MM. Yannick Botrel et Alain Houpert, rapporteurs spéciaux

DEUXIÈME PARTIE
OBSERVATIONS SUR LA POLITIQUE FORESTIÈRE
ET LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

La structuration de la mission s'accompagne d'une modification substantielle cette année puisque le programme 149 « Forêt » disparaît, ses crédits se trouvant absorbés par un nouveau programme 149 qui fusionne les crédits de la forêt et ceux de l'ancien programme 154 consacré aux interventions en faveur de l'agriculture.

Cette innovation est justifiée par la préoccupation de « simplifier la gestion budgétaire » et de « renforcer de la cohérence des dispositifs en faveur des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ».

Si l'historique de la gestion budgétaire enseigne que les crédits prévus pour conduire la politique forestière ont souvent été mobilisés à d'autres finalités, la séparation des programmes obligeait à respecter les disciplines de spécialisation des dotations, celle-ci justifiant la diversité des programmes budgétaires qui en est l'incarnation.

La décision de fusionner les crédits des programmes 154 et 149 instaure une situation où les crédits de la politique forestière ne seront plus protégés par le principe de spécialité budgétaire. La « personnalité » budgétaire de la politique forestière s'en trouve affadie, ce qu'il faut regretter.

De la même manière il est souhaitable de préserver une certaine lisibilité du projet annuel de performances. En ce sens, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un opérateur de l'État, la présentation détaillée des équilibres du fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), qui bénéficie de ressources affectées en plus des crédits budgétaires qui lui sont réservés devrait être exposée avec clarté.

Les crédits de la mission ne sont pas les seuls moyens publics consacrés à la forêt. Dans leur rapport sur la politique forestière, vos rapporteurs spéciaux rappelaient que celles-ci bénéficiaient de transferts estimés à 910 millions d'euros. La mission, par ses crédits, compte ainsi pour 30,9 % des concours publics à la forêt.

Concours publics à la forêt


• La contribution directe du budget de l'État issue du programme 149 « Forêt » avec en moyenne sur la période 2006-2013, 296 millions d'euros.


• Les dépenses fiscales , estimées à 124 millions d'euros en moyenne sur la période 2006-2013 rattachées au programme 149 : mesures fiscales patrimoniales sur les droits de mutation à titre gratuit et l'impôt de solidarité sur la fortune et mesures d'encouragement fiscal à l'investissement forestier.


• Versement de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti en forêt, à hauteur de 19 millions d'euros, partie au CNPF (9,5 millions d'euros), partie à la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) pour 0,9 million d'euros) et au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) pour 3,7 millions d'euros). Le reste du montant de la taxe est affecté aux chambres d'agriculture.


• Divers autres financements mis en oeuvre par des organismes publics à hauteur de 47 millions d'euros par an en moyenne : financements du programme d'investissements d'avenir (22 millions d'euros), du fonds de modernisation des scieries (prêts participatifs de développement bois : 2,6 millions d'euros) et du fonds stratégique bois (2,6 millions d'euros), trois dispositifs gérés par Bpifrance.


• D'autres crédits de l'État viennent soutenir plus indirectement le secteur forêt-bois, en incitant à l'utilisation de bois-énergie. Il s'agit entre autres :

- de crédits du programme 174 du MEEM « Énergie, climat et après-mines » : 95,5 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013 dédiés au « fonds chaleur » et attribués à des projets visant à soutenir l'utilisation du bois ;

- du soutien à la production d'électricité à partir de bois : 46,6 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013, via des tarifs d'achat d'électricité à tarifs réglementés et des appels d'offres de la commission de régulation de l'énergie (CRE) ;

- du crédit d'impôt « développement durable » visant à encourager l'acquisition d'équipements utilisant les énergies renouvelables.


• De nouvelles ressources financières ont été allouées à la filière en 2015 et 2016 dans le cadre du doublement du « fonds chaleur ». L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) a lancé en mars 2015 (pour 30 millions d'euros) et en février 2016 (pour 20 millions d'euros) des appels à manifestation d'intérêt nommés « DYNAMIC Bois » dont l'objectif est de faciliter l'approvisionnement des chaufferies biomasse en incitant financièrement à la mobilisation de bois supplémentaire tout en améliorant la qualité des peuplements forestiers, tant sur un plan économique qu'environnemental.


• Des soutiens publics sont également mis en oeuvre par les conseils régionaux et les conseils départementaux. Pour ces derniers, la Cour des comptes a mis en évidence un montant global d'environ 38 millions d'euros par an destinés au secteur forêt-bois, et prioritairement au développement économique de l'aval de la filière, à la formation et l'animation, à l'aide aux scieries et à l'investissement forestier. Pour les financements apportés par les conseils régionaux, ils sont estimés à 52 millions d'euros par an leur montant global.


• Au-delà de ces financements d'origine nationale, les fonds européens (FEADER, FEDER et FSE) apportent un financement public d'appoint pour la filière forêt-bois qui représente 47 millions d'euros par an, essentiellement concentrés sur le FEADER (28 millions d'euros) et le FEDER (17,8 millions d'euros).


• Enfin, le produit de la taxe affectée (12,5 millions d'euros) au comité de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB) et à l'institut technologique FCBA ainsi que des fonds d'origine interprofessionnelle (à hauteur de 6,5 millions d'euros par an), mis en oeuvre par l'interprofession France Bois Forêt (FBF), contribuent également à apporter un soutien financier à la filière forêt-bois.

A. DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA FORÊT PRATIQUEMENT STABLES

1. Vue d'ensemble

L'ancien programme 149 « Forêt » qui assurait le financement de la politique nationale en matière de forêt et de soutien à l'amont de la filière forêt-bois 30 ( * ) est relégué au rang de simple action du nouveau programme 149 issu de la fusion mentionnée. Ses moyens sont regroupés dans l'action 26 de ce programme « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois ».

Les dotations prévues s'élèvent à 273,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 281,5 millions d'euros en crédits de paiement.

Elles sont en léger repli par rapport aux ouvertures de la loi de finances pour 2016 où elles s'élevaient respectivement à 276,1 millions d'euros et 289,4 millions d'euros, concrétisant ainsi une baisse respective de 1 % et 2,7 % par rapport à leur niveau de 2016 (- 2,7 millions d'euros et - 7,9 millions d'euros) .

Cette diminution provient pour 2,9 millions d'euros de la réduction de la subvention à l'Office national des forêts qui absorbe 62,2 % des moyens consacrés à la forêt par le ministère.

Elle résulte surtout de la réduction des provisions destinées à aider les propriétaires forestiers touchés par la tempête Klaus de 2009 à nettoyer les parcelles et à reconstituer la forêt alors dévastée. Les crédits inscrits à ce titre diminuent de 7,1 millions d'euros. Ils demeurent une composante importante des crédits pour la forêt avec 35,3 millions d'euros. Au total, la tempête Klaus aura considérablement pesé sur les marges de manoeuvre de la politique forestière dont une proportion importante des moyens aura été consacrée à réparer plutôt qu'à développer le potentiel forestier.

En dehors de ces deux évolutions, les crédits consacrés à la forêt sont en légère croissance, de 2,1 millions d'euros en crédits de paiement.

Les économies réalisées sur les deux postes mentionnés ne sont donc pas entièrement sans retour pour la politique forestière soutenue par la mission.

Cependant, les évolutions imprimées aux différentes sous-actions forestières sont différenciées.

Les transferts aux collectivités territoriales directement financés par la mission se réduisent de 2 millions d'euros (- 10,2 %) alors que collectivités emploient la plupart de ces concours à des actions de défense contre les incendies, particulièrement nécessaires dans le contexte actuel.

En revanche, il faut se féliciter que les dotations destinées à financer la restauration des terrains en montagne ne subissent pas de coupes budgétaires .

Les actions d'investissement bénéficient de dotations plus importantes que l'an dernier. Leurs moyens sont augmentés de 2,9 millions d'euros et passent à 17,5 millions d'euros. Ces moyens connaissent des emplois diversifiés allant de l'amélioration de la desserte forestière à des cofinancements de certains dispositifs gérés par Bpifrance Financement.

Par ailleurs, l'institut technologique « Forêt cellulose bois-construction ameublement » (FCBA) voit ses moyens (très) légèrement renforcés.

Dans les usages du bois, il est particulièrement souhaitable de favoriser ceux qui ont un potentiel de valorisation comparativement élevé et assure à la matière première une survie et, avec elle, un horizon de services, notamment environnementaux, dépassant l'usage ponctuel. C'est toute la question du choix entre le bois-feu et le bois matériau. Dans ces conditions, il faut souhaiter que le centre technique, qu'est le FCBA, puisse trouver les moyens de contribuer encore plus à l'affirmation des choix les plus pertinents de mobilisation de la ressource.

En dehors de ces deux phénomènes qui jouent en sens inverse, votre rapporteur spécial relève une légère baisse des moyens en crédits alloués au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), destiné aux interventions de développement et d'accompagnement de l'investissement dans les filières amont et aval et qui était déjà peu doté (- 0,7 % en AE et - 0,4 % en CP). Toutefois, il note que des fonds supplémentaires seront fléchés via la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le foncier non-bâti et le produit de l'indemnité de défrichement. En outre, il note avec satisfaction que le Gouvernement entend, à terme, alimenter ce fonds par le marché carbone. L'ambition d'un fonds stratégique doté de 100 millions d'euros demeure encore lointaine, alors que le besoin de reboisement est particulièrement fort, dans le contexte de renouvellement du bouquet énergétique programmé par la loi de transition énergétique.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent qu'ils ont récemment rendu un rapport sur cette filière , ses atouts, ses difficultés et les réformes qu'il convient de mettre en oeuvre 31 ( * ) . Si les actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics vont dans le bon sens, les préconisations qui y sont présentées restent entièrement d'actualité et doivent faire l'objet de réflexions et d'actions. Il convient, en particulier, de privilégier davantage le soutien à l'innovation et à la stratégie de montée en gamme dans le domaine du bois, ce qui devrait dégager des perspectives économiques nouvelles pour la filière forêt-bois française, qui souffre d'une concurrence importante à l'international. Tout en rappelant la nécessité de transformer nos ressources brutes sur le territoire, qui doit guider une politique de renforcement de tous les maillons de la chaîne, on peut s'interroger sur la pérennité de certaines mesures réglementaires allant dans ce sens.

En 2016 la subvention du centre national de la propriété forestière (CNPF) avait été rétablie à hauteur de 15,4 millions d'euros, alors que l'équilibre du budget de l'établissement avait été assuré en 2015 grâce à un prélèvement sur son fonds de roulement qui offrait un disponible de 22,6 millions d'euros en fin d'exercice 2014. Finalement, la subvention budgétée par le centre en 2016 s'est élevée à 15,1 millions d'euros. L'exercice se conclurait par un bénéfice 32 ( * ) (1,4 million d'euros) faisant suite à la lourde perte constatée en 2015 (15,8 millions d'euros) qui a entamé le fonds de roulement de l'établissement. C'est à une somme analogue qu'est arrêtée la subvention pour charges de service public dans le projet de loi de finances pour 2017 (15,06 millions d'euros) .

Par ailleurs, le centre témoigne d'une volonté de maîtriser ses charges.

2. L'Office national des forêts, doit faire plus pour la filière forêt- bois française

S'agissant de l'Office national des forêts (ONF ), le financement apporté par l'État s'élève à 182,8 millions d'euros , dont 175,2 millions d'euros financés par le programme 149 .

Sa contribution se décompose en un versement compensateur , stable à 140,4 millions d'euros , une subvention d'équilibre de 12,5 millions d'euros (contre une budgétisation initiale en 2016 de 16,2 millions d'euros), un financement de ses missions d'intérêt général de 22,3 millions d'euros maintenu par rapport à l'an dernier.

La subvention d'équilibre prévue pour 2016 ne serait finalement pas consommée en raison d'un maintien du cours du bois à un niveau suffisamment rémunérateur. Dans ces conditions, la subvention programmée pour 2017 apparaît plutôt comme une provision que comme le socle de dépenses futures inévitables.

La situation de l'ONF avait inspiré de très fortes inquiétudes au point que la pérennité de l'établissement avait pu être mise en doute. Le redressement de ces dernières années est, par conséquent, bienvenu.

Depuis quelques années, la forte réduction de la part des charges de l'ONF couverte par ses ventes de bois se modère un peu. Celles-ci représentaient entre 70 % et 80 % de ses recettes dans les années 1980 contre un tiers désormais. Néanmoins, l'ONF, qui avait dégagé au titre de ses ventes de bois un chiffre d'affaires record de 270 millions d'euros en 2014, voit cette tendance se poursuivre. Le chiffre d'affaires-bois s'élèverait à 278,8 millions d'euros en 2016.

Comme indiqué, cette évolution traduit le redressement du cours du bois, qui demeure une variable évolutive et dont l'impact sur d'autres acteurs de la filière n'est pas également favorable. Il convient donc de réaliser de nouveaux efforts pour stabiliser les charges d'exploitation de l'ONF et augmenter sa production de bois enrichie en produits de qualité.

Ces évolutions sont souhaitées par la tutelle qui, à l'issue de la renégociation anticipée du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ONF pour 2016-2020, a conclu avec l'établissement un nouveau contrat d'objectifs et de performance le 7 mars 2016, auquel s'est jointe la fédération nationale des communes forestières.

Le nouveau COP de l'ONF s'articule autour des six axes suivants :


• accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi ;


• relever le défi du changement climatique et de la préservation de la biodiversité ;


• mieux répondre aux attentes spécifiques de l'État et des citoyens ;


• adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des départements d'outre-mer ;


• stabiliser les effectifs et accompagner les évolutions de l'établissement par une gestion dynamique des ressources humaines ;


• améliorer la durabilité du modèle ONF et consolider son équilibre financier.

Le précédent COP avait fixé à l'ONF des objectifs en termes de mobilisation de la ressource bois de 6,8 millions de mètres cube par an en forêt domaniale et de 9,3 millions dans les forêts des collectivités. Le nouveau COP a un peu réduit ces objectifs qui passent à 6,5 millions de mètres cube et 8,5 millions de mètres cube respectivement.

Cependant, il est demandé à l'ONF de progresser dans sa production de bois façonné qui engage des moyens plus importants au service d'une production mieux valorisée. On doit également prendre en considération que ces objectifs sont supérieurs aux productions effectives et qu'ils devront être atteints à effectifs sous plafond inchangés. Le COP prévoit néanmoins une augmentation des effectifs hors plafond dans le cadre de l'essor donné à l'apprentissage. Il n'est pas sûr que cette orientation soit réellement durable dans la mesure où les apprentis embauchés par l'ONF n'ont pas vocation à le demeurer et peuvent éprouver quelques difficultés à trouver d'autres débouchés qu'au sein de l'établissement. Il est vrai qu'ils peuvent constituer un vivier pour les recrutements nécessités par les départs en retraite. Néanmoins, votre rapporteur spécial Yannick Botrel réitère son scepticisme face à une gestion des ressources humaines qui compterait sur le remplacement des départs de fonctionnaires et de salariés en retraite par des emplois aidés et des apprentis .

En toute hypothèse, la France s'est donné des objectifs de développement de sa filière-bois qui doivent être suivis par un effort de mobilisation cohérent. En l'état, compte tenu des objectifs de rééquilibrage du bouquet énergétique français et de la contribution demandée à la ressource en bois, dans un cadre où la demande industrielle serait stable, l'accroissement naturel de la matière première couvrirait environ 40 % des besoins de biomasse supplémentaires liés à la programmation pluriannuelle de l'énergie en 2018, et entre 60 % et 40 % en 2023 selon les scenarios de mobilisation de la ressource.

Dans ces conditions, malgré l'existence d'un potentiel suffisant, il convient de veiller à préserver durablement la forêt française, ce qui suppose un effort de reboisement raisonné , mais aussi d'assurer une mobilisation suffisante.

De ce point de vue, l'ONF devra mieux jouer son rôle. Il faut, en effet, mesurer la part prise par l'ONF dans la récolte de bois, en rappelant que la récolte de bois commercialisée s'est élevée à 37,9 millions de mètres cube en 2015. La contribution de l'ONF apparaît trop modeste.

Pour qu'elle soit plus satisfaisante, une série de conditions doivent être réunies parmi lesquelles la poursuite des efforts de l'office en matière d' organisation interne (mise en place d'une comptabilité analytique et optimisation de sa fonction ressources humaines) dans le sens des préconisations formulées par la Cour des comptes dans son rapport particulier sur les exercices 2009 à 2012 de l'établissement.

On rappelle que l'ONF est un établissement public industriel et commercial qui, quoique chargé de la mise en oeuvre du régime forestier, doit pouvoir faire le départ entre ses missions de police et ses activités d'exploitation, tout en préservant les équilibres d'une gestion de ses ressources humaines qui, pour tirer parti des possibilités de la législation du travail, doit demeurer attentive à préserver l'engagement professionnel de ses agents.

3. Des dépenses fiscales « Forêt » de taille inégale

L'évaluation des dépenses fiscales en faveur de la forêt est particulièrement complexe dans la mesure où certaines dépenses fiscales qui lui profitent poursuivent une vocation plus large que celle de favoriser les actifs forestiers.

Les mesures fiscales relevant effectivement de la forêt s'élèvent entre 50 et 60 millions d'euros. Elles comprennent les mesures patrimoniales (exonérations partielles de droits de mutation à titre gratuit et d'impôt de solidarité sur la fortune) pour 70 % de la dépense fiscale forestière et les mesures d'incitation à l'investissement pour 30 %.

Les deux mesures de fiscalité forestière fiscales les plus coûteuses sont les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), dont le coût serait proche de 20 millions d'euros chacune selon la Cour des comptes quand le ministère propose plutôt une évaluation de 26 millions d'euros pour la part forestière de l'ISF.

Le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI), composée de quatre volets, représente pour sa part un coût plus modeste de 9 millions d'euros. Le volet « travaux », qui consiste à aider l'investissement en forêt, est le plus utilisé. Le volet « acquisition » encourage l'agrandissement des propriétés forestières. Le volet « contrat » du DEFI destiné à encourager la conclusion de contrats de gestion pour les petites propriétés souffre d'un taux d'aide trop faible pour être utilisé. Enfin, l'absence de développement de l'assurance contre les tempêtes en forêt a obéré le développement du volet « assurance » du DEFI, qui consiste notamment à prendre en charge une part des cotisations du propriétaire forestier.

Par rapport aux évaluations antérieures, récapitulées dans le tableau ci-dessous, une certaine recomposition interviendrait avec le passage de 6 à 5 millions d'euros pour les réductions d'impôts accordées au titre des volets acquisition et assurance du DEFI, et à 4 millions d'euros pour les crédits d'impôts relevant du volet travaux et du volet contrat.

Coût de la réduction d'impôt « DEFI » en 2014 au titre des revenus 2013

Source : direction de la législation fiscale

Pour ce qui est de la prorogation de la majoration de 30 % des amortissements dégressifs, la dépense fiscale est évaluée à 5 millions d'euros en 2016 contre 3 en 2014.

De manière générale s'agissant des mesures fiscales sur lesquelles s'appuie notre politique forestière, votre rapporteur spécial juge pertinent de ne pas réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière. Il préconise plutôt un rééquilibrage progressif des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative. Il doit donc s'agir, en particulier, de favoriser les mesures d'incitation à l'investissement , telles que les quatre volets du DEFI ou le compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) dont la diffusion chez les professionnels reste assez confidentielle.

B. LA BUDGÉTISATION AU PLUS JUSTE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

1. Des enjeux considérables

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est plus spécifiquement consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail ( ANSéS ).

La politique publique de sécurité sanitaire des aliments, à forte dimension interministérielle, fait l'objet d'un travail de contrôle et d'évaluation que vos rapporteurs spéciaux présenteront dans les semaines à venir .

Les deux années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées mais aussi par le malaise suscité par la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans ce domaine.

Il s'agit d'abord de garantir la santé des consommateurs mais également d'assurer l'intégrité des matières premières et des actifs des exploitants dont la valeur dépend étroitement de la qualité sanitaire de leurs productions.

Or, certaines évolutions sont inquiétantes .

Ainsi, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de mentionner l'augmentation des cas de maladie animale observés ces dernières années.

Prévalence des principales maladies animales
(Nombre de nouveaux cas observés en 2015)

Nom département

ESB classique

ESB atypique

Tremblante classique

Tremblante atypique

Tuberculose bovine

Brucellose bovine

Brucellose des petits ruminants

FCO

01

Ain

0

0

0

0

0

02

Aisne

0

0

0

0

0

03

Allier

0

0

0

0

1

37

04

Alpes-de-Haute-Prov.

0

0

0

0

0

05

Hautes-Alpes

0

0

0

0

0

06

Alpes-Maritimes

0

0

0

0

0

07

Ardêche

0

0

0

0

0

08

Ardennes

0

0

0

0

1

0

09

Ariège

0

0

0

0

3

0

10

Aube

0

0

0

0

0

11

Aude

0

0

0

0

0

12

Aveyron

0

0

0

0

2

13

Bouches-du-Rhône

0

0

0

0

0

14

Calvados

0

0

0

0

1

0

15

Cantal

0

0

0

0

6

16

Charente

0

0

0

0

5

0

17

Charente-Maritime

0

0

0

0

3

0

18

Cher

0

0

0

0

4

19

Corrèze

0

0

0

1

2

2A

Corse-du-Sud

0

0

0

0

2

0

2B

Haute-Corse

0

0

0

0

11

0

21

Cote-d'Or

0

0

0

0

13

0

22

Cotes-d'Armor

0

0

0

0

0

23

Creuse

0

0

0

0

9

24

Dordogne

0

0

0

2

27

0

25

Doubs

0

0

0

0

0

26

Drôme

0

0

0

0

0

27

Eure

0

0

0

0

2

0

28

Eure-et-Loir

0

0

0

0

0

29

Finistère

0

0

0

0

0

30

Gard

0

0

0

0

0

31

Haute-Garonne

0

0

0

0

0

32

Gers

0

0

0

0

1

0

33

Gironde

0

0

0

0

0

34

Hérault

0

0

0

0

0

35

Ille-et-Vilaine

0

0

0

0

0

36

Indre

0

0

0

0

1

37

Indre-et-Loire

0

0

1

1

0

38

Isère

0

0

0

0

0

39

Jura

0

0

0

0

0

40

Landes

0

0

0

0

4

0

41

Loir-et-Cher

0

0

0

1

0

42

Loire

0

0

0

0

2

11

43

Haute-Loire

0

0

0

0

3

44

Loire-Atlantique

0

0

0

0

0

45

Loiret

0

0

0

0

1

46

Lot

0

0

0

0

0

47

Lot-et-Garonne

0

0

0

1

1

0

48

Lozère

0

0

0

0

1

49

Maine-et-Loire

0

0

0

0

0

50

Manche

0

0

1

0

1

0

51

Marne

0

0

0

0

0

52

Haute-Marne

0

0

0

1

0

53

Mayenne

0

0

0

0

0

54

Meurthe-et-Moselle

0

0

0

0

0

55

Meuse

0

0

0

0

0

56

Morbihan

0

0

0

0

0

57

Moselle

0

0

0

0

0

58

Nièvre

0

0

0

0

7

59

Nord

0

0

0

0

0

60

Oise

0

0

0

0

0

61

Orne

0

0

0

0

2

0

62

Pas-de-Calais

0

0

0

0

0

63

Puy-de-Dôme

0

0

0

1

50

64

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

1

19

0

65

Hautes-Pyrénées

0

0

0

0

0

66

Pyrénées-Orientales

0

0

0

0

0

67

Bas-Rhin

0

0

0

0

0

68

Haut-Rhin

0

0

0

0

0

69

Rhône

0

0

0

0

0

70

Haute-Saône

0

0

0

0

0

71

Saône-et-Loire

0

0

0

0

50

72

Sarthe

0

0

0

0

0

73

Savoie

0

0

0

1

0

74

Haute-Savoie

0

0

0

0

1

0

75

Paris

0

0

0

0

0

76

Seine-Maritime

0

0

0

0

0

77

Seine-et-Marne

0

0

0

0

0

78

Yvelines

0

0

0

0

0

79

Deux-Sèvres

0

0

1

0

1

0

80

Somme

0

0

0

0

0

81

Tarn

0

0

0

0

0

82

Tarn-et-Garonne

0

0

0

0

0

83

Var

0

0

0

0

0

84

Vaucluse

0

0

0

0

0

85

Vendée

0

0

0

0

0

86

Vienne

0

0

0

0

0

87

Haute-Vienne

0

0

0

0

1

0

88

Vosges

0

0

0

0

0

89

Yonne

0

0

0

0

0

90

Territoire-de-Belfort

0

0

0

0

0

91

Essonne

0

0

0

0

0

92

Hauts-de-Seine

0

0

0

0

0

93

Seine-Saint-Denis

0

0

0

0

0

94

Val-de-Marne

0

0

0

0

0

95

Val-d'Oise

0

0

0

0

0

971

La Guadeloupe

0

0

0

0

0

972

La Martinique

0

0

0

0

0

973

La Guyane

0

0

0

0

0

974

La Réunion

0

0

0

0

0

TOTAL

0

0

3

10

102

141

Ainsi, par rapport à 2014, si les cas de tuberculose bovine semblent à peu près stabilisés en 2015 33 ( * ) , une recrudescence importante des cas de FCO doit être observée avec 141 cas contre 58.

Par ailleurs, l'influenza aviaire, qui n'est pas renseignée dans le tableau ci-dessus, a conduit à des mesures d'une extrême rigueur, alors même que les scientifiques suggèrent que la surveillance avait permis de détecter l'existence de foyers viraux dont la mutation a finalement entraîné la catastrophe sanitaire dont s'agit.

Les implications économiques de ces crises sont majeures. S'agissant de l'influenza aviaire, certaines estimations font valoir un préjudice minimal de 500 millions d'euros pour la filière. La perte du statut « officiellement indemne » équivaut à la fermeture des débouchés, en particulier, à l'exportation, la demande étrangère réagissant radicalement à ce signal.

C'est ainsi que la perte par la France du statut indemne de tuberculose représenterait un risque économique très grave que la programmation budgétaire ne prend pas en compte.

D'un point de vue budgétaire, c'est au-delà des crédits du programme 206 qu'il faut porter l'analyse.

Les mesures de soutien aux productions touchées représentent des enjeux considérables portés par le programme 149 de la mission mais empruntant aussi d'autres canaux (celui des prélèvements obligatoires en particulier). Ils peuvent être illustrés par les données suivantes.

Le décret d'avances du printemps 2016 a ainsi abondé les crédits de consacrés aux moyens de lutte contre trois risques sanitaires pour 58,5 millions d'euros .

Le coût budgétaire associé aux efforts de maîtrise des problématiques sanitaires apparues à l'automne 2015 a alors pu être estimé ainsi :

- en ce qui concerne la fièvre catarrhale ovine (FCO), 35 millions d'euros devraient être ouvert dont la majeure partie (30 millions d'euros) serait allouée aux dépenses liées à la vaccination en France métropolitaine et en Corse ;

- concernant l' influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), 23 millions d'euros devraient être ouvert dont 16 millions d'euros au titre de l'assainissement des foyers et de l'indemnisation des éleveurs et 7 millions d'euros pour des mesures de surveillance ;

- enfin, dans le cas de Xylella fastidiosa, est prévue l'ouverture de 0,7 million d'euros au titre de mesures de surveillance.

Le ministère mentionne encore un remboursement de la Commission européenne à hauteur de 40 millions d'euros prévu au premier semestre 2017 pour le dispositif d'indemnisation des éleveurs touchés par la grippe aviaire ainsi que le recours à l'emprunt par FranceAgriMer, qui a été autorisé pour permettre le financement de l'indemnisation de l'aval de la filière touchée par la grippe aviaire.

Enfin, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 déposé le 18 novembre accrédite l'hypothèse qu'une budgétisation plus conséquente des risques sanitaires devrait être entreprise. On rappelle que 157,9 millions d'euros supplémentaires d'autorisations d'engagement (72,3 millions d'euros de crédits de paiement) ont dû être ouverts pour financer les compensations économiques aux acteurs touchés par l'influenza aviaire.

2. Un budget en augmentation mais qui subit certaines charges passives

La dotation du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » attendue pour 2017 s'élève à 509,1 millions d'euros d'AE et à 506,6 millions d'euros de CP , soit une hausse de 4,5 % et 4,3 % respectivement par rapport à 2016.

Ce programme mobilise pour 60 % de crédits de personnel et, pour le reste, des crédits de fonctionnement et d'intervention.

Les crédits de personnel connaîtraient une augmentation de 3,8 % contre 4,3 % pour les autres dépenses.

Le plafond d'emplois du programme bénéficierait d'une augmentation de 66 ETPT, soit un volume d'emplois prévisionnel en hausse de 1,4 %. Les dépenses de personnel connaîtraient une croissance sensiblement supérieure, sous l'effet de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR).

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel veut particulièrement saluer la mise à niveau des moyens en effectifs réalisée au cours des trois dernières années à travers la troisième création en trois ans de 60 ETPT supplémentaires, cette fois principalement pour contrôler les abattoirs, en particulier les sites d'abattage de volailles.

Vos rapporteurs spéciaux ont pu constater qu'en l'état des pratiques de contrôle, étroitement déterminées par la conception même des pratiques agricoles et des lignes directrices du contrôle définies par l'Union européenne, les besoins en personnel pour la surveillance des abattoirs sont inévitablement élevés et doivent être satisfaits.

Pour les dépenses hors effectifs , qui s'alourdiraient de l'ordre de 9 millions d'euros, les principales évolutions seraient les suivantes :

- 2,9 millions d'euros consacrés au règlement du contentieux portant sur les retraites des vétérinaires sanitaires (équivalent au paiement de 105 protocoles) ;

- la compensation d'une baisse importante des co-financements européens pour la gestion des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (4,4 millions d'euros) ;

- une hausse prévisible du nombre de foyers de salmonelloses aviaires (1,3 million d'euros) ;

- un renforcement de la surveillance de Xylella fastidiosa par le biais d'un plan d'action qui fait suite à la mission d'audit de la Commission européenne (4 millions d'euros).

Ces suppléments de charges s'élèvent à 12,6 millions d'euros soit davantage que le surcroît de dotations inscrites pour 2017.

Des mesures d'économies seraient réalisées sur les différents postes suivants :

- la subvention pour charges de service public de l' ANSéS serait réduite de 1,6 millions d'euros ;

- sur la base des avancées réalisées dans le traitement de certains foyers sanitaires, notamment par la vaccination FCO, le nombre de visites sanitaires bovines s'inscrirait en baisse permettant une économie de 1 million d'euros ;

- enfin, la révision de l'échéancier de paiement des visites réalisées en 2016 entraînerait une économie supplémentaire de 1 million d'euros en CP.

La programmation budgétaire de la politique de sécurité sanitaire du ministère a fait l'objet d'ajustements considérables en gestion pendant l'année en cours dont une partie pour financer les contentieux en question.

Le décret d'avance du printemps 2016 a ainsi abondé les crédits de 6 millions d'euros consacrés à l'indemnisation de vétérinaires sanitaires n'ayant pas fait l'objet de cotisations employeurs avant 1990.

Détail des ouvertures de crédits prévues par le projet de décret d'avance
du 17 mai 2016, au profit du ministère de l'agriculture

Indemnisation des vétérinaires sanitaires n'ayant pas fait l'objet de cotisations employeurs avant 1990

Il est difficile d'estimer les montants globaux en jeu compte tenu de la complexité des dossiers et de la multiplicité des paramètres. Les crédits mobilisés dans le cadre du décret d'avance (6 millions d'euros) doivent permettre le règlement de 210 dossiers identifiés en 2016 .

L'administration a reçu, au 10 mai 2016, 1 783 demandes :

- 507 dossiers sont prescrits ;

- 1 276 dossiers ne sont pas prescrits.

Sur les dossiers non prescrits :

- 1 004 propositions d'assiette ont été envoyées aux vétérinaires dont 898 ont été acceptées ;

- 265 dossiers ont fait l'objet d'un protocole déjà soldé ;

- 210 dossiers pourraient faire l'objet d'un protocole en 2016.

La prescription courant à compter de la cinquième année après le départ en retraite des vétérinaires concernés, les demandes continuent à parvenir au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Environ 500 demandes (hors flux) resteront à instruire en 2017 ou les années suivantes .

En 2015, le Conseil d'État a admis un pourvoi en cassation contestant le départ en retraite des vétérinaires comme point de départ de la prescription quadriennale des dettes de l'État. La décision du Conseil d'État est attendue en principe pour juillet 2016 : 507 dossiers (hors flux) sont concernés.

Source : réponse du ministère du budget au questionnaire du rapporteur général

Source : Rapport d'information n° 622 de M. Albéric de Montgolfier sur le décret d'avances notifié le 17 mai 2016

Cet épisode traduit la vulnérabilité de la programmation budgétaire à des circonstances, en partie, inévitables.

Cependant, aux yeux de votre rapporteur spécial Alain Houpert, il témoigne également d'une tendance à sous-estimer en loi de finances initiale les risques que doit assumer le programme 206.

S'agissant du contentieux avec les vétérinaires sanitaires, cette tendance se trouve à nouveau illustrée dans la programmation budgétaire pour 2017. Les données de l'affaire ont été particulièrement bien exposées dans le rapport précité, dont il convient de reprendre les termes :

« Pour mémoire, le Conseil d'État a jugé que les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire avant 1990 et reçu à ce titre des salaires pouvaient recevoir une indemnisation. Le ministère de l'agriculture a alors décidé de proposer aux vétérinaires une procédure de règlement amiable. Cette procédure s'est révélée très longue : sur près de 1 800 demandes transmises, seuls 265 dossiers, soit moins de 15 % du total, ont fait l'objet depuis 2011 d'un protocole soldé. Le temps joue en la faveur de l'administration, notamment en raison de la prescription quadriennale (les dettes cessent d'être dues quatre ans après le départ en retraite des vétérinaires) et du fait que certains des vétérinaires concernés peuvent décéder ».

Dans l'hypothèse où le règlement des dossiers invoqué pour augmenter les crédits en cours d'année interviendrait réellement, il resterait environ 800 dossiers à liquider d'après le nombre des propositions d'assiette acceptées fourni par le ministère.

L'inscription de 2,9 millions d'euros au budget 2017 apparaît comme très insuffisante pour financer les suites de ce contentieux dès lors que les 6 millions d'euros ouverts par décret représentaient l'indemnisation de 210 demandeurs.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent également, parmi d'autres éléments, sur deux points de la programmation budgétaire pour 2017 :

- l'absence de toutes provisions pour accompagner d'éventuelles restructurations du réseau des laboratoires publics, qui connaissent pour certains d'entre eux, des situations difficiles ;

- la réduction de la subvention pour charges de service public de l'ANSéS qui s'ajoute à d'autres évolutions de recettes peu favorables et s'inscrit dans le contexte d'un report de la conclusion du nouveau contrat d'objectif et de performances de l'agence. À ce sujet, il convient de mentionner que celle-ci exerce désormais la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, qui représente une nouvelle charge pour elle, qui peut être considérée comme recouvrant des enjeux particulièrement importants.

3. Un plan Ecophyto dont il faut souhaiter le succès

Au demeurant, le projet annuel de performances du programme mentionne parmi les indicateurs de succès des actions conduites dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments un suivi des doses de pesticides utilisés dans les productions agricoles.

Le plan Ecophyto a fait l'objet d'une vaste campagne de communication qui s'est un peu atténuée au cours du temps à mesure que les résultats ambitieux ont été reportés dans le temps.

Le plan Ecophyto fait l'objet d'un indicateur de performance de la mission. Si elle est bienvenue, l'inclusion de l'indicateur dans les projets et rapports de performances du ministère aboutit à la mention de résultats qui ne peuvent être complétement considérés comme relevant de lui.

En effet, le financement du plan Ecophyto est assuré par la mobilisation de trois sources de crédits : les crédits État, les crédits dits « redevance » et les « autres crédits », le financement du ministère de l'agriculture étant très minoritaire.

Les crédits État correspondent aux crédits inscrits sur les programmes ministériels des administrations parties prenantes du plan.

Les crédits portés par le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » au titre du plan Ecophytyo s'élevaient à 320 000 euros en 2016 afin de financer essentiellement des actions de promotion des méthodes alternatives.

Au titre du projet de loi de finances pour 2017, 370 000 euros sont prévus par le programme 206 pour le financement du plan dont :

- 350 000 euros pour la promotion des méthodes alternatives ;

- 20 000 euros pour la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Ces crédits sont complétés par les crédits des ministères respectivement chargés de l'écologie et des outre-Mer , également impliqués dans le plan qui, au total, représentent des volumes d'engagements nettement supérieurs à ceux portés par le programme 206.

Ils correspondent à une fraction des crédits dégagés par la redevance pour pollutions diffuses (RPD) , collectée sur les ventes de produits phytosanitaires par les Agences de l'eau. Elle donne lieu à l'élaboration d'un programme annuel signé par le ministre chargé de l'agriculture avant le 31 décembre de chaque année qui propose une répartition des aides soumise à l'avis du Comité consultatif de gouvernance du plan Ecophyto puis au vote du Conseil d'administration de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), organisme payeur.

Le prélèvement annuel sur le produit de la redevance destiné au financement du plan avait été plafonné à 41 millions d'euros par an au cours de la période 2012-2015 .

L'enveloppe attribuée à la mise en oeuvre du plan est sortie significativement augmentée à la suite de l'adoption du décret du 6 octobre 2014, qui a élargi l'assiette de la RPD à l'ensemble des substances actives classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2 (CMR2).

L'enveloppe financière du plan est passée ainsi de 41 à 71 millions d'euros annuels .

L'enveloppe complémentaire de 30 millions d'euros par an est consacrée en priorité à l'accompagnement financier des agriculteurs pour permettre une réduction importante de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et des risques et impacts qui leur sont liés.

La répartition prévisionnelle de l'enveloppe nationale de 41 millions d'euros (hors complément de 30 millions d'euros désormais disponible) pour 2016 est la suivante.

Financements programmés au titre du plan Ecophyto

(en millions d'euros)

Axe du plan

Répartition des crédits

Faire évoluer les pratiques

26,975

Recherche

3,8

Évaluer et maîtriser les risques et les impacts

2,65

Actions en zone non agricole

1,5

Politiques publiques, territoires et filières (notamment DOM)

1,475

Gouvernance du plan et communication

4,6

On constate ainsi que les trois quarts de ces crédits sont dédiés à l'évolution des pratiques , qui mobilise principalement, outre EcophytoPIC , le portail de la protection intégrée des cultures, dont l'objectif est la promotion et l'accompagnement du monde agricole (agriculteurs, conseillers et formateurs), le réseau DEPHY , qui est un réseau de démonstration, d'expérimentation et de production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires. À ce titre, 2 000 fermes seraient engagées à ce jour ainsi que 40 sites expérimentaux, avec un objectif d'atteindre 3 000 exploitations à la fin de 2016.

D'autres financements sont mobilisés . Ils regroupent les engagements des parties prenantes du plan, en particulier, ceux issus du cofinancement ou de l'autofinancement des partenaires dans la mesure où les conditions de subventionnement par les crédits issus de la redevance supposent une participation financière des bénéficiaires de l'aide (20 % minimum).

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la portée effective des actions financées .

Les résultats obtenus ne traduisent pas une large diffusion des pratiques alternatives de « l'agriculture intensivement écologique ». Les résultats de cette action, qui ne sont pas toujours exposés dans les documents budgétaire comme il conviendrait, ne sont pas satisfaisants. L'indicateur paraît étroitement corrélé avec les anticipations de production plutôt qu'il ne traduit la réduction de l'utilisation des intrants phytosanitaires. Ils contrastent de ce point de vue avec les résultats d'un autre indicateur de performance de la mission, celui qui suit l'évolution de la surface agricole cultivée en agriculture biologique. De 4,1 % du total en 2014 elle serait passée à 5,1 % en 2015 et pourrait, du moins est-ce la cible du ministère, atteindre 8 % en 2017.

La discordance entre les indicateurs appelle des explications.

À ce stade, vos rapporteurs relèvent les difficultés rencontrées pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, alors même que cet objectif s'impose au vu des inquiétudes que suscite l'utilisation de ces produits sur la santé des consommateurs mais aussi des agriculteurs.

Sans doute faudrait-il s'inspirer des réussites plus probantes du plan EcoAntibio, même si celui-ci conforté sur la disponibilité de médicaments alternatifs, n'est suivi qu'à travers un indicateur « facilitant » la publication de résultats favorables d'utilisation des antibiotiques les plus critiques.


* 30 À l'exception du boisement des terres agricoles qui relève du programme 154.

* 31 En application de l'article 58-2° de la LOLF, la commission des finances a confié à la Cour des comptes une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois, qui a conduit à la remise d'un rapport « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).

* 32 Cependant, le bénéfice prévu en 2016 est tributaire de reports de financements prévus en 2015 et finalement imputées sur 2016 pour un montant de 2,5 millions d'euros.

* 33 Mais, au cours de leurs entretiens préparatoires à leur rapport sur la sécurité sanitaire de l'alimentation une nouvelle dégradation préoccupante sur ce front a pu être évoquée.