MM. Yannick Botrel et Alain Houpert, rapporteurs spéciaux

II. LA POLITIQUE DE SOUTIEN À L'AGRICULTURE, LES ANNÉES DE CRISES PÈSENT

L'agriculture française vient de subir deux années de crises qui ont touché les différentes filières. Certaines d'entre elles sont liées à des évolutions du contexte économique ou géopolitique, d'autres à des événements climatiques ou sanitaires spécifiques à la France.

Ces crises se sont plaquées sur une « Ferme France » qui rencontre des difficultés à persister dans son modèle d'agriculture diversifiée. Entre 2010 et 2014, le nombre des exploitations aura diminué de près de 10 %. Si cette profonde dégradation du tissu agricole n'a pas eu de correspondance dans les évolutions de la surface agricole utilisée et si elle a contribué à une certaine résilience du revenu agricole moyen, apprécié par chef d'exploitation en activité, elle traduit ce qui est plus qu'un effritement de la base agricole française, qui, apparemment, touche principalement ses marges.

Dans ce contexte, il faut ajouter une inquiétude quant à l'efficacité, voire la nature même des amortisseurs traditionnels des crises agricoles. Les canaux structurels par lesquels agissent les soutiens agricoles paraissent de moins en moins à même d'exercer ce rôle de sorte que des mesures exceptionnelles doivent de plus en plus intervenir pour soutenir les revenus agricoles. La répétition des crises tend à conférer à ces mesures exceptionnelles, conçues pour les « temps de crise », une dimension structurelle alors qu'elles ne vérifient aucune des propriétés des instruments utilisés pour piloter le devenir de l'agriculture française. Par ailleurs, par leur poids budgétaire, ces amortisseurs tendent à être également des concurrents des moyens employés dans le cadre des différentes actions publiques qui concourent à la conduite de la politique agricole française.

A. TOUTES NE MOURAIENT PAS...

Les différentes filières de production ont connu, avec plus ou moins de force, une conjonction défavorable marquée par une baisse des prix et des difficultés à s'inscrire dans la trajectoire mondiale, qui l'explique principalement, la hausse des productions agricoles dans un contexte de fluctuations parfois fortes de la demande.

Les stabilisateurs économiques ont pu jouer, notamment la baisse des prix des consommations intermédiaires, aliments et énergie, mais ils n'ont pas suffi à compenser la dégradation des conditions de marché, d'autant moins que, dans certains cas, ces stabilisateurs en ont été l'un des résultats.

Les mécanismes de soutien de la politique agricole commune dans son ancienne formule qui demeurent disponibles dans un nombre limité de cas ont été réactivés. Ainsi en est-il allé de l'intervention publique dans le secteur laitier. Ce retour à des formes de régulation cycliques, qui ne bénéficient pas d'un consensus, devrait être pris au sérieux, comme représentant peut-être un « signal faible » d'une difficulté structurelle rencontrée par la politique agricole européenne, celle d'une union entre des préférences collectives marquées par des objectifs hors marché et une tendance au désengagement des régulateurs.

Les filières agricoles en 2015

I - Secteurs de l'élevage (lait et viande)

- La filière laitière française n'a pas réussi à compenser la chute des cours par l'augmentation de la récolte, en contraste avec ses grands concurrents européens. La présentation des productions à l'intervention publique qui a beaucoup progressé doit beaucoup de cette dynamique à la France. Les sensibilités inégales des productions européennes face à la crise témoignent de l'existence en France de problèmes structurels qui semblent concentrés dans certains bassins de production.

Dans la filière du lait de vache, l'année 2015 a été marquée par la fin du régime des quotas laitiers. À partir du 1 er avril 2015, les États membres de l'Union européenne ont pu produire au-delà de leur quota historique, sans pénalité, certains États d'Europe du nord ayant anticipé cette évolution en augmentant leur production dès la campagne 2014-2015.

La forte croissance de la production laitière mondiale et le ralentissement de la demande, notamment chinoise, ont pesé dès le deuxième trimestre 2014 sur les cours des produits industriels (principalement lait écrémé en poudre et beurre) dont les prix se situaient néanmoins à des niveaux élevés.

L'embargo russe décidé en août 2014 a ensuite accéléré la chute des cours des produits industriels en raison du report des fabrications de fromages (produit principalement exporté vers la Russie) vers celles de poudres de lait et de beurre.

Afin de remédier aux conséquences économiques de cette décision, la Commission européenne a mis en oeuvre des mesures exceptionnelles de stockage privé et d'intervention publique portant sur le beurre et la poudre de lait écrémé.

Le déséquilibre entre l'offre et la demande s'est poursuivi en 2015 et a annulé la remontée traditionnelle des cours pendant l'été.

Après une longue baisse, le cours de la poudre de lait écrémé est tombé en juillet 2015 sous le prix d'achat à l'intervention fixé à 1 698 euros/t .

Les industriels ont alors offert des volumes à l'intervention : au 31 décembre 2015, 40 000 tonnes de poudres avaient été offertes à l'intervention publique. Après un rebond en septembre-octobre, les cours des ingrédients laitiers ont de nouveau fléchi fin 2015.

En moyenne sur l'année 2015, le prix du lait standard (TB 38 - TP 32) s'est établi à 309 euros/1000 litres, 55 euros de moins que le très bon niveau de 2014 (- 15 %). Il est ainsi retombé sous le niveau de 2012 . Cette moyenne masque des écarts croissants entre bassins et surtout entre laiteries.

Dans ce contexte de baisse des prix, la collecte est restée très dynamique dans l'Union européenne en 2015 . Elle a atteint 151,8 millions de tonnes au total sur l'année, soit 3,3 millions de tonnes de plus que le très bon niveau de 2014 (+ 2,2 %). La moitié de cette hausse est le fait de deux pays seulement, les Pays-Bas et l'Irlande. En France, en 2015, la collecte est restée stable au niveau national et n'a que peu progressé dans les régions les plus dynamiques.

Sur le début de l'année 2016, la collecte européenne a poursuivi sa hausse (+ 4,5 % de janvier à mai 2016 par rapport à janvier-mai 2015) tandis que la collecte française est restée stable (+ 0,6 % sur la même période).

Le cours du beurre a montré des signes de reprise à partir du printemps 2016 mais celui de la poudre de lait écrémé se trouvait toujours au niveau de l'intervention en août 2016.

Les offres à l'intervention ont continué à un rythme soutenu : environ 330 000 tonnes ont été offertes (prix fixe + adjudication) entre le 1 er janvier et le 7 août 2016 au niveau européen, dont environ 64 000 tonnes en France (près de 20 % du total). Dans ce contexte, le prix du lait a poursuivi sa baisse pour atteindre en moyenne 284 euros/1000 litres en juin 2016, en moyenne nationale.

Dans la filière laitière caprine , la production de lait de chèvre n'a toujours pas redécollé en 2015 en dépit de conditions de marché plutôt favorables. Elle est restée quasiment stable à 586 millions de litres. Les cessations d'activité sont encore nombreuses, notamment en Poitou-Charentes et en Rhône-Alpes, deux bassins pénalisés par la pyramide des âges des éleveurs. L'agrandissement des troupeaux et la timide reprise des installations ne sont toujours pas parvenus à compenser ces arrêts. En termes de marché, après avoir chuté en 2014 faute de disponibilités, les ventes de fromages de chèvre ont très nettement repris en 2015.

Dans la filière du lait de brebis , au cours de la campagne 2015 (novembre 2014 à octobre 2015), la collecte française de lait de brebis a reculé de 0,4 %, en raison de la baisse du nombre de brebis et de la mauvaise qualité des fourrages récoltés durant l'été humide de 2014. La collecte a régressé légèrement dans les Pyrénées-Atlantiques et dans le rayon de Roquefort, mais a progressé en Corse et en dehors des trois bassins traditionnels. La production de fromage a augmenté et les exportations sont restées dynamiques. Les achats de fromages de brebis par les ménages ont progressé de 1,5 % en volume et en valeur, et la consommation de fromages AOP a progressé de 1,7 % en volume.

Dans la filière laitière biologique , la hausse du nombre d'exploitations et du cheptel laitier certifiés bio se poursuit en 2015. En fin d'année, 2 166 exploitations laitières ont livré du lait certifié bio, 57 de plus qu'un an plus tôt (+ 3%). La collecte de lait bio a ainsi progressé de 6 % par rapport à 2014 pour atteindre 575 000 tonnes en 2015. Depuis 2011, elle a bondi de 219 000 tonnes (+ 63%), cette hausse représentant 30 % de celle de l'ensemble de la collecte sur la même période soit une contribution nettement plus forte que la part de la collecte bio dans le total. La collecte de lait bio représente, fin 2015, 2,3 % de la collecte nationale.

Dans le secteur du porc , après plusieurs années de recul, la production française est restée stable en 2015 mais le poids moyen à l'abattage a augmenté de 1,4 %. Dans le même temps, les principaux producteurs européens ont augmenté leur production en 2015 : l'Allemagne (+ 0,7 %), l'Espagne (+ 8,8 %), la Pologne (+ 0,7 %) et les Pays-Bas (+ 1,6 %). Le secteur semble accuser de réels fragilités face à des concurrents européens qui, pour certains, tirent mieux leur épingle du jeu. L'économie du porc est de plus en plus exposée aux variations de la demande chinoise.

Les exportations françaises de viandes fraîches et congelées ont diminué d'environ 5 % en 2015. La baisse des exportations vers l'Union européenne est particulièrement marquée (- 9 %), situation préoccupante puisque l'UE assure trois quarts des débouchés. Elle n'a pu être compensée par la hausse des ventes sur les pays tiers (+ 5 %). Le plus fort recul est intervenu sur le principal marché, l'Italie (- 20 %), où sont commercialisés des carcasses lourdes et des jambons avec os.

Les concurrents européens (Espagne, Allemagne, Danemark) ont été particulièrement efficaces sur ce marché . Les exportations vers les pays tiers ont progressé notamment vers l'ensemble Chine/Hong Kong (+ 40 %), Taiwan (+ 160 %) mais ont diminué vers deux marchés traditionnels à forte valeur ajoutée, le Japon (- 10 %, coeur de longe) et la Corée du Sud (- 20 %, poitrine grasse). Malgré des disponibilités importantes et un approvisionnement largement couvert par les abattoirs français, les importations de viandes fraîches et congelées n'ont que faiblement diminué (- 3 %), notamment au 1 er semestre (- 1 %). Pour la deuxième année consécutive, les importations espagnoles ne progressent plus, elles ont diminué de 1 % en 2015 mais représentent encore 72 % de l'approvisionnement extérieur français . Les achats en provenance d'Allemagne et du Danemark ont également reculé (- 13 % et - 23 %) ce qui ne témoigne pas nécessairement d'un affaiblissement compétitif de ces pays qui peuvent avoir entrepris des arbitrages dynamiques de leurs ventes; ils ont en revanche progressé pour ceux issus du Royaume-Uni, d'Irlande, de Belgique, des Pays-Bas et de Pologne.

Ainsi, face à un marché européen largement approvisionné, au passage de deux pays européens au rang d'exportateur net et où la production continue d'augmenter, et devant la fermeture du marché russe, les acteurs du commerce de pièces ont eu du mal à tirer leur épingle du jeu au 1 er semestre 2015, à un tel point que la France était en passe de devenir en volume de nouveau déficitaire en viande de porc. Les meilleurs résultats au second semestre tant à l'importation (légère contraction des achats) qu'à l'exportation ont cependant permis à la France d'éviter cette situation et de dégager un solde positif en 2015, mais à nouveau en recul par rapport à 2014.

La France importe majoritairement des produits à haute valeur ajoutée (pièces de découpe très avancée pour les salaisonniers et produits transformés).

La consommation des ménages (environ 70 % de la consommation totale), est défavorablement orientée: les achats de porc frais auraient diminué d'un peu plus de 4 % en 2015, et notamment de 7 % pour la longe (côte et rôti). En ce qui concerne, les produits de charcuterie, ils sont pour la première fois légèrement orientés à la baisse (- 0,6 %), après avoir été stables en 2014.

La filière a bénéficié de la baisse significative du prix de l'aliment qui s'est accentuée depuis septembre 2015 et se poursuit encore en avril 2016. En avril 2016, l'indice est inférieur de 5,9 % à son niveau d'avril 2015, à 225 euros la tonne.

Après un début d'année 2016, ou le prix a été historiquement bas, les cours remontent au niveau de ceux de l'été 2015, soit 1,41 euro/kg.

Les exportations se reprennent depuis le début de 2016 grâce au dynamisme de la demande asiatique et notamment chinoise ce qui tire les cours dans l'Union européenne. La Chine, premier client de l'UE (entre 70 % et 80 % de l'approvisionnement chinois est fourni par l'Union européenne), a doublé ses importations totales de viande de porc entre mars 2015 et mars 2016. La dépendance de la filière porcine européenne au marché chinois s'accroît donc fortement. De son côté, la baisse des importations observée depuis 2015 se poursuit : - 13,7 % en mars 2016 par rapport à mars 2015. Elle touche particulièrement nos deux principaux fournisseurs, l'Espagne et l'Allemagne.

Dans le secteur de la viande bovine , le volume abattu en 2015 est en augmentation de 2 % par rapport à 2014, ce qui inverse la tendance des années précédentes. Ces évolutions s'accompagnent d'une baisse des prix qui pèse sur les revenus de marché des éleveurs.

L'année 2015 a été marquée par :

- une augmentation du troupeau allaitant tout au long de l'année (56 200 têtes au 1 er décembre 2015 soit une hausse de 1,3 % par rapport à 2014). Le troupeau laitier reste quasi stable (- 0,4 %) alors qu'il avait augmenté les années précédentes en lien avec la fin des quotas laitiers en avril 2015.

- un afflux de réformes laitières au second semestre, entraînant une forte chute du prix des vaches laitières et impactant aussi le cours des femelles du troupeau allaitant (vaches et génisses de races à viande). Dans ce contexte, un repli de 2,3 % de la cotation de la vache O3 entrée abattoir s'est produit (soit une baisse de 8 centimes d'euro/kg net par rapport à 2014 ;

- la consommation française en viande ressort en légère hausse en 2015, (+ 0,4%) après plusieurs années de baisse. Néanmoins, celle-ci est en profonde mutation avec une progression de la restauration hors domicile, portée par le succès des chaînes de fast-food et, au sein des achats des ménages, une explosion de la consommation de steak haché (42 % des achats des ménages en 2014, contre 37 % en 2008). L'essentiel de la viande hachée provient de la viande de vache laitière, française et européenne. Ce segment de la demande n'est donc pas porteur pour les animaux du troupeau allaitant ;

- une augmentation des exportations en vif : alors que la production de veaux de boucherie est en repli en 2015, l'augmentation des exportations de broutards a entraîné une hausse de plus de 4 % de la production totale de bovins de moins d'un an par rapport à 2014. Ainsi, les exportations totales de broutards (85 % des exportations de bovins d'élevage) ont dépassé de près de 7 % les niveaux atteints en 2014, malgré la détection d'un foyer de FCO en septembre qui a perturbé les ventes des cinq derniers mois de l'année. Les ventes vers l'Italie, principale destination des broutards français, ont reculé de près de 2 % (baisse de la demande italienne et hausse de la concurrence d'autres pays) mais une demande turque de broutards légers a pris le relais avant d'être interrompue en octobre 2015, conséquence de la FCO et des mesures sanitaires mises en place.

Ainsi sur le marché français, en 2015, les cotations des jeunes bovins R3 et U3 ont été en repli de 3 centimes à la fois pour les conformations R3 (- 0,7 %) et U3 (- 0,6 %).

En dépit d'une diminution des charges générales et du coût de l'aliment en particulier, la rentabilité des exploitations allaitantes s'est dégradée, conduisant pour les plus fragiles d'entre elles à des difficultés de trésorerie.

Le début de l'année 2016 a globalement été orienté à la hausse du cheptel, les éleveurs le conservant globalement pour optimiser le versement des primes d'aide aux bovins allaitants (ABA) au 1 er semestre 2016. Malgré une hausse des exportations et une baisse des importations, l'offre française en jeunes bovins et en vaches reste importante sur le marché de la viande créant une chute des prix sur le marché national de l'ordre de 8 % par rapport à 2015 et 2014.

Dans le secteur de la viande ovine , après deux années de recul, la production ovine française a enregistré en 2015 pour la deuxième année consécutive depuis 2014 une progression (+ 0,3 %) malgré une légère baisse en volume (- 0,3 %). L'augmentation du poids moyen des carcasses, tant en agneau qu'en brebis, explique ce résultat encourageant dans un contexte général de grande morosité à peine tempérée par les grandes fêtes religieuses qui, de plus en plus, rythment les conditions de production des élevages.

En 2015, le prix moyen pondéré de l'agneau français se situe en moyenne à 6,32 euros/kg carcasse soit - 0,5 % par rapport au niveau élevé de 2014. Comme les années précédentes, le manque de disponibilité, est la principale cause de ce résultat favorable aux éleveurs. Les prix sont très sensibles aux différentes festivités. Ainsi les prix ont été soutenus jusqu'à la fête de Pâques. La fête passée, la demande a chuté, entraînant les cours à la baisse. Ils ont ainsi été nettement en dessous de ceux de 2014, atteignant le niveau moyen des cinq dernières années durant l'été. À la fin de l'été, ils sont repartis à la hausse, tirés par la demande lors de la fête de l'Aïd El-Kébir pour ensuite baisser jusqu'à la fin de l'année, en recul par rapport à 2014.

La balance commerciale de la France est largement déficitaire : environ 55 % de la viande ovine consommée est importée et les exportations sont faibles. Cependant en baisse constante depuis 2011, l'excédent du commerce extérieur des agneaux vivants se redresse, passant de + 124 000 têtes en 2014 à + 176 000 têtes en 2015. L'amélioration du solde résulte d'un net repli des importations tandis que les exportations restent stables.

En 2015, la consommation de viande ovine, calculée par le bilan abattages + importations - exportations, continue de reculer : - 4,5 % par rapport à 2014. Dans un contexte de quasi stabilité des abattages totaux d'ovins, la hausse des exportations de viande ovine n'est pas compensée par une hausse des importations, qui se replient de 7,5 %. La part des importations dans la consommation calculée fléchit (62 % en 2010, 57 % en 2015). En poids, les achats sont en repli de 9 % par rapport à 2014 et de 17 % par rapport à la consommation moyenne sur la période 2010-2014. En valeur, le repli est de 6 % entre 2014 et 2015 et de 8 % par rapport à la moyenne 2010-2014.

Sur les cinq premiers mois de 2016 , les abattages d'agneaux ont progressé en poids de plus de 6 % et ceux d'ovins de réforme de près de 5 %. La production ovine a progressé en volume de 7 %. En avril, la fête de Pâques passée, la demande a diminué. Le cours moyen de l'agneau s'est situé à un prix inférieur de 6 % par rapport à 2015. En juillet du fait d'un manque de disponibilité, les prix ont eu tendance à remonter en anticipation de l'Aïd. Les importations de viande ovine ont marqué un repli de 48 %. Dans le même temps, les exportations ont augmenté de 12 % mais restent peu importantes en volume. En avril, la consommation apparente de viande ovine calculée par bilan recule de 10 %, en glissement annuel. Sur les cinq premiers mois de 2016, le repli de la consommation atteint 2 % par rapport à la même période de 2015.

Dans le secteur de l'aviculture , l'ensemble des filières avicoles ont bénéficié d'un coût de l'aliment favorable en 2015. Après un recul significatif des indices du coût des matières premières de l'alimentation des volailles entre 2013 et 2014 de l'ordre de 12 %, la baisse a décéléré en 2015 avec un repli des indices de 2 % à 3 % par rapport à 2014.

Concernant la filière volaille de chair, après avoir reculé de l'ordre de 2 % en 2014, la production de viande de volailles rebondit avec une progression de 2,5 % en 2015. Elle atteint désormais 1 872 milliers de tonnes, soit un niveau équivalent à celui de 2011. La quasi-totalité de cette progression est due à l'augmentation des abattages de poulets, qui progressent de 5,2 % par rapport à 2014, en raison d'un accroissement de la demande sur le marché français (+ 5,3 %), ainsi que du dynamisme des exportations sur le marché européen (+ 2,1 %) et surtout vers les pays tiers (+ 5,2 %). À l'inverse, la production de dindes recule nettement (- 4,3 %), l'utilisation d'une partie des outils de production par le poulet au détriment de la dinde expliquant pour partie ce recul.

Les importations françaises de viandes et préparations de volailles ont de nouveau progressé en 2015 (+ 4,2 % par rapport à 2014), principalement en provenance de l'Union européenne, notamment de Pologne et du Royaume-Uni. Dans ce contexte, le déficit commercial avec l'Union européenne progresse de nouveau et est désormais estimé à 379 millions d'euros (+ 24 millions d'euros par rapport à 2014). Compte tenu du dynamisme des exportations vers les pays tiers, l'excédent commercial avec les pays tiers progresse quant à lui nettement et passe de nouveau la barre des 400 millions d'euros en 2015 (contre 362 millions d'euros en 2014).

Enfin la consommation française de volaille calculée par bilan progresse de 2,4 % en 2015, malgré des achats des ménages pour leur consommation à domicile en léger recul (- 0,4 %), ce qui tend à indiquer une forte progression des achats de volailles de la restauration hors domicile. Cette évolution favorise l'importation de volailles, très présente sur ce segment de consommation. Au total, les importations représentent désormais près de 40 % de la consommation française de poulets, proportion en hausse d'un point par rapport à 2014.

S'agissant de la filière oeuf , près de 14,7 milliards d'oeufs de consommation ont été produits en 2015, soit une légère progression de la production nationale de 0,8 % par rapport à 2014. Sur l'année civile, les exportations ont progressé moins rapidement (+ 1,2 %) que les importations (+ 14,4 %), mais la balance commerciale reste largement bénéficiaire en volume (+ 12 300 tonnes équivalents oeufs consommés). Par ailleurs, les achats des ménages ont régressé sur la période (- 2,5 % en volume).

Même si le marché est resté lourd, et malgré le contexte de difficultés d'adaptation de l'offre à la demande depuis la mise aux normes « bien-être » des exploitations en 2012, les prix à la production ont progressé par rapport à 2014 (+ 5,6%), tirant profit de l'effet d'aubaine d'une épizootie d'influenza aviaire aux États-Unis qui a favorisé la progression des exportations.

Enfin concernant la filière des palmipèdes gras , après une année 2014 particulièrement positive, la production est restée quasi-stable stable en 2015, aux alentours de 19 200 tonnes de foie gras. La consommation calculée par bilan se maintient également à un niveau de l'ordre de 18 300 tonnes. L'année 2015 est marquée par une nouvelle progression des exportations (+ 1,4 % en volume par rapport à 2014) et une régression des importations (- 3,5 %) à l'origine d'une nouvelle progression de l'excédent des échanges extérieurs. Celui-ci atteint désormais 57,4 millions d'euros en valeur, soit un niveau record depuis 2000.

Cependant, cette filière est particulièrement impactée depuis le mois de novembre 2015 par l'épizootie d'influenza aviaire qui sévit dans le Sud-Ouest de la France. Près de 71 % des capacités de production de la filière sont implantées dans la zone concernée par l'épizootie et sont donc soumises aux mesures sanitaires mises en oeuvre pour la contenir, notamment à la mesure de dépeuplement mise en oeuvre entre le 18 janvier et le 9 mai 2016. Dans ce contexte, les abattages de canards gras s'effondrent de près de 23 % au cours des cinq premiers mois de l'année 2016 par rapport à la même période en 2016.

Dans une moindre mesure, les autres filières avicoles sont également impactées par les mesures sanitaires mises en oeuvre dans le Sud-Ouest et la fermeture de marchés à l'export.

II - Secteurs des productions végétales

- S'agissant des céréales , l'année 2015 a été marquée par l'abondance de la récolte française qui a atteint 72,6 millions de tonnes , notamment sous l'effet d'une forte progression de la production de blé tendre à près de 41 millions de tonnes . Ces volumes ont pesé sur le marché tout au long de la campagne 2015/2016 avec, en blé tendre, un stock de report de près de 5 millions de tonnes en fin de campagne.

La production française 2016 de céréales est estimée à 44 millions de tonnes, soit une baisse de 17 % par rapport à la moyenne 2011-2015 . Une récolte très faible est en effet attendue en blé tendre , avec 29 millions de tonnes (- 21 % par rapport à la moyenne 2011-2015). Les mauvaises conditions climatiques ont amputé les rendements et causé d'importants problèmes phytosanitaires. La qualité est semble-t-il également affectée, avec des poids spécifiques (masse volumique des grains) très bas et des calibres des grains inégaux.

Dans les pays de l'UE, la Commission européenne a estimé les disponibilités en céréales pour la campagne 2016/2017 en baisse par rapport à la campagne précédente, principalement du fait d'une diminution de la récolte de blé tendre, qui représente plus de 40 % de la production européenne de céréales.

Au niveau mondial , la production de blé tendre atteindrait 739 millions de tonnes en 2016/2017 d'après les dernières prévisions du ministère de l'agriculture des États-Unis, soit une offre pléthorique , qui dépasserait la demande pour la quatrième année consécutive. De bonnes récoltes sont attendues dans les principales régions de production du monde, en particulier aux États-Unis et en Russie et à l'exception de l'UE. La production mondiale toutes céréales est estimée à 2 046 millions de tonnes, un très haut niveau, proche du record de la campagne 2014/2015, du fait des conditions de culture favorables dans les grandes zones de production du monde.

Dans ce contexte de disponibilités mondiales importantes, bien que la récolte européenne en céréales soit prévue en nette baisse, les cours, maintenus sous pression en 2015/2016, ne sont pas attendus en hausse pour la campagne 2016/2017. Les prix français des céréales réagissent pour le moment peu aux annonces des faibles récoltes européennes, le prix du blé rendu Rouen se maintenant à ce titre sous la barre des 170 euros/tonne au début de la campagne 2016/2017.

Les pays européens ont signé de très bonnes performances à l'export en 2015/2016, avec notamment des volumes record exportés en orge. Pour la campagne 2016/2017, il convient de rester prudent car les origines européennes, et en premier lieu françaises, pourraient perdre en compétitivité face aux origines mer Noire et américaines.

Il y a ainsi un risque pour le potentiel à l'export de la France, et donc d'affecter la balance commerciale française.

- Concernant les oléagineux , et plus particulièrement le colza, les estimations de la récolte française pour 2016 indiquent une baisse de la production malgré la hausse des surfaces (de 1,49 million d'hectares en 2015 à 1,51 en 2016). L'excès de pluie a favorisé le développement de maladies et les attaques d'insectes. Le manque de luminosité a également amputé le rendement. La récolte de colza est ainsi estimée à 4,5 millions de tonnes. Elle reculerait de 15 % sur un an et le rendement est également estimé en baisse à 30 q/ha soit une diminution de 16 % par rapport à 2015.

Pour le tournesol, en 2016 les surfaces sont en baisse de 5 % par rapport à 2015 mais les rendements qui ont été faibles l'année dernière à cause de la sécheresse sont estimés cette année à 22 q/ha. La production 2016 serait ainsi en hausse de 9 % mais resterait inférieure de 17 % à la moyenne 2011-2015. Les semis et les levées ont été perturbés par les attaques d'oiseaux et de limaces.

Les surfaces de soja poursuivent un rythme d'expansion soutenu avec des surfaces estimées à 141 000 hectares en 2016 contre 122 000 hectares en 2015 et 75 000 hectares en 2014, ce qui témoigne d'un regain d'intérêt des producteurs français pour cette culture ces dernières années.

Dans l'UE, selon les dernières estimations pour la campagne 2016/2017, les surfaces en oléagineux ont diminué de 1,6 % sur un an toutes cultures confondues à l'exception des surfaces cultivées en soja qui sont bien supérieures à la moyenne quinquennale 2011-2015.

Au niveau mondial, d'après les dernières prévisions, la production mondiale d'oléagineux pour la campagne 2016/2017 est évaluée à 536 millions de tonnes en août 2016 en hausse par rapport à la campagne précédente principalement du fait de la production de soja estimée à 326 millions de tonnes contre 320 millions de tonnes l'an passé.

Les prix mondiaux du soja sont marqués par une baisse structurelle depuis 2014 du fait notamment de récoltes abondantes et des prix du pétrole et de l'énergie en baisse. Le cours du soja est évalué en août 2016 à 365 dollars/t. Le prix reste stable par rapport à l'an dernier.

En contraste avec les tendances sur le marché mondial du soja, les prix français des oléagineux (colza et tournesol) se maintiennent à des niveaux corrects. Le cours du colza FOB Moselle se situe à 380 euros/t en août 2016 en hausse par rapport à l'an dernier avec un prix qui oscillait autour de 350 euros/t en août 2015. Le prix du tournesol reste stable, il oscille autour de 360 euros/t en août 2016 (350 euros/t en août 2015).

- Concernant les protéagineux (pois, féverole et lupin doux), la production française estimée à 702 000 tonnes en 2016 diminuerait de 25 % (- 19 % par rapport à la moyenne quinquennale 2011-2015) notamment du fait d'une chute des rendements à 25,6 q/ha (inférieurs de 32 % à la moyenne quinquennale 2011-2015). La production de pois protéagineux est la plus touchée. Elle est marquée par une baisse de 31 % sur un an (parcelles touchées par la bactériose sur environ un tiers de la sole de pois d'hiver) malgré la hausse des surfaces. Celle de la féverole diminuerait respectivement de 8 % et de 17 % du fait des mauvaises conditions climatiques cette année. Au niveau européen, la production de protéagineux est en légère baisse de 0,1 % alors que les surfaces seraient en progression de 7,7 % par rapport à la campagne précédente.

Concernant le secteur du sucre , les prix alimentaires dans l'Union européenne se sont stabilisés fin 2015 à un prix relativement faible (433 euros/t en mai 2016) après une baisse continue depuis le pic de janvier 2013 (738 euros/t) et avec un plancher à 414 euros/t atteint en février 2015. La production 2015/2016 est en retrait par rapport à la production record de 2014/15. La consommation est stable et les exportations sont toujours limitées par le plafond OMC. Les stocks seront faibles en fin de campagne. Les surfaces emblavées de la prochaine campagne 2016/2017 seront en hausse de 7 % en Europe. 2016 sera la dernière campagne sous le régime des quotas avec contraintes de production et d'exportation.

Structurellement, le marché communautaire reste déficitaire, ce qui justifie le recours à des importations hors Union (pays ACP principalement) mais ces importations ont baissé pour la deuxième année consécutive (1,9 million de tonnes en 2015/16, 2,6 en 2014/15 et 3,1 en 2013/14) en raison du report important de sucre de la campagne 2014/15 sur la campagne 2015/16 et de la faiblesse des prix.

En France, la filière se prépare à la fin des quotas sucriers. Un rapport résultant d'une mission conjointe DGPE/CGAER a mis en évidence en 2015 les points d'amélioration du secteur afin d'anticiper cette échéance. Un accord interprofessionnel cadrant les modalités de réceptions de betteraves et de fixation du prix d'achat de la betterave a d'ores et déjà été conclu entre les entreprises sucrières et les représentants des planteurs pour les trois premières campagnes de l'après quota. La gouvernance interprofessionnelle devrait également évoluer afin de s'adapter au nouveau contexte économique et réglementaire.

Fruits et légumes

Le marché des fruits et légumes a connu en 2015 une situation mitigée bien que plus favorable que l'année précédente. Au printemps et en été, les conditions climatiques ont pesé sur les récoltes de fruits mais la consommation a été soutenue ce qui a permis de maintenir un bon niveau de prix. Les productions légumières ont connu quant à elles des conditions plus favorables avec des productions de qualité.

La situation des légumes s'est cependant fortement dégradée en fin d'année. En effet, le climat particulièrement doux de l'hiver a déséquilibré les marchés de certains légumes d'hiver comme le chou-fleur, les salades et l'endive en favorisant la progression rapide de l'offre à partir du mois de novembre et en décourageant leur consommation. La situation a été aggravée par le fait que l'ensemble de l'Union a connu au cours de cette période une surproduction de légumes.

Dans le cadre de cette situation de crise, les producteurs de légumes d'hiver ont pu bénéficier de plusieurs types d'accompagnement .

Les mesures de gestion de crise comme les retraits ont tout d'abord permis de limiter l'impact de la surproduction sur le niveau des prix. Par ailleurs, des dispositifs de droit commun ont pu être activés comme la possibilité de disposer d'un délai pour le versement des cotisations sociales . Enfin, dans un contexte global de difficultés pour les agriculteurs, la mise en place de plusieurs dispositifs de soutien exceptionnels a été décidée par le Gouvernement en complément de ces dispositifs pérennes : baisse de 10 points des cotisations sociales, année blanche sociale pour les agriculteurs ayant dégagé de très faibles revenus et dispositif de restructuration bancaire.

S'agissant de la campagne printemps-été 2016, les conditions climatiques ont à nouveau affecté les productions fruitières et légumières avec de fortes pluies et des épisodes de grêles. Les volumes de fruits d'été ont par conséquent été particulièrement bas mais les prix corrects, particulièrement en juillet grâce la hausse des températures qui a stimulé la consommation. Il est difficile en revanche d'estimer à ce stade l'impact des inondations de juin sur les productions légumières qui arriveront sur les marchés en automne.

Enfin, la Russie a prolongé en août 2015 puis, une nouvelle fois, en juin 2016, l'embargo décidé en août 2014 concernant l'importation de divers produits agroalimentaires européens dont les fruits et légumes.

En conséquence, le dispositif de soutien exceptionnel aux producteurs de fruits et légumes mis en place au niveau de l'Union européenne a été prorogé d'abord jusqu'en juin 2016 puis jusqu'en ju i n 2017 . En effet, si le dispositif mis en place depuis 2014 a permis de stabiliser les cours dans un contexte économique difficile pour le secteur, la situation de certaines productions, comme la pomme, reste fragile.

Pour mémoire, les producteurs peuvent bénéficier dans le cadre de ce dispositif d'un soutien financier de l'Union européenne pour des opérations de retrait, de non-récolte et de récolte en vert. Ces dispositifs sont ouverts tant aux organisations de producteurs qu'aux producteurs non membres. Les producteurs français ont ainsi pu bénéficier d'un soutien de l'Union européenne de près de 6 millions d'euros depuis le début de l'embargo.

Viticulture

Concernant le secteur viticole, en 2016, les premières prévisions permettent d'estimer la récolte viticole française à 44 millions d'hectolitres, soit un niveau inférieur de 8 % à la récolte 2015 et centrée sur de fortes baisses dans des vignobles AOP (Champagne, Bourgogne et Val-de-Loire). Ce niveau de récolte devra néanmoins être confirmé car les prévisions ont été réalisées avant les épisodes de sécheresse du sud de la France de cet été dont l'intensité pourrait amener à des niveaux de récolte diminués de 20% dans certaines zones du Languedoc-Roussillon.

Les conditions climatiques ont été difficiles en 2016. Des orages de grêle ont touché de nombreux vignobles au printemps (Val-de-Loire, Bourgogne, Chablis, Cognac, Beaujolais, Madiran, Pacherenc) et occasionné des dégâts importants sur les bourgeons, les feuilles et sur certains ceps. D'autres régions ont également subi d'importants épisodes de sécheresse (PACA, Languedoc-Roussillon), de grêle (Hérault) ou d'excès d'eau (Alsace, Savoie, Haute-Savoie) entraînant notamment des risques élevés de contamination au Mildiou.

Les estimations pour la récolte 2016 se répartissent comme suit :

- 19,6 Mhl de vins d'appellation d'origine protégée (- 9 % par rapport à 2015) ;

- 13,1 Mhl de vins avec indication géographique protégée (- 1 %) ;

- 3,2 Mhl d'autres vins (dont les dépassements des rendements autorisés en appellation et les vins sans indication géographique) et jus (- 13 %) ;

- 8,1 Mhl destinées à la production d'eaux-de-vie dont Cognac et Armagnac (- 14 %).

Cette estimation inférieure de 4 % par rapport à la moyenne quinquennale devra néanmoins être confirmée.

Les marchés viticoles en comparaison avec la campagne 2014-2015 :

Sur les neuf premiers mois de la campagne 2015-2016 :

- les VSIG de France connaissent un recul des transactions en volume sur les trois couleurs (-17%) mais nettement plus marqué pour les rosés (- 43 % à - 57 %). Seuls les vins blancs avec mention du cépage sont en légère hausse (+ 3%). Les cours sont stables ;

- pour les vins IGP , la tendance est donnée par les vins avec mention du cépage, qui représentent 75 % des volumes totaux. Le niveau de transaction est légèrement supérieur à la campagne précédente. Il est surtout porté par une forte activité sur les vins rouges (+ 15 %) Les cours sont légèrement supérieurs à ceux de l'année dernière (+ 4-5 % sauf rosé stable). On n'observe pas de différence notable entre les vins avec ou sans mention du cépage ;

- les volumes de transactions des vins à AOP sont globalement stables et les prix en légère augmentation pour les trois couleurs. Les appellations qui profitent le plus de cette hausse sont : Bourgogne rouge (+ 22 %), Alsace (+ 22 %) et Val-de-Loire (+ 10 %).

Commerce extérieur 2015-2016 :

Pour les 6 premiers mois de campagne, les exportations françaises de vin reculent (- 2%) en volume, confirmant le recul des trois campagnes précédentes. Deux tendances opposées coexistent : un net recul des expéditions dans les pays de l'Union Européenne (- 13 %) et une poursuite de l'augmentation des exportations à destination des pays tiers. Les États-Unis gardent leur place de premier marché à l'export en valeur des vins français (Champagne, + 33 %) mais le 1 er marché en volume reste l'Allemagne.

On observe une poursuite de la valorisation des vins à l'export (+ 5 %) . L'augmentation de la valorisation des vins IGP compense la baisse des volumes exportés. Les vins effervescents se distinguent par une hausse de 12 % à 16 % du chiffre d'affaires, les autres vins (hors VSIG) enregistrant une hausse de 5 %.

Les importations françaises constituées à 66 % par les VSIG en vrac ont augmenté de 12 % par rapport à la campagne précédente. Elles continuent ainsi à augmenter selon la même tendance observée depuis 2000, atteignant leur record historique. En parallèle, il est observé une forte hausse de la valeur des vins importés (+ 16 %). Ces importations sont constituées à 82 % de vins en vrac (VSIG essentiellement) et proviennent en quasi-totalité d'Espagne dont les prix sont faibles mais à un niveau déjà rencontré par le passé (50 % moins chers que leurs équivalents français).

B. ...MAIS TOUTES ÉTAIENT TOUCHÉES

En conséquence de ces évolutions, la valeur ajoutée de l'agriculture s'est repliée en 2015 (- 0,4 %), cet indicateur étant mieux orientée pour les industries agroalimentaires (+ 2,2 %).

La légère hausse des prix constatée globalement en 2015 n'a pas suffi à compenser la baisse des volumes produits. Si la valeur ajoutée dans le secteur des fruits et légumes a progressé de 0,7 %, elle s'est repliée de 1,3 % dans le secteur laitier.

La baisse des consommations intermédiaires a soutenu la valeur ajoutée. Elle résulte en grande partie d'une réduction des volumes, qui, elle-même, dépend étroitement de la production et joue un rôle amortisseur.

En revanche, les subventions aux produits, malgré leur augmentation de 1 090 millions d'euros à 1 181 millions d'euros entre 2014 et 2015, jouent désormais un rôle second dans la nouvelle politique agricole commune.

Le rôle principal est dévolu aux subventions aux exploitations. Elles passent de 8 052,6 à 8 552,1 millions d'euros, augmentation qui soutient le revenu agricole. C'est grâce à l'augmentation des subventions que la valeur ajoutée brute aux coûts des facteurs peut progresser de 2,9 % en 2015.

Les résultats de la branche agricole s'améliore de 1 milliard d'euros dont la moitié grâce aux subventions d'exploitation dans un contexte de baisse des charges financières en lien avec le bas niveau des taux d'intérêt et de progression mesurée des salaires nominaux (soit une baisse en termes réels).

Ces résultats globaux dissimulent des performances très inégales. Sur la base du « résultat courant avant impôts (RCAI) par actif non salarié », indicateur qui profite de la baisse du nombre des indépendants agricoles, le résultat courant avant impôts (RCAI) par actif non salarié des moyennes et grandes exploitations s'est établi en 2014 à 25 200 euros par actif non salarié en moyenne, en relative stabilité (- 0,7 %) par rapport à 2013.

Ce niveau est proche du résultat moyen du début des années 2000. Mais il s'accompagne de situations très disparates.

En 2014, avec 15 300 euros en moyenne par actif non salarié (- 18 % par rapport à 2013), le résultat courant avant impôt de l'ensemble des exploitations de grandes cultures a poursuivi son repli. La diminution des charges d'approvisionnement n'a pas permis de compenser les fortes baisses des prix de production (environ - 15 %), ainsi que la baisse des subventions (- 6 %).

Pour les élevages porcins , du fait notamment de la forte baisse du prix du porc, le résultat courant avant impôt s'est établi à 11 900 euros par actif non salarié, niveau proche des niveaux bas de 1988, 2002, ou encore 2007-2008. Pour les éleveurs de volaille , les résultats ont retrouvé un niveau comparable à celui du début des années 2000, après le point bas de 2013 (24 000 euros en moyenne en 2014). Les résultats des éleveurs laitiers ont légèrement augmenté en 2014 du fait de la légère hausse du prix du lait, avec un résultat courant avant impôt par actif non salarié de 24 700 euros. Pour les éleveurs de bovins viande , la situation est restée stable en 2014, avec un résultat courant avant impôt par actif non salarié de 18 300 euros. Pour les éleveurs d'ovins ou de caprins , le résultat courant avant impôt par actif non salarié est en moyenne de 18 400 euros, en hausse de 19 % par rapport à 2013. L'augmentation des ventes comme celle des subventions, notamment l'ICHN (Indemnité compensatoire des handicaps naturels) contribuent amplement à ces résultats.

L'évocation des résultats prévus pour 2015 suffit à mesurer les perspectives des comptes de 2016. Les spéculations les moins mal orientées ont pu être soutenues en 2015 par des variations de prix et de production qui, pour l'essentiel, se sont retournées en cours d'année.

Au total, la baisse exceptionnellement forte des rendements dans les grandes cultures mais aussi dans la production viticole - la production pourrait passer en dessous de 40 millions d'hectolitres - dans un contexte international marqué par des progrès de production dans d'autres régions du monde, qui pèsent sur les prix conduit à envisager des chutes de revenus agricoles sans précédents.

Au-delà de ces évolutions qu'il faut espérer très ponctuelles, des indicateurs plus structurels conduisent à nourrir des inquiétudes sur la capacité de l'agriculture française à demeurer compétitive et à fournir une base d'emplois.

L'emploi agricole a considérablement diminué ces dernières années. Il est en régression régulière depuis 2010.

Emploi agricole en France métropolitaine

France métropolitaine

2010

2013

2014

2015 estimations

Total actifs agricoles

Unités de travail annuel

751 000

729 000

722 000

717 000

Total main d'oeuvre permanente

Personnes

966 000

922 000

908 000

895 000

Unités de travail annuel

661 000

629 000

620 000

610 000

Chefs d'exploitations et coexploitants

Personnes

604 000

578 000

570 000

563 000

Unités de travail annuel

446 000

429 000

423 000

417 000

Conjoints et autre main d'oeuvre familiale

Personnes

190 000

156 000

146 000

137 000

Unités de travail annuel

75 000

59 000

54 000

50 000

Salariés permanents

Personnes

172 000

187 000

192 000

195 000

Unités de travail annuel

140 000

141 000

140 000

141 000

Salariés saisonniers, ETA, Cuma

Unités de travail annuel

91 000

101 000

105 000

108 000

Source : Service de la Statistique et de la Prospective - recensement de l'agriculture 2010, BAEA pour 2013, 2014 et 2015

Le total des actifs agricoles a baissé de 34 000 unités entre 2010 et 2015 (environ - 5 %).

Pour les exploitants, la baisse relative est encore plus forte ; elle atteint 6,8 %. Entre 2010 et 2014, le nombre d'exploitations agricoles a baissé de 9,6 % environ, soit un rythme annuel moyen (- 2,5 % par an) légèrement inférieur à celui de la décennie précédente (- 3 % par an), tandis que la superficie agricole utilisée est restée stable.

Quant au commerce extérieur, il offre des perspectives peu rassurantes.

La France n'est plus que le septième exportateur mondial de produits agricoles (15 milliards d'euros), derrière les États-Unis (59 milliards d'euros), le Brésil, les Pays-Bas, le Canada, la Chine et l'Espagne. Elle n'est plus que le quatrième exportateur de produits transformés (43 milliards d'euros) derrière les États-Unis (66 milliards d'euros), l'Allemagne (58 milliards d'euros) et les Pays-Bas (55 milliards d'euros).

Certes, l' excédent des échanges agricoles et agroalimentaires français a atteint 9,4 milliards d'euros en 2015 (2/3 produits agroalimentaires/ 1/3 produits agricoles) en hausse de 300 millions par rapport à 2014, dont pour les seules productions agricoles un solde positif de 2,6 milliards d'euros. Mais, ce résultat résulte beaucoup de circonstances monétaires favorables et la dégradation des performances réalisées avec nos partenaires européens, qui en témoignent, doit être relevée. Le solde des échanges avec les pays de l'Union européenne diminue (2,9 milliards d'euros, contre 3,9 en 2014 et 5,2 milliards d'euros en 2013), nos importations de produits transformés étant désormais supérieures à nos exportations . Or, avec une demande intérieure qui reste stable, l'agriculture française doit relever le défi de la compétitivité et se tourner vers l'export comme l'avaient du reste analysé en 2013 plusieurs de nos collègues dans un rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires 9 ( * ) .

Tout en regrettant que la recommandation d'une réforme profonde du dispositif , faite par nos collègues dans leur rapport précité, à commencer par le rapprochement effectif entre Sopexa et Business France, n'ait pas été suivie par le Gouvernement , l'on peut trouver un motif de satisfaction mesurée dans l'abondement des moyens prévu dans le projet de budget. Ils passeraient de 5,85 millions d'euros en 2016 à 8,3 millions d'euros en 2017.

Il reste que les facteurs de la perte de compétitivité de l'agriculture française devraient être vigoureusement corrigés.

Malgré les progrès considérables de productivité réalisés par les agriculteurs français, force est de constater que les écarts de compétitivité avec les pays émergents, s'ils sont sans doute partiellement transitoires, ne nous mettent pas à même de concurrencer efficacement leurs productions ordinaires, situation paradoxale compte tenu des perspectives de moyen et long terme qui pourraient se traduire par une responsabilité accrue de notre agriculture dans le bouclage des besoins alimentaires d'un monde en expansion démographique.

Il nous faut donc jouer prioritairement la gamme de la qualité, mieux exploiter nos avantages comparatifs et favoriser notre compétitivité face aux produits des pays développés .

Or, avec ceux-ci, la concurrence doit être au minimum loyale. Les différences structurelles avec l'agriculture nord-américaine, qui résulte de l'adoption de contraintes de production parfois très laxistes dans les pays concernés doivent être prises en considérations et combattues.

Au sein même de l'Europe, des pratiques de concurrence déloyale s'observent hélas.

Le recours aux travailleurs détachés dont la réalité statistique reste trop mal connue semble faire partie de celles-ci.

Aperçus sur le travail détaché en agriculture

Pour la France, le nombre des déclarations de prestations de services réalisées par des entreprises étrangères dans le secteur agricole s'établit à 3 309 en 2014. En moyenne, le nombre de déclarations dans ces secteurs a augmenté sur les six dernières années, passant de 849 à 3 309 entre 2009 et 2014. En nombre de salariés détachés, le secteur agricole comptabilise 8 327 salariés en 2014, en baisse de 38 % par rapport à 2013 où l'on comptait 13 444 salariés détachés dans le secteur agricole 10 ( * ) .

En Italie, en 2012, 269 000 ressortissants étrangers ont été introduits, soit une augmentation de 15 % par comparaison avec 2011. Sont principalement concernées l'arboriculture, l'élevage et les activités de collecte.

Aux Pays-Bas, en 2012, 145 000 travailleurs détachés opèrent tous secteurs économiques confondus. Les travailleurs détachés dans la production ornementale et maraîchère sous serre sont essentiellement polonais.

Au Danemark, ce sont 22 600 étrangers qui ont été introduits en 2014 dans les secteurs de la sylviculture et de la pêche soit 9 % du total des introductions. Cette main-d'oeuvre représente 25 % des emplois dans ces secteurs.

En Allemagne, selon les statistiques établies par la Commission européenne à partir des formulaires de sécurité sociale, 373 666 détachements avaient été dénombrés en 2013 sur le territoire allemand tous secteurs économiques confondus (contre environ 225 000 en 2010) 11 ( * ) . Jusqu'en 2014, l'industrie allemande des abattoirs a profité d'un afflux de main-d'oeuvre bon marché en provenance de Pologne et d'autres pays.

En Espagne, en 2014, 138 000 salariés étrangers étaient recensés dans le secteur agricole pour les travaux de récoltes, chiffre en forte décroissance. Du fait de la crise, de plus en plus de salariés espagnols réoccupent les emplois de l'agriculture ce qui réduit d'autant le recours à l'immigration d'origine marocaine.

Une harmonisation du droit de l'UE est en cours. Il faut en encourager la rapide adoption .

De la même manière, certaines pratiques de concurrence fiscale dommageables doivent être prises en compte avec la plus extrême vigueur. Vos rapporteurs spéciaux sont en particulier attentifs au contentieux porté devant les instances communautaires relatif au régime allemand de TVA.

Les entreprises agricoles allemandes bénéficient d'un dispositif de TVA adopté en 1967, dérogatoire au régime de TVA de droit commun applicable à toute entreprise quel que soit son secteur d'activité et son niveau de recettes. Les agriculteurs ayant opté pour ce dispositif forfaitaire facturent la TVA à leurs clients selon un taux dit « taux moyen » se situant depuis 2007 à 10,7 % et supportent la TVA à 7 % ou 19 % selon le type d'achats ou d'échanges. Ils sont dispensés de verser la TVA qu'ils font apparaître sur leurs factures au taux moyen de 10,7 %, tout en permettant à leurs clients assujettis de la déduire. En contrepartie, ils ne peuvent pas déduire la TVA qui leur est facturée.

Par ce régime forfaitaire, un exploitant agricole peut généralement vendre sa production à un taux de TVA supérieur à celui qui est appliqué à ses achats. Il peut conserver la différence ce qui constituerait un avantage.

Il serait possible de mentionner bien d'autres points sur lesquels une concurrence plus loyale s'imposerait. On connaît assez le débat sur les normes dont l'application n'est pas toujours uniforme quand elles sont harmonisées et qui, demeurent fondamentalement différentes d'un point de vue international.

L'ensemble de ces dossiers mérité une attention renforcée.

C. L'ENCHAÎNEMENT DES MESURES D'URGENCE, UN PLAN DE SOUTIEN À L'ÉLEVAGE INSTALLÉ DANS LA DURÉE ET ÉTENDU À D'AUTRES SECTEURS DE LA PRODUCTION AGRICOLE

Les crises qui ont touché les différentes filières agricoles ont déclenché une succession de plans destinés à assurer un soutien renforcé à un secteur agricole dont les conditions économiques d'exploitation se sont largement dégradées. Ces annonces paraissent traduire la nécessité de compenser de plus en plus par des mesures nationales les difficultés de la politique agricole commune à apporter des soutiens adéquats à une agriculture européenne de plus en plus vulnérable à des fluctuations des conditions de marché mais aussi, malgré la situation structurelle relativement privilégiée de l'Europe sur ce point, à des épisodes climatiques déstabilisants. Or, il importe que la volatilité des productions agricoles européennes soient gérées, non seulement parce qu'il y va du sort des exploitations, mais encore parce que la base agricole de l'Europe doit être préservée afin de contribuer à nourrir un monde en expansion démographique et qui aura particulièrement besoin d'elle.

1. Une succession de plans de soutien
a) Le plan de soutien à l'élevage et son extension à certaines cultures végétales

Compte tenu de la crise de l'élevage, le gouvernement a présenté, le 22 juillet 2015, un plan de soutien à l'élevage (PSE) qui se poursuit en 2016.

Il comprenait les mesures suivantes :

• une prise en charge de l'État à hauteur de 50 millions d'euros des engagements pris en 2015 au titre du fonds d'allégement des charges (FAC) ;

• la création d'un fonds national de garantie « renforcement de la trésorerie du secteur de l'élevage », dont la gestion a été confiée à Bpifrance Financement pour faciliter l'accès des entreprises aux financements en partageant les risques avec les organismes prêteurs. Des crédits ont été avancés fin 2015 (1,5 million d'euros) et le besoin complémentaire pourrait atteindre 8,5 millions d'euros en 2016 ;

• une « année blanche » de remboursement d'emprunts a pu être sollicitée jusqu'au 31 janvier 2016 ;

• une mesure plus structurelle avec l'augmentation de 30 millions d'euros par an en 2015-2017 des autorisations d'engagement pour la modernisation des bâtiments.

Compte tenu de la persistance de la crise, les mesures de soutien ont été renforcées ( annonces du 26 janvier 2016 ) et, pour certaines, étendues aux filières végétales qui rencontrent des difficultés, par :

• un abondement complémentaire de 50 millions d'euros du fonds d'allégement des charges (FAC );

• 25 millions d'euros pour prolonger, dans le cadre du FAC, les dispositifs d'aides à la restructuration de l'endettement , dont « l'année blanche », jusqu'au 31 octobre 2016 et l'étendre à d'autres productions également en difficulté (notamment les éleveurs de palmipèdes gras, producteurs de légumes et horticulteurs) ;

• 165 millions d'euros ont été alloués suite à la crise de l'influenza aviaire pour l'indemnisation de l'aval de la filière (60 millions d'euros) et pour les éleveurs et accouveurs du Grand Sud-Ouest afin de compenser les pertes de revenus engendrées par la mise en oeuvre du plan d'assainissement (105 millions d'euros) ;

• un complément de 5 millions d'euros par an pour les années 2016-2020 a été prévu pour le dispositif de modernisation des exploitations afin de financer les investissements des éleveurs et accouveurs touchés par la grippe aviaire ;

• 35 millions d'euros pour les indemnisations de la fièvre catarrhale ovine (FCO) , dont 31 millions d'euros pour indemniser les éleveurs et 4 millions d'euros pour les commerçants en bestiaux. L'indemnisation des éleveurs est assurée par le fonds national agricole de mutualisation sanitaire (FMSE) à hauteur de 6 millions d'euros, dont 2 millions d'euros portés par les professionnels et 4 millions d'euros par le fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA) ;

• Le dispositif du FNGRA a également été mobilisé pour répondre aux besoins des régions touchées par la sécheresse de l'été 2015. Le montant des indemnisations prévisionnelles s'élève à 140 millions d'euros en 2016 . Une mobilisation du FNGRA, non estimée à ce jour , est également programmée pour indemniser les pertes de fonds des agriculteurs victimes des inondations du printemps 2016 ;

• Une concertation avec les producteurs de cerises permettra d'établir le bilan des pertes économiques liées à l'interdiction du diméthoate.

b) Le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles

Enfin, le 4 octobre 2016 , un nouveau plan a été annoncé dit « pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles ». Les annonces principales portent sur :

• la création d'un fonds de garantie « Renforcement de la trésorerie dédié au secteur agricole » confié à Bpifrance devrait permettre de garantir jusqu'à 1,5 milliard d'euros de prêts portés par les exploitations agricoles, prioritairement les exploitations céréalières dans le cadre de restructuration des dettes existantes pour en réduire les charges d'intérêt ou d'octroi de nouveaux crédits de court moyen terme. Dans ce cadre, l'État prendra à sa charge le coût de la garantie sous certaines conditions relatives à la dégradation de la situation économique des exploitations ;

• l'année blanche bancaire déjà prolongée une fois le sera à nouveau jusqu'au 31 décembre 2017, l'État assumant le tiers du coût par l'intermédiaire du fonds d'allégement des charges ;

• le dispositif d'option pour une assiette annuelle de détermination des cotisations sociales payées à la Mutualité sociale agricole est reconduit pour les exploitations les plus en difficulté. Il permet d'accentuer les stabilisateurs automatiques du système, plus contracycliques que le régime normal de calcul d'une assiette sur les recettes historiques des trois années antérieures à la liquidation des cotisations ;

• des dégrèvements de taxe sur le foncier non bâti seront prononcés d'office pour les agriculteurs localisés dans les six régions touchées par les intempéries et les inondations de mai et juin 2016. Une économie de 100 millions d'euros devrait s'ensuivre. Une extension du dispositif sera appliquée aux prairies pour un coût supplémentaire de 37 millions d'euros ;

• une aide au financement de l'intervention sur les produits laitiers sera dégagée pour 7 millions d'euros ;

• un dispositif spécial sera mis en place pour financer l'assurance-crédit pour les exportations vers certains pays du pourtour méditerranéen ;

• un programme de promotion de la viande bovine sera lancé avec un montant évoqué de 7 millions d'euros mais sans précisions sur la contribution versée par l'État ;

• une enveloppe de 4 millions d'euros sera déléguée à la MSA pour financer des prestations sociales pour les agriculteurs en situation d'épuisement professionnel ;

• un abondement des aides à la reconversion professionnelle (dispositif « Aide à la réinsertion professionnelle ») sera mis en oeuvre.

2. Le programme 149 a de plus en plus vocation à financer les urgences dans des conditions de lisibilité trop relatives

Le budget du programme 149 est censé traduire les priorités correspondant aux grandes options structurelles de la politique agricole nationale. Il est de plus en plus sollicité par les urgences, évolution qui peut faire l'objet de commentaires variables selon les points de vue. D'un côté, on y verra la preuve d'une capacité d'adaptation louable, de l'autre, le témoignage et des difficultés chroniques d'un secteur trop exposé et d'un effet d'éviction des crises sur les orientations prioritaires d'une politique agricole devant naviguer à vue.

On peut à cet égard également mentionner les effets en gestion des mesures d'urgence. Ils sont illustrés par l'exercice de fongibilité interne au programme nécessité par le paiement des aides aux agriculteurs dans le cadre de certaines mesures (FAC, indemnisation grippe aviaire et FCO) dans l'attente des ouvertures de crédits en fin de gestion.

En toute hypothèse, la lisibilité du budget n'en ressort pas améliorée et il est presque impossible de vérifier si les engagements pris sont tenus et de quelle manière, d'autant que les annonces tendent à se superposer selon une imbrication des calendriers de chacun d'entre eux.

Au-delà de l'opacité qui en résulte d'un point de vue budgétaire, votre rapporteur spécial Alain Houpert souhaite mettre en évidence le climat d'incertitudes qu'un traitement des difficultés conjoncturelles de l'agriculture française par des mesures exceptionnelles laisse subsister pour les exploitants eux-mêmes. Il est impératif de mettre en place au plus vite des mécanismes tendant à dégager les anticipations des exploitants de façon structurelle. À cet égard, il regrette que l'Assemblée nationale ne se soit pas saisie de la proposition de loi adoptée par le Sénat qui regroupait autant d'efforts pour aller dans ce sens. Il rappelle en particulier, les mesures devant permettre aux agriculteurs subissant une crise de reporter le paiement de leurs échéances d'emprunts destinés à financer des investissements, l'élargissement de la déduction pour investissements (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA) , l'application aux bâtiments de stockage du régime de la déduction exceptionnelle en faveur de l'investissement prévue par l'article 142 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel souhaite également souligner l'intérêt d'avancées permettant d'aboutir à une plus grande visibilité pour les agriculteurs. Il rappelle que celle-ci gagnerait beaucoup à l'adoption des propositions auxquelles il s'est associé visant à la mise en place d'outils rénovés de gestion des risques en agriculture .

S'agissant de la visibilité des mesures d'urgence, il convient d'emblée de souligner que le projet de loi de finances pour 2017 ne comporte pas le financement des mesures annoncées début octobre, dont le chiffrage évoqué au moment de leur annonce est resté très approximatif 12 ( * ) .

Mais, l'évaluation des effets budgétaires et sur le revenu des agriculteurs de la mise en oeuvre des engagements plus anciens est elle-même insuffisamment systématique et transparente.

Il faut donc suggérer que les documents budgétaires annexés aux différents projets de loi de finances comportent des progrès de méthode qui pourraient consister dans l'adjonction d'un indicateur de performances correctement informé sur le taux d'exécution des mesures prévues par les plans annoncés.

Votre rapporteur spécial, Alain Houpert, y est particulièrement sensible au motif que les effets d'annonce sont devenus trop fréquents dans les champs couverts par l'action publique.

Ainsi, s'agissant du plan de soutien à l'élevage annoncé en 2015 , il avait été chiffré à au moins 600 millions d'euros tandis qu'un sursaut de l'investissement agricole de trois milliards d'euros à l'horizon 2017 avait été annoncé. Or, seule une hausse de 30 millions d'euros par an des crédits du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles 13 ( * ) (PCAE), avec une dotation budgétaire passant de 26 millions d'euros par an à 56 millions d'euros par an à partir de 2016, avait été mise en regard de ces annonces. Pour le MAAF, le concours des régions et de l'Union européenne devait porter annuellement les aides publiques à un total de 350 millions d'euros, ce qui permettrait d'engendrer un milliard d'euros d'investissement par an d'ici 2017 dans les filières d'élevage.

Il est assez douteux que l'augmentation de près de 10 % par an de l'investissement puisse être vérifiée ex post, l'effet de levier allégué alors paraissant en tout état de cause reposer sur des paramètres peu réalistes.

L'évolution préconisée vers davantage de transparence serait d'autant plus justifiée que le financement des mesures en cause, s'il est porté par le programme 154 (149 désormais), engage d'autres circuits de financement de sorte que toute vision d'ensemble devient très hasardeuse

Les données ci-après qui résument les informations transmises par le ministère sur les impacts budgétaires des plans d'urgence avant les annonces les plus récentes, en témoignent.

Les mesures du PSE devaient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution du programme 154.

À la fin de l'été 2015, 110 millions d'euros avaient ainsi été dégelés.

Au niveau européen, une enveloppe de 500 millions d'euros, annoncée le 15 septembre 2015, devait permettre d'aider le secteur de l'élevage, et tout particulièrement la filière lait et la filière porcine des États membres, sans prélèvement sur le budget disponible de la PAC, la réserve de crise de l'UE pour le secteur agricole ne devant pas être activée.

Selon une ventilation provisoire, il devait s'agir d'environ 65 millions d'euros destinés à la France. Dans les faits, le dispositif FAC 2015/2016 a fait l'objet d'un cofinancement européen dont le montant et les modalités d'utilisation ont été fixées ainsi : 49,2 millions d'euros pour compléter les crédits nationaux mobilisés dans le cadre du FAC, 13,7 millions d'euros restants pour financer la mesure d'allègement des cotisations sociales des éleveurs éligibles.

Sur le plan social, le plan de soutien à l'élevage prévoit également le report de prochaines échéances des cotisations sociales personnelles et patronales ainsi que la prise en charge de cotisations des éleveurs les plus en difficulté par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) :

- le report des cotisations, qui s'inscrit dans le cadre du dispositif de droit commun lié à l'octroi d'échéanciers de paiement, permet aux éleveurs et à d'autres producteurs également en difficulté (notamment éleveurs de palmipèdes gras et producteurs de légumes) d'améliorer la trésorerie de leurs exploitations ou entreprises en reportant le paiement des cotisations sociales jusqu'en 2016, et, pour les situations les plus critiques, jusqu'en 2017 voire 2018 ;

- les prises en charge de cotisations, financées dans le cadre des crédits d'action sanitaire et sociale de la MSA, permettent à ces mêmes producteurs d'améliorer la trésorerie de leurs exploitations ou entreprises en allégeant leurs charges sociales. Les montants de ces prises en charge s'établissent respectivement à 50 millions d'euros en 2015 et 60 millions d'euros en 2016 (dont 40 millions d'euros pour l'élevage) ;

- l'option ouverte en 2015 et/ou 2016 pour le calcul des cotisations sociales sur l'assiette annuelle en lieu et place de l'assiette triennale pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ayant eu des revenus très faibles en 2014 et/ou 2015 (moins de 4 184 euros/4 250 euros) offre un allègement de 39 millions d'euros en 2015 (dont 13,7 millions d'euros financés par des crédits européens ; voir supra ).

En 2016, une baisse pérenne de 7 points des cotisations d'assurance maladie pour les exploitants agricoles de métropole a été décidée de façon à s'appliquer à partir du 1 er janvier, avec pour conséquence une diminution des recettes estimée à 500 millions d'euros.

Concernant les exonérations des cotisations famille des exploitants agricoles, sous la forme d'une réduction dégressive du taux de la cotisation fonction du revenu professionnel (réduction de 3,1 points pour les revenus annuels d'activité en deçà de 42 500 euros, puis dégressive pour les revenus allant jusqu'à 54 000 euros), elles s'inscrivent dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité de manière transverse à tous les travailleurs indépendants agricoles ou non agricoles.

À ce titre, elles sont compensées par l'État aux régimes de sécurité sociale, notamment par le transfert à compter de 2015 des aides personnelles au logement au budget de l'État.

Il est à noter que cette compensation, qui n'est pas portée par le budget du ministère de l'agriculture, consiste en une très peu claire consolidation par les dépenses d'une réduction des ressources des régimes sociaux .

Le plan de soutien à l'élevage comporte enfin des aides fiscales , en particulier :

- des remises gracieuses des taxes foncières des éleveurs en difficulté ;

- un assouplissement des conditions d'accès aux remboursements mensuels et trimestriels des crédits de TVA, par la réouverture jusqu'au 15 septembre du droit d'opter pour une déclaration mensuelle ou trimestrielle ;

- le report des échéances de paiement des derniers acomptes d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés pour les éleveurs en difficulté (report des paiements du 15 septembre au 15 décembre) sans pénalités ;

- un amortissement exceptionnel des investissements réalisés entre le 1 er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 dans les bâtiments d'élevage (bâtiments eux-mêmes, matériels et installations de stockage des effluents d'élevage et travaux de rénovation de ces bâtiments). Il est égal à 40 % du prix de revient de ces biens réparti de manière linéaire sur cinq ans (les dépenses faisant l'objet par ailleurs d'une aide aux investissements, sous forme de subvention ou de prêts, ne sont pas prises en compte dans le cadre de ce dispositif) ;

Au total, dans le cadre du PSE, 42 millions d'euros de dégrèvement et de remise d'impôts et taxes ont été accordés aux agriculteurs en difficultés depuis 2015.

En 2016 , les exploitants agricoles qui ont subi des pertes de récoltes suite aux intempéries pourront bénéficier :

- d'un assouplissement des conditions d'accès aux remboursements mensuels ou trimestriels des crédits de TVA , par la réouverture jusqu'au 15 décembre 2016 du droit d'opter pour le régime réel mensuel ou trimestriel ;

- du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) pour les parcelles sinistrées (dégrèvement de TFPNB proportionnel à la perte de récoltes sur pied) ;

- pour ceux qui sont en grandes difficultés, de délais de paiement ou de remises gracieuses des différents impôts et taxes auxquels ils sont assujettis.

On mesure à quel point les éléments d'information fournis ne permettent en aucune façon de suivre l'exécution des mesures annoncées, qui s'empilent, ni leur impact budgétaire dont la trace ne se retrouve que pour certaines d'entre elles dans les crédits de la mission.

Au-delà de cette observation, il convient de mettre en évidence, la diversité des leviers utilisés pour répondre aux situations d'urgence. Dans une certaine mesure, cette diversité répond à une préoccupation de tamiser les différents postes de charges d'exploitation des entreprises agricoles, financières, fiscales et sociales, et de mobiliser les moyens pratiques d'action du ministère. Cependant, cette économie des plans de soutien présente quelques inconvénients, parmi lesquels une forme d'imprévisibilité pour les exploitants bénéficiaires mais aussi des délais d'administration parfois trop élevés peuvent être mentionnés au premier chef. En outre, il ne faut pas négliger d'éventuelles différences de doctrine entre les services concernés.

Mais, à l'évidence, c'est la question de l'adéquation entre les transferts prévus et les diminutions de revenus qu'ils sont supposés compenser qui est au centre de toute évaluation des dispositifs.

De même, leur impact budgétaire réel pour l'État mérite d'être clarifié dans un contexte où des cofinancements européens peuvent intervenir mais avec, paradoxalement, la question pendante de l'impeccabilité des mesures au regard du droit européen.

En bref, votre rapporteur spécial Alain Houpert estime qu'il sera nécessaire de procéder à un contrôle budgétaire approfondi de la mise en oeuvre effective des annonces réalisées dans le cadre des différentes mesures d'urgence.

D. L'ÉVOLUTION GLOBALE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 149 : UNE HAUSSE MASSIVE DES CRÉDITS EN 2017 (+ 36,6 % EN AE ; + 40,3 % EN CP)

Si le présent projet de loi de finances connaît une augmentation considérable de ses dotations, c'est essentiellement au programme 149 qu'elle correspond.

Ses crédits de paiement progresseraient de 40,3 % (+ 611,2 millions d'euros), augmentation qui ressort encore plus forte quand on exclut les crédits en faveur de la forêt (+ 625,3 millions d'euros soit une croissance de 77,3 %).

Évolution 2016-2017 de la mission
« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

(en millions d'euros et en %)

Programmes

LFI 2016

projet de loi de finances 2017

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

149 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » 14 ( * )

1 642,3

1 569,0

2 234,8

2 201,0

+ 36,6 %

+ 40,3 %

Total mission

2 787,4

2 690,2

3 397,7

3 360,4

+ 21,9%

+ 24,9 %

dont dépenses de personnel

859,9

859,9

868,6

868,6

+ 1,0%

+ 1,0%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Les dotations hors crédits de personnel sont très largement majoritaires (près de 75 % des crédits). Elles progressent fortement (en crédits de paiement de + 34,1 %) par rapport aux crédits adoptés en 2016. Elles sont pour l'essentiel portées par le programme 149 qui réunit les interventions en faveur de l'agriculture au titre du deuxième pilier de la politique agricole commune et la contribution du ministère à la politique de la forêt ainsi que, dans une moindre mesure, par le programme 206 pour la sécurité sanitaire des aliments.

L'augmentation en valeur de ces dotations s'élève à 634,5 millions d'euros concentrés sur le programme 149.

Elle est, en partie, « visuelle » dans la mesure où elle revient, pour plus des trois quarts, à la budgétisation de la réduction des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles qui avait été arrêtée dès 2016.

En outre, il convient de tenir compte des ouvertures de crédits prévues par le projet de loi de finances rectificative rendu public le 18 novembre. Celui-ci augmente les dotations de la mission pour 2016 de 889 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 688,2 millions d'euros en crédits de paiement.

Les ouvertures de crédits demandées dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année 2016

Il s'agit de financer :

- 357,6 millions d'euros au titre des refus d'apurement communautaire (voir infra ) ;

- d'augmenter les crédits nécessaires à la compensation des exonérations de cotisations sociales du régime des travailleurs occasionnels pour 138,6 millions d'euros ;

- de financer les interventions des pertes économiques de FranceAgriMer dans le cadre de la crise de l'influenza aviaire pour 157,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 72,3 millions d'euros en crédits de paiement ;

- d'ouvrir 123,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement au profit du Fonds national de gestion des risques en agriculture en lien avec le plan de refinancement et de consolidation de l'agriculture (voir supra ) ;

- de financer le Fonds d'allègement des charges (FAC) pour 69,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 119,8 millions d'euros en crédits de paiement .

Enfin, 32,2 millions d'euros d'autorisations d'engagement seraient ouverts pour les mesures agro-environnementales régionales annoncées au profit de l'élevage et 6,8 millions d'euros viendraient renforcer les systèmes informatiques de l'ASP.

L'importance du volume de ces demandes nouvelles qui interviennent en fin d'année est manifeste . Elles représentent 60 % des crédits d'intervention ouverts par la loi de finances initiale de 2016. Dans ces conditions, l'examen du projet de loi de finances initiale de la mission porte sur moins des deux tiers des crédits finalement engagés, qui eux-mêmes ne représentent qu'une proportion oscillant entre 20 % et 25 % des concours publics globaux, du reste définis de façon très restrictive, à l'agriculture.

Au total, l'examen des crédits de la mission réalisé dans le cadre du projet de loi de finances de l'année conduit à ne considérer qu'une portion congrue, de l'ordre de 10 % des transferts mobilisés pour financer la politique agricole.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial Alain Houpert veut souligner combien les ouvertures de crédits en cours d'exercice et les suppléments de moyens demandés lors des collectifs budgétaires , qui deviennent chroniques, conduisent à dénaturer l'objet même des lois de finances initiales qui consistent à présenter, pour autorisation du Parlement, les objectifs et les moyens d'une politique publique.

Il est manifeste que les demandes présentées par la loi de finances rectificative pour 2016 couvrent des dépenses dont certaines, les plus lourdes, n'étaient en rien imprévisibles.

Dans ces conditions, l'insincérité de la loi de finances initiale pour 2016 qu'il avait déplorée était, selon lui, largement vérifiable au moment de son adoption.

Par ailleurs, elle accentue une évolution qui se traduit par l'accentuation des mesures a priori indifférenciées de soutien public à l'agriculture qui, à l'évidence, pose le problème des moyens futurs de la politique agricole.

1. L'augmentation du poids des compensations de réduction de cotisations sociales dans le total des interventions du programme

Dans le projet de budget 2017, l'augmentation des interventions du programme 149 est due pour 80 % à l'alourdissement des charges de protection sociale, en lien avec le coût budgétaire de nouveaux allégements de cotisations sociales spécifiques aux agriculteurs. La nouvelle action « Protection sociale » 15 ( * ) voit sa dotation progresser de 507,6 millions d'euros et portée à 918,3 millions d'euros.

L'alourdissement du budget résulte en partie de la dynamique des exonérations de cotisations sociales pour l'emploi de salariés saisonniers (le régime TO-DE : 880 000 contrats aidés en 2015) avec 27 millions d'euros supplémentaires par rapport aux ouvertures de 2016 (davantage compte tenu de l'exécution : + 39 millions d'euros). 16 ( * )

Le dispositif spécifique d'exonérations de cotisations patronales
pour l'emploi de travailleurs occasionnels
et de demandeurs d'emploi (TO-DE) en agriculture

Historique du dispositif

L'exonération en faveur des travailleurs saisonniers est un dispositif qui date de 1985 et qui a été modifié à multiples reprises. Avant 2010, le dispositif était caractérisé par des taux réduits de cotisations différenciés par filière.

Les dernières réformes de ce dispositif sont :

- la réforme de 2010 qui a mis en place une mesure d'exonération dégressive, applicable à l'ensemble du secteur de la production agricole. Le dispositif en vigueur jusqu'à fin 2012 exonérait intégralement les cotisations des salaires bruts allant jusqu'à 2,5 SMIC, l'exonération était ensuite dégressive jusqu'à 3 SMIC.

La rénovation du dispositif s'est accompagnée, par ailleurs, d'une mise en conformité des modalités de compensation financière par l'État du dispositif avec le droit commun des mesures d'exonérations ciblées, lequel prévoit une compensation intégrale par crédits budgétaires ministériels ;

- la réforme de 2013 qui a supprimé l'exonération de la cotisation accidents du travail et ciblée le dispositif sur les bas salaires en modifiant le point de sortie du dispositif et la pente de dégressivité :

- les exonérations sont centrées sur les salaires n'excédant pas 1,5 SMIC ;

- l'exonération est entière pour les rémunérations allant jusqu'à 1,25 SMIC, puis dégressive au-delà ;

- enfin la loi de finances pour 2015 a exclu les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF) du champ d'application du dispositif d'exonération. Cette exclusion est compensée par le CICE dont bénéficient les ETARF depuis 2013 pour 39 millions d'euros, et par les mesures générales d'allégement de charges sociales renforcées par le Pacte de responsabilité et de solidarité, dont elles bénéficient depuis 2015 pour 13 millions d'euros.

Définition du dispositif en vigueur concernant les exonérations de cotisations patronales et conventionnelles (articles L. 741-16 et L. 741-16-1 du code rural et de la pêche maritime).

Les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers (ou en CDI des demandeurs d'emploi sous certaines conditions) bénéficient d'une exonération de cotisations

patronales de sécurité sociale (prestations familiales et assurances sociales agricoles 17 ( * ) ) et de certaines cotisations patronales conventionnelles 18 ( * ) .

Cette exonération est totale pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,25 fois le montant mensuel du SMIC puis linéairement dégressive au-delà jusqu'à s'annuler pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 SMIC 19 ( * ) .

Elle est limitée à une période maximum d'emplois de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié, qu'il soit employé par un groupement d'employeurs ou non.

Elle n'est pas cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires : l'employeur a la faculté de renoncer à cette exonération spécifique, pendant la période où elle pourrait s'appliquer, au profit de l'allègement général sur l'ensemble de la période de travail du salarié.

Toutes les activités saisonnières liées directement ou indirectement au cycle de la production animale et végétale sont concernées par ce dispositif, à l'exception de celles des entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF).

Évaluation du coût des exonérations de charges patronales en faveur de l'emploi de travailleurs saisonniers pour 2015

Les données qui suivent sont présentées en année de facturation et non en année civile (l'année 2015 de facturation correspond aux périodes d'activité du dernier trimestre 2014 et des trois premiers trimestres 2015).

En 2015, 74 257 établissements ont eu recours à 898 600 contrats TO-DE pour 143 millions d'heures et une masse salariale de 1,5 milliard d'euros.

90 % des contrats saisonniers concernent les filières « viticulture », « arboriculture » et « horticulture ».

Contrairement à 2014, le nombre de contrats TO-DE est en diminution (- 14%). Le volume d'heures de travail baisse de 9 % en 2015, après une augmentation de 18,6 % en 2014. Les évolutions différenciées entre le nombre d'heures et le nombre de contrats s'expliquent par une tendance à l'allongement de la durée des contrats ces dernières années.

Malgré une baisse en 2015 (due à une année 2014 exceptionnelle), l'emploi saisonnier reste dynamique et en augmentation par rapport à 2013.

Le dispositif est par nature extrêmement sensible aux aléas climatiques et l'année 2015 le confirme une nouvelle fois. Mais, c'est plus généralement que le régime paraît difficile à anticiper dans ces effets. C'est ainsi qu'il fait l'objet d'une demande d'ouverture de crédits complémentaires dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année 2016 à hauteur de 138,6 millions d'euros, soit environ un quart des dotations ouvertes en loi de finances initiale.

Votre rapporteur spécial Alain Houpert voit cette demande comme un nouveau témoignage de la propension à sous-doter lourdement la mission.

Les moindres recettes de cotisations correspondant aux exonérations sont intégralement compensées par l'État sur les crédits budgétaires du programme 149 (action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires » de la mission AAFAR du budget du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Le report de charges constaté fin 2015 sur le dispositif TO-DE était de 74 millions d'euros suite à un apurement auprès de la CCMSA de 143 millions d'euros intervenu en application de l'article 1 de la loi de finances rectificative pour 2015. À fin 2016, il pourrait augmenter compte-tenu des prévisions d'exécution 2016 supérieures au montant prévu en loi de finances initiale.

L'alourdissement des crédits de protection sociale provient surtout de l'effet de la réduction de 7 points de cotisation personnelle maladie accordée aux exploitants. Cette mesure, qui avait été estimée à 500 millions d'euros, est budgétée pour 480 millions d'euros dans le projet de budget pour 2017.

Plus d'un tiers du budget du ministère de l'agriculture (hors dépenses de personnel) est désormais consacré à assumer la charge budgétaire du financement de la protection sociale agricole 20 ( * ) .

Cette polarisation sur des transferts sociaux s'ajoute aux différentes mesures générales bénéficiant aux agriculteurs, comme aux autres secteurs de l'économie et qui ne sont pas portées budgétairement par le programme.

Le secteur agricole bénéficie à ce titre des dispositifs généraux d'exonération de cotisations sociales patronales, qui ont été amplifiés dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité. Ainsi en va-t-il du « crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi » (CICE) dont l'application au secteur agricole est cependant partielle (la mesure s'applique principalement aux industries agroalimentaires, les coopératives et les exploitants au micro-BA en étant exclus). Par ailleurs, d'autres formules d'allègements de cotisations sociales s'appliquent.

La compensation financière de ces exonérations n'est pas assurée par le budget du ministère de l'agriculture, mais par des affectations de taxes aux régimes de sécurité sociale.

Ces allègements datent de 2003 avec la mise en oeuvre de la réduction dite « Fillon ».

Ils ont été renforcés par le pacte de responsabilité et de solidarité qui comprend une série de mesures dont, notamment :

- une réduction du taux de la cotisation famille de 1,8 point pour les salaires compris jusqu'à 1,6 SMIC à effet 2015, puis pour les salaires jusqu'à 3,5 SMIC à compter du 1 er avril 2016 ;

- un renforcement des allégements généraux sur les bas salaires, depuis le 1 er janvier 2015, par une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale (hors chômage) au niveau du SMIC, puis dégressive jusqu'à 1,6 SMIC.

Ces allègements sont estimés à 1 317 millions d'euros en 2017 (734 millions d'euros pour les exploitations agricoles et 966 millions d'euros pour les entreprises et coopératives du secteur agro-alimentaire).

S'il est souhaitable que l'État institue un financement pérenne des réductions de cotisations sociales accordées au secteur agricole dans un contexte où la Mutualité sociale agricole connaît une situation financière fragile étant donné l'évolution démographique de ses affiliés, il faut s'inquiéter que, les dépenses correspondantes pouvant connaître des évolutions fortes, elles exercent une sorte d'effet d'éviction sur les interventions plus stratégiques financées par le budget du ministère.

2. Une évolution qui fait écho à l'augmentation de 2 % des dépenses fiscales rattachées à la mission

Les 37 dépenses fiscales désormais rattachées au programme 149 devraient avoir un coût de 2,831 milliards d'euros en 2017 , dont 2,67 milliards d'euros pour les impôts perçus par l'État et 159 millions d'euros pour les dépenses fiscales concernant les impôts locaux prises en charge par l'État.

Leur poids s'alourdirait de l'ordre de 2 % (2,774 milliards d'euros en 2016).

Si toutes ces dépenses ne concernent pas l'agriculture stricto sensu (un certain nombre d'entre elles finançant la politique de la forêt), leur poids dans les soutiens à l'agriculture, qui s'alourdit, mérite d'être souligné.

Au demeurant, en 2017, elles progresseraient davantage, en niveau, que les seuls crédits d'intervention de programme considérés en dehors des compensations d'exonérations de cotisations sociales.

Encore faut-il exposer quelques observations.

L'évaluation du coût des dépenses fiscales manque d'exhaustivité.

Au total, treize dépenses fiscales ne sont pas renseignées (soit un tiers des dispositifs). Sept dépenses fiscales ne sont pas chiffrées comme représentant des montants inférieurs à 0,5 million d'euros. Six dépenses fiscales sont considérées comme non-chiffrables pour des raisons non indiquées.

Par ailleurs, les interactions entre les dépenses fiscales ne sont pas prises en compte au moment du chiffrage si bien que les effets en retour des allègements de prélèvements sur la dynamique d'autres prélèvements ne sont pas consolidés entre eux.

Enfin, les remises gracieuses d'imposition prévues par les différents plans d'urgence ne sont pas évaluées.

Les effets socioéconomiques des dépenses fiscales sont peu documentés au point que, pour nombre d'entre elles, le nombre des bénéficiaires n'est pas indiqué dans les documents budgétaires.

Le coût budgétaire des dépenses fiscales est très concentré. Une seule mesure, le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole représente 1,885 millions d'euros, soit 66,5 % de l'ensemble.

La fiscalité agricole a fait l'objet d'une réforme, de grande envergure avec le remplacement du forfait agricole par un dispositif dit de « micro-bénéfices agricoles » ou micro-BA adoptée lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2015, dans des conditions qui n'ont pas favorisé un examen approfondi du texte. La réforme consiste à retenir, pour déterminer le résultat imposable, un abattement forfaitaire de 87 % pour tenir compte des charges, système devant se substituer à l'utilisation de plusieurs milliers de comptes d'exploitation-types censés refléter les conditions économiques des différentes exploitations agricoles imposées dans le régime du forfait. Cette réforme pour laquelle il est trop tôt d'avancer une évaluation s'est déjà traduite par l'adoption de correctifs visant à la compléter. Deux articles de la première partie du présent projet de loi de finances en témoignent, s'agissant du régime des équidés domestiques et de la conciliation entre imposition au réel d'activités non agricoles et bénéfice du micro-BA. Il n'est pas douteux que d'autres évolutions doivent intervenir. En particulier, l'évolution du régime fiscal appliqué à l'ICHN désormais intégrée dans le micro-BA conduit à un ressaut d'imposition dans la mesure où, malgré la réduction forfaitaire pour charges élevée de ce régime, son inclusion dans l'assiette imposable aboutit inévitablement à l'augmenter.

De façon générale, l'effet ex post des mesures dérogatoires, qui se multiplient, et des soutiens ordinaires qui structurent la mise en oeuvre de la politique de développement agricole durable mériterait d'être clarifié afin de mesurer les transferts nets ainsi réservés aux agriculteurs.

Enfin, votre rapporteur spécial Alain Houpert souhaite être attentif aux évolutions que devrait connaître la fiscalité agricole dans sa composante kaléidoscopique des « petites taxes » qui, coûteuses à administrer et de faible rendement, n'en nuisent pas moins à la compétitivité des entreprises qui y sont soumises, d'autant qu'elles sont souvent peu appliquées aux produits importés et, plus globalement aux filières concernées. Il rappelle que le Sénat avait voté l'an dernier la suppression de la taxe sur les farines et son regret que ce vote n'ait pas été confirmé par l'Assemblée nationale l'an dernier. Il relève avec satisfaction que ce vote ait pu être obtenu cette année. Mail il s'inquiète que ses effets sur l'équilibre financier de la MSA n'aient pas été compensés, compensation qu'il échoie à l'Assemblée nationale de définir.

3. Des crédits pour les interventions structurantes qui augmentent beaucoup plus faiblement

Les autres principaux facteurs d'évolution des crédits du programme 149, qui sont récapitulés dans l'encadré ci-dessous, représentent une masse nettement moins considérable. Pour les seules interventions, les augmentations de moyens s'élèvent à 102,8 millions d'euros, dont 33 millions d'euros pour les seules agricultures ultramarines.

Ces crédits supplémentaires représentent une masse inférieure à celle de la progression du poids des dépenses fiscales et à celle des crédits ouverts en supplément par le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Il est vrai que certains postes de dépenses, particulièrement dynamiques dans la conjoncture de risques que connaît la « ferme France » continueraient à n'être pas dotés en loi de finances initiale, ce qui est regrettable et nuit considérablement à la significativité même du projet de budget pour 2017.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial Yannick Botrel veut tout particulièrement souligner combien, dans le contexte général très tendu des finances publiques et dans le cadre d'un budget agricole qui démontre amplement sa capacité à répondre aux situations de détresse subies par les professionnels, il lui apparaît satisfaisant de constater que les actions structurelles que ce budget finance, loin d'être sacrifiées , bénéficient d'un réel élan.

Il observe ainsi que les agriculteurs, exposés à des conditions particulièrement difficiles dans leurs métiers, bénéficieront d'une revalorisation substantielle des aides qui les compensent, à travers l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN).

Il se félicite de l'abondement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui favorisent la conjugaison d'un essor de la production et des préoccupations environnementales. À ce sujet, il lui paraît souhaitable de mieux promouvoir les efforts réalisés en ce sens, tant auprès des exploitants français qu'en tant qu'avantage comparatif dans le commerce mondial, d'une agriculture française particulièrement exemplaire.

Enfin, il faut aussi souligner l'augmentation des moyens disponibles pour adapter les filières agricoles à travers la hausse des subventions et autres aides consenties aux exploitants pour moderniser leurs moyens de production. Les crédits du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) , qui a bénéficié de l'élan donné par le Président de la république à cette préoccupation dès l'automne 2013 représentent, aux yeux de votre rapporteur spécial Yannick Botrel un dispositif particulièrement précieux dans les temps difficiles où s'il faut répondre aux urgences, il importe aussi de préparer l'avenir. Il souligne l'importance des actions en faveur des filières d'outre-mer qui bénéficient d'un effort supplémentaire portant les dotations disponibles au-delà de 160 millions d'euros.

Principales variations des interventions financées par le programme 149 en 2017 (hors protection sociale et forêt)

Les principales variations concernant les interventions du programme 149 seraient les suivantes :

- la revalorisation de l'ICHN de 8 millions d'euros en AE et CP, conformément aux annonces de Cournon ;

- une augmentation des crédits dévolus aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) pour 14,4 millions d'euros en AE et 20,2 millions d'euros en CP) ;

- une augmentation de 36,8 millions d'euros des crédits de paiements du dispositif de modernisation des exploitations liée aux échéanciers de paiements, au regard de l'augmentation des engagements depuis 2015 pris dans le cadre du plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles et du plan de soutien à l'élevage ;

- la poursuite des travaux de photo-interprétation du registre parcellaire graphique effectués par l'IGN dans le cadre d'une convention d'un montant de 8 millions d'euros ;

- la suppression des prêts bonifiés en 2017 est compensée par une revalorisation de la dotation aux jeunes agriculteurs (nouveau dispositif en cours d'élaboration) de 14 millions d'euros en AE et 3,5 millions d'euros en CP ;

- une augmentation de 2,8 millions d'euros pour les actions internationales, comprenant un rebasage (au niveau inscrit dans la convention) de 2,5 millions d'euros de la délégation de service public conclue avec la Sopexa et une contribution du MAAF au financement d'une nouvelle organisation internationale dédiée à la protection des Indications géographiques ;

- une économie de 4 millions d'euros est permise par la suppression de la subvention aux SAFER métropolitaines, compensée par diverses mesures d'ordre financier et fiscal ;

- une augmentation du FAC de 0,9 million d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP ;

- une augmentation de 0,5 million d'euros en AE consacrée aux travaux de transfert des ouvrages domaniaux d'hydraulique agricole ;

- une augmentation de 0,5 million d'euros en AE = CP allouée aux études et à l'expertise technique dans les domaines du sol et de l'eau ;

- un soutien supplémentaire de 0,6 million d'euros accordée au réseau rural national ;

- une aide complémentaire de 28 millions d'euros accordée à la filière sucre des DOM afin d'accompagner la fin des quotas sucriers qui interviendra au 1 er octobre 2017 ;

- une augmentation de 5 millions d'euros pour l'aide aux filières de diversification dans les DOM, effectuée sur les crédits d'intervention CIOM.

4. Les moyens budgétaires alloués à la gestion des crises et des aléas, une programmation chroniquement insuffisante, des besoins en forte augmentation

L'action 2 « Gestion des crises et aléas » du programme 149 enregistre en 2017 une hausse de ses crédits qui passent de 3,9 à 5,5 millions d'euros. Cette hausse ne doit pas masquer la réduction considérable des inscriptions budgétaires au titre de cette provision. En 2015, elle était dotée de 28 millions d'euros si bien que la programmation pour 2017 laisse subsister un déficit de moyens par rapport à la prévision de 2015 de 22,5 millions d'euros.

Le paradoxe continue de vouloir que les aléas climatiques, sanitaires ou économiques, qui bouleversent chaque année dans des proportions variables, mais régulièrement considérables, l'exécution budgétaire, soient pris en charge par l'action la moins dotée dans le projet de loi de finances initiale du programme 149.

L'analyse de l'évolution des concours publics à l'agriculture montre en effet qu'en 2015, une forte hausse des aides relatives aux aléas de production est intervenue. De 92,5 millions d'euros en 2014, elles sont passées à 143,1 millions d'euros en 2015, marquant une augmentation de 50,6 millions d'euros, dont 25,9 millions d'euros au titre des calamités agricoles. Les ouvertures de crédits demandées dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année témoignent encore de la sous-programmation, condamnable aux yeux de votre rapporteur spécial Alain Houpert, de ces dotations, particulièrement sollicitées dans le cadre des annonces successives réalisées pour répondre aux urgences subies par les professionnels agricoles.

Le dispositif de prise en charge des aléas repose sur plusieurs mécanismes.

Le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) est abondé par une subvention du budget de l'État prévue par l'article L. 361.5 du code rural ainsi que par le produit des contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant les dommages aux bâtiments et au cheptel affectés aux exploitations agricoles et les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules affectés aux exploitations agricoles. Enfin, une contribution additionnelle est applicable aux exploitations conchylicoles.

Ce dispositif a été déstabilisé en 2015. La recette générée par la contribution additionnelle étant supérieure aux besoins de financement du fonds pour les sinistres moyens hors crise exceptionnelle, le fonds de roulement du FNGRA a été prélevé à hauteur de 255 millions d'euros. D'autre part, le taux de la taxe additionnelle est passé de 11 % à 5,5 % et la contribution additionnelle a été plafonnée à hauteur de 60 millions d'euros à compter du 1 er janvier 2016 (40 millions d'euros pour les calamités agricoles et 20 millions d'euros pour les pertes d'origine sanitaires inférieures à 30 %).

Dans ces conditions, le risque budgétaire s'est trouvé accru, les recettes ordinaires du fonds étant appelées à diminuer. Faute d'une budgétisation initiale suffisamment prudentielle, le budget du programme 149 est conduit à abonder en cours d'année des ressources insuffisantes pour faire face aux besoins à abonder la ligne en cas de crise majeure. Ainsi, pour la sécheresse de 2015, le montant des calamités est estimé à 180 millions d'euros. En conséquence, l'État a dû abonder le FNGRA au cours de l'exercice 2016 à hauteur de 25 millions d'euros alors même que le budget initial avait prévu une dotation très substantiellement supérieure à celle envisagée pour 2017. Fin août 2016, les indemnisations versées pour cette sécheresse en cours de traitement s'élèvent à 135 millions d'euros. Le traitement de cette calamité et de nouvelles calamités en 2016 (inondations du printemps et gel sur fruits) devrait nécessiter un nouvel abondement du fonds en loi de finances rectificative, illustrant les observations de votre rapporteur spécial Alain Houpert sur le caractère virtuel de la budgétisation du programme relative aux risques et aléas en loi de finances initiale pour 2016 alors même que le budget général tire un profit conséquent des dispositifs dont s'agit. Il suffit à cet égard de rappeler la contribution du fonds de roulement du FNGRA (255 millions d'euros en 2015) au financement d'opérations sans lien avec l'objet des contributions appelées auprès des agriculteurs.

Cette sous-budgétisation est d'autant plus regrettable qu'est intervenue une modification du financement des incitations à recourir à l'assurance récolte qui a allégé la charge de la prise en compte des aléas pour l'État. En effet, le financement de la gestion des risques a été transféré au second pilier de la PAC ce qui concerne l'assurance récolte .

L'État a soutenu depuis 2005 la diffusion de contrats d'assurance multirisques climatiques (« assurance récolte »). Des aides à la souscription des contrats d'assurance récolte ont été mises en place sous la forme de prise en charge partielle des primes ou cotisations d'assurance payées par les exploitants agricoles. À partir de 2010, les subventions ont fortement augmenté principalement grâce au relèvement du taux de soutien.

En 2013, un stabilisateur budgétaire a dû être appliqué, l'enveloppe budgétaire prévue n'ayant pas permis de soutenir l'ensemble des contrats souscrits au taux maximal de 65 %. Ainsi, le taux de soutien des contrats couvrant les pertes de récolte en grandes cultures a été réduit de 65 % à 43 %. Un taux de soutien à 65 % a en revanche été préservé pour les autres productions (vigne, fruits et légumes), afin de ne pas porter atteinte au développement de l'assurance dans ces secteurs où les taux de diffusion sont plus faibles.

En 2014, afin de ne pas appliquer de nouveau un stabilisateur budgétaire le Gouvernement a pris la décision de mettre en place, à titre exceptionnel, une aide complémentaire pour les bénéficiaires de l'aide à l'assurance récolte au titre de la campagne 2014. Cette aide vise à compléter l'aide versée au titre de la PAC dans la limite du taux de soutien maximal autorisé de 65 % et s'inscrit dans le régime des aides de minimis (tandis que les aides à l'assurance récolte au titre de la PAC relèvent du régime des soutiens directs). Cette aide, financée par la deuxième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture, a été mise en oeuvre sur la base d'un décret spécifique publié le 2 octobre 2015. L'aide complémentaire a été perçue par les agriculteurs à l'été 2016.

En 2015, une enveloppe budgétaire de 118 millions d'euros a été allouée à l'aide à l'assurance récolte. Le nombre total de contrats souscrits pour la campagne 2015 est de 68 378 contrats. Ce chiffre est en baisse par rapport à 2014 (75 828 contrats), témoignage regrettable des difficultés rencontrées sur le front de la diffusion des assurances récolte.

À ce sujet, une inquiétude doit être mentionnée en lien avec les progrès du « big data » dans le secteur agricole. Celui-ci conduit les agriculteurs à fournir des informations très précises sur les conditions de leur exploitation, parfois à leur insu. Les données recueillies peuvent conduire les assureurs à mettre en oeuvre des contrats individuels très fortement « margés » sans que le pouvoir de négociation des exploitants leur permette individuellement de se défendre contre ces pratiques. Ce dossier devrait encourager les autorités publiques en charge de ces domaines à la plus extrême vigilance.

Taux de pénétration parmi les différents groupes de culture
entre 2010 et 2015

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Grandes cultures

27,9 %

30,7 %

30,8 %

32,0 %

31,0 %

26,8 %

Viticulture

14,6 %

15,5 %

18,8 %

19,2 %

23,5 %

23,2 %

Arboriculture

2,1 %

2,3 %

2,6 %

2,3 %

2,5 %

2,2 %

Légumes

13,1 %

15,5 %

15,5 %

15,2 %

16,8 %

15,4 %

Par rapport à 2014, le taux de diffusion est en baisse dans toutes les filières sauf pour l'horticulture. Cette diminution du taux de diffusion est plus ou moins accentuée selon les filières. On note :

- une légère baisse pour les filières légumes (- 1.4 point), viticulture (- 0.3 point), fruits (- 0.3 point) et PAM (- 0.1 point).

- une diminution plus importante pour les grandes cultures (une moyenne de - 4.2 points) : - 4 points pour les céréales, - 5.7 pour les oléagineux, - 3.7 pour les protéagineux et - 4.5 pour les cultures industrielles.

Toutes filières confondues on passe d'un taux de diffusion total des contrats d'assurance récolte éligibles à subventions de 30 % à 26,1 %.

Comme pour les années précédentes on observe en 2015, une différence des taux de diffusion entre type de culture qui s'explique notamment par le fait que le montant de prime brute (avant subvention) payée par les agriculteurs diffère fortement entre les types de cultures. La prime par hectare s'élève à 55 euros par hectare pour les grandes cultures contre 1 759 euros pour l'arboriculture, 165 euros pour les légumes et 308 euros pour la viticulture.

À compter de la campagne 2015, conformément aux termes de l'accord obtenu au niveau européen sur la nouvelle PAC, la gestion des risques est transférée sur le deuxième pilier de la PAC et le soutien public alloué à son financement bénéficiera d'une enveloppe cofinancée à 100 % par des crédits FEADER provenant d'un transfert du premier pilier de la PAC.

Enfin, sur la base d'un travail commun mené au cours de l'année 2014 et finalisé au premier semestre 2015, le ministère chargé de l'agriculture, les organisations professionnelles agricoles et la Fédération française des sociétés d'assurance ont défini le contenu d'un nouveau contrat d'assurance récolte, le contrat socle. Répondant à une logique de coup dur, ce dernier a pour objectif de soutenir l'agriculteur touché par un aléa climatique et lui permettre de relancer un cycle de production. Le contrat socle, dont la spécificité repose sur le principe d'un plafonnement du capital assuré, devrait par ailleurs permettre de limiter le coût de l'assurance et faciliter l'accès d'un plus grand nombre d'agriculteurs à ce moyen de protection. Ces contrats sont commercialisés pour la campagne 2016.

Un tel produit largement diffusé devrait permettre de mieux protéger les exploitations et de mieux asseoir la viabilité de l'assurance récolte grâce à une meilleure mutualisation des risques liés aux aléas climatiques.

Au total, il apparaît que la question des aléas climatiques, économiques et sanitaires subis par le monde agricole ne fait toujours pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante d'un point de vue budgétaire . Cette prise en charge se détériore année après année.


* 9 « L'agroalimentaire français face au défi de l'export : pour une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien », rapport n° 736 (2012-2013) par Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand.

* 10 DGT - Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2014. Ces données ne concernent que les déclarations faites dans le secteur agricole hors entreprises de travail temporaire qui concentrent en fait la majorité des détachements en milieu agricole.

* 11 Ces détachements comptabilisés à partir des formulaires A1 de sécurité sociale peuvent concerner plusieurs fois la même personne. Les statistiques sur le nombre des personnes réellement concernées ne sont pas disponibles pour tous les pays.

* 12 Le projet de loi de finances rectificative publié le 18 novembre 2016 a procédé à des ouvertures de crédits complémentaires mentionnées comme directement liées au pacte. Une ouverture de 123,5 millions d'euros est prévue au bénéfice du FNGRA tandis que le FAC est lui-même abondé sans précision sur le rattachement de ces crédits au pacte.

* 13 Ce plan s'est substitué en 2015 au plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), au plan végétal pour l'environnement (PVE) et au plan de performance énergétique (PPE).

* 14 Pour mémoire, en 2016, le projet de loi de finances initiale proposait d'ouvrir 277,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 291,3 millions d'euros de crédits de paiement au titre du programme 149 alors consacré à la politique forestière.

* 15 Dans la nomenclature budgétaire antérieure, les effets des mesures de protection sociale prises en charge par le budget (au titre des exonérations de cotisations sociales) étaient récapitulés dans l'action 14 « gestion équilibrée et durable des territoires »

* 16 Charge largement sous-dotée en loi de finances initiale comme le montre le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

* 17 L'article 93 de la loi de finances pour 2013 a mis fin à l'exonération de la cotisation au titre des accidents du travail.

* 18 Participation au développement de la formation professionnelle continue, cotisation à l'Association pour la Gestion du fonds de financement (AGFF), cotisation de retraite complémentaire obligatoire, cotisation à l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture (ANEFA), cotisation au Conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement (PROVEA), cotisation à l'Association pour le Financement de la négociation collective en agriculture (AFNCA), cotisation pour le fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail (médecine du travail).

* 19 La loi de finances pour 2013 a modifié la pente de dégressivité du dispositif pour la placer sur les salaires compris entre 1,25 et 1,5 SMIC, au lieu précédemment de 2,5 et 3 SMIC.

* 20 Sans compter les dépenses correspondant à la prise en charge des mesures de soutien exceptionnelles touchant les cotisations sociales des agriculteurs ni les affectations de recettes destinées à compenser aux régime de sécurité sociale agricole des allégements résultant de mesures générales de réduction du coût du travail.