I. L'évolution
des crédits de la mission « Recherche et enseignement
supérieur » en 2017
1. Les crédits de la mission progressent
fortement cette année, avec plus de 800 millions
d'euros d'abondement en autorisations d'engagement et en
crédits de paiement, soit une hausse de plus de
3 % par rapport à 2016. Ils atteignent ainsi
27,12 milliards d'euros en autorisations d'engagement et
27,02 milliards d'euros en crédits de paiement,
représentant 6 % des crédits du budget
général.
2. Contrairement aux années
précédentes, cette hausse de l'enveloppe
budgétaire bénéficie tant à l'enseignement
supérieur (+ 3,71 % des crédits de paiement)
qu'à la recherche (+ 2,38 % des
crédits de paiement), seuls les programmes 192
« Recherche et enseignement supérieur en matière
économique et industrielle » et 186 « Recherche
culturelle et culture scientifique » connaissant une baisse de leurs
crédits.
3. Le montant des dépenses
fiscales rattachées à titre principal à la
mission reste stable, correspondant pour 90 % au
coût du crédit d'impôt recherche
(5,5 milliards d'euros).
4. L'enseignement supérieur et la recherche
bénéficient par ailleurs de plus de 5 milliards d'euros
inscrits au titre du troisième programme d'investissements
d'avenir (PIA 3), lequel fait l'objet, cette fois-ci, d'une
mission propre. Toutefois, seules les autorisations d'engagement
figurent dans le projet de loi de finances pour 2017, les
crédits de paiement n'étant prévus qu'à compter de
2018.
II. Les programmes « Enseignement
supérieur » (Philippe Adnot)
1. À la veille d'échéances
électorales importantes, le Gouvernement sortant
présente un budget consacré à l'enseignement
supérieur (programme 150 « Formations
supérieures et recherche universitaire » et programme 231
« Vie étudiante ») en forte
progression, avec 16 milliards d'euros inscrits en autorisations
d'engagement et en crédits de paiement pour 2017 (respectivement
+ 2,85 % et + 3,71 %).
2. Concernant le programme 150 « Formations
supérieures et recherche universitaire », 336
millions d'euros supplémentaires sont inscrits, sous l'effet de
plusieurs mesures nouvelles et aussi pour tirer les conséquences
financières de décisions prises par l'État en faveur de
ses agents.
Avec 12,4 milliards d'euros, les subventions pour charges
de service public versées aux opérateurs représentent
l'essentiel de la dépense et sont en hausse de 3 %.
10,9 milliards d'euros sont prévus pour les seuls
universités et établissements assimilés.
3. Outre le financement de
1 000 emplois qui correspond à l'engagement du
Président de la République d'en créer 5 000 entre
2013 et 2017, 100 millions d'euros supplémentaires sont
inscrits cette année afin de compenser la hausse
continue du nombre d'étudiants et améliorer le taux
d'encadrement. D'après le ministère, tous les
établissements devraient toutefois bénéficier d'une part
de cette enveloppe, l'impact de la démographie n'étant pris en
compte que dans un second temps.
4. Rien ne garantit pour autant que
cette rallonge budgétaire - en tout état de cause
bienvenue -, et la création des 1 000 emplois se
traduiront concrètement par un nombre plus important d'emplois
effectivement pourvus dans les établissements qui, ayant
accédé aux responsabilités et compétences
élargies, sont libres de l'utilisation de leurs dotations et peuvent
utiliser ces financements supplémentaires pour couvrir d'autres
dépenses, à l'instar de l'impact du
glissement-vieillesse-technicité sur leurs dépenses de
personnel.
5. Par ailleurs, près de 200 millions
d'euros sont également rendus nécessaires pour financer
les mesures gouvernementales ayant une incidence sur les
dépenses de personnel, en particulier la revalorisation du
point d'indice qui représente à elle seule 117,2 millions
d'euros supplémentaires en 2017.
6. Parallèlement, la dotation
allouée à l'enseignement supérieur privé
stagne (78,9 millions d'euros) alors que ces
établissements à but non lucratif, désormais
reconnus établissements d'enseignement supérieur privé
d'intérêt général (EESPIG) justifient qu'ils
participent à la mission de service public de l'enseignement
supérieur. Le montant de la subvention par étudiant
versée par l'État se réduit inexorablement depuis 2012
tandis que le budget alloué au programme 150 a progressé de
plus de 700 millions d'euros.
Le Gouvernement prévoirait de leur attribuer un million
d'euros sur les 100 millions d'euros supplémentaires inscrits sur
le programme, ce qui est insuffisant d'autant que cette affectation n'est pas
concrétisée dans le projet annuel de performances.
7. La part que représentent ces
subventions parmi les ressources des opérateurs relevant du programme
reste globalement très élevée, avec 72 % du
total en 2016 et 77,5 % pour les seules universités et
établissements assimilés.
8. Le développement des ressources propres
reste trop faible, tandis que le Gouvernement s'enferre
à geler le montant des frais d'inscription sans justification
valable. Celui-ci devrait, au contraire, être
sensiblement revalorisé, le système d'aides
sociales directes étant susceptible d'amortir les éventuelles
difficultés des étudiants issus de foyers les plus modestes.
9. Les efforts budgétaires de
l'État ne suffisent pas pour permettre aux universités de
répondre aux défis qui s'imposent à elles, alors
que le nombre d'étudiants ne cesse de progresser (+ 35 000 sur
les 60 000 étudiants supplémentaires
comptabilisés, hors doubles comptes, à la rentrée 2016) et
que certaines filières, victimes de leur succès, se voient
obligées de procéder à un tirage au sort des candidats en
première année de licence.
10. Faute de sélection à l'entrée de
l'université, il convient, à tout le moins,
d'améliorer l'orientation des bacheliers, ce qui
nécessite un important travail réalisé, bien en amont,
à partir du lycée. Trop d'étudiants s'inscrivent
sans connaître la réalité des prérequis
nécessaires à la réussite du cursus ni les matières
qui correspondent à cette formation, conduisant à un taux de
diplomation au bout de trois ans trop peu élevé (27,2 % de
diplômés de licence en trois ans en 2014).
11. S'il convient de soutenir le lancement d'une
nouvelle vague de dévolution du patrimoine des
universités, il n'est pas certain qu'elle parvienne à la
même réussite que dans les cas des trois premiers
établissements, dans la mesure où aucune aide
financière supplémentaire n'est prévue pour
l'accompagner. Seule la cession de biens, pour laquelle
l'université récupèrerait 100 % du prix, semblerait
créer une véritable marge de manoeuvre.
12. Tout en comprenant l'importance que peut
revêtir, pour certaines actions, le regroupement d'établissements,
votre rapporteur spécial reste vigilant quant au coût
supplémentaire susceptible d'être engendré par les
nouvelles « superstructures » que constituent les
communautés d'universités et établissements (Comue)
dans un paysage de l'enseignement supérieur déjà
complexe.
13. Le soutien de l'investissement dans
l'enseignement supérieur et la recherche par un nouveau
PIA constitue une bonne nouvelle, avec plus de
5 milliards d'euros prévus. Il reste toutefois à
concrétiser réellement cet engagement du Gouvernement puisque,
contrairement aux précédents programmes, seules les autorisations
d'engagement sont inscrites dans le projet de loi de finances et aucun
crédit de paiement (prévus à compter de 2018).
14. Le programme 231 « Vie
étudiante » connaît une nouvelle année
de forte hausse de son enveloppe budgétaire, avec
2,72 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement et en
crédits de paiement (soit respectivement + 7 % et
+ 9,5 %).
15. L'augmentation de 8,5 % des
crédits alloués aux aides sociales directes s'explique
par trois éléments distincts :
- une hausse mécanique, du fait
de la prise en compte de l'augmentation du nombre d'étudiants boursiers
(+ 66 millions d'euros) ;
- la suppression de
l'échelon 0 des bourses, l'ensemble de ses
bénéficiaires basculant vers l'échelon
« 0 bis » ouvrant droit à une aide
financière en plus de l'exonération de frais d'inscription et de
cotisation de sécurité sociale (+ 25 millions
d'euros) ;
- la création de l'aide à la
recherche du premier emploi (ARPE) par la loi du 8 août
2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et
à la sécurisation des parcours professionnels, pour lesquels
92 millions d'euros sont prévus en 2017.
16. Par ailleurs, le projet de loi de finances
prévoit le rétablissement à leur niveau de 2015
des crédits de paiement consacrés aux dépenses
d'opérations financières correspondant à la
dotation d'investissement du réseau des oeuvres universitaires et
scolaires. À titre de rappel, en 2016, le Gouvernement avait
décidé d'opérer un prélèvement de
50 millions d'euros sur la trésorerie des Crous.
17. Au cours de l'année 2017, le programme devra
vraisemblablement prendre en charge un nouveau fonds d'aide à la
mobilité, annoncé par le Gouvernement et qui sera
destiné à soutenir les étudiants se voyant proposer un
master éloigné géographiquement de leur
établissement d'origine, dans le cadre de la mise en place de la
réforme du deuxième cycle de l'enseignement supérieur
portée par la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont et
dont votre rapporteur spécial est également l'un des
signataires.
18. Alors qu'il est patent que le contrôle
d'assiduité et de présence aux examens des étudiants
boursiers est actuellement défaillant dans un grand nombre
d'établissements, en particulier les universités, il est
regrettable que le Gouvernement ne prenne pas ce problème
à bras le corps, parallèlement au renforcement
indéniable et bienvenu des aides sociales directes.
19. Il convient de s'interroger sur le choix fait
par le Gouvernement de faire figurer les crédits consacrés
à l'ARPE dans le programme 231, dans la mesure où
les personnes qui la perçoivent ne sont, par principe, plus des
étudiants. Par ailleurs, elle risque d'être versée
sans réel contrôle de la situation des
bénéficiaires.
Plus fondamentalement, il est permis de s'interroger
sur l'utilité d'une telle aide qui, destinée à
éviter une « rupture de charge » entre la perception
de la bourse et l'embauche, pourrait créer un effet d'aubaine
pour les étudiants entrant sur le marché du travail et
qui seraient incités à différer de quatre mois
leur recherche d'emploi. L'amélioration des dispositifs
d'insertion professionnelle aurait constitué une
évolution plus pertinente.
20. Si le Gouvernement est optimiste quant à
l'atteinte des objectifs du plan « 40 000 logements
étudiants » d'ici 2017, ceux-ci devraient
l'être à hauteur d'un peu moins de 70 % à la
fin de l'année 2016.
III. Les programmes
« Recherche » (Michel Berson)
1. La somme des budgets
des sept programmes de la mission
« Recherche et enseignement supérieur »
(MIRES) consacrés à la recherche
devrait atteindre 11,1 milliards d'euros en autorisations
d'engagement (AE) et en crédits de paiement
(CP) en 2017, ce qui représente une hausse de
380,7 millions d'euros en AE (+3,5 %) et de 257
millions d'euros en CP (+2,4 %) par rapport aux crédits
votés par le Parlement en loi de finances pour 2016.
2. Ces hausses de crédits
sont très significatives, en dépit d'un contexte
budgétaire qui demeure très contraint. Elles méritent
d'être saluées car elles traduisent
l'importance qu'attache le Gouvernement à la politique publique
de la recherche, qui est au coeur de la croissance des
économies industrialisées.
3. Le montant total des crédits
alloués aux programmes qui dépendent du ministère de
l'enseignement supérieur et de la recherche,
c'est-à-dire les programmes 172 « Recherches
scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193
« Recherche spatiale » s'établira en 2017 à
7 993 millions d'euros en AE et
7 903 millions d'euros en CP, soit une forte
hausse de 377 millions d'euros (+4,9 %) en AE et
de 282,3 millions d'euros (+3,7 %) en
CP par rapport à 2016.
5. Les augmentations des crédits de ces
programmes concerneront en particulier les moyens de l'Agence
nationale de la recherche (ANR), qui retrouveront
un niveau qui n'avait plus été atteint depuis
2012.
6. La hausse de 67,4 millions
d'euros des crédits de l'action 14 du
programme 172, qui porte les subventions pour charges de service
public destinées à financer les moyens généraux des
organismes de recherche dépendant du ministère - CNRS, CEA,
Inserm, entres autres - a pour objet de compenser les diverses mesures
salariales décidées par le Gouvernement en faveur des
fonctionnaires.
7. L'augmentation de 17,1 millions d'euros
des crédits dédiés aux CPER 2015-2020 est
particulièrement bienvenue. Ils bénéficieront de
40,7 millions d'euros de financement en 2017, alors
qu'ils avaient souffert d'un sous-financement chronique
jusqu'ici.
8. Enfin, un effort budgétaire très
important sera consenti en 2017 en faveur des très grandes
infrastructures de recherche et des organisations
internationales relatives à la recherche, avec notamment la
hausse des financements destinés à l'Agence spatiale
européenne (ESA), qui porte le projet Ariane 6, et
à l'Organisation européenne de satellites
météorologiques (Eumetsat).
9. En revanche, les autres
programmes de la mission, qui ne dépendent pas du
ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en
revanche, verront pour la plupart leurs moyens stagner, voire
diminuer en 2017.
10. Ce sera notamment le cas des
programmes 190 « Recherche dans les domaines de
l'énergie, du développement et de la mobilité
durables », 192 « Recherche et
enseignement supérieur en matière économique et
industrielle », 191 « Recherche duale
(civile et militaire) » et 186 « Recherche
culturelle et culture scientifique ». Cela signifie que les
opérateurs qui dépendent de ces programmes devront
parvenir à compenser la hausse de leur masse salariale
provoquée par les mesures communes à l'ensemble de la fonction
publique sans augmentation de leur subvention pour charges de service
public.
11. Seul le programme 142
« Enseignement supérieur et recherche agricole »,
qui porte notamment les crédits de l'Institut national de la recherche
agronomique (Inra), mais aussi ceux des écoles d'enseignement
supérieur agricoles et vétérinaires, verra ses
crédits augmenter pour compenser ces mesures salariales.
12. Concernant le financement de la recherche par
projets, la hausse des crédits d'intervention de
l'Agence nationale de la recherche (ANR) va nettement s'amplifier en
2017, après de longues années de baisse. Ses
moyens budgétaires s'élèveront à
703,4 millions d'euros en AE, soit une augmentation de
118,3 millions d'euros (+20 %) par rapport à 2016, et
à 639,4 millions d'euros en CP, soit une
hausse de 49,3 millions d'euros par rapport à 2016,
conformément à l'engagement du Président de la
République pris le 14 mars 2016 lors de l'inauguration de
l'Institut Pierre-Gilles de Gennes.
13. S'il convient de se féliciter de la
hausse des moyens de l'ANR pour 2017, qui marque le respect par le
Président de la République de sa promesse faite à la
communauté des chercheurs, le montant des crédits que
devrait répartir l'agence d'un grand pays industrialisé comme la
France devrait approcher le milliard d'euros :
la marche est encore haute.
14. La baisse de la dotation de l'ANR et
l'augmentation continue du nombre de soumissions de projets
ont eu pour conséquence de diminuer le taux de succès
moyen aux appels à projets de l'agence, qui est passé de
25,70 % en 2005 à 20,10 % en
2012 puis à 10,20 % des projets présentés en
2014. Ce taux s'est légèrement
amélioré en 2015 et devrait poursuivre sa
remontée en 2016 puis en 2017, grâce à
la hausse des crédits d'intervention de
l'ANR. La barre des 15 % de sélection
annoncée par le Président de la République devrait
cependant rester hors d'atteinte : candidater aux appels
à projets de l'ANR restera donc peu motivant pour les équipes de
chercheurs.
15. En ce qui concerne les financements européens,
qui sont également des financements sur projets compétitifs,
les premiers chiffres de programme-cadre « Horizon
2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs
pour notre pays et tendent à montrer que le recul de la
France en matière de recherche au niveau européen
s'amplifie.
16. Les participations françaises
représentent à ce stade un total de 1,7 milliard
d'euros, soit 10,4 % des financements disponibles,
contre 11,3 % sur l'ensemble du septième programme-cadre de
recherche et développement technologique (PCRDT). On observe
une diminution inquiétante des projets retenus
à participation française (22,1 %
contre 27,7 % sous le septième PCRDT) et de la part
relative des participations françaises dans les projets retenus
(8,8 % contre 9,4 % sous le septième
PCRDT).
17. Si l'Allemagne et la
Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de
financements européens que notre pays, la France est
désormais rattrapée par les Pays-Bas et
surtout par l'Espagne, qui bénéficie
d'une dynamique très positive et l'a
dépassé en 2015. Notre pays devrait s'inspirer
de notre voisin espagnol, dont la performance résulte
d'une politique ouvertement volontariste, avec des incitations
fortes aux équipes publiques et privées pour les
encourager à se tourner vers les programmes
européens.
18. Le crédit d'impôt recherche
(CIR), continuera à représenter à lui seul en
2017 90 % des dépenses fiscales des programmes
« Recherche » de la MIRES, la dépense
fiscale liée au CIR augmentant sensiblement par rapport à 2016
pour atteindre 5 505 millions d'euros, soit une hausse de
1,57 %.
19. Le crédit d'impôt recherche a
fait l'objet de plusieurs études d'évaluation, qui
permettent de conclure à un effet positif de ce crédit
d'impôt sur les dépenses de recherche des
entreprises : la part de la recherche privée
aurait reculé au cours des dernières années en l'absence
de ce crédit d'impôt, qui a permis de stabiliser
l'effort de recherche en France.
20. Une nouvelle étude d'impact du
CIR a été lancée en 2015 par le ministère
de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui inclura un
plus grand nombre d'années après la réforme de
2008 et portera également sur l'impact sur l'innovation
des entreprises. Cette étude devrait être
finalisée pour le début de l'année 2017 et devrait
permettre de bénéficier d'un éclairage plus
complet sur le CIR.
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