M. Edmond HERVÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

- Le programme « Justice judiciaire », hors fonds de concours, s'appuie sur 3,188 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, soit une hausse de 6,1 % par rapport à 2013. Les crédits de paiement s'élèvent à 3,116 milliards d'euros , soit une hausse de 1,7 %.

- Les créations nettes d'emploi se montent à 45 ETP , pour un plafond d'emplois fixé à 31 640 ETPT.

- Si le nombre de greffiers affectés auprès de magistrats est maintenant satisfaisant, une réflexion sur le statut et l'indemnisation de ces personnels parait désormais souhaitable.

- Pour 2014, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 457,7 millions d'euros , en baisse de 3,8 % par rapport à 2013. En dépit des efforts de l'institution judiciaire, la dynamique de ce poste de dépenses reste encore difficile à maîtriser.

- Le déménagement du TGI de Paris est confirmé. Le financement de la totalité de l'opération est chiffré à 2,8 milliards d'euros . Au terme de ce contrat (d'une durée de 27 ans), la propriété et l'exploitation du bâtiment seront transférées à l'Etat.

LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE

II. LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

A. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS

Le programme 166 « Justice judiciaire » regroupe l'ensemble des juridictions de l'ordre judiciaire , le Casier judiciaire national et l' Ecole nationale des greffes (ENG). Il porte également les moyens humains contribuant à la mise en oeuvre de la politique de l'accès au droit et à la justice. Enfin, l' Ecole nationale de la magistrature (ENM) constitue un opérateur rattaché à ce programme.

Au 1 er janvier 2014, les juridictions comprendront la Cour de cassation, 36 cours d'appel (CA) et le tribunal supérieur d'appel (TSA) de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que 833 juridictions du premier degré. Parmi les juridictions de premier degré, on dénombre 165 tribunaux de grande instance (TGI) et tribunaux de première instance, 304 tribunaux d'instance (TI), 3 tribunaux de police, 135 tribunaux de commerce (TC), 9 tribunaux mixtes de commerce dans les départements et collectivités d'outre-mer, 216 conseils de prud'hommes et tribunaux de travail ainsi que 2 greffes détachés, outre les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux paritaires des baux ruraux. Cette répartition résulte notamment de la réforme de la carte judiciaire conduite à partir de 2008 13 ( * ) .

Ainsi que l'indique la présentation stratégique du projet annuel de performances (PAP), « dans la continuité des orientations arrêtées en mai 2012, le programme « Justice judiciaire » s'attachera, en 2014 (...), à améliorer le fonctionnement de la justice, au service des citoyens , en modernisant ce service public et en accompagnant les réformes législatives. Il veillera également à l'amélioration des conditions de travail des personnels et de la gestion de leurs carrières ».

Les principales orientations du programme concernent :

- l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de la justice par une meilleure lisibilité de l'organisation judiciaire et des procédures ;

- l'effectivité de l'exécution et de l'aménagement des peines prononcées ;

- le développement des alternatives aux poursuites, pour lequel des objectifs ambitieux ont été adoptés à l'horizon 2016 ;

- la modernisation des processus et de l'organisation judiciaire, afin d'améliorer des conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires, ainsi que de réduire les délais de traitement des affaires judiciaires ;

- le développement de l'accueil du justiciable dans les juridictions.

B. LES ACTIONS DU PROGRAMME : LA PRÉPONDÉRANCE DU PÉNAL SUR LE CIVIL

Après ventilation des crédits des actions n° 6 « Soutien », n° 7 « Formation » et n° 8 « Support à l'accès au droit et à la justice », il apparaît que les affaires pénales absorbent 52  % des crédits de paiement du présent programme, tandis que le contentieux civil en représente 45,3  %.

+ 87,6 millions d'euros*

* Crédits en provenance (+) ou en direction (-) des missions :

- « Justice » :

-  programme « Accès au droit et à la justice » : - 36 millions d'euros ;

- programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » : + 123 millions d'euros ;

- « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » :

-  programme « Entretien des bâtiments de l'Etat » : + 0,6 million d'euros.

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Il convient de rappeler que, depuis 2007 et afin de faciliter la gestion des personnels dans les différents ressorts des CA, l'action n° 8 « Support à l'accès au droit et à la justice » regroupe les moyens humains 14 ( * ) des juridictions (bureau d'aide juridictionnelle), les personnels des maisons de la justice et du droit (MJD), les personnels des conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) chargés de leur gestion, ainsi que les personnels du service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV). Ces personnels étaient auparavant portés par le programme « Accès au droit et à la justice ».

C. LA PROGRESSION DES CRÉDITS DE PAIEMENT : + 1,7 %

Le présent programme compte, hors fonds de concours 15 ( * ) 3,188 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de 6,1 % par rapport à 2013.

Cette augmentation résulte de plusieurs facteurs :

- la création de la juridiction unifiée des brevets (JUB), qui nécessite la prise à bail d'un local permettant l'hébergement de ces services. A cette fin, un montant de 20 millions d'euros en AE est prévu ;

- l'accentuation de la politique de rationalisation des dépenses de location immobilière par la négociation plus systématique de baux pluriannuels fermes (trois, six ou neuf ans) afin d'obtenir une baisse des loyers. Cette démarche nécessite de prévoir la couverture en AE de la totalité de la période d'engagement. Ainsi, en 2014 plusieurs baux devraient être signés dans ce cadre pour une somme totale d'environ 39 millions d'euros en AE ;

- l'accroissement important du nombre d'auditeurs de justice et la poursuite du recrutement d'un plus grand nombre de greffiers (l'action n° 7 « Formation » connaît ainsi une forte augmentation de 49 % de ses crédits) ;

- une évolution du périmètre du programme « Justice judiciaire » avec la prise en charge de l'ensemble des dépenses de fonctionnement du Casier judiciaire national 16 ( * ) .

Les crédits de paiement s'élèvent à 3,116 milliards d'euros, soit une hausse de 1,7 % .

Les dépenses de personnel (titre 2) connaissent une augmentation modérée de 1 % et s'élèvent, au total, à 2,161 milliards d'euros . Ce montant correspond à un plafond d'emplois fixé à 31 640 ETPT , soit 185 ETPT en plus par rapport à 2013.

Le schéma d'emploi pour 2014 repose sur la création nette de 45 ETP . Par ailleurs, 130 ETP pourront être redéployés grâce aux gains induits par la mise en place de la plateforme nationale d'interception judiciaire (PNIJ) et de la chaîne pénale Cassiopée.

Ces emplois permettront prioritairement de soutenir les actions et les réformes suivantes :

- la poursuite du renforcement des conditions de mise en oeuvre de l'exécution des peines et de l'application des peines (10 magistrats et 40 greffiers) ;

- la mise en place de MJD (5 greffiers) ;

- la mise en oeuvre de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, le soutien à l'activité des juges des libertés et de la détention (JLD) ainsi que la mise en oeuvre de la future loi renforçant le secret des sources des journalistes 17 ( * ) (10 magistrats et 10 greffiers) ;

- la poursuite de la mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction (10 magistrats et 10 greffiers) ;

- le renforcement de la justice des mineurs (10 greffiers) ;

- l'accroissement des moyens humains en faveur des juridictions d'instance (c'est-à-dire de la justice du quotidien) et de la mise en oeuvre de la réforme des tutelles (10 magistrats et 15 greffiers) ;

- la création d'un parquet national anti-fraude (15 magistrats et 10 greffiers) ;

- la réforme de procédure de la justice commerciale (8 magistrats).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) augmentent de 6,1 % entre 2013 et 2014 et se montent à 784,9 millions d'euros. Les frais de justice 18 ( * ) représentent le premier poste de dépenses des services judiciaires en matière de fonctionnement, avec une enveloppe pour 2014 de 457,7 millions d'euros en crédits de paiement (477 millions d'euros en loi de finances pour 2013).

Les dépenses d'investissement (titre 5) enregistrent, pour leur part, une forte progression de 40,8 millions d'euros, soit + 32,6 % . Ces crédits se répartissent en 115,2 millions d'euros au titre de l'investissement hors réforme de la carte judiciaire (+ 15,5 % par rapport à 2013) et 50,6 millions d'euros au titre des dépenses d'investissement liées à la carte judiciaire (+ 98 % par rapport à 2013). Ils sont concentrés sur l'action n° 6 « Soutien ».

Par ailleurs, cette action porte également l'ensemble des dépenses d'intervention (titre 6) du programme « Justice judiciaire ». D'un montant de 4 millions d'euros , ces dépenses se ventilent entre une subvention de 1,8 million d'euros au Conseil national des barreaux (CNB) pour la formation des élèves avocats et une participation de 2,2 millions d'euros au fonctionnement de l'établissement public d'exploitation du livre foncier informatisé.

D. L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION DES GREFFIERS

1. La nette amélioration du ratio greffier / magistrats

Alors que des efforts conséquents ont été réalisés depuis la mise en oeuvre de la loi n° 2002-1138 du 29 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) pour pallier le manque de magistrats, le niveau des effectifs de greffiers affectés auprès de magistrats en juridiction est longtemps demeuré un sujet de préoccupation 19 ( * ) .

Le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats s'est en effet durablement écarté du niveau de un pour un, estimé souhaitable pour un bon fonctionnement des juridictions. Toutefois, après une évolution à la baisse de ce ratio, l'année 2011 a marqué une inversion de tendance. Cette inversion s'est confirmée en 2012 et l'année 2013 constitue un motif de satisfaction avec un ratio s'établissant désormais à 0,99 .

Evolution des effectifs de greffiers affectés auprès de magistrats

et de magistrats depuis 2006

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Greffiers (a)

6 915

6 942

7 012

7 059

7 079

7 433

7 545

7 886

Magistrats (b)

7 891

7 950

8 113

8 195

8 185

8 080

7 959

7 916

Ratio (a/b)

0,88

0,87

0,86

0,86

0,86

0,92

0,95

0,99

Source : ministère de la justice

Ce résultat positif tient à la création de postes de greffiers ainsi qu'à la transformation d'emplois de catégorie C en emplois de secrétaires administratifs. Ces transformations ont permis de recentrer les greffiers sur leurs activités juridictionnelles et sur l'assistance du magistrat , en les dégageant de fonctions administratives auxquelles ils participaient.

Au fil des réformes législatives, de nouvelles tâches administratives sont en effet venues accroître la charge de travail des greffiers. Tel est notamment le cas de la réforme des tutelles des majeurs , pour laquelle votre commission avait demandé en 2011 une évaluation à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF.

Les conséquences pour les greffiers de la réforme des tutelles des majeurs

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a eu d'importantes conséquences sur le travail en juridiction depuis son entrée en application.

Sur le fondement de l'article 58-2° de la LOLF, la commission des finances du Sénat a demandé, en 2011, à la Cour des comptes une enquête relative à la mise en oeuvre de ce texte. Les principales conclusions de la Cour concernant l'impact de cette réforme sur les greffes sont les suivantes :

« Alors que dans le projet de réforme, l'étude d'impact réalisée par la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) prévoyait un « recentrage et une amélioration qualitative de la charge administrative des greffes », le constat dressé par la Cour des comptes va dans le sens inverse .

« Les procédures de vérification des comptes annuels de gestion des tuteurs , des curateurs et des mandataires judiciaires chargés de mesures d'assistance judiciaire confiées au greffier en chef sont modifiées dans le sens d'un renforcement de la qualité (le greffier en chef peut solliciter des renseignements aux banques et bénéficier du concours d'un expert). Par ailleurs, le juge peut prendre des mesures tendant à décharger le greffe (par le biais par exemple d'une dispense de production des comptes pour les personnes ne disposant pas de patrimoine).

« Cependant, les greffiers doivent assumer les charges administratives liées aux nouvelles compétences et aux obligations du juge des tutelles. Ils sont en outre largement impliqués dans la procédure de mandat de protection future ».

Source : Sénat, rapport d'information n° 315 (2011-2012), « La réforme de la protection des majeurs : un bilan d'étape préoccupant », de MM. Eric Bocquet et Edmond Hervé

2. L'absence de revalorisation indemnitaire depuis 2003

Votre rapporteur spécial prend acte de l'absence de revalorisation indemnitaire en faveur des greffiers en 2014 . Il avait déjà eu l'occasion d'évoquer cette question l'année dernière. Une enveloppe d' un million d'euros avait en effet été prévue pour le corps des greffiers en loi de finances pour 2012.

Les mesures prévues en loi de finances pour 2012 en faveur des greffiers

« Une enveloppe de 5,95 millions d'euros au titre des mesures catégorielles est prévue en 2012, afin de revaloriser les régimes indemnitaires des magistrats et fonctionnaires des services judiciaires.

« Les mesures catégorielles favorables aux fonctionnaires sont les suivantes :

« Grille indiciaire des agents de catégorie B

« Dans le cadre de la politique de fusion des corps de fonctionnaires initiée par la direction générale de l'administration et de la fonction publique, un nouvel espace statutaire pour les fonctionnaires de catégorie B a été créé. Le corps des greffiers intègrera ce nouvel espace statutaire en 2012.

« (...)

« Les mesures catégorielles favorables aux magistrats sont les suivantes :

« Revalorisation indemnitaire des magistrats

« (...)

« Au total, l'enveloppe catégorielle dévolue aux magistrats s'élève, au titre de 2012, à 4,9 millions d'euros ».

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

Toutefois la mesure relative aux greffiers n'était pas entrée en application en 2012 , pas plus que l'avancée prévue pour ce corps vers le nouvel espace statutaire. Au total, le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n'a pas été revalorisé depuis 2003 .

Votre rapporteur spécial estime nécessaire que cette question soit revue au cours des prochains exercices budgétaires .

3. L'avenir du métier de greffier

Alors que l'évolution du ratio greffiers / magistrats mérite de rester « sous surveillance » au cours des prochains exercices budgétaires malgré une évolution satisfaisante, c'est désormais l'avenir du métier de greffier qui suscite l'attention. Ainsi, deux groupes de travail 20 ( * ) se réunissent depuis mars 2013, à la demande de Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, pour débattre du travail des magistrats et de l'organisation des juridictions autour des thématiques du juge et de la juridiction du XXI ème siècle. Les orientations proposées dans les rapports de ces groupes de travail devraient être remises avant la fin de l'année.

Votre rapporteur spécial considère qu'elles devront faire l'objet d'un examen attentif pour définir les perspectives d'évolution des métiers et les objectifs quantitatifs devant guider la politique de ressources humaines de la direction des services judiciaires (DSJ), en particulier s'agissant des greffiers.

Lors de l'audition d'Hervé Bonglet et Patrick Coculet, respectivement secrétaire général et trésorier du syndicat UNSA Services judiciaires 21 ( * ) , par votre rapporteur spécial, il est ressorti d'intéressantes pistes de réflexion. Une distinction entre les contentieux relevant du seul magistrat et ceux pouvant faire l'objet d'une délégation de compétences au greffe pourrait ainsi être à l'origine de l'émergence d'un « greffier juridictionnel » . Une telle évolution renouvellerait le métier de greffier en l'enrichissant, elle contribuerait également à éviter la tentation d'une déjudiciarisation de certains actes (mises en état au procès civil, injonction de payer...) qui pourrait à terme se révéler coûteuse pour le justiciable.

E. LES FRAIS DE JUSTICE

1. La croissance de cette dépense

La difficulté très sérieuse posée par les frais de justice au sein du budget de l'institution judiciaire est apparue au cours des années 2000. Après une pause en 2006, le dérapage de cette dépense a repris à partir de 2007.

En 2005, votre commission avait d'ailleurs sollicité une première enquête de la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF 22 ( * ) . La maîtrise de ce poste était en effet d'autant plus impérative que les crédits consacrés aux frais de justice sont devenus, sous l'empire de la LOLF, limitatifs (alors qu'ils étaient simplement évaluatifs auparavant).

En 2011 , votre commission a demandé une nouvelle enquête à la Cour afin de faire le point sur l'évolution de cette charge, ses déterminants et les réponses apportées par le ministère de la justice et les juridictions 23 ( * ) . Tiré de cette enquête, le tableau ci-dessous retrace la progression des frais de justice depuis 1998.

La progression des frais de justice entre 1998 et 2011

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Evolution
2005/2002

Frais de justice

247,059

243,14

258,361

262,01

290,09

341,431

419

487,37

68 %

5,44 %

- 1,59 %

6,26 %

1,41 %

10,72 %

17,70 %

22,72 %

16,32 %

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Evolution
2011/2007

Frais de justice

379,422

388,621

401,732

432,546

467,839

537,13

38 %

- 22 %

2,42 %

3,37 %

7,67 %

8,16 %

14,81 %

Source : Cour des comptes / ministère de la justice

Dans ses conclusions, la Cour des comptes relevait ainsi que « l'évolution de cette dépense frais de justice est à nouveau repartie à la hausse depuis 2007 passant de 338,6 millions d'euros à 537,13 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 38 % en quatre ans ».

2. Les facteurs expliquant cette tendance

Plusieurs facteurs contribuent à l'explication de la dérive des frais de justice. Ils concernent tant la justice pénale que la justice commerciale.

a) Pour la justice pénale

Le redémarrage des frais de justice en matière pénale s'explique, d'une part, par l'augmentation du volume de certaines prescriptions et, d'autre part, par des revalorisations tarifaires .

L'effet « volume », tout d'abord, se manifeste plus particulièrement dans le domaine médical , des analyses génétiques et des interceptions judiciaires . Il est généralement lié à des réformes.

A cet égard et s'agissant de la dépense en frais médicaux (qui constitue le premier poste de dépense de frais de justice), on peut par exemple citer la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté , qui développe le recours à l'expertise psychiatrique (que ce soit en début ou en fin de placement).

Par ailleurs, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a étendu le périmètre des infractions conduisant à une inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et a ainsi eu un fort impact sur les frais de justice en développant le recours aux analyses génétiques, réalisées à partir de prélèvements sur individus ou à partir de traces biologiques 24 ( * ) .

Du côté des revalorisations tarifaires, plusieurs sont intervenues concernant les honoraires médicaux 25 ( * ) et les tarifs de traduction et d'interprétariat 26 ( * ) .

b) Pour la justice commerciale

Plusieurs réformes sont intervenues au cours des dernières années et ont eu pour effet un gonflement de la dépense en matière de frais de justice. On peut notamment citer :

- la réforme des procédures collectives (par le décret n° 2006-1709 du 23 décembre 2006), qui a supprimé la possibilité de demander aux parties le versement d'une provision pour frais de procédure (désormais avancée par le Trésor) ;

- la réforme du tarif des greffiers de commerce (par le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007), qui prévoit le paiement de leurs frais en début de procédure et non plus à l'issue de celle-ci.

En outre, la suppression de 55 tribunaux de commerce dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire a eu pour conséquence d'accélérer les demandes de remboursements présentées par les greffiers de commerce concernés.

Au-delà des réformes, l'augmentation des procédures collectives liées à une conjoncture économique défavorable a également eu un impact direct sur le volume des frais de justice commerciale.

3. Les marges de manoeuvre budgétaires obérées

L'enquête précitée de la Cour des comptes souligne que la dépense résultant des frais de justice « est un enjeu financier majeur au sein du budget des services judiciaires puisqu'elle grève plus de 69 % de ses dépenses de fonctionnement avec une évolution de 14 points entre 2006 et 2011 (55 % en 2006 et 69 % en 2011) et représente 19 % des dépenses totales de ce programme en 2011 ».

La Cour précise même que « dans certains ressorts de cours d'appel, le budget frais de justice atteint des pourcentages plus élevés. Ainsi à Bordeaux , les frais de justice représentent 94 % des dépenses de fonctionnement, à Douai, 75,09 % des dépenses de fonctionnement, contre 62 % à Colmar ou 60 % à Paris ».

Ainsi, depuis 2007, la progression des crédits de fonctionnement du programme « Justice judiciaire » a été largement absorbée par celle des frais de justice, obérant ainsi la marge de manoeuvre budgétaire des juridictions.

4. La sous-budgétisation chronique de cette dépense

Dans ce contexte, les ouvertures de crédits en loi de finances initiale se caractérisent par une sous-budgétisation chronique mise clairement en lumière par les travaux de la Cour des comptes.

Ecart entre la dotation initiale et la consommation finale des crédits dédiés aux frais de justice

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Cette sous-budgétisation s'est accrue au fil des années, passant de 23,5 millions d'euros en 2009 à 74,5 millions d'euros en 2010 et à 77,6 millions d'euros en 2011.

En 2012 , elle parait avoir disparu dans la mesure où la consommation des crédits (454,5 millions d'euros) est inférieure à la dotation accordée en loi de finances initiale pour 2012 (470 millions d'euros). Toutefois, ce résultat est largement dû à un effet d'optique. Par une mesure de changement de périmètre prise après l'adoption de la loi de finances pour 2012, les dépenses de frais postaux liés aux procédures judiciaires (55 millions d'euros) ont été sorties de l'enveloppe des frais de justice 27 ( * ) . A périmètre constant, la sur-consommation s'élève encore pour 2012 à 34,5 millions d'euros.

Face à cette situation très problématique, votre commission a été amenée à dénoncer au cours des dernières années le problème de sincérité budgétaire posé par la dotation réservée pour les frais de justice 28 ( * ) .

Pour 2013, l'enveloppe accordée en loi de finances au titre des frais de justice s'élève à 475,9 millions d'euros 29 ( * ) .

Les crédits disponibles en début de gestion, compte tenu de la réserve de précaution (28,6 millions d'euros), étaient de 447,3 millions d'euros. Ils ont été portés, suite à un surgel de crédits de 17,4 millions d'euros, à 429,9 millions d'euros. Suite à divers mouvements de crédits intervenus en cours d'année, les crédits disponibles au niveau du programme sont finalement de 429,5 millions d'euros .

Au 28 août 2013, la consommation des crédits de frais de justice s'élevait à 304,6 millions d'euros, soit 71,9  % des crédits mis à disposition. Ce niveau de consommation est de 6 points supérieur à celui atteint à la même période en 2012 (65 % des crédits disponibles au niveau du programme, soit une consommation de 258,4 millions d'euros).

S'agissant de ce rythme de consommation, il est toutefois difficile à ce stade de faire la part des choses entre deux facteurs : la politique volontariste mise en oeuvre par les services judiciaires afin d'accélérer le circuit de paiement des frais de justice et une dérive plus structurelle de ce poste de dépenses.

En tout état de cause, il convient de relever que des retards de paiement des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (COSPJ) ont été constatés en 2013, en particulier pour les interprètes 30 ( * ) .

S'agissant des COSPJ, la Cour des comptes relève dans son enquête précitée le non-paiement par le ministère de la justice des cotisations sociales qui pourraient être dues sur les prestations réalisées par ces collaborateurs occasionnels. A cet égard, votre rapporteur spécial rappelle la nécessité de clarifier rapidement le régime de la TVA et celui des cotisations sociales applicables aux expertises judiciaires .

5. Les principales mesures prises pour parvenir à une meilleure maîtrise

Le ministère de la justice, en lien avec les juridictions, a pris plusieurs types de mesures pour endiguer le dérapage des frais de justice au cours des dernières années.

a) Le bureau en charge des frais de justice

En 2011 , un bureau des frais de justice et de l'optimisation de la dépense a été créé au sein de la direction des services judiciaires (DSJ). L'objectif est d'améliorer le pilotage de ces dépenses en :

- renforçant la sensibilisation et l'animation de l'ensemble des acteurs de la chaîne de la dépense, de la prescription à l'exécution ;

- recherchant des solutions d'achats dans l'optique de la maîtrise de la dépense (mises en concurrence, tarifications...) ;

- simplifiant et modifiant la saisie des prescriptions pour les rapprocher de celle mise en oeuvre pour les dépenses de fonctionnement courant.

b) Le circuit simplifié pour accélérer les paiements

Afin de remédier aux importants retards de paiements qui sont souvent dus à la volumétrie très importante de dossiers à traiter , le ministère de la justice a mis en place, en lien avec la direction générale des finances publiques (DGFiP), un circuit de paiement dérogatoire pour certains prestataires à forte volumétrie. Les règlements se font alors sur la base d'une facture mensuelle acquittée au plan central.

Les prestataires concernés relèvent des secteurs de la téléphonie (opérateurs téléphoniques, loueurs de matériel d'interception, géo-localisation) et des analyses toxicologiques et biologiques.

Ces nouvelles dispositions suppriment l'envoi et le traitement par les régies des juridictions d'environ 500 000 mémoires . Ainsi, les régisseurs peuvent traiter plus rapidement les fournisseurs locaux, dont l'assise financière est souvent plus fragile que celle des prestataires nationaux.

c) La passation de marchés en matière d'analyses génétiques

Depuis 2005, la DSJ a passé dix marchés publics dans le domaine des analyses génétiques, conclus aux fins d'alimentation du FNAEG. Par ailleurs, un marché alloti concernant les analyses « individus » est en cours de notification.

Ces mises en concurrence ont permis d'obtenir une réduction significative du coût unitaire des analyses, qu'il s'agisse du coût des analyses « individus » (67 euros hors taxes en 2005, 23 euros hors taxes en 2007 et 17 euros hors taxes en 2008 et 2009, 14,25 euros hors taxe en 2013) ou de celui des analyses « traces » (73,72 euros hors taxes en 2011 au lieu d'un coût moyen de 265 euros hors taxes auparavant).

d) Les tarifications pour les interceptions téléphoniques

Dans le domaine des réquisitions téléphoniques d'importants efforts ont été déployés afin de maîtriser la dépense.

Une tarification a été mise en place en matière de production et de fourniture de données techniques , ainsi qu'en matière d' interceptions de communications téléphoniques .

Les négociations avec les opérateurs de communications électroniques , visant à réviser le coût des prestations déjà tarifées (par exemple, les interceptions sur téléphone mobile) et à tarifer de nouvelles prestations (par exemple, les prestations liées à la géolocalisation), ont abouti à une nouvelle grille tarifaire fixée par un arrêté du 21 mars 2012.

Les économies attendues de ces nouveaux tarifs sont évaluées à 13 millions d'euros en 2013.

Une plate-forme dite « mini plate-forme d'interceptions des SMS et de recueil des données de connexion des communications interceptées » permet, depuis septembre 2007, aux officiers de police judiciaire (OPJ) de recevoir, sur leur poste de travail via le réseau Intranet, les SMS ainsi que les données de connexion associées aux interceptions sur le réseau mobile. Ces informations sont ainsi disponibles automatiquement, alors qu'elles faisaient auparavant l'objet de réquisitions spécifiques et payantes.

Enfin, le secrétariat général du ministère travaille actuellement à la finalisation d'une plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui devrait être opérationnelle au cours de l'année 2014 . Cette plate-forme permettra aux OPJ d'envoyer aux opérateurs de téléphonie mobile leurs réquisitions de façon dématérialisée et de valider, également par voie dématérialisée après réception de la prestation, le service fait. Les opérateurs n'auront plus besoin d'établir de mémoires de frais. Ils adresseront mensuellement et de façon dématérialisée leur facture pour paiement. Les frais seront payés au plan central, et non plus par les juridictions.

Les économies attendues de la PNIJ sont les suivantes :

- supprimer les frais de location de matériel d'interception ( 26,4 millions d'euros en 2012) ;

- diminuer les frais des opérateurs, en raison de la dématérialisation des échanges entre les enquêteurs et les opérateurs, et permettre ainsi une nouvelle révision tarifaire à la baisse ;

- réduire les délais de traitement des factures ;

- libérer des effectifs en juridiction (environ 130 postes ), en raison du traitement de ces frais au niveau national.

e) La tarification des enquêtes sociales en matière civile

Afin d'harmoniser le coût de l'enquête sociale, le ministère de la justice a décidé de tarifer cette prestation par le décret n° 2009-285 du 12 mars 2009 .

Ce texte introduit un tarif différencié , selon que l'enquête est réalisée par une personne physique ou une personne morale. Il met par ailleurs en place un forfait de transport pour chaque mission.

Grâce à cette mesure, la dépense est passée de 6,85 millions d'euros en 2009 à 4,7 millions d'euros en 2012.

6. L'enveloppe de 457,7 millions d'euros pour 2014

Dans le présent projet de loi de finances, les frais de justice figurent aux actions ci-après (en crédits de paiement) du programme « Justice judiciaire » :

- Action n° 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 64,9 millions d'euros ;

- Action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 261,8 millions d'euros ;

- Action n° 3 « Cassation » : 0,01 million d'euros ;

- Action n° 6 « Soutien » : 130,9 millions d'euros, y compris le financement de la médecine légale 31 ( * ) .

L'enveloppe totale s'élève donc à 457,7 millions d'euros , en baisse de 3,8 % par rapport à 2013.

F. LA CONFIRMATION DU DÉMÉNAGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE (TGI) DE PARIS

Le déménagement du TGI de Paris représente le dossier le plus lourd, et de loin, en matière d'immobilier des juridictions . Le coût de cette opération était estimé en 2009 à 623,5 millions d'euros 32 ( * ) , soit une enveloppe supérieure à la totalité de celle consacrée au reste de la carte judiciaire à la même époque (367 millions d'euros) 33 ( * ) .

En 2009, la décision a été prise de transférer le TGI de Paris (actuellement situé sur l'Ile de la Cité) sur le site des Batignolles (17 ème arrondissement de Paris). Le projet consiste en la construction d'une nouvelle « Cité judiciaire ».

Un établissement public du Palais de Justice de Paris (EPPJP) a été créé dès 2004 34 ( * ) pour assurer, notamment, le rôle de maître d'ouvrage dans cette opération immobilière de très grande envergure. Opérateur du programme « Justice judiciaire » jusqu'en 2010, cet établissement public relève, depuis le 1 er janvier 2011, du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » 35 ( * ) . Il a perçu en 2013 une subvention pour charges de service public de 1,1 million d'euros . L'EPPJP n'a, en revanche, plus de personnels en gestion directe : il rembourse à l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) le coût des agents recrutés et gérés pour son compte par cet établissement (soit douze agents prévus en 2014).

L'opération du nouveau Palais de justice de Paris s'appuie sur un partenariat public-privé (PPP) . En juin 2010, l'avis d'appel public à la concurrence a été lancé. Le dialogue compétitif a été ouvert en juillet 2010 sur la base de six projets architecturaux et deux ont finalement été retenus pour la phase finale. En février 2012, le contrat de partenariat a été signé. Le dossier de permis de construire a été déposé en avril 2012.

Après un audit confié à l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) en 2012 sur les conditions de financement de cette opération, Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, a confirmé la conduite de cette opération.

La totalité des AE nécessaires ( 986,1 millions d'euros ) a été mise en place à l'issue de l'année 2012 (après la signature du contrat). Par ailleurs, le projet du nouveau Palais de justice de Paris ne mobilisera pas de CP en 2014 : les premiers versements de CP n'interviendront en effet qu'à la fin de l'année 2017 , lors de la prise de possession du bâtiment.

La durée du contrat passé en PPP est de 27 ans. Au terme de ce délai, la propriété et l'exploitation du bâtiment seront transférées à l'Etat. La totalité du projet est chiffrée à 2,8 milliards d'euros .

S'agissant de ce PPP comme d'ailleurs de ceux concernant l'administration pénitentiaire (Cf . infra ), votre rapporteur spécial souligne l'importance de préserver une maîtrise d'ouvrage en capacité d'assurer le suivi et le contrôle de ce type de marché, afin d'éviter un dérapage des coûts dans le temps . Il renvoie par ailleurs à des considérations plus détaillées sur la formule du PPP dans ses développements sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (Cf. PartieVI. E).

G. LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Pour le programme « Justice judiciaire », le PAP de la présente mission met en avant les grands objectifs suivants : rendre une justice de qualité , dans des délais raisonnables (tant au civil qu'au pénal), apportant une réponse adaptée et effective , dans un souci de maîtrise de la dépense .

Le délai, à partir duquel les juridictions sont estimées en difficulté et doivent bénéficier prioritairement d'actions correctives, est fixé à un mois au-delà du délai-cible 2015, soit les délais « critiques » suivants :

- 11,5 mois pour les CA ;

- 7,9 mois pour les TGI ;

- 6 mois pour les TI.

L'analyse des performances du programme en matière de délais pour les décisions rendues met en évidence une réduction de ces délais au civil . Ainsi, pour les CA par exemple, une affaire civile était en moyenne traitée en 11,8 mois en 2012, en 13,9 mois en 2013, mais l'a été en 11,6 mois en 2013 (avec une prévision de 11,4 mois en 2014).

En revanche, les efforts pour réduire les stocks au civil semblent avoir atteint leur limite , comme l'illustre l'évolution de l'indicateur rendant compte de l'ancienneté moyenne du stock par type de juridiction : 13,6 mois en 2011, 13,8 mois pour 2012 et 13,9 mois en 2013 (avec une prévision de 13,7 mois en 2014) dans le cas des TGI.

Au pénal, s'agissant du délai moyen de traitement des procédures, la performance de la Cour de cassation se dégrade : 145 jours en 2011, 163 jours en 2012 et une prévision actualisée de 170 jours en 2013 (soit un niveau identique à la prévision pour 2014). Pour les autres juridictions, ce délai en matière de crimes est conforme à la prévision figurant dans le PAP pour 2013, soit 33,8 mois. Il en va de même pour les délits : 12,1 mois.

Le taux de réponse pénale tend à se stabiliser . Il était de 88,8 % en 2011, 90,1 % en 2012 et s'établit à 89,5 % en prévision actualisée pour 2013 (89,8 % en prévision pour 2014). Dans le cas particulier des mineurs, une même stabilisation est observée : 93,9 % en 2011, 94,1 % en 2012 et 94 % en prévision actualisée pour 2013.

Le taux de mise à exécution des décisions prises au pénal représente également un indicateur important pour le programme « Justice judiciaire ». Il faut donc déplorer cette année qu'aucune statistique ne soit disponible dans ce domaine. Le PAP précise que l'infocentre pénal à l'origine de la production de ces statistiques s'est « éteint en 2012 avec le passage sous Cassiopée des juridictions parisiennes ».

Dans la mesure où l'efficacité de la justice repose notamment sur l'effectivité des décisions rendues par les magistrats (en particulier au pénal), votre rapporteur spécial souhaite que l'indicateur 3.3 « Taux de mise à exécution » soit renseigné lors du prochain PAP .

L'indicateur portant sur la « Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale », rattaché à l'objectif 4 « Maîtriser la croissance des frais de justice », constitue une base pertinente pour un suivi efficace et dans le temps de ce poste budgétaire. Il est d'autant plus stratégique que la dynamique de ces frais est forte (Cf. supra ). Le tableau ci-après présente l'évolution de cette dépense depuis 2008.

Evolution de la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale

(en euros)

2008

2009

2010

2011

2012

Prévision du PAP pour 2013

Prévision actualisée pour 2013

Prévision pour 2014

Cible pour 2015

211

225

288

322

312

250

300

290

250

Source : d'après la commission des finances et le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

La prévision actualisée pour 2013 (300 euros) dépasse largement la prévision établie dans le PAP pour 2013 (250 euros) . Si la prévision pour 2014 (290 euros) semble réaliste, la cible pour 2015 (250 euros) nécessitera en revanche une politique extrêmement volontariste pour être atteinte.

En outre, votre rapporteur spécial estime que cet indicateur, portant sur la seule matière pénale, mériterait d'être complété pour couvrir l'ensemble du domaine des frais de justice . Un tel enrichissement, par l'intermédiaire de sous-indicateurs, permettrait en effet de disposer d'une vision plus complète de l'évolution de ce poste de dépenses.

Enfin, l'objectif 5 « Développer la communication électronique » permet de rendre compte de la capacité de l'institution judiciaire à tirer le meilleur profit des nouvelles technologies.

Il est mesuré au travers de l'indicateur « Nombre d'utilisations de la visioconférence » portant sur les CA (6 100 en prévision actualisée pour 2013 et 6 200 en prévision pour 2014) et les TGI (22 000 en prévision actualisée pour 2013 et 24 000 en prévision pour 2014).

S'agissant de la visioconférence, votre rapporteur spécial souligne toutefois que, dans un avis du 14 octobre 2011, publié le 9 novembre 2011 au Journal officiel , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté , Jean-Marie Delarue, a rappelé que « si l'usage de la visioconférence peut être un palliatif parfois inévitable, il ne doit en aucun cas devenir une commodité inconditionnelle et doit surtout être précisément encadré ».


* 13 En 2014, le programme « Justice judiciaire » va mettre en oeuvre les décisions prises par Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, le 28 juin 2013, à la suite du rapport de la mission sur l'évaluation de la carte judiciaire présidée par Serge Dael. Elles consistent, d'une part, en la réouverture d'un TGI à Saint-Gaudens, Saumur et Tulle, et, d'autre part, en l'ouverture d'une chambre détachée à Dôle, Guingamp et Marmande, ainsi qu'en la mise en place d'un guichet unique de greffe à Belley et à Millau.

* 14 Cette action s'appuie au total sur 13 ETPT de magistrats et 559 ETPT de fonctionnaires.

* 15 4,7 millions d'euros, principalement au titre de participations diverses aux dépenses de réception, de formation et de fonctionnement des tribunaux de commerce.

* 16 Ces crédits sont désormais imputés sur l'action n° 6 « Soutien » du présent programme, alors qu'ils relevaient jusqu'à présent du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

* 17 Le projet de loi a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 juin 2013.

* 18 Dépenses de procédure laissées à la charge de l'Etat, selon les articles 800, R. 92 à R. 94 et R. 218 du code de procédure pénale.

* 19 Cf. rapport spécial n° 148 (2012-2013) - tome III - annexe 17.

* 20 Présidés par Didier Marshall, premier président de la CA de Montpellier, et Pierre Delmas Goyon, conseiller à la Cour de cassation, ces groupes sont composés de magistrats, de fonctionnaires, de représentants des personnels et de personnalités extérieures.

* 21 Audition du 6 novembre 2013.

* 22 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006) « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise », Roland du Luart.

* 23 Sénat, rapport d'information n° 31 (2012-2013), Edmond Hervé, « Pour une meilleure maîtrise des frais de justice ».

* 24 Ces analyses sont désormais prescrites tant dans le domaine de la grande criminalité que dans celui de la délinquance de masse, sachant qu'elles demeurent particulièrement coûteuses en matière criminelle.

* 25 Ces frais correspondent principalement aux examens effectués au cours de l'enquête (examens des gardés à vue et des victimes, autopsies), aux examens psychiatriques, médico-psychologiques et psychologiques, aux prélèvements sanguins ainsi qu'aux examens toxicologiques, biologiques et radiologiques. Si l'augmentation de la dépense est due pour partie à l'accroissement de l'activité pénale et à l'augmentation des prescriptions dans ce domaine, elle s'explique également par les éléments suivants :

- les revalorisations successives (au 1 er août 2006, 1 er juillet 2007 et 1 er janvier 2011) de la lettre C, qui détermine le tarif de certaines prestations en matière de frais de justice (examen médical de garde à vue, examen médical des victimes...) ;

- le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008, qui revalorise les honoraires des experts psychiatres et prévoit l'application d'un tarif majoré pour les expertises concernant les victimes d'infractions sexuelles (ce tarif majoré n'était jusque-là applicable qu'aux expertises concernant les auteurs de ces infractions).

* 26 La très forte progression de ce poste de dépense s'explique par les revalorisations tarifaires introduites par le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et son arrêté d'application du 2 septembre 2008. En effet, ces textes ont non seulement revalorisé le tarif de l'heure d'interprétariat, mais aussi introduit des majorations pour la première heure d'interprétariat
(+ 40  %) et pour les missions de nuit, de week-end et les jours fériés.

* 27 Les frais postaux liés aux procédures judiciaires sont désormais imputés sur les crédits de fonctionnement du présent programme au titre des dépenses d'affranchissement.

* 28 Cf . par exemple, rapport spécial n° 107 (2011-2012) - tome III - annexe 16.

* 29 Il convient de noter que les dépenses relatives au Casier judiciaire national, imputées sur les frais de justice jusqu'au 31 décembre 2012, relèvent désormais des dépenses de fonctionnement courant du programme « Justice judiciaire ».

* 30 Ces retards concernent rarement les jurés qui sont des créanciers prioritaires, sauf dans les cas où ils auraient transmis tardivement ou de manière incomplète leurs mémoires de frais.

* 31 En 2014, la réforme de la médecine légale entrera dans sa quatrième année de mise en place. La dépense prévue à ce titre est évaluée à 47 millions d'euros en crédits de paiement (contre 57 millions d'euros en 2013). Ce montant intègre le financement des équipes mobiles, selon le format arrêté par la circulaire du 25 avril 2012 relative à la mise en oeuvre de la réforme de la médecine légale. Avant cette réforme, la coexistence de deux réseaux (hospitalier et de proximité) ainsi que la prise en charge, par le ministère de la justice et des libertés, du coût de fonctionnement des structures hospitalières (qu'il ne finançait pas jusqu'alors) constituaient deux facteurs d'accroissement notable du montant des frais de justice (de l'ordre de 30 millions). La réforme s'accompagne, par ailleurs, parallèlement d'une économie de 30 millions d'euros sur les honoraires médicaux. En effet, alors qu'auparavant le paiement s'effectuait à l'acte, le financement des structures dédiées à la médecine légale (dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement) est désormais effectué sur la base de conventions passées entre le ministère de la justice et des libertés et celui de la santé. Seuls les médecins appartenant au réseau de proximité continuent d'être rémunérés à l'acte.

* 32 Sénat, rapport d'information n° 38 (2009-2010) « La future implantation du tribunal de grande instance (TGI) de Paris : la fin des hésitations », Roland du Luart.

* 33 Pour un bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire, votre rapporteur spécial renvoie au rapport d'information n° 627 (2012-2013), « Le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire : recommandations pour une justice mieux logée », d'Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, fait au nom de votre commission.

* 34 Décret n° 2004-161 du 18 février 2004.

* 35 Il a ainsi rejoint dans ce programme l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ).