MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, rapporteurs spéciaux

II. LA RÉNOVATION DES BÂTIMENTS DOMANIAUX MUTUALISÉS : UN BESOIN RÉEL, UN PROJET AMBITIEUX, UNE PROGRAMMATION À CONCRÉTISER

A. UN BESOIN RÉEL

1. Répondre au défi de la rénovation et de la mise aux normes des bâtiments publics

La commission des finances du Sénat souligne depuis plusieurs années l'insuffisance des crédits consacrés à l'entretien et à la rénovation du parc immobilier. Cette faiblesse se conjugue de surcroît à une baisse tendancielle , puisque les crédits immobiliers interministériels ont reculé de 20 % entre 2013 et 2018.

Pour autant, la mise aux normes techniques, environnementales et d'accessibilité exige d'importants investissements .

Le manque d'entretien préventif entraîne souvent des dépenses curatives renchéries par la suite. De même, une mauvaise gestion des fluides peut se traduire par des dépenses courantes élevées et un gaspillage des ressources.

À l'échelle de l'ensemble du parc immobilier de l'État, la mise aux normes nécessitera plus de 100 millions d'euros de crédits annuels .

Dans le cadre des agendas d'accessibilité programmés (Ad'AP) 46 ( * ) visant à atteindre les objectifs fixés par la loi du 12 février 2005 47 ( * ) d'ici 2024, près de 120 millions d'euros de crédits seront nécessaires.

La réalisation des objectifs d'économies d'énergie fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 48 ( * ) exigera également d'importants investissements. La feuille de route mise en oeuvre par la direction de l'immobilier de l'État en 2016 pour inscrire la transition énergétique au coeur des objectifs de la politique immobilière de l'État répartit l'effort entre six leviers 49 ( * ) . L'activation des trois premiers nécessitera près de 100 millions d'euros de crédits annuels. Aucune estimation n'a encore été présentée pour les trois autres leviers.

2. Renforcer la direction de l'immobilier de l'État en la dotant d'un levier budgétaire

La création de la direction de l'immobilier de l'État en septembre 2016 participait d'un mouvement général de renforcement du rôle de l'État propriétaire face aux ministères occupants.

Cependant, cette affirmation demeure en partie théorique , dans la mesure où seulement 10 % des crédits immobiliers relèvent d'une logique interministérielle. Faute de levier budgétaire suffisant, la direction de l'immobilier de l'État ne peut assurer la prise en compte effective des objectifs de rationalisation et de modernisation du parc.

La création d'un programme spécifique placé sous sa responsabilité et dédié à la rénovation des sites multi-occupants devrait donc permettre de renforcer la direction de l'immobilier de l'État dans la conduite de la politique immobilière de l'État.

B. UN PROJET AMBITIEUX

Selon le projet annuel de performances, le programme 348 permettra d'engager « une campagne volontariste de remise à niveau » des cités administratives et d'immeubles multi-occupants.

Cet objectif résulte d'une double ambition :

- rénover les cités administratives de première génération , construites avant le premier choc pétrolier et faisant face à des enjeux d'entretien et de mise à niveau thermique ;

- conforter la démarche de mutualisation des sites immobiliers entre administrations et opérateurs, en donnant à la direction de l'immobilier de l'État les moyens nécessaires à son offre de services immobiliers aux administrations occupantes.

Un montant d'un milliard d'euros de crédits est prévu pour les cinq prochaines années , pour un ensemble représentant environ un million de mètres carrés, soit 7 % du parc domanial de l'État.

La prise de conscience sous-jacente à la création du programme 348 est bienvenue.

Elle atteste à double titre des lacunes du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » :

- la faiblesse des crédits immobiliers interministériels ;

- l'essoufflement du mode de financement de la modernisation du parc immobilier par le produit tiré des cessions immobilières.

Le graphique ci-après met ainsi en regard le montant prévu des crédits sur le programme 348 pour les cinq prochaines années avec le montant des cessions et des crédits immobiliers interministériels sur les cinq derniers exercices.

S'il se confirme , l'effort d'augmentation de la dépense immobilière interministérielle constitue donc un véritable progrès, conforme aux observations récurrentes de la commission des finances du Sénat.

Comparaison des crédits immobiliers prévus de 2018 à 2022 sur le programme 348 avec les montants cumulés entre 2011 et 2016 du produit tirés des cessions immobilières et des crédits immobiliers interministériels

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Deux indicateurs composent le dispositif de performance :

- un indicateur relatif à la performance énergétique des cités administratives : l'année 2018 est prise pour point de référence de la consommation d'énergie en base 100 ;

- un indicateur relatif à l'état d'avancement des projets .

Aucune cible n'est fixée pour 2020 . Les objectifs dépendront des résultats des études qui s'engageront en 2018.

C. UNE PROGRAMMATION À CONCRÉTISER

Conformément à l'orientation générale des crédits de la mission, le programme 348 est très peu doté en 2018 . Seulement 20 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus.

Ce choix se justifie pour deux raisons :

- d'une part, la nécessité de réaliser des études préalables afin de déterminer le périmètre d'intervention et les besoins réels ;

- d'autre part, la logique de programmation pluriannuelle promue par la direction de l'immobilier de l'État.

Cependant, ce choix est également risqué dès lors que seulement 2 % des crédits de paiement annoncés pour les cinq prochaines années sont effectivement prévus en 2018. Le graphique ci-après présente ainsi la progression continue des crédits du programme jusqu'en 2022.

Prévision des crédits du programme 348 d'ici 2022

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ce risque est d'autant plus marqué que, labellisés au titre du Grand plan d'investissement, les crédits entrent dans le cadre du principe de réallocation des crédits entre ses différentes actions.

Une vigilance sera donc indispensable pour s'assurer que les crédits annoncés, en prévision desquels des études auront été financées, seront effectivement ouverts lors des prochains exercices.


* 46 Dispositif prévu par l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

* 47 Loi n° 2005-102 du 12 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 48 La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l'objectif d'atteindre 60 % d'économies d'énergie à horizon 2050 par rapport aux niveaux constatés en 2010.

* 49 Il s'agit du pilotage et de la maintenance, des travaux du plan gros entretien renouvellement, de la rénovation globale, de la rationalisation et densification, de l'achat, location, construction neuve, et des usages.