M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial

III. DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE MOYEN ET LONG TERME SOUMISES À UNE INCONNUE

A. LA PRÉVISION D'UN EXCÉDENT DE FINANCEMENT À L'HORIZON 2050

L'évaluation du « besoin de financement actualisé » permet de compléter l'information concernant les perspectives financières de moyen et long termes du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Cette approche consiste à mesurer les crédits qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui , en étant placés au taux d'intérêt du marché et en maintenant les taux de contributions employeurs au même niveau que celui de 2014, pour combler l'ensemble des déficits anticipés . Comme pour les engagements de l'État, cet exercice fournit principalement un ordre de grandeur dans la mesure où le résultat est très sensible au taux d'actualisation retenu.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Note : le solde projeté intègre uniquement les éléments techniques du régime (cotisations, contributions et prestations), sans tenir compte des compensations démographiques et des autres transferts financiers, ce qui explique que le besoin de financement cumulé ne soit pas égal à zéro en 2014.

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014

Sur la base d'un taux d'actualisation de 0,17 %, le besoin de financement cumulé à l'horizon 2050 est négatif : un excédent de financement de 80 milliards d'euros serait constaté . Le graphique ci-avant illustre le niveau des excédents prévus chaque année, compte tenu des taux actuels de contributions employeurs et de la hausse programmée des taux de cotisations salariales, ainsi que l'excédent de financement cumulé. Au 31 décembre 2013, avec un taux d'actualisation de 1,08 %, cet excédent était estimé à 67 milliards d'euros.

Même si elle demeure sujette à caution, cette évaluation tend à confirmer le caractère élevé des taux de contributions employeurs de l'État au CAS « Pensions », qui devraient s'avérer suffisants pour équilibrer le régime à moyen et long termes. Elle confirme également les effets sensibles de la montée en charge des réformes des retraites engagées depuis 2003 . Selon les dernières projections actualisées transmises par le service des retraites de l'État et la direction du budget, les mesures de la réforme de 2010 permettraient de diminuer de 1,71 milliard d'euros en 2015 (910 millions d'euros en dépenses et 800 millions d'euros en recettes) et de 2,17 milliards d'euros en 2016 (1,20 milliard d'euros en dépenses et 970 millions d'euros en recettes) le besoin de financement du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, une inconnue subsiste s'agissant de l'impact des mesures de refonte des grilles salariales et de transformation de certaines primes en points d'indices, prévues par l'accord relatif à l'avenir de la fonction publique.

B. L'ACCORD RELATIF À L'AVENIR DE LA FONCTION PUBLIQUE : QUEL IMPACT SUR LES DÉPENSES DE PENSIONS DE RETRAITE À MOYEN TERME ?

Le 30 septembre 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé la décision du Gouvernement de mettre en oeuvre l'accord sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) dans la fonction publique, en dépit de l'absence de majorité syndicale sur ce texte. Négocié depuis plus d'un an, cet accord a été signé par six organisations syndicales 27 ( * ) ne représentant que 49 % des fonctionnaires, ce qui est insuffisant pour le rendre valide, au regard des règles prévues par le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et devoirs des fonctionnaires, en cours d'examen par le Parlement.

Or un ensemble de mesures prévues par cet accord devraient avoir des répercussions sur les nouvelles pensions liquidées à moyen terme, en particulier :

- la refonte et la revalorisation des grilles de rémunération des fonctionnaires entre 2017 et 2020 dans le but de « renforcer l'attractivité des carrières de la fonction publique dans la durée et de mieux reconnaître les niveaux de qualification » 28 ( * ) ;

- la transformation de certaines primes en points d'indices afin d'amorcer « un rééquilibrage en faveur du point d'indice ». Aux termes de l'accord, « pour les fonctionnaires ne percevant actuellement que de très faibles primes ou aucune prime, cette transformation se traduira par une augmentation du traitement indiciaire et une augmentation de leur pouvoir d'achat. Pour ceux faisant valoir leur droit à la retraite, cette mesure permettra une augmentation de leur pension et de leur pouvoir d'achat » 29 ( * ) . Or les régimes de retraite de la fonction publique ne prennent en compte que le traitement indiciaire de base comme assiette de liquidation de la pension. Les primes et indemnités - qui représentent entre 20 % à 25 % des rémunérations moyennes totales de fonctionnaires - ne sont en principe pas intégrées 30 ( * ) .

Le périmètre définitif et les modalités d'application de la réforme demeurant incertains, il n'existe aujourd'hui aucune estimation du coût potentiel de ces mesures à court terme, ni aucune évaluation de leur impact sur les dépenses de pensions de retraite. En théorie, la revalorisation des grilles de rémunération et le basculement entre régime indemnitaire et indiciaire entraînerait, d'une part, une hausse des recettes de cotisations et de contributions employeurs à court terme , pour les agents actifs concernés, et, d'autre part, une augmentation à moyen terme du montant des pensions liquidées par les nouveaux flux d'agents partant à la retraite après l'entrée en vigueur de ces dispositions.

Il s'agit néanmoins d'une réforme à suivre avec attention, d'autant plus que cette dernière aura un impact non seulement sur le budget de l'État, mais aussi sur celui des établissements hospitaliers, des collectivités territoriales et de la CNRACL.

Observation n° 6 : si l'évaluation du besoin de financement actualisé du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État - de l'ordre de - 80 milliards d'euros à l'horizon 2050, ce qui correspond à un excédent - tend à confirmer le niveau élevé des taux actuels de contributions employeurs au CAS « Pensions », l'entrée en vigueur des mesures de revalorisation des grilles salariales et de transformations de primes en points d'indice, prévues par l'accord relatif à l'avenir de la fonction publique, pourrait entraîner une nouvelle hausse des dépenses de pensions de retraite à moyen terme .


* 27 La CFDT, l'UNSA, la FSU, la CFE-CGC, la CFTC et la FA-FP ont signé l'accord, tandis que la CGT, FO et Solidaires ont refusé de le signer.

* 28 Accord relatif à l'avenir de la fonction publique : la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations, page 10.

* 29 Ibid ., page 8.

* 30 En revanche, les primes et indemnités donnent lieu à une cotisation au régime additionnel de la fonction publique (RAFP).