ARTICLE 63 (DEVENU ARTICLE 153 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
PRÉLÈVEMENT SUR LE FONDS PARITAIRE DE SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS (FPSPP)

I. TEXTE DU PROJET DE LOI N° 3775

I. - Il est institué en 2012 trois prélèvements sur le fonds mentionné à l'article L. 6332-18 du code du travail :

1° Un prélèvement de 25 millions d'euros au bénéfice de l'institution nationale publique mentionnée à l'article L. 5312-1 du même code, affectés au financement de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation ;

2° Un prélèvement de 75 millions d'euros au bénéfice de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes mentionnée au 3° de l'article L. 5311-2 du même code, dont 54 millions d'euros seront affectés à la mise en oeuvre des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l'emploi conformément à l'article L. 335-6 du code de l'éducation et 21 millions d'euros affectés à la participation de l'association au service public de l'emploi ;

3° Un prélèvement de 200 millions d'euros au bénéfice de l'Agence de services et de paiement mentionnée à l'article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime destiné à financer la rémunération des stagiaires relevant des actions de formation, définie par les articles L. 6341-1 à L. 6341-7 du code du travail.

II. - Le versement de ce prélèvement est opéré en deux fois, avant le 31 janvier 2012 et avant le 31 juillet 2012. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces prélèvements sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

III. - Un décret pris après avis du fonds mentionné à l'article L. 6332-18 du code du travail précise les modalités de mise en oeuvre des prélèvements ainsi établis.

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012) ANNEXE 45

Observations et décision de la Commission :

Le présent article institue trois prélèvements sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et les affecte à trois organismes (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFAP, Agence de services et de paiement, ASP, et Pôle emploi) intervenant dans le champ de l'emploi et de la formation professionnelle.

L'État a procédé au même prélèvement en 2011. Le Rapporteur spécial fera donc les mêmes observations que l'an dernier.

I.- LES PRÉLÈVEMENTS ENVISAGÉS TOTALISANT 300 MILLIONS D'EUROS RISQUENT DE DÉSTABILISER LE FONDS MIS EN PLACE PAR LA LOI DU 24 NOVEMBRE 2009

A.- LA LOI DU 24 NOVEMBRE 2009 VISAIT À SANCTUARISER LES FONDS DES OPCA

L'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels avait prévu la mise en place de moyens spécifiques pour assurer la qualification ou la requalification des salariés et des demandeurs d'emploi dont le déficit de formation fragilise l'entrée, le maintien ou le retour à l'emploi. Il prévoyait en particulier la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds devait être alimenté par des contributions assises sur les contributions légales des entreprises au développement de la formation professionnelle continue.

Reprenant le cadre déjà tracé, l'article 18 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a institué un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) transposant ainsi l'accord du 7 janvier. Ce fonds paritaire, agréé par arrêté du 12 mars 2010, a remplacé le fonds unique de péréquation (FUP) chargé, avant l'intervention de la loi, de gérer, dans une logique de péréquation, les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ainsi qu'une contribution comprise entre 5 % et 10 % des fonds collectés au titre de la professionnalisation. Codifiées aux articles L. 6332-18 à L. 6332-22-2 du code du travail, les missions du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ont été élargies.

Le V de l'article 18 précise surtout - innovation importante introduite à l'initiative du rapporteur du Sénat, notre collègue Jean-Claude Carle - dans un nouvel article L. 6332-22-1 inséré dans le code du travail que « Les sommes dont dispose le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds. ».

L'objectif de cette disposition était précisément d'éviter que les éventuels excédents du FPSPP puissent être mobilisés par l'État pour abonder son propre budget. En l'état, le présent article du projet de loi de finances méconnaît cette règle, remettant en cause le texte voté et l'intention du législateur.

B.- CES PRÉLÈVEMENTS DE 300 MILLIONS D'EUROS OBÉRERAIENT GRAVEMENT LA TRÉSORERIE DU FPSPP

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, les contributions à ce fonds sont estimées en 2011 à 640 millions d'euros - sur la base du taux de 13 % des contributions dues par les entreprises - auxquels il convient d'ajouter environ 50 millions d'euros au titre de produits complémentaires (disponibilités excédentaires des organismes collecteurs paritaires agréés, produits financiers, reversement du trésor public, produits divers...).

Les ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels

Le financement du FPSPP provient de deux sources.

- d'une part le versement par les OPCA agréés au titre de la professionnalisation et du congé individuel de formation de disponibilités excédentaires pour un montant qui s'est élevé à 37 millions d'euros en 2009.

- d'autre part, une contribution égale au pourcentage maximum de 13 % des obligations légales de droit commun des employeurs au financement de la formation professionnelle continue (0,55 % de la masse salariale pour les employeurs de moins de dix salariés et 1,6 % pour les employeurs de dix salariés et plus).

Ce pourcentage a été appliqué également à la contribution de 1 % assise sur les rémunérations versées aux titulaires d'un contrat à durée déterminée par tous les employeurs pour contribuer au financement du congé individuel de formation des salariés en contrat à durée déterminée.

Le pourcentage a été fixé pour l'année 2011 à 10 % par arrêté du 6 décembre 2010 sur proposition des partenaires sociaux. Les sommes ainsi recueillies se sont élevées à 640 millions d'euros.

L'affectation des ressources est décidée de deux manières :

- L'accord des partenaires sociaux

Les ressources du fonds ont été affectées dans des conditions prévues par un accord conclu le 12 janvier 2010 entre les partenaires sociaux représentés. Cette affectation a pris en compte l'avis des représentants des organisations d'employeurs ne relevant pas des organisations représentatives au niveau interprofessionnel. Cette disposition vise à permettre l'expression d'un secteur qui contribue pour près de 20% au total des fonds collectés par les OPCA (professions agricoles, économie sociale, presse, métiers du spectacle, sanitaire et social non lucratif, salariés des professions libérales...).

- La convention cadre entre l'État et le FPSPP

La déclinaison de cet accord a fait l'objet d'une contractualisation sous la forme d'une convention cadre conclue entre l'État et le FPSPP en date du 15 mars 2010. Conformément à ces dispositions contractuelles, une annexe financière pour l'exercice 2011 a été signée le 18 janvier 2011 entre le ministre du Travail, de l'emploi et de la Santé, la ministre auprès du ministre du Travail, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle et les responsables du Fonds paritaire.

Les documents prévisionnels établis par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels font apparaître que celui-ci prévoit d'engager au titre de l'année 2011 près de 920 millions d'euros au titre de la convention cadre conclue entre l'État et le FPSPP.

Le Fonds doit par ailleurs faire face à 1,069 milliard d'euros d'engagements souscrits antérieurement au 1er janvier 2011 ; afin d'y faire face, celui-ci dispose du reliquat de ressources de l'exercice précédent, des nouvelles ressources de l'exercice, ainsi que divers produits annexes pour un montant total de 1,377 milliard d'euros.

Au 31 août 2011, au titre des trois conventions conclues avec l'État de 2009 à 2011 (21 avril 2009, 15 mars 2010 et 18 janvier 2011), sur le montant total des engagements effectivement constaté s'élevant à 1 158 millions d'euros, 176 millions ont été effectivement décaissés.

Le Rapporteur spécial s'inquiète de la situation financière du fonds qui pourrait se révéler extrêmement tendue sur l'exercice 2012, en particulier en fin d'année. Inévitablement, l'offre de formation financée par le fonds s'en ressentira, au détriment des salariés et des demandeurs d'emploi.

II.- EN ALIMENTANT DES ORGANISMES QUI REÇOIVENT, POUR LES DISPOSITIFS VISÉS, UNE SUBVENTION DE L'ÉTAT, CET ARTICLE ENGENDRE UNE DIMINUTION À DUE CONCURRENCE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT EN 2011

A.- LE PRÉLÈVEMENT ENVISAGÉ PERMETTRAIT DE RÉDUIRE LES DÉPENSES DE L'ÉTAT RELEVANT DES PROGRAMMES N° 102 ET N° 103 DE LA MISSION TRAVAIL ET EMPLOI

Le présent article propose d'affecter les excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels, au financement de dépenses jusqu'alors assurées par l'État dans le domaine de la formation professionnelle pour un montant total de 300 millions d'euros, grâce à trois prélèvements distincts :

- aux termes de l'alinéa 2 (1° du I), une part de 25 millions d'euros sera affectée à Pôle emploi, afin de prendre en charge le financement de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation ( AFDF) ;

- le deuxième prélèvement de 75 millions d'euros est prévu à l'alinéa 3 (2° du I) au bénéfice de l'AFPA. 54 millions d'euros permettront à l'AFPA de continuer à assurer la certification, c'est-à-dire la mise en oeuvre des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l'emploi et 21 millions sont destinés à financer la participation de l'AFPA au service public de l'emploi ;

- l''alinéa 4 (3° du I) affecte 200 millions d'euros vers l'Agence des services de paiement aux fins de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, auxquelles elle assure déjà le versement de leur rémunération pour le compte de l'État.

Celui-ci prend, en effet, en charge la rémunération des demandeurs d'emploi non indemnisés par le régime d'assurance chômage poursuivant une formation agréée par l'État conformément aux articles L. 6341-1 à L. 6341-8 du code du travail.

Le Rapporteur spécial observe que, sans la décision d'attribuer une recette extra budgétaire de 300 millions d'euros, les dotations finançant ces différents dispositifs, et donc le budget de la mission Travail et emploi , auraient été majorés d'un montant équivalent.

L'alinéa 5 prévoit expressément que la contribution du FPSPP soit perçue dans des délais qui ne mettent pas en difficulté la trésorerie du fonds, soit en deux fois, avant le 31 janvier 2012 et avant le 31 juillet 2012.

Enfin, l'alinéa 6 renvoie à un décret le soin de préciser les modalités de mise en oeuvre de ces prélèvements. Celui-ci devra faire l'objet d'une consultation préalable du conseil d'administration du FPSPP.

B.- CET ARTIFICE EXTRA-BUDGÉTAIRE LAISSE ENTIÈRE LA QUESTION DU FINANCEMENT EN 2013 DE CES DISPOSITIFS

Avec le présent article, l'État réitère le prélèvement opéré l'an dernier sur le FPSPP que le Rapporteur spécial avait qualifié de « détournement ».

L'État renoue avec une habitude ancienne de mobilisation des fonds de la formation professionnelle, au mépris de l'autonomie des partenaires sociaux. Au cours des quatre derniers exercices, les fonds de la formation professionnelle ont fait l'objet de pas moins de trois prélèvements - tous exceptionnels - pour un montant total de 725 millions d'euros.

En 2007, renonçant sur la demande de la commission des Finances à lui affecter une part de la majoration de la taxe d'apprentissage, le Gouvernement avait déjà transféré à l'AFPA 175 millions d'euros prélevés sur le FUP et le Fonds de solidarité (article 145 de la loi n° 2006-1666 du 29 décembre 2006 de finances pour 2007).

L'année suivante, l'article 134 de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822 du 24 décembre 2007) avait à nouveau institué un prélèvement de 200 millions d'euros sur le FUP, au profit du Fonds de solidarité, afin de financer l'allocation de fin de formation.

Aux termes de l'article 187 de la loi de finances initiale pour 2009 (n° 2008-1425 du 27 décembre 2008), un prélèvement exceptionnel de 50 millions d'euros au bénéfice de Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) a été institué sur l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) afin de financer les stagiaires handicapés de formation professionnelle.

Aux termes de l'article 207 de la loi de finances initiale pour 2011 n°2010-1658 du 29 décembre 2010, un prélèvement exceptionnel de 300 millions d'euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au profit de Pole Emploi, l'AFPA et l'ASP.

Le présent article n'est donc qu'un épisode de plus dans une longue série de prélèvements. À chaque fois, la question de la pérennité de ces financements est posée avec acuité.

Faute de pouvoir opérer de tels prélèvements chaque année, ce que la trésorerie du Fonds ne supportera pas à terme, il faudra donc soit admettre la nécessité de consacrer davantage de crédits au travail et à l'emploi, en particulier en période de crise, soit retrancher lourdement dans les dépenses ainsi financées.

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La Commission examine un amendement II-CF 120 de M. Christian Eckert.

Amendement n° CF-120 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 63

Supprimer le 2° du I de cet article

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. La pratique instituée par cet article ainsi que son contenu sont critiquables. Le fonds pour la sécurisation des parcours professionnels est alimenté par des cotisations obligatoires, que j'assimile à un impôt indirect. Le Gouvernement souhaite effectuer un prélèvement de 300 millions d'euros sur le fonds pour financer les politiques de l'État. Une telle pratique a déjà concerné les agences de l'eau et divers établissements publics. La conséquence est que le fonds devra revoir ses missions à la baisse ou augmenter ses cotisations. Sur le principe, un tel article met en cause la lisibilité budgétaire et la responsabilité du Parlement qui autorise la levée de l'impôt. Il est contraire à l'esprit de la LOLF.

La Commission rejette l'amendement n° II-CF 120 de M. Christian Eckert, puis elle adopte l'article 63 sans modification.