M. Philippe Dallier, rapporteur spécial

SECONDE PARTIE : PRÉSENTATION DES PROGRAMMES

Compte tenu de la budgétisation des aides personnelles au logement, les crédits de la mission se concentrent désormais à 86 % sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement » , dont la quasi-totalité des crédits correspondent à la part du financement par l'État desdites aides personnelles au logement (99,9 % du programme).

Répartition des crédits de paiement par programmes de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2016

I. LE PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » : LES MOYENS VIENDRONT PROBABLEMENT ENCORE À MANQUER L'AN PROCHAIN

Pour mémoire, le programme 177, qui a été rebaptisé « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » 4 ( * ) , est exécuté sous l'autorité du ministre de l'égalité des territoires et du logement mais a pour responsable le directeur général de la cohésion sociale qui relève du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Cette année encore, les crédits consacrés au programme 177 augmentent de 5,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, pour atteindre 1,44 milliard d'euros.

Évolution des crédits par actions du programme (AE=CP)

(en millions d'euros)

Intitulé de l'action

LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2016/2015

11 - Prévention de l'exclusion

59 984 838

60 520 000

0,89 %

12 - Hébergement et logement adapté

1 289 916 653

1 369 700 000

6,19 %

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

16 058 842

10 158 647

-36,74 %

Total

1 365 960 333

1 440 378 647

5,45 %

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances pour 2016

L'exonération d'impôt sur le revenu des allocations, des indemnités et des prestations d'assistance et d'assurance reste l'unique dépense fiscale sur impôt d'État rattachée à ce programme et son coût devrait demeurer stable à 45 millions d'euros pour 2016.

A. MALGRÉ LES INDÉNIABLES EFFORTS BUDGÉTAIRES CONSENTIS, LE PROGRAMME 177 DEVRAIT CONNAÎTRE UNE NOUVELLE ANNÉE DE SUREXÉCUTION BUDGÉTAIRE

Après une hausse de 92 millions d'euros en 2014 et de 50 millions d'euros en 2015, le projet de loi de finances pour 2016 propose une nouvelle fois d'abonder le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de 74,5 millions d'euros supplémentaires . En particulier, l'action 12 « Hébergement et logement adapté » bénéficie d'une enveloppe de 80 millions d'euros principalement consacrés à la couverture des besoins toujours plus importants en termes d'hébergement d'urgence et de veille sociale.

Il convient de rappeler qu'au cours des années passées, le présent programme a connu une sur-exécution chronique de ses crédits et que cette tendance s'est poursuivie au cours de l'année 2015.

Ainsi, après 194 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts en 2013 (par deux décrets d'avance), l'année 2014 avait été marquée par un abondement du programme à hauteur de 153,8 millions d'euros en AE et 154,3 millions d'euros en CP (par deux décrets d'avance et la loi de finances rectificative de fin d'année), malgré la hausse importante de crédits dont il avait fait l'objet dans le cadre du projet de loi de finances initiale.

Concernant 2015, ainsi que votre rapporteur spécial l'avait annoncé dans son rapport de l'an dernier en indiquant qu'au moins 100 millions d'euros viendraient à manquer 5 ( * ) , un décret d'avance du 23 octobre 2015 6 ( * ) a effectivement ouvert 130 millions d'euros supplémentaires sur le programme 177, dans le but de couvrir des dépenses de veille sociale et d'hébergement d'urgence.

Lors de l'examen de ce décret par votre commission des finances, qui en avait été saisie pour avis, le rapporteur général avait souligné la « banalisation du recours au décret d'avance pour financer des dépenses imprévues, mais pas imprévisibles », précisant que « le Gouvernement lui-même [reconnaissait] que les besoins réellement apparus en cours d'année ne se [montaient] qu'à 30 millions d'euros, les 100 millions d'euros restant [résultant] simplement de l'écart entre l'exécution 2014 et la budgétisation initiale pour 2015 » !

En outre, le projet de loi de finances rectificative pour 2015, en cours d'examen par le Parlement, prévoit l'ouverture de 5 3,6 millions d'euros supplémentaires , tendant à couvrir les dépenses liées au remboursement de la part de l'État de l'allocation de logement temporaire (ALT) à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), les crédits initialement prévus à ce titre ayant été redéployés vers les dispositifs d'hébergement d'urgence en cours de gestion.

Évolution des crédits du programme 177 entre 2008 et 2016

(en euros)

Compte tenu des crédits ouverts en gestion et prévus dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015

Y compris l'abondement de 69,85 millions d'euros opéré en première lecture à l'Assemblée nationale

* Jusqu'à la loi de finances initiale pour 2012, le programme 177 couvrait les dépenses liées à l'aide alimentaire (qui représentait 22,8 millions d'euros en LFI 2012) transférée à compter de la LFI 2013 vers le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

** Pour 2015, l'exécution budgétaire constitue une prévision, compte tenu des crédits ouverts, y compris dans le cadre du décret d'avance du 23 octobre 2015 et du projet de loi de finances rectificative pour 2015 actuellement en cours d'examen par le Parlement.

Source : commission des finances du Sénat

Compte tenu de ce contexte, votre rapporteur spécial ne peut donc que se satisfaire des efforts consentis par le Gouvernement sur ce programme pour 2016.

Pour autant, il lui paraît d'ores et déjà acquis qu'une nouvelle fois, les crédits inscrits en loi de finances initiale, y compris en comptabilisant l'abondement de 69,85 millions d'euros adopté par l'Assemblée nationale, ne suffiront pas à couvrir les besoins de l'année 2016 .

En effet, l'enveloppe de 1,51 milliard d'euros prévue par le présent projet de loi s'avère déjà inférieure de près de 45 millions d'euros aux crédits ouverts en 2015 (1,55 milliard d'euros).

Malgré les 79,8 millions d'euros supplémentaires prévues sur l'action 12 « Hébergement et logement adapté », l'insuffisance des crédits pour l'année 2016 semble encore plus évidente s'agissant de la veille sociale et de l'hébergement d'urgence .

En effet, le projet annuel de performances ne prévoit que 440 millions d'euros au titre de l'hébergement d'urgence . Pourtant, en 2014, la dépense dans ce secteur s'était élevée à 475,2 millions d'euros, et en 2015, elle devrait être encore plus importante compte tenu de l'enveloppe de 389 millions d'euros initialement prévue et des crédits ouverts dans le cadre du décret d'avance d'octobre dernier mentionné supra .

Évolution des crédits d'hébergement d'urgence Évolution des crédits de veille sociale

(en euros) (en euros)

Source : commission des finances

Le constat est le même s'agissant de la veille sociale : seuls 90 millions d'euros en AE=CP sont prévus alors qu'en 2014, 109 millions d'euros avaient été dépensés.

En première lecture à l'Assemblée nationale, l'amendement tendant à abonder le programme de 69,9 millions d'euros en AE et en CP a tiré les conséquences des décisions du Conseil européen de septembre 2015 au cours duquel la France s'est engagée à accueillir 30 784 demandeurs d'asile d'ici 2017, dont, selon une répartition prévisionnelle, 14 392 en 2016 (1 000 en 2015 et 15 392 en 2017) 7 ( * ) .

Cet apport supplémentaire de crédits a certes le mérite de prévoir, dès le budget initial, une enveloppe destinée à couvrir à l'échelle de la France les besoins d'ores et déjà identifiés dans le cadre de la gestion de la crise migratoire que connaît notre continent.

Pour autant, cela ne change rien au fait que les crédits « de base » inscrits dans le projet de loi de finances initiale, hors accueil exceptionnel de réfugiés, semblent d'ores et déjà estimés a minima et que les moyens viendront vraisemblablement à manquer en cours d'année .

B. LES DIFFICILES RÉPONSES À DES BESOINS TOUJOURS PLUS IMPORTANTS

L'augmentation des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » tend, selon le projet annuel de performances et les informations recueillies par votre rapporteur spécial, non pas tant à procéder à un rebasage des crédits au regard de l'exécution réellement constatée au cours des année passées, qu'à mettre en oeuvre les orientations fixées par le Gouvernement dans le domaine de la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

L'enjeu est pourtant essentiel car, en vertu du principe de l'hébergement inconditionnel des personnes en situation de détresse 8 ( * ) , il convient de faire face au nombre accru de personnes qui ont besoin d'être aidées en raison de la crise économique dont les effets se font toujours sentir et de l'afflux supplémentaire de demandeurs d'asile.

Ainsi, le programme prend en compte le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale du 21 janvier 2013, dont les principaux objectifs pour la période 2015-2017 ont été fixés le 3 mars 2015. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, il s'agit de :

« - privilégier l'orientation vers le logement, digne et adapté pour tous ;

« - développer les actions de prévention des situations de ruptures, amenant à la perte du logement ;

« - mieux organiser le secteur de l'hébergement, afin de répondre aux besoins des personnes tout au long de l'année et d'atteindre l'objectif de la fin de la gestion saisonnière. »

Comme cela a été précédemment souligné, si les crédits de l'action 11 « Prévention de l'exclusion » sont stables, avec 60,5 millions d'euros pour 2016, l'action 12 « Hébergement et logement adapté » concentre l'essentiel des efforts budgétaires sur le programme 177 , avec une enveloppe qui passe de 1,3 milliard d'euros en 2015 à 1,4 milliard d'euros en 2015 , auxquels s'ajoute l'abondement de 69,9 millions d'euros voté par l'Assemblée nationale dans le cadre de la mise en oeuvre du plan « Réfugiés ».

L'enveloppe de 90 millions d'euros initialement prévue pour la veille sociale , en hausse de 2,5 % par rapport à 2015, doit permettre, selon le projet annuel de performances, de jouer un rôle de premier contact et de proposition d'accueil « aux personnes sans abri, en mettant à disposition des aides matérielles et en procédant au recueil de leur besoin d'hébergement et à une proposition d'orientation vers des structures d'hébergement, d'accompagnement et d'orientation ».

À ce titre, votre rapporteur spécial soutient tout particulièrement la réforme en cours des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) , qui devrait aboutir à un service intégré et unique par département et permettre ainsi une rationalisation et une optimisation des conditions d'accueil des personnes en situation d'urgence. Il parait en effet incroyable que certains départements puissent encore comprendre jusqu'à six SIAO !

La mise en place d'un système d'information unique (SI-SIAO) devrait également aboutir à une meilleure connaissance des demandes et des places disponibles, via la création d'une base nationale agrégée. À compter du 1 er janvier 2017, les SIAO intégrés devront en principe utiliser cet outil qui n'est actuellement en place que pour l'insertion, le module relatif à l'urgence étant en cours de fiabilisation. Il est d'ores et déjà déployé dans 39 départements et la direction générale de la cohésion sociale espère qu'il le sera dans 45 à 50 départements d'ici la fin de l'année.

L'hébergement d'urgence et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) bénéficient d'une dotation de 1,1 milliard d'euros , contre 1 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015.

Le nombre de places d'hébergement d'urgence hors CHRS a considérablement augmenté au cours des dernières années puisqu'il a connu une hausse de 6,5 % (1 845 places) en un an (entre le 31 décembre 2013 et le 31 décembre 2014), pour atteindre 30 537 places, et surtout de plus de 64 % depuis 2010.

Le Gouvernement a également mis en place un plan de réduction du recours aux nuitées d'hôtel en 2015 , avec pour objectif, à coût constant, de remplacer, sur la période 2015-2017, 10 000 places en hôtel par 2 500 places d'hébergement d'urgence pour familles, 9 000 places en intermédiation locative et 1 500 places en pensions de famille.

Pour autant, il convient de noter que le nombre de nuitées d'hôtel ne cesse d'augmenter puisqu'on comptait 32 300 places en hébergement hôtelier en 2014, contre 25 496 en 2013. Au 30 juin 2015, la tendance se poursuivait, avec 37 318 places.

Compte tenu des éléments qu'il a pu recueillir auprès de la direction générale de la cohésion sociale et de ses auditions, votre rapporteur spécial constate que le plan de réduction des nuitées d'hôtel devrait au mieux permettre de stabiliser leur hausse au cours des prochains mois .

Le montant attribué aux CHRS augmente légèrement , passant de 623 millions d'euros en 2015 à 636 millions d'euros en 2016 . Ces centres comptaient 40 690 places au 31 décembre 2014, ainsi répartis : 5 763 places d'hébergement d'urgence, 3 881 places d'hébergement de stabilisation et 31 046 places d'hébergement d'insertion.

La hausse des crédits profite également au logement adapté , avec 203 millions d'euros en 2016 contre 199,4 millions d'euros en 2015, ainsi qu'aux maisons de relais et pensions de famille , avec 86 millions d'euros en 2016 contre 80,4 millions d'euros en 2015.

Votre rapporteur spécial se félicite de ces crédits supplémentaires qui bénéficient à d'autres dispositifs que l'hébergement d'urgence et qui offrent des solutions alternatives intéressantes.

S'agissant de l'accueil des réfugiés à la suite de la crise migratoire que connaît l'Europe, le Gouvernement a, tout d'abord, mis en place un plan « Migrants », qui s'est concrétisé par une circulaire du 22 juillet 2015 9 ( * ) en vertu de laquelle doivent être créées 11 000 places d'hébergement, parmi lesquelles 5 000 places de logements adaptés pour les réfugiés et 1 500 places d'hébergement d'urgence, « permettant une évaluation rapide de la situation et du projet migratoire des personnes actuellement sans solution sur le territoire national ».

Par la suite, conformément au plan de relocalisation de l'Union européenne en application duquel la France devrait accueillir 30 000 réfugiés en deux ans, le Premier ministre a annoncé le 16 septembre dernier un plan de financement de 279 millions d'euros pour les réfugiés et de 250 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence.

En ce qui concerne le programme 177 10 ( * ) , 130 millions d'euros ont effectivement été ouverts en 2015 par le décret d'avance précité du 23 octobre dernier et 96,02 millions d'euros ont sont venus abonder les programmes 177 et 109 comme indiqué supra 11 ( * ) . Il convient toutefois de rappeler que, sur les 130 millions d'euros ouverts sur l'année 2015, 100 millions d'euros visent uniquement à couvrir les dépenses correspondant à l'exécution 2014 et la budgétisation initiale pour 2015.


* 4 Auparavant, il s'agissait du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

* 5 En effet, l'enveloppe initiale, fixée à 1,366 milliard d'euros, était inférieure à l'exécution 2013 (1,396 milliard d'euros à périmètre constant, c'est-à-dire hors action 04 « Rapatriés ») et les besoins sur 2014 étaient d'un montant déjà bien plus élevé. En outre, rien ne justifiait d'être plus optimiste pour l'année 2015, compte tenu du contexte économique et social que connaît notre pays.

* 6 Décret n° 2015-1347 du 23 octobre 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 7 L'amendement prévoit également un complément de 26,17 millions d'euros en AE et CP pour le programme 109 « Aide à l'accès au logement » pour financer les aides personnelles au logement susceptibles d'être servies aux réfugiés. Cf . le II de la présente seconde partie.

* 8 Fixé à l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 9 Circulaire interministérielle relative à la mise en oeuvre du plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits - faire respecter le droit ».

* 10 L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile est en principe financé prioritairement sur le programme 303 Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration ».

* 11 Cf. le B du II de la première partie du présent rapport.