M. Philippe Dallier

III. LE PROGRAMME 135 « URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L'HABITAT » : LE SOUTIEN LIMITÉ DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES À LA CONSTRUCTION ET À LA RÉHABILITATION DES LOGEMENTS

Placé sous la responsabilité du directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » regroupe, sous sept actions, les crédits relatifs au logement et à la construction ainsi que ceux relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement .

Répartition des crédits par actions du programme
(avant votes par l'Assemblée nationale)

(en euros)

Actions

Exécution 2015

LFI 2016*

PLF 2017*

Évolution
2017/2016

01 Construction locative et amélioration du parc

AE

293 569 981

505 000 000

204 800 000

-59,45%

CP

306 916 195

255 000 000

204 800 000

-19,69%

02 Soutien à l'accession à la propriété

AE

3 583 400

3 705 000

3 700 000

-0,13%

CP

3 583 400

3 705 000

3 700 000

-0,13%

03 Lutte contre l'habitat indigne

AE

4 781 729

4 700 000

4 700 000

0,00%

CP

5 078 307

4 700 000

4 700 000

0,00%

04 Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

72 409 320

53 698 665

53 375 000

-0,60%

CP

68 577 061

53 698 665

53 375 000

-0,60%

05 Soutien

AE

17 477 454

14 135 178

14 665 771

3,75%

CP

17 960 713

14 135 178

14 665 771

3,75%

07 Urbanisme et aménagement

AE

73 641 660

64 921 630

127 500 000

96,39%

CP

55 716 064

104 921 630

95 900 000

-8,60%

Total

AE

465 463 544

646 160 473

408 740 771

-36,74%

CP

457 831 740

436 160 473

377 140 771

-13,53%

* Hors fonds de concours

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La plupart des crédits restent stables entre 2016 et 2017, à l'exception de ceux des actions 01 et 07.

En effet, s'agissant de l'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » , comme cela sera détaillé ci-après, les crédits consacrés aux aides à la construction de logements sociaux, dites « aides à la pierre », sont considérablement réduites comparés à celles votées en loi de finances initiale l'an dernier (- 60 % en autorisations d'engagement et - 20 % en crédits de paiement).

L'action 07 « Urbanisme et aménagement » évolue quant à elle au gré de la mise en oeuvre du dispositif des « maires bâtisseurs » créé par le décret n° 2015-734 du 24 juin 2015.

Pour mémoire, cette aide aux communes participant à l'effort de construction de logement se matérialise par une aide forfaitaire par logement construit, au-delà d'un certain seuil, dans les communes situées en zones tendues, disposant d'un potentiel financier par habitant inférieur à 1 030 euros et non carencées au titre de l'article 55 de la « loi SRU » (article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation).

Le montant de l'aide est modulé en fonction de l'enveloppe budgétaire allouée chaque année au dispositif et du nombre de logements ouvrant droit à l'aide (pour 2017, en fonction du nombre de logements autorisés sur 2016).

Pour 2016, le projet annuel de performances indique que 45,2 millions d'euros ont été versés entre 532 communes, pour 34 239 logements autorisés au-delà du seuil de construction.

Comme l'an dernier, votre rapporteur spécial ne peut qu'approuver un dispositif soutenant les communes qui construisent des logements dans les zones tendues . Pour autant, il constate que son champ d'application reste très limité (en particulier du fait du seuil retenu pour le potentiel financier des communes), avec seulement 532 communes bénéficiaires en 2016 (même si c'est 60 de plus qu'en 2015), et que le montant forfaitaire par logement n'atteint que 1 320 euros alors qu'il était annoncé pour s'établir autour de 2 000 euros lors de sa création.

Pour 2017, première année de pleine d'application de ce dispositif, le projet annuel de performances indique une enveloppe de 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48,4 millions d'euros en crédits de paiement (contre 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et 60 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016).

Au cours de la première lecture, l'Assemblée nationale a, en seconde délibération, adopté un amendement tendant notamment à réduire de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 24 millions d'euros en crédits de paiement l'enveloppe prévue pour le programme 135 afin de « garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État sous-jacente au projet de loi de finances ». Cette minoration serait permise par un « meilleur ciblage des interventions discrétionnaires ».

A. 200 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS DE PAIEMENT POUR LES AIDES À LA PIERRE : LA PARITÉ AVEC LES BAILLEURS SOCIAUX N'EST D'ORES ET DÉJÀ PLUS RESPECTÉE

1. La confirmation d'un engagement majoritairement porté par les bailleurs sociaux

Pour 2017, le projet annuel de performances pour la mission « Égalité des territoires et logement » prévoit 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement au titre des aides à la pierre, soit une baisse de 60 % en autorisations d'engagement et de 20 % en crédits de paiement par rapport à 2016.

Pour mémoire, le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait initialement une enveloppe de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et seulement 100 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, en première lecture à l'Assemblée nationale, un abondement de 100 millions d'euros pour les autorisations d'engagement et de 150 millions d'euros pour les crédits de paiement avait été adopté, conformément aux engagements du Président de la République. Il s'agissait ainsi de garantir une parité avec la contribution des bailleurs sociaux qui progressait parallèlement de 150 millions d'euros, pour atteindre 270 millions d'euros (issus d'une fraction des cotisations principale et additionnelle versée par les bailleurs sociaux à la CGLLS en vertu des articles L. 452-4 et L. 452-4-1 du code de la construction et de l'habitation).

Comme votre rapporteur spécial l'avait prédit dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » pour 2016, l'inscription d'un financement quasi paritaire entre l'État et les bailleurs sociaux n'aura pas duré davantage qu'une année . En effet, pour 2017, seuls 200 millions d'euros de crédits budgétaires sont prévus , tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, tandis que le III de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 pérennise le montant de la contribution des bailleurs sociaux à 270 millions d'euros (initialement fixé pour la seule année 2016 par l'article 144 de la loi de finances pour 2016, codifié à l'article L. 435-1 du code de la construction et de l'habitation).

En outre, la parité n'a, en pratique, même pas été respectée au cours de l'année 2016 puisque le décret d'avance de juin 2016 a procédé à l'annulation de 150 millions d'euros au titre du financement des aides à la pierre ! Votre rapporteur spécial avait alors dénoncé le fait qu'au cours du débat budgétaire, pour apaiser les tensions, le Gouvernement avait passé de 100 à 250 millions d'euros le montant des crédits de paiement pour que, six mois plus tard, ils soient finalement annulés.

Évolution des crédits budgétaires inscrits au titre des aides à la pierre
au sein du programme 135

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En outre, l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 procède, une nouvelle fois cette année, à un prélèvement sur le fonds de roulement de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) de 50 millions d'euros . Comme l'an dernier, votre rapporteur spécial considère qu' on peut y voir une forme de recyclage , conduisant les bailleurs sociaux à participer indirectement au financement de la politique du logement de l'État.

Au-delà, ce prélèvement relève d'un choix de court terme du Gouvernement qui , une nouvelle fois, gère ses difficultés budgétaires en ponctionnant là où il peut. En effet, même s'il est exact que la CGLLS dispose à l'heure actuelle des fonds propres nécessaires pour respecter le seuil de solvabilité qui lui est exigé (8 %), avec 412 millions d'euros puis, une fois le prélèvement opéré, 362 millions d'euros, sa situation financière pourrait davantage se tendre et limiter ses capacités d'action au cours des prochaines années.

En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la caisse, essentielle pour la garantie des prêts accordés aux bailleurs sociaux auprès de la Caisse des dépôts et consignations (à défaut de celle des collectivités territoriales), pourrait rencontrer des difficultés d'ici 2019 au regard du niveau de ses fonds propres.

À cette période, se conjugueront à la fois :

- la nécessité de garantir les prêts dits « de haut de bilan » accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux, ce qui pourrait correspondre à 1,5 milliard d'euros à garantir à l'horizon 2017-2018 ;

- le possible relèvement du seuil de solvabilité devant être respecté par la CGLLS, pour passer de 8 % à 10 % (selon les règles prudentielles applicables).

En outre, il a été indiqué à votre rapporteur spécial qu'il n'est pas à exclure que l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) décide, à l'avenir, de revenir sur sa décision de ne pas imposer à la CGLLS le respect du ratio en principe applicable aux grands risques (à savoir qu'un établissement ne peut présenter d'exposition à l'égard d'un client dont la valeur dépasserait 25 % de ses fonds propres éligibles).

Il conviendra donc de rester vigilant sur la situation financière de la CGLLS et d'envisager, en tout état de cause, de mettre un terme à la pratique annuelle du prélèvement sur son fonds de roulement.

Outre les crédits budgétaires, le projet annuel de performances prévoit le rattachement de crédits issus de fonds de concours pour 466 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Toutefois, cela ne constitue pas un abondement supplémentaire du même montant mais une estimation du budget du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) , établissement public administratif qui assure désormais le financement et la gestion des aides à la pierre en vertu de l'article L. 435-1 du code de l'habitation et de la construction issu de l'article 144 précité de la loi de finances pour 2016.

Votre rapporteur spécial s'est étonné de la présentation budgétaire retenue par le Gouvernement, qui conduit à présenter deux fois les crédits budgétaires de l'État : dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, d'une part, et dans le montant du fonds de concours, d'autre part.

Le ministère du logement a indiqué que cela s'expliquait par la situation particulière du Fnap . En effet, cet établissement public administratif dispose de ressources parmi lesquelles figurent les crédits budgétaires mais, une fois la programmation des aides à la pierre décidée, les enveloppes régionales transitent par le budget de l'État.

S'agissant de 2016, le ministère du logement indique que l'exécution au titre des aides à la pierre devrait atteindre environ 450 millions d'euros en autorisations d'engagement et 400 millions d'euros en crédits de paiement (en cumulant la partie de l'année où les crédits étaient encore gérés par l'État et celle où le Fnap a été installé).

Il devrait s'agir d'une assez bonne année pour le logement social , la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages ayant estimé que plus de 130 000 logements devraient être financés , ce qui correspond à l'objectif initialement fixé (hors construction en outre-mer et dans le cadre de la rénovation urbaine). En outre, il semblerait que les constructions prévues en Île-de-France soient particulièrement importantes, 28 millions d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires ayant dû être attribués pour cette région.

Ces bons résultats méritent d'être soulignés , même s'ils doivent se concrétiser dans les faits, pour les nombreux ménages qui attendent un logement social, en particulier dans les zones tendues. Il faut également espérer que la programmation soit adaptée aux besoins effectivement constatés (en termes de surface, de localisation, de montant des loyers...).

Votre rapporteur spécial rappelle également que la plus grand vigilance devra être assurée au cours des prochaines années quant au niveau du financement retenu pour les aides à la pierre, alors que le montant des restes à payer reste élevé, avec une estimation de 1,9 milliard d'euros pour la fin de l'année 2016 .

2. La mise en place de prêts dits de « haut de bilan » : un financement facilité mais aussi une dette certaine

En mai 2016, l'État a lancé la mise en place des prêts dits de « haut de bilan » , destinés à faciliter le financement des opérations de réhabilitation et de construction de l'ensemble des organismes du logement social, sur tout le territoire national.

Distribués entre 2016 et 2018, ces prêts, pour un montant total de 2 milliards d'euros , seront bonifiés par la Caisse des dépôts et consignations et Action logement.

Ils devraient couvrir principalement des opérations de rénovation énergétique et thermique, avec un objectif de 150 000 logements rénovés et un financement à hauteur de 10 000 euros par logement environ. 20 000 constructions nouvelles sont par ailleurs prévues.

Accordés par la Caisse des dépôts et consignations sur fonds d'épargne, au regard des plans d'investissement des bailleurs sociaux, les prêts devraient être conclus pour une période de 30 à 40 ans, avec un différé d'amortissement et un taux d'intérêt nul pendant les 20 premières années. Ensuite, les annuités devraient être calculées avec un taux d'intérêt correspondant au livret A (0,75 %) auquel seraient ajouté 0,60 %.

Le versement du prêt devrait être réalisé par tranche , après contrôle de l'avancée des opérations financées.

À l'occasion du congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) le 27 septembre 2016, Manuel Valls, Premier ministre, a annoncé qu'un troisième milliard devrait compléter cette enveloppe. À ce stade, rien ne semble encore être défini pour ce montant supplémentaire.

En tout état de cause, la demande a été importante puisque, selon la Caisse des dépôts et consignations, les projets présentés correspondaient au total à 6,5 milliards d'euros (pour 2 milliards d'euros disponibles) et se partageaient entre 430 bailleurs sociaux.

Ces prêts sont susceptibles de constituer une modalité de financement utile et bienvenu pour les bailleurs sociaux , avec pour objectif de réduire les tensions sur leurs fonds propres, dans une logique d'accélération des opérations. Il est intéressant qu'ils soient majoritairement ciblés sur la rénovation énergétique et thermique de bâtiments anciens.

Pour autant, votre rapporteur spécial rappelle qu' il s'agit d'emprunts qui, même à très faible taux, devront être remboursés et constituent, de fait, une dette certaine pour les organismes qui les contractent . En cela, ils diffèrent radicalement des subventions, notamment celles issues des aides à la pierre pour la construction nouvelle.

En outre, la garantie de ces prêts doit notamment être assurée par la CGLLS . C'est la raison pour laquelle il est essentiel que celle-ci dispose des fonds propres nécessaires , compte tenu des exigences qui lui sont imposées en termes de ratio de solvabilité 15 ( * ) .

B. LA CRÉATION DU FNAP : UNE NOUVELLE GESTION DES AIDES À LA PIERRE EN DEVENIR

1. Une gestion apparemment plus saine et transparente des crédits alloués

Comme votre rapporteur spécial l'avait indiqué lors de sa création, le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) devrait permettre d'offrir un meilleur cadre pour définir les modalités de financement et de gestion des aides à la pierre .

Institué par l'article L. 435-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de l'article 144 précité de la loi de finances pour 2016, le Fnap a fait l'objet du décret n° 2016-901 du 1 er juillet 2016. Comme l'indique le projet annuel de performances, il devrait assurer une meilleure gouvernance du système tout en garantissant « un financement pérenne et visible du logement social et [en accroissant] la mutualisation entre les bailleurs sociaux ».

Le conseil d'administration du Fnap s'est réuni trois fois depuis le 23 août 2016, date de sa première réunion.

Il a notamment arrêté son budget initial pour 2016, avec un total de 401,16 millions d'euros de recettes 16 ( * ) , issues :

- de la contribution des bailleurs sociaux, équivalant à 270 millions d'euros ;

- de crédits budgétaires de l'État, pour 100 millions d'euros ;

- d'autres financements publics pour le reste, et en particulier le produit de la majoration du prélèvement « SRU ».

S'agissant des dépenses, 385 millions d'euros sont prévus au titre des dépenses d'intervention, lesquelles correspondent essentiellement à des versements à l'État sur le programme 135 pour couvrir le paiement des autorisations d'engagement ouvertes sur le budget de l'État avant la création du Fnap (370,5 millions d'euros). En outre, 14,5 millions d'euros permettront de financer la réalisation de logements très sociaux et la mise en oeuvre de dispositifs d'intermédiation locative dans les communes carencées.

Le conseil d'administration du Fnap a également demandé à l'État l'ouverture de 232,85 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce montant correspondant au solde restant à déléguer aux services déconcentrés au titre de 2016.

Rappel de la composition et des compétences du Fnap

Le conseil d'administration du Fnap est composé de :

- cinq représentants de l'État : deux représentants du ministre chargé du logement, un représentant du ministre chargé de l'économie, un représentant du ministre chargé du budget et un représentant du ministre chargé des collectivités territoriales ;

- cinq représentants d'organismes intervenant dans le domaine du logement social : trois représentants de l'Union sociale pour l'habitat, un représentant de la fédération des entreprises publiques locales et un représentant des fédérations des organismes agréés en application de l'article L. 365-2 ;

- cinq représentants du Parlement et des collectivités territoriales et de leurs groupements : un député, un sénateur, un représentant de l'Assemblée des communautés de France, un représentant de l'Assemblée des départements de France et un représentant de France urbaine.

Il est chargé de :

- fixer le montant annuel des financements à verser au programme 135 au titre des aides à la pierre pour financer les opérations déjà engagées sur le programme.

Ce versement permet également de financer les dépenses liées au fonctionnement du système national d'enregistrement de la demande locative sociale, créé par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 ainsi qu'au financement du groupement d'intérêt public « Système national d'enregistrement » (GIP SNE).

Par ailleurs, ce financement permet de subventionner les actions d'accompagnement de la politique de production de logements très sociaux telles que les actions de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS) ;

- fixer le montant des nouvelles opérations et actions annexes à engager sur le programme  135, ce montant ne pouvant être supérieur au montant total des versements qu'il réalise au profit de l'État au cours de l'exercice ;

- définir, au regard du montant des nouvelles opérations et actions, une programmation annuelle à engager par l'État, la répartition territoriale de cette programmation ainsi que les objectifs associés.

Afin d'assurer le financement des opérations nouvelles d'aides à la pierre et de programmer le montant des nouvelles opérations et actions à engager par l'État, le FNAP peut recourir à la procédure prévue par le décret n° 2007-44 relatif aux fonds de concours pour les opérations d'investissement, qui permet de solliciter l'ouverture d'autorisations d'engagement préalables au programme 135 via la conclusion d'une convention précisant les modalités de financement de ces nouveaux engagements financiers.

Source : extraits du décret précité du 1 er juillet 2016 et du projet annuel de performances

Le Fnap permet d'associer les bailleurs sociaux , principaux contributeurs du financement des aides à la pierre, mais aussi les collectivités territoriales . Il constitue à la fois un gage de transparence et de gouvernance collégiale .

La détermination de principes régissant la programmation des aides à la pierre , de façon concertée entre l'ensemble des acteurs, au sein du conseil d'administration du Fnap, constitue également une avancée incontestable , alors que jusqu'à présent , chacun s'accorde à dire que le processus mis en oeuvre par l'État , en particulier pour la territorialisation du financement, constituait une véritable « boîte noire » .

Par ailleurs, le Fnap devrait sécuriser le financement des aides à la pierre , en le protégeant notamment d'une partie des coupes budgétaires susceptibles d'être réalisées en cours d'année.

En effet, une fois que les crédits budgétaires lui auront été attribués (auparavant, un gel est toujours possible), l'État ne devrait pas être en mesure de les lui reprendre. Ceci semble d'autant plus utile alors que, comme cela a déjà été rappelé supra , 150 millions d'euros ont justement été annulés sur les crédits de paiement des aides à la pierre au cours de l'année 2016.

Ainsi, comme votre rapporteur spécial l'avait lui-même anticipé, l'inscription d'un montant élevé de crédits de paiement (250 millions d'euros en 2016) ne garantissait en rien le fait qu'ils seraient réellement exécutés en cours d'année. La création du Fnap devrait permettre de limiter ce risque pour l'avenir .

2. La question des modalités de territorialisation des crédits encore en suspens

Le conseil d'administration du Fnap doit déterminer les principes régissant le financement des dispositifs dont le fonds a la charge. Il l'a déjà fait pour l'intermédiation locative dans les communes dites « carencées » au titre de la « loi SRU » (enveloppe de 3,5 millions d'euros).

Lors de sa prochaine réunion du 1 er décembre, il doit désormais proposer un cadre de programmation des aides à la pierre pour l'année 2017, en déterminant, comme l'indiquent les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial :

« - le montant annuel des financements qu'il apportera aux opérations et actions pour le paiement des autorisations d'engagement ouvertes sur le budget de l'État avant et après la création du [fonds] ;

- le montant des autorisations d'engagement dont il sollicitera l'ouverture sur le budget de l'État et dont il programmera la répartition territoriale et fixera les objectifs associés . »

À ce titre, votre rapporteur spécial ne peut qu' approuver la détermination de modalités objectives et transparentes pour la détermination de la programmation des aides à la pierre.

Elles devront toutefois permettre un équilibre entre les différents types de logements financés et maintenir le principe de la priorité de la construction de logements sociaux dans les zones les plus tendues .

Au cours de ses auditions, votre rapporteur spécial n'a pas manqué d'être étonné du fait que c ertains membres du Fnap souhaiteraient, dans le cadre de la détermination des enveloppes territoriales, parvenir à favoriser les collectivités qui réaliseraient le plus d'effort de construction et éviter que les aides à la pierre ne soutiennent trop les communes carencées et les moins volontaires , pour éviter les éventuels effets d'aubaine.

Il serait très surprenant qu'un tel critère de répartition soit mis en place , alors qu'il semblerait, au contraire, nécessaire d'appuyer les projets de construction des communes carencées , sans, bien entendu, aller jusqu'à ce que les aides à la pierre ne compensent leur désengagement. En outre, votre rapporteur spécial considère qu'il serait très difficile à mettre en oeuvre pour la détermination d'enveloppes régionales, ces problématiques relevant davantage du niveau de la commune ou de l'intercommunalité.

En tout état de cause, selon le ministère du logement, l'évolution des dotations régionales devrait être modérée, avec une part reconduite à 75 % à 90 % en termes de méthode. Un maximum de 25 % serait en revanche déterminé selon de nouveaux critères.

C. L'INCERTITUDE CHRONIQUE DU FINANCEMENT DE L'ANAH

1. Des objectifs trop ambitieux au regard des moyens disponibles ?

L'Agence nationale de l'habitat (Anah) participe activement à la politique du logement , tant s'agissant de la rénovation thermique, dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique portée par le programme « Habiter mieux », que de la lutte contre l'habitat insalubre, la requalification des centres villes anciens et le programme de revitalisation des centre-bourgs, ou encore des aides à l'adaptation de la perte d'autonomie.

Les objectifs qui lui sont assignés sont toujours plus nombreux et importants, en particulier dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Alors qu'entre 2014 et 2015, le nombre de logements à rénover était déjà passé de 45 000 à 50 000 logements, ce sont désormais 70 000 logements attendus pour 2016, pour en atteindre 100 000 en 2017.

D'après les informations recueillies auprès de l'agence, il semble d'ores et déjà acquis que l'objectif de 70 000 logements ne pourra pas être atteint en 2016, avec une perspective de 60 000 dossiers d'ici à la fin de l'année .

À la suite des difficultés rencontrées au cours des années précédentes pour le financement de ce programme, en particulier pour réabonder le Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) financé par le programme d'investissement d'avenir (PIA), la gestion des dossiers a été ralentie et 2016 a constitué une année de relance .

En outre, afin de parvenir à un nombre plus important de logements rénovés, l'Anah cherche actuellement des solutions pour accélérer la procédure d'engagement des dossiers , afin de diviser par deux les délais constatés sur l'ensemble de la chaîne de traitement (particulier, opérateur, délégataire..).

Pour parvenir à 100 000 logements rénovés en 2017, l'Anah souhaite développer les opérations dans les copropriétés , les dossiers traités jusqu'à présent ayant surtout concerné des propriétaires de maisons individuelles.

Le conseil d'administration de l'agence du 5 octobre 2016 a ainsi étendu le programme « Habiter mieux » aux copropriétés « fragiles », prévoyant le financement de 25 % des travaux, à hauteur de 3 930 euros maximum par logement, le cas échéant complété d'une prime forfaitaire dont le montant resterait à définir par décret.

La détermination des copropriétés « fragiles » se ferait autour des critères suivants : la mauvaise classe énergétique des logements, un début d'impayés de charges constaté et la proportion du nombre de ménages éligibles aux aides de l'agence dans la copropriété.

Si l'extension du programme « Habiter mieux » semble positive au regard des importants besoins effectivement constatés dans certaines copropriétés, il convient toutefois d' éviter tout effet d'aubaine lors du choix des dossiers portés, notamment dans l'appréciation de la « fragilité » de la copropriété. En outre, il convient également de s'assurer des capacités financières de l'agence, ce qui n'est le cas, ni du point de vue de son propre budget, ni du Fart pour l'année à venir.

2. Un budget encore incertain pour 2017 : une ressource stable doit assurer le financement de l'Anah

Encore une fois, les années se répètent et le financement de l'Anah semble bien incertain . Alors qu'à la fin du mois de novembre, le conseil d'administration doit déterminer son budget pour 2017, les incertitudes pèsent sur une large part des ressources nécessaires .

Cette situation s'explique principalement par le cours moyen de cession des quotas carbone qui avait atteint une moyenne de 7,60 euros la tonne au cours de l'année 2015, apportant ainsi une ressource de 312 millions d'euros à l'Anah (contre 219 millions d'euros collectés en 2013 et 215,3 millions d'euros en 2014) 17 ( * ) , mais qui est depuis redescendu à moins de 5 euros au cours de l'année 2016 (4,24 euros la tonne en septembre 2016).

C'est ainsi que, pour 2016, le budget de l'Anah est soumis à un important aléa puisqu'il avait été construit en retenant l'hypothèse d'un cours à 7,7 euros la tonne . Or, alors que les prévisions tablaient sur un produit de cession à hauteur de 343 millions d'euros, l'Anah estime désormais cette ressource à 232 millions d'euros. Des moyens supplémentaires ont donc dû être trouvés afin de pallier ce manque estimé à 100 millions d'euros d'ici à fin décembre 2016, d'autant que, parallèlement, le Gouvernement a souhaité augmenter les objectifs assignés au programme « Habiter mieux ».

Pour cela, l'avenant du 21 juillet 2016 à la convention quinquennale du 2 décembre 2014 entre l'État et Action logement a porté la contribution d'Action logement à 100 millions d'euros pour 2016 et 2017 (au lieu de 50 millions d'euros par an prévus initialement). L'Anah a même bénéficié de 50 millions d'euros d'Action logement dès octobre 2016, par anticipation de sa contribution due au titre de 2017.

En outre, l'Anah prévoit également une baisse de 50 millions d'euros de ses dépenses d'intervention par rapport à ses prévisions initiales, avec un budget qui devrait atteindre environ 500 millions d'euros en exécution.

S'agissant de 2017 , alors que les objectifs fixés à l'Anah induisent des besoins à hauteur de 600 millions d'euros, seuls 400 à 500 millions d'euros de ressources, semblent acquis, selon l'hypothèse du cours de cession des quotas carbone retenue.

Le produit issu de ces cessions pourrait ainsi atteindre entre 240 millions d'euros (avec un cours à 4,5 euros la tonne) et 340 millions d'euros (avec un cours à 6,40 euros la tonne).

Ensuite, 50 millions d'euros sont attendus de la contribution d'Action logement (50 millions d'euros ayant déjà été versés par anticipation en 2016), de même que 21 millions d'euros qui sont affectés à l'agence au titre de la taxe sur les logements vacants .

La vente des certificats d'économie d'énergie produits dans le cadre du programme « Habiter mieux » devrait conduire à une recette estimée à 65 millions d'euros .

Enfin, 20 millions d'euros devraient être issus du report de la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie prévue pour 2016 (au titre des actions menées dans le cadre de l'adaptation des logements à la perte d'autonomie des personnes âgées) et non encore versée.

Hypothèses « haute » et « basse » - budget prévisionnel de l'Anah en 2017

Source : commission des finances du Sénat d'après les données recueillies auprès de l'Anah

L'incertitude pesant sur le budget est d'autant plus importante que le niveau de trésorerie de l'Anah est très bas, avec un fonds de roulement ne couvrant pas plus que trois semaines de paiement (30 millions d'euros).

L'ensemble de ces éléments conduit à s'interroger sur la pertinence de maintenir le produit de cessions des quotas carbone comme ressource de l'Anah à hauteur de 50 % à 70 % du besoin total . À tout le moins, il conviendrait de l'accompagner d'une ressource plus stable, de montant quasi équivalent, permettant à l'agence d'être davantage assurée de disposer des fonds nécessaires pour remplir ses objectifs .

Enfin, le financement du Fart reste également très incertain , après avoir bénéficié de 200 millions d'euros supplémentaires en 2016, par la voie de deux redéploiements de crédits au sein du PIA (50 millions d'euros en janvier et surtout 150 millions d'euros en juin).

Permettant de compléter les subventions de l'Anah au sein du programme « Habiter mieux », le Fart bénéficiait initialement de 500 millions d'euros au titre du premier programme d'investissement d'avenir (PIA 1) issu de la première loi de finances rectificative pour 2010 18 ( * ) .

Toutefois, l'enveloppe avait été réduite à 365 millions d'euros afin de tenir compte de la création de la prime exceptionnelle de 1 350 euros, ayant conduit au redéploiement de 135 millions d'euros au profit du Fonds de soutien à la rénovation énergétique de l'habitat (FSREH). Cette prime exceptionnelle a finalement été supprimée fin 2014.

Quatre redéploiements de crédits ont ensuite été opérés au profit du Fart en 2015, parallèlement à l'augmentation de l'objectif fixé à 50 000 logements rénovés, pour un montant total de plus de 170 millions d'euros.

Au 31 décembre 2015, 472 millions d'euros étaient ainsi engagés et 300 millions d'euros décaissés sur l'enveloppe globale de 536,7 millions d'euros.

En 2016, le Fart ne disposait plus que de 50 millions d'euros disponibles. Un nouveau redéploiement de crédits a été opéré, à hauteur de 150 millions d'euros, dont 90 millions d'euros servant à couvrir les besoins de 2016. L'enveloppe du Fart atteint désormais 686,8 millions d'euros avec, au 30 juin 2016, 157 314 dossiers retenus, 496 millions d'euros engagés et contractualisés, pour un décaissement de 320 millions d'euros.

En conséquence, pour 2017 , 60 millions d'euros resteraient a priori disponibles pour couvrir une partie des besoins. Pour 100 000 logements visés cette année, l'enveloppe nécessaire devrait s'élever à 200 millions d'euros. 140 millions d'euros viendront donc probablement à manquer une nouvelle fois et devront faire l'objet d'un redéploiement au sein du PIA .

Pour les années à venir, une autre source de financement devra vraisemblablement être trouvée, la rénovation thermique des logements privés ne devant pas pouvoir relever de l'une des actions du PIA 3. L'Anah espère toutefois développer, éventuellement, des opérations de rénovation énergétique à l'échelle de quartiers qui pourraient bénéficier de l'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » du programme 422 « Valorisation de la recherche » de ce troisième PIA.

L'incertitude sur la situation financière de l'Anah pèse sur son activité . Le manque de moyens a ainsi pu bloquer des dossiers au niveau des services déconcentrés et créer des à-coups néfastes pour l'agence qui peine ensuite à relancer son action .

Une réflexion doit être menée sur le financement pérenne des activités de l'Anah, en envisageant éventuellement le retour de crédits de l'État.


* 15 Cf. le 1 du A du présent III.

* 16 Avant sa création, 136 millions d'euros ont déjà été prises en charge par l'État dans le cadre des crédits délégués aux préfets de régions au premier semestre 2016.

* 17 L'affectation à l'Anah du produit des cessions de quotas carbone est plafonnée à 550 millions d'euros en vertu du I de l'article 43 de la loi n° 2012-1509 de finances pour 2013.

* 18 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.