M. Philippe Dallier, rapporteur spécial

III. LE PROGRAMME 135 « URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L'HABITAT » : LES AIDES À LA PIERRE, UN FAIBLE SOUTIEN À LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX

Le programme 135 est placé sous la responsabilité du directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature et regroupe, sous sept actions, les crédits relatifs au logement et à la construction et ceux relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement .

Répartition des crédits par actions du programme

(en milliers d'euros)

Actions

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2015/2014

01 Construction locative et amélioration du parc

AE

451 647

405 000

- 10,3 %

CP

276 830

171 400

- 38,1 %

02 Soutien à l'accession à la propriété

AE

4 100

3 895

- 5 %

CP

4 100

3 895

- 5 %

03 Lutte contre l'habitat indigne

AE

6 503

4 800

- 26,2 %

CP

6 503

4 800

- 26,2 %

04 Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

51 227

48 852

- 4,6 %

CP

51 177

48 852

- 4,5 %

05 Soutien

AE

17 029

14 885

- 12,6 %

CP

17 029

14 885

- 12,6 %

07 Urbanisme et aménagement

AE

45 661

44 906

- 1,7 %

CP

45 457

44 906

- 1,2 %

Total

AE

576 167

522 338

- 9,3 %

CP

401 096

288 738

- 28 %

Source : commission des finances

Avec 522 millions d'euros en autorisations d'engagement et 289 millions d'euros en crédits de paiement, le programme 135 connaît une baisse de respectivement 9,3 % et 28 %. Toutes les actions sont concernées mais la diminution la plus importante porte sur la construction locative et l'amélioration du parc qui comprend les crédits destinés aux « aides à la pierre ».

Comme indiqué précédemment, le programme 135 concentre l'essentiel des dépenses fiscales de la mission, avec 12,3 milliards d'euros prévus pour 2015, contre 13,1 milliards d'euros pour 2014 et 12,9 milliards d'euros pour 2013 24 ( * ) .

A. UNE CONSTRUCTION DES LOGEMENTS SOCIAUX QUI NE REPOSE PAS SUR L'INSCRIPTION DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES

1. La baisse continue des crédits de paiement dédiés aux « aides à la pierre »

Cette année encore, les crédits budgétaires consacrés aux aides à la pierre sont réduits, avec une baisse de 11 % des autorisations d'engagement, pour atteindre 400 millions d'euros, et de 41 % des crédits de paiement, avec seulement 160 millions d'euros inscrits, par rapport au projet de loi de finances pour 2014 25 ( * ) .

Afin de compenser cette importante baisse des crédits de paiement , le projet annuel de performances pour 2015 prévoit, comme en 2014, le recours au fonds de concours . Ainsi 216 millions d'euros, issus du fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, seraient rattachés au présent programme. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait déjà un rattachement des crédits de ce même fonds à hauteur de 173 millions d'euros.

Géré par la Caisse de garantie des logements locatifs sociaux (CGLLS), ce fonds de péréquation a pour objectif de financer la construction de logements sociaux ainsi que la rénovation urbaine. Les emplois du fonds sont arrêtés par une commission composée majoritairement de représentants de l'Etat

Le fonds est lui-même alimenté par :

- la surtaxe des plus-values de cessions de terrains bâtis de plus de 50 000 euros (article 1609 nonies G du code général des impôts). L'article 70 de la loi de finances rectificative pour 2012 26 ( * ) fixe à 120 millions d'euros le plafond du montant affecté à ce fonds. Le J du I de l'article 15 du présent projet de loi de finances propose d'ailleurs de le baisser à 45 millions d'euros ;

- une fraction de la part variable de la cotisation des organismes à la CGLLS. Celle-ci est également plafonnée à 70 millions d'euros et prévue jusqu'en 2015.

L'article 54 du présent projet de loi de finances prévoit toutefois de proroger cette fraction versée au fonds de péréquation jusqu'en 2017 et d'augmenter son montant de 50 millions d'euros , pour le porter à 120 millions d'euros, parallèlement à la baisse du plafond du montant de la surtaxe des plus-values immobilières de plus de 50 000 euros sur les propriétés bâties.

En outre, l'article 9 de la loi de finances rectificative pour 2014 présentée au Conseil des ministres du 12 novembre dernier prévoit un prélèvement supplémentaire de 15 millions d'euros sur les ressources de la CGLLS, au profit de ce fonds de péréquation. Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ce montant correspondrait aux recettes supplémentaires obtenues de la collecte de la cotisation additionnelle.

Compte tenu des 160 millions d'euros de crédits de paiement inscrits et des 216 millions d'euros de fonds de concours, les besoins seront ainsi couverts à hauteur de 376 millions d'euros .

Le Gouvernement cherche ainsi des moyens diversifiés lui permettant de financer la construction de logements sociaux dans un contexte budgétaire global particulièrement contraint. Votre rapporteur spécial souhaite rappeler que l'Etat ne doit pour autant pas se désengager de ces politiques publiques du logement.

Le Gouvernement conserve l'objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an d'ici à 2017. En 2013, 117 065 logements sociaux ont été financés, hors opérations relevant de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), soit une hausse de 14 % par rapport à 2012 et un nombre stable par rapport à 2011 (116 106).

En revanche, le résultat est encore loin de celui des années 2009 et 2010 où les 150 000 logements financés par an étaient quasiment atteints :

Évolution du nombre de logements sociaux financés entre 2003 et 2013

Source : commission des finances

Pour 2014 , l'Union sociale pour l'habitat a indiqué à votre rapporteur spécial que 93 000 logements sociaux environ devraient être financés sur les 135 000 prévus sur le programme 135 27 ( * ) .

Les 135 000 logements inscrits au titre du programme 135 pour 2015 sont ainsi répartis compte tenu des 400 millions d'euros d'autorisations d'engagement prévues :

Nombre de logements

Subvention moyenne par logement
(en euros)

Coût total
(en millions d'euros)

Prêts locatifs à usage social (PLUS)

66 000

-

-

Prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

34 000

6 500

221

Prêts locatifs sociaux (PLS)

35 000

-

-

Surcharge foncière

-

-

173

Sous-total offre nouvelle

135 000

-

394

Démolition

1 000

1 000

1

Actions d'accompagnement et numéro unique

-

-

5

Total

-

-

400

Source : projet annuel de performances pour 2015

Seuls les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) bénéficieront désormais d'une subvention issue des crédits de l'État pour les constructions nouvelles, avec 6 500 euros de subvention moyenne par logement et une dépense totale estimée à 221 millions d'euros.

Ainsi, compte tenu de la faiblesse des subventions versées en faveur des logements sociaux, elles ne bénéficient plus qu'aux prêts les plus sociaux.

2. Le soutien à la construction de logements sociaux par d'autres dispositifs

Le secteur du logement social bénéficie de divers dispositifs fiscaux avantageux qui lui permettent en particulier de réduire le coût d'acquisition des terrains et de construction des bâtiments .

Ainsi, le logement social bénéficie à la fois d'exonérations au titre de l'impôt sur les sociétés, de l'application du taux réduit de TVA pour l'acquisition de terrains à bâtir ainsi que la construction et la rénovation des immeubles 28 ( * ) et de nombreuses exonérations et abattements s'agissant de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties applicables aux logements sociaux

Nature des constructions

Durée d'exonération

Habitations principales achevées après le 1er janvier 1973 et financées :

• à l'aide de prêts selon le régime propre aux habitations à loyer modéré en vertu de l'article 1384 du code général des impôts (CGI) ;

• à l'aide de prêts prévus aux articles L. 301-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation (CCH) :

- à usage locatif financés par des prêts aidés par l'Etat à plus de 50% (article 1384 A-I, 1er alinéa du CGI) ou des prêts de l'article R. 331-1 du CCH (PLA, PLUS, PLS...) en vertu de l'article 1384 A-I du CGI), si elles bénéficient du taux réduit de TVA et sont à usage locatif*

- en accession à la propriété : prêt aidé en accession sociale à la propriété de plus de 50%, hors prêts à taux zéro (art 1384 A-I, 3e alinéa du CGI)

- pour les logements situés dans un groupe d'immeubles faisant l'objet de mesures de sauvegarde et ayant bénéficié d'une exonération de 10 ou 15 ans (article 1384 A-II du CGI)

• à l'aide de prêts prévus à l'article R. 331-1 du CCH (avec le bénéfice des dispositions des 1°, 2°,3° ou 5° de l'article 278 sexies du CGI et dans les départements d'outre-mer à l'aide des prêts prévus à l'article R. 372-1 du même code*** :

- pour l'ensemble de ces constructions ;

- constructions de logements dont l'ouverture de chantier est intervenue à compter du 1er janvier 2002 et qui satisfont à certains critères de qualité environnementale (article 1384 A-I bis du CGI)

15 ans

15 ans

10 ans

prolongation de 5 ans

15 ans**

20 ans

Constructions de logements neufs faisant l'objet d'un contrat de location-accession (art 1384 A-III du CGI)

15 ans

Logements faisant l'objet d'un bail à réhabilitation (art 1384 B du CGI), sur délibération de la commune

durée du bail

Logements locatifs sociaux acquis à compter du 1 er janvier 1998 avec le concours financier de l'État ou avec une subvention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 du CCH et dans les départements d'outre-mer au moyen d'un financement prévu à l'article R. 372-1 du même code***(article 1384 C du CGI)

15 ans**

Logements détenus directement ou indirectement par le biais d'une filiale à participation majoritaire par l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais bénéficiant d'une aide financière de l'ANAH et faisant l'objet d'une convention avec l'État (article 1384 C-II du CGI)

15 ans**

Locaux acquis ou aménagés ou construits avec une aide de l'État à la création d'hébergements d'urgence destinés aux personnes défavorisées. (art. 1384 D du CGI)

15 ans ou 25 ans

Constructions de logements neufs à usage locatif affectés à l'habitation principale appartenant à l'association foncière logement ou aux sociétés civiles immobilières dont cette association détient la majorité des parts (article 1384-A-I quater du CGI)

15 ans ou 25 ans

Logements à usage locatif visés au 4° de l'article L. 351-2 du CCH, acquis à compter du er janvier 1998 et améliorés par des organismes agréés, au moyen d'une subvention de l'ANAH

15 ans**

Constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction (exonération de droit commun)

2 ans

Logements comportant des équipements destinés à économiser l'énergie (article 1383-0 B et 1383-0 B bis du CGI), sur délibération de la commune

5 ans

Logements situés en zones de revitalisation rurale (ZRR) acquis et améliorés au moyen d'une aide de l'ANAH par des personnes physiques (1383 E du CGI)

15 ans

Constructions satisfaisant à au moins 4 des 5 critères de qualité environnementale dont la décision d'octroi de subvention a été prise entre le 1 er juillet 2004 et le 31 décembre 2014 (art 1384 A I ter et 1384 A I bis du CGI)

20 ans ou 30 ans

* le pourcentage de financement est ramené de 50% à 30% s'agissant de droits immobiliers démembrés (art 278 sexies I-10 du CGI

** Exonération portée à 25 ans lorsque la décision de subvention ou de prêt a été prise entre le 1 er juillet 2004 et le 31 décembre 2014.

*** A compter de 2006

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les abattements de taxe foncière sur les propriétés bâties correspondent à :

- 30 % de la valeur locative des logements ayant bénéficié d'une exonération de longue durée situés dans les zones urbaines sensibles (article 1388 bis du code général des impôts). L'article 42 ter du projet de loi de finances pour 2015, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la prolongation de cet abattement pour 2015 et son extension, à compter de 2016 et jusqu'en 2020, aux logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dès lors que le propriétaire est signataire du contrat de ville ;

- 30 % sur la valeur locative des logements collectifs issus de la transformation de locaux commerciaux ou industriels situés dans des communes comportant des quartiers situés en zone urbaine sensible, sur délibération des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale (article 1518 A ter du code général des impôts).

Divers dégrèvements sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements appartenant à des organismes HLM ou des SEM sont également prévus.

Des exonérations spécifiques sont également prévues pour la taxe sur les logements vacants (article 232 du code général des impôts), la contribution sur les revenus locatifs (article 234 du code général des impôts) et la contribution économique territoriale (article 1461 du code général des impôts).

Enfin, des mesures dérogatoires sont également applicables au logement social au titre des droits d'enregistrement.

Le soutien à la construction et à la réhabilitation des logements sociaux passe également par l'emprunt d'un milliard d'euros contracté par Action logement sur fonds d'épargne auprès de la Caisse des dépôts et consignations le 24 septembre 2013. Ce prêt fait suite aux engagements pris par Action logement auprès de l'Etat, dans le cadre de la lettre d'engagement mutuel du 12 novembre 2012 précitée. Action logement devait ainsi financer 1,5 milliard d'euros par an en faveur du logement locatif social, sur la période 2013-2015, représentant 950 millions d'euros d'équivalent subvention.

Rappel de la lettre d'engagement mutuel de l'Etat et l'UESL - Action logement, signée le 12 novembre 2012 (extraits)

L'UESL - Action logement s'engage à :

« financer les emplois suivants :

- un minimum d'1,5 milliard d'euros par an sur les trois prochaines années en faveur du logement locatif social, représentant 950 millions d'euros par an d'équivalent subvention. L'UESL veillera à accompagner en toute équité l'ensemble des bailleurs sociaux dans leur démarche de production de logement sociaux ; les modalités de mobilisation et d'attribution de cette enveloppe (prêts, subventions, fonds propres) feront l'objet d'une négociation entre l'UESL et l'Etat dans l'objectif national de production de 150 000 logements sociaux par an ;

- 1,2 milliard d'euros par an sur la période triennale 2013-2015 pour financer les politiques publiques du logement selon la répartition prévue ci-dessus ;

- 1,3 milliard d'euros par an pour les dispositifs de mobilité et de sécurisation, pour le développement et l'accession très sociale des salariés, en priorité auprès des locataires HLM et de la location-accession sociale et pour la production d'une offre en coeur de ville de logements de qualité en meublés-colocation destinés prioritairement aux jeunes géographiquement et fonctionnellement mobiles ;

- 0,2 milliard d'euros par an pour les prêts accordés à l'association Foncière Logement, montant qui sera remis en débat avec les négociations à ouvrir dès 2012 entre les partenaires sociaux et l'Etat pour redéfinir les engagements et le modèle économique de la Foncière Logement.

Source : commission des finances

À ce titre, votre rapporteur spécial souhaite indiquer que l'ampleur de la participation demandée à Action logement au titre du logement social et, plus largement, de leur contribution aux politiques publiques du logement, entame leur capacité à fournir des aides aux salariés . Lors de leur audition par votre rapporteur spécial, les représentants d'Action logement ont estimé à un milliard d'euros sur cinq ans la perte subie au titre des retours sur prêts.

Le rôle essentiel du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations se confirme également, avec un encours total de prêts de 137 milliards d'euros au 31 décembre 2013 au titre du logement social et de la politique de la ville. Selon les chiffres recueillis par votre rapporteur spécial, l'année 2013 a ainsi constitué un record, avec 16,4 milliards d'euros de prêts nouveaux, dont 14,1 milliards de prêts directs représentant une augmentation de 14 %. Ces prêts correspondent à 110 000 places ou logements nouveaux et 253 000 rénovations. Cette forte dynamique se poursuivrait d'ailleurs sur 2014, avec 11,3 milliards d'euros de prêts nouveaux au 30 septembre.

Enfin, il convient de signaler que, compte tenu de la baisse des « aides à la pierre », les bailleurs sociaux ont davantage recours à leurs fonds propres , d'autant plus désormais que les crédits budgétaires ne financeront plus que les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI).

Conformément à leur engagement avec l'Etat, l'Union sociale pour l'habitat a également mis en place un mécanisme de mutualisation entre les bailleurs sociaux , par une convention conclue avec l'Etat le 22 août 2014 et approuvée par un arrêté publié le 12 septembre 2014.

B. LE FINANCEMENT TOUJOURS INCERTAIN DE L'ANAH

Le financement de l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) est assuré par des crédits extrabudgétaires, sa principale ressource résultant des mises aux enchères des quotas carbone. Si le produit de cette recette affectée à l'ANAH est plafonné à 590 millions d'euros par an en vertu de l'article 43 de la loi de finances pour 2013 le montant effectivement perçu, compte tenu du marché européen des quotas carbone, s'avère bien plus bas . Ainsi, l'Agence n'a reçu que 219 millions d'euros en 2013 et la même somme est estimée pour 2014 (220 millions d'euros).

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, 273 millions d'euros seraient prévus pour 2015, cette recette attendue reposant sur une évolution du cours du quota carbone estimée à 7 euros la tonne et sur la vente de 39 millions de tonnes.

Compte tenu du caractère incertain de cette ressource, qui repose sur un marché par nature fluctuant, d'autres ressources sont affectées à l'ANAH afin de sécuriser son financement .

Une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants lui est ainsi attribuée, dont le plafond passe de 21 millions d'euros (19,1 millions d'euros déduction faite des frais de gestion) à 51 millions d'euros (46,4 millions d'euros hors frais de gestion) en vertu du présent projet de loi de finances pour 2015.

Une recette annuelle de 50 millions d'euros est également attendue de la contribution, des fournisseurs d'énergie , en cours de négociation pour la période 2014-2017 dans le cadre du programme « Habiter mieux » et des certificats d'économie d'énergie.

Les remboursements de subventions par les bénéficiaires des aides correspondent également à une ressource qui devrait, comme en 2014, correspondre à 6 millions d'euros.

Enfin, le Gouvernement souhaiterait également attribuer 50 millions d'euros issus d'une contribution exceptionnelle d'Action logement pour 2015 . Au même titre que pour le FNAL, cette somme viendrait en déduction du 1,2 milliard d'euros qu'Action logement s'engagerait à verser au titre du financement des politiques publiques du logement. En conséquence, les sommes investies pour la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) s'en trouveraient minorées d'autant malgré l'importance des décaissements que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) devra couvrir .

Comme indiqué précédemment, la convention pluriannuelle prévoyant les modalités de participations d'Action logement au financement des politiques publiques du logement est encore en cours de négociations pour la période 2015-2019.

Le Gouvernement justifie notamment la participation d'Action logement au financement de l'ANAH par le fait que, d'une part, la distribution des aides à la réhabilitation de logements profite pour partie à des salariés du secteur assujetti et, d'autre part, par le fait que l'agence contribue au financement de la rénovation urbaine, en coordination avec l'ANRU (notamment au titre des copropriétés en difficulté).

Contrairement à ce qui avait été acté en 2012, Action logement se verrait donc de nouveau appelée à financer l'ANAH en sus du FNAL en 2015. L'inconstance du Gouvernement dans ses choix de financement met en évidence le « bricolage » auquel il est contraint pour pallier l'impasse budgétaire dans laquelle il se trouve .

Votre rapporteur spécial prend acte des mesures prises par le Gouvernement afin de pallier les fluctuations à la baisse des recettes issues de la vente des quotas carbone. Il s'interroge toutefois sur la soutenabilité à terme d'un financement reposant sur une ressource si incertaine pour une agence ayant un rôle essentiel dans la lutte contre l'habitat indigne et dégradé et, plus largement, la rénovation énergétique des logements privés .

La situation financière de l'ANAH doit faire l'objet d'un suivi attentif. Compte tenu de la moindre recette finalement perçue au titre des quotas carbone, l'agence a, en effet, dû prélever 86,7 millions d'euros sur son fonds de roulement en 2013 . Ainsi, au 31 décembre 2013, le fonds de roulement de l'ANAH s'élevait à 223,58 millions d'euros et sa trésorerie à 225,4 millions d'euros.

De même, en 2014, compte tenu du manque de moyens financiers , une circulaire a été adressée le 9 juillet aux préfets et aux collectivités territoriales délégataires des aides à la pierre afin que les demandes de subvention des propriétaires occupants modestes pour des travaux de rénovation énergétique ne soient plus traitées cette année . Les demandes restant prioritaires concerneraient ainsi celles des propriétaires occupants très modestes ainsi que celles relevant du traitement de l'habitat indigne ou très dégradé ou encore de travaux d'adaptation à la perte d'autonomie ou liée au handicap.

Les propriétaires dont les demandes ne seraient pas prises en compte seraient invités à attendre l'année prochaine ou à s'orienter vers d'autres dispositifs d'aide à la rénovation thermique.

Cette situation dans laquelle s'est retrouvée l'ANAH cette année met en évidence l'inadaptation de ses modalités de financement face aux objectifs ambitieux qui lui sont attribués. La montée en puissance du programme « Habiter mieux » ne peut être pleinement assurée compte tenu de la faiblesse de ses recettes.

Ainsi, lors de l'audition conjointe organisée par la commission des finances sur l'articulation des aides à la rénovation thermique des logements privés 29 ( * ) , notre collègue Claude Dilain, en sa qualité de président de l'ANAH, a mis en évidence la montée en puissance du programme « Habiter mieux » et son impact budgétaire : « Certes, à ses débuts, le programme « Habiter mieux » a été lent à démarrer, mais, depuis 2013, on constate une grande augmentation des dépôts des dossiers, qui devrait encore s'accélérer en 2014. Je vais donner quelques exemples parlants concernant les départements. Entre 2012 et 2013, on a pu constater des hausses de dépôts de dossiers de + 269 % en Haute-Saône, + 229 % dans la Mayenne et dans le Vaucluse, + 266 % dans l'Aube, + 257 % dans le Lot, ou encore, + 312 % dans le Loiret. En outre, on constate que, sur le premier trimestre de 2014, le nombre de dossiers a été multiplié par quatre par rapport au premier semestre de 2013. Je voulais insister sur ces chiffres, afin de mettre en perspective le succès grandissant des politiques conduites par l'ANAH, évolution qu'il faut bien garder en tête lorsque l'on évoque la question budgétaire » .

Il convient d'ailleurs de noter que le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), qui finance une partie du programme « Habiter mieux » dans le cadre du premier programme d'investissement d'avenir (PIA1) devrait lui-même bénéficier d'une enveloppe supplémentaire afin de couvrir les besoins plus importants qu'attendus. En effet, 230 millions d'euros étaient ainsi déjà engagés à fin juin 2014 sur la dotation totale de 365 millions d'euros initialement prévue.

Pour 2015, la capacité d'engagement de l'ANAH prévue dans le projet annuel de performances s'établit à 502 millions d'euros (hors frais de structure pour lesquels sont prévus 20 millions d'euros), comme en 2014, ainsi répartie :

Capacité d'engagement de l'ANAH pour 2015

Type d'intervention

Objectif
(en nombre de logements traités)

Montant
(en millions d'euros)

Propriétaires bailleurs

4 450

73

Habitat indigne, dégradé et rénovation thermique

4 450

73

dont lutte contre l'habitat indigne

450

9

dont logements très dégradés

1 900

41

dont logements moyennement dégradés

1 100

11

dont rénovation thermique

1 000

12

Propriétaires occupants modestes

53 600

331

Habitat indigne et dégradé

2 600

41

dont lutte contre l'habitat indigne

1 500

20

dont logements très dégradés

1 100

21

Autonomie, rénovation thermiques et autres actions

51 000

290

dont autonomie

15 000

49

dont rénovation thermique

36 000

241

Copropriétés

15 000

48

Lutte contre l'habitat indigne et logements très dégradés

6 000

32

Syndicats et interventions spécifiques

9 000

16

Humanisation des centres d'hébergement

8

Résorption de l'habitat insalubre

12

Ingénierie

30

Capacité totale d'engagement (hors frais de structure)

73 050

502

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances pour 2015

Il convient de noter que l'Agence a pour objectif le traitement de 73 050 logements en 2015, contre 76 350 logements en 2014.

Les aides de l'ANAH devraient se concentrer prioritairement sur les aides versées aux propriétaires occupants modestes , avec 53 600 logements traités et 331 millions d'euros prévus, dont 241 millions d'euros au titre de la rénovation thermique. À ce titre, l'objectif passe à 36 000 logements traités dans le cadre du plan de lutte contre la précarité énergétique et le programme « Habiter mieux » . En 2013, 34 157 logements ont ainsi été aidés en matière de lutte contre la précarité énergétique avec un objectif initial de 30 000.


* 24 Cf . le III de la première partie du présent rapport.

* 25 La différence de montant avec l'action 1 « construction locative et amélioration du parc » provient des crédits consacrés aux accueils des gens du voyage (5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement).

* 26 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 27 Les 15 000 logements restants relèvent de l'Outre-mer et de l'activité de l'Agence nationale de la rénovation urbaine.

* 28 Les travaux de rénovation concernés sont : la réalisation d'économies d'énergie et de fluides ; l'accessibilité de l'immeuble et du logement et son adaptation aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées ; la mise en conformité des locaux aux conditions minimales de confort et d'habitabilité ; la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l'exposition à l'amiante et au plomb ; la protection physique des locataires en matière de prévention et de lutte contre les incendies, de sécurité des ascenseurs, de sécurité des installations de gaz et d'électricité, de prévention des risques naturels, miniers et technologiques, d'installation de dispositifs de retenue des personnes (source : réponses au questionnaire budgétaire).

* 29 Cf. le compte-rendu de l'audition conjointe organisée le 16 avril 2014 par la commission des finances du Sénat, sur les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique des logements privés, suite au référé de la Cour des comptes sur la gestion de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).