M. Philippe Dallier, rapporteur spécial

II. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L'ACCÈS AU LOGEMENT » : UNE RÉFORME DES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT LIMITÉE POUR DES DÉPENSES POURSUIVANT LEUR TENDANCE HAUSSIÈRE

À compter du projet de loi de finances pour 2016 et comme cela a déjà été indiqué dans la présentation globale de la mission, le programme 109 « Aide à l'accès au logement » connaît une importante évolution avec l'intégration dans le budget de l'État du financement des allocations de logement familiales (ALF) - qui correspondent à l'un des trois types d'aides personnelles au logement - pour un montant estimé à 4,7 milliards d'euros . Ces allocations étaient jusqu'à présent financées par la branche famille de la sécurité sociale.

Désormais, les trois aides personnelles au logement (aide personnalisée au logement - APL -, allocation de logement social - ALS - et allocation de logement familiale - ALF) sont financées par le fonds national d'aide au logement (Fnal), dont la subvention d'équilibre est assurée par le budget de l'État.

Les aides personnelles au logement constituent ainsi la quasi-totalité des crédits du programme 109, avec 15,4 milliards d'euros inscrits sur l'action 01 « Aides personnelles » .

Deux autres actions du programme 109, qui a pour responsable le directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, concernent, pour des sommes bien plus limitées, les dépenses d'intervention relatives à l'information sur le logement et l'accompagnement des publics en difficulté, assurée par l'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) et les 79 agences départementales d'information sur le logement (ADIL), et les dispositifs de sécurisation des risques locatifs en extinction 12 ( * ) .

Répartition des crédits par actions du programme

(AE=CP en milliers d'euros)

Actions

Exécution 2014

LFI 2015

(AE=CP)

PLF 2016

(AE=CP)

Évolution
2016/2015

01 Aides personnelles

5 176 724

10 966 950

15 385 785

40,3 %

02 Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

7 546

8 000

8 000

0 %

03 Garantie des risques locatifs

8 348

8 200

8 200

0 %

Total

5 192 618

10 983 150

15 401 985

40,2 %

Source : commission des finances du Sénat

A. UNE PRÉVISION D'ÉQUILIBRE DU FNAL REPOSANT SUR DES MESURES D'ÉCONOMIES LIMITÉES

1. Des dépenses liées aux aides personnelles au logement qui n'ont cessé de progresser

Les dépenses liées aux aides personnelles au logement constituent, en termes de crédits budgétaires, un poste de dépenses de plus en plus important au sein de la politique du logement de l'État. Ainsi, selon les comptes du logement pour 2013 13 ( * ) , les aides personnelles versées, hors primes de déménagement et frais de gestion, ont augmenté de plus de 25 % en dix ans (2004-2013), pour atteindre 17,4 milliards d'euros en 2014 .

Évolution des dépenses liées aux aides personnelles au logement

(en millions d'euros)

Nb : les montants correspondent aux sommes versées aux allocataires et ne tiennent donc pas compte des frais de gestion. Ils n'incluent pas non plus les dépenses liées à la prime de déménagement.

Source : compte du logement 2013

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dépense de 18,188 milliards d'euros , y compris la prime de déménagement et les frais de gestion équivalant à 2 % du total des aides versées, soit une baisse de 188 millions d'euros par rapport à 2015 (année pour laquelle la prévision est établie à 18,376 milliards d'euros).

Cette évolution tient notamment compte des mesures d'économies proposées par l'article 55 du présent projet de loi 14 ( * ) qui devraient, selon les estimations du Gouvernement avant examen du texte en première lecture par l'Assemblée nationale, permettre de réaliser des économies de 185 millions d'euros en 2016 et de 274 millions d'euros à compter de 2017 (en année pleine).

Concernant plus spécifiquement le Fnal, les dépenses ont continué de croître au cours des dernières années. En 2014, ses charges ont ainsi été supérieures de 246 millions d'euros à la prévision initiale et de 269 millions d'euros à l'exécution 2013.

Évolution des charges du Fnal entre 2008 et 2016

* Hausse de 4,4 milliards d'euros compte tenu du financement par le Fnal de l'allocation de logement familiale (ALF) à compter de 2016.

Source : commission des finances

Pour 2015, il est fort probable qu'une nouvelle fois, l'exécution soit supérieure à la prévision initiale , comme votre rapporteur spécial aura l'occasion d'y revenir dans son analyse sur la prévision de la subvention d'équilibre versée par l'État 15 ( * ) .

La prévision de charges pour le Fnal s'établit à 18,2 milliards d'euros pour 2016, correspondant à la totalité des dépenses attendues au titre des trois aides personnelles au logement : 8,2 milliards d'euros pour les APL, 5 milliards d'euros pour les ALS, 4,6 milliards d'euros pour les ALF et 357 millions d'euros au titre des frais de gestion.

2. Des mesures tendant à modifier les modalités d'attribution et de calcul des aides sans impact massif sur la dépense

Au cours des dernières années, le Gouvernement a tenté de maîtriser la hausse des dépenses liées aux aides personnelles avec plusieurs mesures jouant sur l'évolution des paramètres de calcul 16 ( * ) .

Ainsi, en 2014, la revalorisation des aides personnelles au logement (sur l'indice de référence des loyers) a été décalée du 1 er janvier au 1 er octobre par l'article 64 de la loi de finances pour 2014 17 ( * ) .

En 2015, le Gouvernement a également modifié les modalités de revalorisation de l'abattement forfaitaire R0 qui permet de calculer les aides personnelles au logement du secteur locatif hors foyers. En ne retenant plus une indexation de cet abattement sur l'évolution de la valeur du revenu de solidarité active (RSA) mais sur l'inflation de l'année n-2, le montant des aides versées a augmenté moins rapidement.

Par ailleurs, l'article 93 de la loi de finances pour 2015 18 ( * ) a également prévu une réforme des aides personnelles au logement « accession » . Pour mémoire, ces aides sont jusqu'à présent versées aux ménages modestes pour leur permettre de devenir propriétaire en prenant en charge une partie des mensualités de remboursement des emprunts contractés.

Il était ainsi prévu, en vertu de ce texte, que ces aides personnelles à l'accession à la propriété soient transformées, au 1 er janvier 2016, en « filet de sécurité » contre les accidents de la vie et ne soient plus octroyées qu'en cas de perte de ressources du ménage de plus de 30 % par rapport à la date de signature de l'emprunt.

Votre rapporteur spécial se félicite que l'article 55 du projet de loi de finances pour 2016 revienne sur cette mesure qui devait entrer en vigueur le 1 er janvier prochain. Dès son examen l'an dernier, le Sénat s'était opposé à cet article du projet de loi de finances pour 2015 et l'avait supprimé .

En effet, les aides personnelles au logement « accession » constituent un dispositif efficace d'aide à l'accession sociale à la propriété pour les ménages modestes. Comme votre rapporteur spécial l'avait déjà indiqué, elles sont un « coup de pouce » parfois indispensable pour permettre à ces futurs propriétaires d'obtenir leur prêt auprès d'établissements bancaires qui en tiennent compte dans l'établissement du plan de remboursement.

Par ailleurs, l'article 55 du projet de loi de finances pour 2016 , tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, proposait trois mesures tendant à dégager des économies , soit en modifiant les modalités de prise en compte de la situation financière des bénéficiaires, soit en réduisant voire en supprimant les aides pour les loyers trop élevés.

Ainsi, il est tout d'abord prévu de prendre en compte , non plus seulement les revenus de l'allocataire et les membres de son foyer mais également l'ensemble de leur patrimoine . À l'Assemblée nationale, il a été précisé qu'il ne serait toutefois pris en compte que s'il représentait une valeur supérieure à 30 000 euros.

Votre rapporteur spécial proposera un amendement tendant à supprimer ce seuil , considérant qu'il est normal que le patrimoine , même non productif de revenus, figure parmi les éléments permettant de déterminer la situation financière des bénéficiaires des aides . Bien entendu, les mesures devront être adaptées, notamment en cas de biens en indivision par exemple.

Il paraît d'autant plus normal de ne pas retenir de seuil que ce n'est pas le cas non plus pour le calcul du revenu de solidarité active (RSA) pour lequel la prise en compte de la « valeur en capital des biens non productifs de revenus » existe déjà.

L'article 55 du présent projet de loi prévoit également l'instauration d'un dispositif de dégressivité des aides en retenant plusieurs plafonds de loyer (supérieurs au loyer-plafond retenu pour le calcul des aides). Ainsi, sous des conditions restant à définir par décret, dès lors qu'un certain plafond de loyer serait dépassé, l'aide serait réduite. Puis, pour les loyers qui dépasseraient un second plafond, l'aide serait supprimée.

L'Assemblée nationale a précisé que le premier plafond applicable pour la dégressivité des aides devrait être supérieur à 2,5 fois le loyer-plafond de base retenu pour le calcul des aides.

Votre rapporteur spécial est favorable à un dispositif de dégressivité des aides qu'il a d'ailleurs lui-même évoqué par le passé 19 ( * ) et qui devrait permettre , en particulier, de lutter contre les cas les plus manifestes d'effet inflationniste des aides personnelles au logement sur les montants des loyers. Votre rapporteur spécial a notamment pu constater de nombreux cas de loyers abusifs en zone tendue.

Compte tenu des montants des loyers des bénéficiaires des aides sur l'ensemble du territoire, votre rapporteur spécial a pu constater également qu'en retenant le même ratio pour calculer les plafonds de loyers sur les trois zones actuellement existantes (zones 1, 2 et 3), l'essentiel des efforts serait porté par la zone 1 (Paris et une partie de l'Île-de-France). Selon les informations recueillies auprès du ministère chargé du logement, 5 % des bénéficiaires des aides personnelles au logement auraient ainsi un loyer supérieur à 2,5 fois le loyer-plafond en zone 1 tandis qu'ils seraient moins de 2 % en zones 2 et 3.

L'article 55 prévoit également de supprimer le dispositif législatif, prévu pour les trois aides, permettant d'exonérer d'évaluation forfaitaire les demandeurs âgés de moins de 25 ans et disposant d'un contrat de travail autre qu'un contrat à durée indéterminée . Pour mémoire, l'évaluation forfaitaire consiste à calculer l'aide, non pas au regard des revenus de l'année n-2 lorsqu'ils sont particulièrement faibles (au plus 1 015 fois le salaire minimum de croissance horaire-SMIC) mais à partir des revenus du mois précédant l'ouverture des droits.

Le fait que cette évaluation ne s'applique pas aux actifs les plus jeunes s'explique par la particulière précarité à laquelle ils peuvent être confrontés, dans la mesure où ils sont souvent soumis à des changements de situation professionnelle lors de leur entrée sur le marché du travail (et ce, même si d'autres bénéficiaires des aides personnelles au logement peuvent rencontrer les mêmes difficultés).

Pour autant, il a été indiqué à votre rapporteur spécial que cette exonération est désormais appliquée à l'ensemble des jeunes de moins de 25 ans, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, c'est-à-dire également en cas de contrat à durée indéterminée (CDI). Or, cette extension contra legem ne se justifie pas, le jeune actif n'ayant pas à bénéficier d'une aide supérieure à tout autre allocataire.

Aussi, votre rapporteur spécial soutient la suppression , opérée par l'Assemblée nationale en première lecture, de la mesure tendant à abroger l'exonération d'évaluation forfaitaire pour les jeunes actifs. Dans le même temps, comme ses collègues députés, il invite le Gouvernement à appliquer strictement cette mesure en la réservant réellement aux plus précaires.

L'Assemblée nationale a également inséré un article additionnel 55 quater tendant à exclure du bénéfice des aides personnelles au logement les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt annuel de solidarité sur la fortune (ISF) .

Votre rapporteur spécial n'est pas favorable à ce dispositif de portée purement symbolique, qui ne répond que très imparfaitement aux critiques concernant le régime applicable aux étudiants pour lesquels il n'est actuellement pas tenu compte des ressources réelles des parents. Exclure les enfants de redevables de l'ISF du bénéfice des aides personnelles au logement reviendrait à ne retenir que la valeur du patrimoine dans l'appréciation des ressources des parents et en aucun cas leurs revenus. Si l'on peut intuitivement penser que les familles redevables de l'ISF sont généralement des familles aisées, ce critère ne permet en rien d'appréhender l'ensemble des familles bénéficiant d'un niveau de vie élevé.

En outre, le patrimoine entrant dans le champ de cet impôt est très spécifique puisqu'en sont exclus, par exemples, les biens professionnels et les oeuvres d'art. Ces étudiants subiraient donc un traitement très différencié par rapport à d'autre dont les parents disposeraient de très importants revenus ou d'un patrimoine non taxable au titre de l'ISF, ce qui ne paraît pas justifié.

En revanche, convaincu que la spécificité du régime des étudiants paraît de plus en plus contestable au regard de son caractère très favorable mais aussi conscient de la sensibilité du sujet , votre rapporteur spécial demande au Gouvernement la remise d'un rapport avant le 1 er juillet 2016, tendant à déterminer les modalités selon lesquelles les ressources des parents pourraient être prises en compte dans le calcul des aides personnelles au logement versées aux étudiants .

Globalement, votre rapporteur spécial constate que les mesures d'économie prévues dans le texte transmis par l'Assemblée nationale sont très limitées et bien éloignées des ambitions initiales du Gouvernement qui espérait réaliser 1 milliard d'euros de dépenses en moins. En tenant compte du maintien de l'aide personnelle au logement « accession », les dispositions de l'article 55 du projet de loi se limitent, en effet, selon l'évaluation préalable, à 185 millions d'euros d'économies en 2016 (diminuées de 10 millions d'euros compte tenu de l'instauration d'un seuil pour la prise en compte du patrimoine des allocataires) et à 274 millions d'euros à compter de 2017 (en année pleine).

Par ailleurs, le Gouvernement a également décidé d'opérer une troncature à l'euro inférieur des aides , qui pourrait conduire à des économies d'au moins 20 millions d'euros .

Au-delà des dispositions déjà prévues dans le projet de loi de finances, votre rapporteur spécial souhaite également demander la remise d'un rapport au Gouvernement sur les modalités d'établissement d'une « base de données logements » qui serait commune aux caisses d'allocations familiales, au ministère chargé du logement et la direction générale des finances publiques (DGFiP), à partir de la base cadastrale de cette dernière et du numéro fiscal invariant de chaque logement. Ainsi, l'établissement d'une telle base pourrait permettre d'envisager, ensuite, l'introduction d'un plafond de loyer par mètre carré ou encore d'un plafond de surface par occupant, comme le proposait la revue de dépenses réalisée par la mission d'évaluation de la politique du logement 20 ( * ) . De même, la lutte contre la fraude pourrait être renforcée (par exemple, lorsque plusieurs aides sont servies pour le même logement).

Enfin, votre rapporteur spécial souhaite également introduire , dans le mode de calcul des aides personnelles au logement, la prise en compte d'un taux d'effort minimal des ménages , net des aides personnelles au logement , qui serait fonction de la composition du ménage, de leur loyer ou de leur remboursement de prêt et de leurs ressources .

En effet, selon les chiffres du ministère du logement, malgré l'existence d'une participation personnelle dans le barème de calcul des aides, le taux d'effort net des ménages peut s'avérer particulièrement bas. Ainsi, dans le secteur locatif (hors étudiants et ménages ayant un revenu inférieur à 1/6 ème du SMIC), en décembre 2013, près de 10 % des allocataires avaient un taux d'effort net (après aide et hors charges réelles) inférieur à 5 % et 17 % inférieur à 10 %. Parmi les bénéficiaires des APL, un peu moins de 30 % auraient un taux d'effort net inférieur à 10 % et 11 % auraient même un taux d'effort nul.

Selon les chiffres de la revue de dépenses relative aux aides personnelles au logement locatif, réalisée par la mission d'évaluation de la politique du logement précitée, 10 % des ménages (hors étudiants) avaient un taux d'effort inférieur à 5,6 % en décembre 2013, en prenant également en compte, dans les ressources, les prestations familiales (qui n'entrent pas dans le calcul des aides personnelles au logement).

Il conviendrait que le dispositif, qui pourrait être défini au niveau réglementaire, évite d'accentuer l'effet inflationniste des aides (avec le risque que les propriétaires ne louent leur bien en tenant compte de ce seuil). Comme le proposait la revue de dépenses précitée, les paramètres du barème actuellement existant pourraient ainsi être modifiés ou encore un dispositif d'écrêtement envisagé. De même, le barème de calcul pourrait être revu afin de garantir ce taux d'effort minimal.

En tout état de cause, votre rapporteur spécial est conscient de la difficulté de réformer les aides personnelles au logement qui , comme l'a notamment démontrée l'enquête demandée par la commission des finances à la Cour des comptes en vertu de l'article 58-2 de la LOLF 21 ( * ) , ont un très fort effet redistributif et sont efficaces en termes de réduction du taux d'effort des ménages.

C'est l'une des raisons pour lesquelles votre rapporteur spécial trouve séduisante la piste de réforme de plus long terme , proposée par le Cour des comptes, tendant à fusionner, au sein d'une prestation unique, les aides personnelles au logement, certains minima sociaux et la prime d'activité .

B. UNE PRÉVISION BUDGÉTAIRE POUR 2016 DONT IL EST DÉJÀ PERMIS DE DOUTER

Compte tenu de la budgétisation du financement des ALF, la subvention de l'État au Fnal progresse à périmètre courant de 4,4 milliards d'euros , passant ainsi de 11 milliards d'euros en 2015 à 15,4 milliards d'euros en 2016 (+ 40 %). Pour mémoire, la contribution de l'État avait déjà doublé en 2015 à la suite de la « rebudgétisation » de la partie des APL jusqu'alors financée par la branche famille de la sécurité sociale.

Ces changements de périmètre rendent les comparaisons avec les années précédentes difficiles. Il convient toutefois de mentionner le fait que les prévisions budgétaires ont toutes été inférieures à l'exécution réellement constatées depuis 2008 . Les années 2014 et 2015 n'ont pas dérogé à la règle puisque :

- en 2014, avec une prévision initiale de 5,088 milliards d'euros, la subvention finalement versée par l'État s'est finalement élevée à 5,177 milliards d'euros, soit un écart de 89 millions d'euros ;

- en 2015, la prévision devrait également être dépassée puisque le projet de loi de finances rectificative pour 2015, actuellement en cours de discussion devant le Parlement, prévoit d'ouvrir 70,3 millions d'euros supplémentaires, portant ainsi les crédits consacrés au financement des aides personnelles au logement à 11,037 milliards d'euros.

Évolution de la subvention d'équilibre versée par l'État au Fnal 2008-2015

(en euros)

* Prévision compte tenu de l'ouverture de 70,3 millions d'euros dans la loi de finances rectificative pour 2015 actuellement en cours d'examen par le Parlement.

Source : commission des finances

En ce qui concerne l'enveloppe consacrée par l'État aux aides personnelles au logement pour 2016, son réalisme dépend notamment de la sincérité de la budgétisation des ALF, estimée à 4,7 milliards d'euros .

En outre, il peut paraître assez étonnant de constater que l'État anticipe une augmentation de plus de 100 millions d'euros par rapport à 2015 des cotisations employeurs qui contribuent par ailleurs au financement du Fnal, prévoyant ainsi une ressource à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Déjà en 2014, l'exécution avait été inférieure de 41 millions d'euros à la prévision.

Les prévisions budgétaires pour 2016 reposent également sur l'hypothèse d'une baisse du nombre de chômeurs.

Enfin, l'année 2016 risque très vraisemblablement de débuter avec une dette de l'État vis-à-vis des organismes liquidateurs des aides encore plus élevée qu'elle ne l'est actuellement.

En effet, alors qu'en 2013 et 2014 le Fnal n'était déjà pas parvenu à couvrir l'intégralité des dépenses engendrées par les aides personnelles au logement, il semblerait que la subvention d'équilibre de l'État ne sera pas, une nouvelle fois, à la hauteur des besoins en 2015.

Selon les chiffres obtenus auprès du Gouvernement, 285 millions d'euros prévus au titre de l'action 01 « Aides personnelles » devraient ainsi manquer à la fin de l'année, seuls 70 millions d'euros supplémentaires étant ouverts par le projet de loi de finances rectificative pour 2015 actuellement en cours d'examen par le Parlement. Ainsi, environ 215 millions d'euros viendraient à manquer à la fin de l'année et seraient reportés sur 2016.

La dette du Fnal progresse donc d'année en année et laisse craindre, par un « effet boule de neige », une résorption de plus en plus difficile à l'avenir.

Évolution de la dette du Fnal entre 2013 et 2015*

(en millions d'euros)

* Pour 2015, il s'agit d'une prévision à fin d'année compte tenu des dépenses attendues comparé à l'insuffisance des crédits inscrits initialement et de l'ouverture prévue par la loi de finances rectificative.

Source : commission des finances

Afin de réduire l'enveloppe budgétaire de l'État consacrée au financement des aides personnelles au logement, l'article 54 du présent projet de loi de finances pour 2016 prévoit deux ressources complémentaires.

Tout d'abord, une contribution exceptionnelle d'Action logement de 100 millions d'euros est prévue. Elle correspond à la part non affectée de l'enveloppe de 1 milliard d'euros qu'Action logement s'est engagée à consacrer aux politiques nationales en 2016, en vertu de la convention quinquennale 2015-2019 établie entre l'État et l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL)-Action logement le 2 décembre 2014.

Votre rapporteur spécial ne peut que constater la prolongation, certes d'un montant moins élevé qu'auparavant, d'un prélèvement sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) qui devait être exceptionnel lors de sa création en 2013. Pour autant, il ne s'y oppose pas dans la mesure où il convient d'assurer le financement des aides personnelles au logement et où cette enveloppe de 100 millions d'euros était prévue dans la dotation globale d'Action logement.

Il lui paraît, en revanche, indispensable que, conformément aux engagements pris dans le cadre de la convention quinquennale du 2 décembre 2014, cette participation s'achève dès 2017. Comme il a déjà eu l'occasion de l'affirmer l'an dernier, les moyens financiers d'Action logement n'ont pas vocation à financer des dépenses d'intervention et doivent plutôt être tournés vers la construction de logements et la rénovation urbaine.

L'article 54 du projet de loi de finances pour 2016 prévoit également d'attribuer au financement du Fnal le produit de la surtaxe applicable aux plus-values de cessions immobilières supérieures à 50 000 euros, dans la limite d'un plafond fixé à 45 millions d'euros. Il s'agit d'une recette jusqu'à présent attribuée au fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation auquel devrait se substituer un fonds national d'aide à la pierre (Fnap) en vertu de l'article 56 du présent projet de loi de finances.

Ces deux ressources devraient permettre d'alléger, de façon toutefois très modeste, le poids du financement des aides personnelles au logement pour l'État . 145 millions d'euros sont ainsi garantis, pour une dépense estimée à 18,2 milliards d'euros...

Évolution des ressources du Fnal 2014-2016

(en millions d'euros)

Exécution 2014

Prévisions LFI 2015

Prévisions PLF 2016

Contribution de la branche famille de la sécurité sociale

4 587

-

-

Produit des cotisations employeurs

2 716

2 555

2 657

Prélèvement exceptionnel sur la participation des employeurs à l'effort de construction - subvention Action logement

300

300

100

Contribution de solidarité sur les revenus du capital

675

-

-

Surtaxe sur les plus-values immobilières

-

-

45

Contribution de l'État

5 177

10 968

15 386

Total

13 455

13 823

18 188

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des projets annuels de performance pour 2015 et 2016

C. UN NOUVEAU DISPOSITIF DE SÉCURISATION DES RISQUES LOCATIFS RÉSERVÉ À CERTAINES CATÉGORIES DE LOCATAIRES ET EXCLUSIVEMENT FINANCÉ PAR ACTION LOGEMENT

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend 8,2 millions d'euros en AE et en CP pour assurer le financement de la garantie des risques locatifs. Ce dispositif, en cours d'extinction, a vocation à être remplacé à compter du 1 er janvier 2016.

Initialement, c'est la garantie universelle des loyers (GUL), créée par l'article 23 de la loi ALUR 22 ( * ) , qui devait prendre le relais à compter de cette date mais le Gouvernement a finalement renoncé à l'appliquer.

Un dispositif spécifiquement ciblé sur les étudiants a, dès lors, été développé, après une phase d'expérimentation. Ainsi, la caution locative étudiante (Clé) permet à ceux qui ne disposeraient pas de garant personnel de bénéficier d'une garantie de l'État au cours de l'année universitaire. Le dispositif est applicable à tous les étudiants disposant de revenus mais sans caution familiale, amicale ou bancaire et cherchant à se loger en France pour y faire leurs études et âgés de moins de 28 ans au 1 er septembre de l'année de signature du bail, sauf s'ils sont doctorants ou post-doctorants de nationalité étrangère.

Le fonds de garantie mutualiste est abondé par l'État (300 000 euros), la Caisse des dépôts et consignations (300 000 euros), la participation des régions souhaitant s'associer au dispositif (100 000 euros par région) et les cotisations versées par les étudiants (1,5 % du montant du loyer mensuel).

À la fin août 2015, près de 7 100 Clé avaient été validées, dont 4 600 sont toujours actives (locations en cours), depuis l'entrée en vigueur du dispositif.

En accord avec l'État, les partenaires sociaux ont également décidé de mettre en place un « nouveau dispositif de sécurisation des loyers », dénommé Visale (Visa pour le logement et l'emploi), tendant à remplacer progressivement la garantie des risques locatifs (GRL) à partir du premier trimestre 2016.

Selon les termes de la convention quinquennale 2015-2019 signée le 2 décembre 2014 par l'État et l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) - Action logement, ce nouveau dispositif, entièrement financé par la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), permettra de « sécuriser les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail , y compris mission d'intérim, ou par promesse d'embauche, hors CDI confirmé , d'une entreprise du secteur assujetti (secteur privé hors agricole) et entrant dans un logement du parc locatif privé ». Seuls les salariés les plus précaires sont donc visés.

Il bénéficiera également « à l'ensemble des jeunes salariés de moins de 30 ans du secteur assujetti [secteur privé hors agricole], ainsi qu'aux ménages accompagnés dans le cadre d'une intermédiation locative ».

Il prendra la forme d'un contrat de cautionnement dans lequel Action logement s'engagera à payer au bailleur les loyers et charges récupérables non payées par son locataire, dans la limite d'un plafond fixé à 1 300 euros (1 500 euros pour Paris intra-muros ) et pour 36 mois de loyer au maximum. Les ménages bénéficiaires de ce dispositif devront répondre à des critères précis concernant leur taux d'effort et leur lien à l'emploi.

Le 10 novembre 2015, lors d'une intervention devant Action Logement, Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, a précisé qu'une convention entre l'État et Action Logement serait signée très prochainement pour permettre la mise en place de ce nouveau dispositif Visale et que les dispositions nécessaires à sa dématérialisation seraient prévues par un prochain projet de loi.


* 12 Cf. le C du présent II.

* 13 Compte du logement 2013 - Premiers résultats 2014, Commissariat général au développement durable, février 2015.

* 14 Cf. le 2° du présent A et le commentaire de l'article 55 du présent projet de loi.

* 15 Cf. le B du présent I.

* 16 Pour le détail de ces mesures, se reporter au commentaire de l'article 55 du présent projet de loi de finances.

* 17 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 18 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 19 Cf. le compte-rendu de la commission des finances du 29 novembre 2011, lors de l'examen de la taxe sur les loyers abusifs pour les micro-logements, dite « taxe Apparu », et le commentaire de l'article 55 du présent projet de loi de finances.

* 20 Mission d'évaluation de la politique du logement, Présentation des conclusions finales, document de travail, 23 juin 2014.

* 21 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 22 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).