V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III ANNEXE 22

Commentaire : afin de conformer le droit à une décision du Conseil constitutionnel, le présent article vise à garantir une égalité de traitement entre les orphelins de moins de 21 ans bénéficiaires d'une pension de réversion, suite au décès de leur parent fonctionnaire, indépendamment du nombre d'orphelins dans chaque lit ou de la durée du mariage de leurs parents.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DROIT À PENSION DE RÉVERSION S'EXERCE ENTRE LE(S) CONJOINT(S) SURVIVANT(S) ET LE(S) ORPHELIN(S) DE MOINS DE 21 ANS

Au décès d'un fonctionnaire, ses ayants cause - le(s) conjoint(s) survivant(s) ou divorcé(s), le(s) orphelin(s) de moins de 21 ans - ont droit à une pension de réversion.

Le montant de la pension de la réversion est proportionnel à celui de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès. Le conjoint a droit à 50 % de la pension, et chaque orphelin à 10 %.

Le montant total des émoluments attribués aux conjoints et aux orphelins est plafonné au montant de la pension du fonctionnaire décédé. En cas d'excédent au-delà du plafond, il est procédé à la réduction temporaire des pensions des orphelins.

En cas de décès du conjoint survivant, ou si ce conjoint perd son droit à pension en contractant un nouveau mariage ou en vivant en état de concubinage notoire, le droit à 50 % de la pension passe aux orphelins âgés de moins de 21 ans. Ce droit à 50 % s'ajoute au droit à 10 % pour chaque orphelin, mais dans la limite du plafond du montant de la pension.

B. L'HYPOTHÈSE D'UNE PLURALITÉ D'AYANTS CAUSE (CONJOINTS SUCCESSIFS, ENFANTS DE LITS DIFFÉRENTS) : UN DISPOSITIF JUGÉ ANTICONSTITUTIONNEL

L'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCM) traite de l'hypothèse d'une pluralité d'ayants cause issus de lits différents ou de conjoints successifs.

En cas de pluralité d'ayants cause, le droit à 50 % de la pension est réparti en parts égales entre les différents lits, représentés par le(s) conjoint(s) survivant(s), ainsi qu'entre le(s) orphelin(s) de moins de 21 ans dont le parent, décédé ou marié, ne peut bénéficier de la pension. Les enfants nés de la même mère représentent un seul lit.

La pension dont bénéficie(nt) le(s) conjoint(s) survivant(s) est répartie entre les conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage, conformément à l'article L. 45 du CPCM.

Le droit à 10 % de la pension pour les orphelins de moins de 21 ans continue de s'appliquer.

Si un lit cesse d'être représenté, sa part accroît celle des autres lits.

Dans sa décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a estimé que, dans l'hypothèse où plusieurs lits sont représentés par des orphelins, les dispositions de l'article 43 du CPCM entraînent une inégalité de traitement : plus le nombre d'orphelins issus d'un même lit est élevé, plus ces derniers sont désavantagés en recevant une part réduite à due concurrence , comme illustré dans l'exemple ci-dessous.

Droit actuel du calcul des pensions à réversion entre une pluralité d'ayants droit :
un exemple d'application

Hypothèse 1 : droits entre deux anciens conjoints et quatre enfants

Un fonctionnaire décède après avoir vécu 15 ans avec le conjoint A et 10 ans avec le conjoint B. Deux orphelins (A1 et A2) âgés de moins de 21 ans sont issus de l'union avec A, quatre orphelins (B1, B2, B3 et B4) également âgés de moins de 21 ans, issus de l'union avec B.

Si tous ont droit à une pension de réversion, la part de 50 % se répartit entre A aux trois-cinquièmes (à hauteur de 30 %) et B aux deux-cinquièmes (soit 20 %), au prorata des durées de mariage respectives de A et B.

A1, A2, B1, B2, B3 et B4 ont théoriquement droit à 10 % chacun de la pension du parent décédé (soit 60 % au total), mais le montant cumulé (110 %) des droit à pension de réversion dépassant le montant de la pension du parent décédé, les droits de chacun des orphelins sont réduits temporairement à due concurrence pour que le total des pensions de réversion n'excède pas 100 %, soit (50/60) x 10 % = 8,33 % du montant de la pension du parent décédé pour chaque enfant.

Hypothèse 2 : orphelins survivants bénéficiant seuls du droit à réversion

A et B n'ont plus droit à la réversion, suite à un décès ou à un remariage.

Leur droit à pension de réversion est réparti à parts égales entre leurs enfants respectifs, soit (30 : 2) + 8,33 = 23,33 % pour A1 et A2, et (20 : 4) + 8,33 = 13,33 % pour B1, B2, B3 et B4. Le Conseil constitutionnel considère qu'il y a inégalité de traitement : B1, B2, B3 et B4 sont désavantagés, car issus d'un lit ou le nombre d'enfants est plus élevé.

Le Conseil constitutionnel a donc décidé l'abrogation, à compter du 1 er janvier 2012, de l'article 43 du CPCM.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé vise à mettre en place de nouvelles règles dans l'hypothèse d'une pluralité d'ayants cause, dans le cas de conjoints successifs et/ou d'enfants de lits différents, selon des modalités qui répondent à l'inégalité de traitement telle que censurée par le Conseil constitutionnel.

Le 2° du I proposé par le présent article pour l'article 43 du CPCM consolide deux principes et en affirme un nouveau.

Les deux principes consolidés sont :

- la répartition du droit à réversion de 50 % entre les conjoints, au prorata des durées respectives de mariage (rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 43 du CPCM ; disposition figurant actuellement au premier alinéa de l'article L. 45 du CPCM, que le 3° du I du présent article propose de supprimer) ;

- la représentation d'un lit soit par le conjoint survivant ou divorcé, soit par les orphelins de fonctionnaires dont l'autre parent n'a pas ou plus droit à pension (rédaction proposée pour le deuxième alinéa de l'article L. 43 du CPCM ; disposition figurant actuellement, dans l'hypothèse du décès, au second alinéa de l'article L. 45 du CPCM, que le 3° du I du présent article propose de supprimer, et dans l'hypothèse de la perte de droit, au deuxième alinéa de l'article L. 46 du CPCM, que le 4° du I du présent article propose de supprimer) .

Le principe nouveau est que, si le conjoint survivant décède ou perd ses droits à pension à réversion (dans l'enveloppe de 50 % réservée au(x) conjoint(s) survivant(s)), sa part est répartie également entre tous les orphelins ayant droit à pension , et donc indépendamment des durées de mariage.

Cette mesure entraîne un surcoût dans une hypothèse, assez rare : en cas de décès ou de perte du droit à pension d'un conjoint survivant, le dispositif proposé conduit à répartir la pension de réversion dès lors qu'un orphelin de moins de 21 ans représente un lit, alors qu'actuellement cette part disparaît si le lit n'est pas représenté par un orphelin (disposition figurant actuellement au deuxième alinéa de l'article L. 40 du CPCM, que le b du 1° du I du présent article propose de supprimer) .

Les autres modifications proposées par le I du présent article sont rédactionnelles ou de coordination.

Le II du présent article prévoit l'application de ces dispositions aux fonctionnaires relevant de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ainsi qu'aux personnels relevant du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le III prévoit, d'une part, une application des dispositions du I du présent article à compter du 1 er janvier 2012 et, d'autre part, des dispositions transitoires afin de s'assurer que la mise en place du nouveau mode de calcul ne s'accompagne d'aucune demande en indu : « Dans les cas où l'application [de ces dispositions] conduit à une révision et à une liquidation d'une pension inférieure à ce que percevait l'ayant cause du fonctionnaire avant le 1 er janvier 2012, cet ayant cause conserve le bénéfice de l'ancienne pension jusqu'à la notification par l'administration du nouveau montant calculé conformément à l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la présente loi. Le trop-perçu ne peut faire l'objet d'aucune demande de l'administration tendant à la répétition des sommes indûment versées ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur spécial salue une mesure d'équité , qui répond à des objections du Conseil constitutionnel sur des cas précis mais l'ayant conduit à abroger, plus largement, l'ensemble des dispositions de l'article 43 du CPCM.

Ces mesures devraient conduire à recalculer les pensions de réversion d'environ 700 orphelins de fonctionnaires d'Etat et 260 orphelins de fonctionnaires affiliés au régime des collectivités territoriales.

Le surcoût identifié - dans l'hypothèse où les droits à pension sont partagés avec des orphelins ayants droit d'autres lits - concernerait une cinquantaine de bénéficiaires par an ce qui, au regard du niveau moyen des pensions versées, représente une dépense budgétaire annuelle supplémentaire de 100 000 euros .

Pour l'application de ces dispositions par décret en Conseil d'Etat aux fonctionnaires relevant de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ainsi qu'aux personnels relevant du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, le décret en Conseil d'Etat devra être adopté avant le 1 er janvier 2012, afin de ne pas créer une nouvelle inégalité avec les fonctionnaires de l'Etat qui, pour leur part, bénéficieront du nouveau dispositif à compter du 1 er janvier 2012.

Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.