont été enregistrées depuis le début de l'année pour 214 conventions conclues. Toujours au mois d'août 2011, le nombre total d'allocataires était de 5 675. Pour 2012, sur la base d'un rythme d'entrées égal à celui constaté sur la période allant de janvier à août 2011, le nombre moyen mensuel d'allocataires est estimé à 3 962.

En raison des faibles volumes d'entrées nouvelles dans le dispositif depuis 2007, son application pose désormais de réelles difficultés de gestion. Il devient, en particulier, très délicat de respecter l'égalité de traitement des salariés licenciés pour motif économique dès lors que la mobilisation du dispositif n'est pas automatique mais soumise à des considérations d'espèce. Dans de nombreux cas, le fait que le dispositif ne soit pas formellement abrogé fait naître des espoirs parmi les salariés, espoirs qu'il n'est pas possible de satisfaire au regard des critères d'attribution très restrictifs en vigueur.

M. Christian Eckert, rapporteur spécial . C'est vous qui les avez mis en place !

Mme Nadine Morano, ministre. Enfin, le Gouvernement a mis en place, depuis le 1 er septembre dernier, le contrat de sécurisation professionnelle qui remplace, sur l'ensemble du territoire, la convention de reclassement personnalisé et le contrat de transition professionnelle. Il devient le dispositif de droit commun en faveur des salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés affectées par des restructurations.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est donc indispensable d'interrompre définitivement les entrées dans le dispositif en abrogeant sa base légale, les allocataires actuels bénéficiant, bien évidemment, du maintien de leur revenu de remplacement jusqu'à leur retraite.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Chantal Brunel, rapporteure . L'amendement vient d'être à l'instant déposé et il n'a pu être examiné par la commission. À titre personnel, il me paraît logique puisqu'il y a une diminution du nombre des allocataires.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christian Eckert, rapporteur spécial . Le sujet n'est pas aussi anodin qu'il y paraît : c'est la fin d'un dispositif qui a connu son utilité.

M. Jean-Patrick Gille. En effet !

M. Christian Eckert, rapporteur spécial . Vous arguez, madame la ministre, de la mise en place du CSP pour remplacer le FNE, mais cela n'a absolument rien à voir. Je me doute que vous allez passer en force, encore une fois, et faire disparaître le FNE en catimini. C'est véritablement dommage.

M. Éric Berdoati. Mais s'il n'y a plus personne dedans ?

M. Christian Eckert, rapporteur spécial . Si moins de personnes répondent aux critères pour bénéficier du dispositif, c'est parce que vous les avez durcis. Nous avons tous eu à gérer des problèmes économiques dans nos bassins d'emploi, et entendu dire par les directions du travail et de l'emploi que les critères c'était le compte-gouttes, et qu'elles avaient des instructions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement, présenté de manière impromptue et anodine, n'a rien d'inoffensif. Je dirais même qu'il signe le budget que vous nous avez présenté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est normal et cohérent !

M. Jean-Patrick Gille. C'est une sombre journée pour les seniors demandeurs d'emploi et pour les chômeurs en fin de droits. En réalité, nous allons acter la fin du FNE, des préretraites, comme notre collègue Eckert l'a très bien expliqué. Certes, le dispositif était en voie d'extinction mais ce texte l'achève.

On supprime le FNE ; on acte l'extinction de l'allocation équivalent retraite ; on signe quasiment la fin des allocations pour les demandeurs d'emploi en fin de droits engagés dans un processus de formation.

Rappelons qu'il y a peu ces dispositifs représentaient des centaines de millions d'euros d'allocations pour les personnes en grande difficulté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n'est plus le cas, les temps changent !

M. Jean-Patrick Gille. Ces dispositifs ne sont remplacés par rien, sinon par quelques mesures qui ne couvrent pas le même champ.

Telle est bien la réalité du budget que nous examinons aujourd'hui, et qui nous a été présenté par Xavier Bertrand comme apportant peu de changements. Si, les véritables changements sont là, ils se mesurent en centaines de millions d'euros pour plusieurs catégories de personnes, notamment les seniors qui vont se retrouver, avant de pouvoir prendre leur retraite, sans aucune rémunération, aucun revenu, aucune ressource.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Berdoati.

M. Éric Berdoati. Je ne voudrais pas allonger trop nos débats, mais le plaisir d'entendre nos collègues qui ont certes des talents pour la joute oratoire a des limites. On se demande quel est le camp le plus conservateur ! Vous reconnaissez qu'il n'y a quasiment plus de personnes éligibles au dispositif, mais, par principe intellectuel ou autre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ,...

Mme Marie-Christine Dalloz. Par doctrine socialiste !

M. Éric Berdoati. ...il faudrait selon vous le maintenir tout de même. C'est exactement ce que vient de dire notre collègue. On se demande qui sont les plus conservateurs dans cet hémicycle !

Le nombre de personnes éligibles au dispositif est passé de 180 000 à une certaine époque à quelque 3 000 actuellement. Ceux-ci ne seront d'ailleurs pas maltraités puisqu'il leur est proposé une solution de maintien de leur statut.

M. Christian Eckert, rapporteur spécial. Quelle solution ? Le contrat de sécurisation professionnelle n'a rien à voir !

M. Éric Berdoati. À partir du moment où un dispositif est arrivé à son terme, il est sain de l'abroger au lieu de le maintenir artificiellement pour le seul plaisir de débattre dans l'hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je voudrais simplement rappeler que si ces personnes ne sont plus éligibles, c'est parce qu'on a laissé les dispositifs s'éteindre, parce qu'on a changé les critères. Mais sur le terrain, dans la réalité, dans la vie quotidienne, ces personnes existent bel et bien. Ces milliers de personnes vont se retrouver sans allocation.

M. Éric Berdoati et Mme Marie-Christine Dalloz. Mensonges !

(L'amendement n° 338 est adopté.)