MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, rapporteurs spéciaux

TROISIÈME PARTIE :
LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

La mission « Crédits non répartis » regroupe deux programmes correspondants aux deux dotations prévues par l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , l'une pour les « dépenses accidentelles et imprévisibles » (programme 552) , l'autre pour la « provision relative aux rémunérations publiques » (programme 551) , ces dotations ne pouvant être réparties dans les autres missions au moment du vote des crédits.

La répartition de ces crédits intervient en gestion et en tant que de besoin par voie réglementaire, conformément à l'article 11 de la loi organique du 1 er août 2001. Le Parlement n'est pas informé a priori de la préparation des éventuels décrets ou arrêtés, lesquels peuvent d'ailleurs ne pas être publiés en raison du secret défense. En ces cas, seules les réponses du ministère au questionnaire budgétaire permettent aux rapporteurs spéciaux d'être avertis de la répartition de ces crédits.

I. DES CRÉDITS INITIAUX EN FORTE HAUSSE POUR 2018

Les crédits de paiement de cette mission sont habituellement faibles, l'essentiel des dépenses de l'État devant être répartis par mission, en vertu du principe budgétaire de spécialité, et des dispositions du II de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances. Le montant des crédits de paiement prévu dans le projet de loi de finances pour 2018 déposé à l'Assemblée nationale atteint pourtant 414,5 millions d'euros en 2018. Ce montant, le plus élevé depuis 2006, est 68 fois supérieur aux crédits inscrits en 2017. Cette augmentation s'explique principalement par une ouverture exceptionnelle de crédits portée par le programme 551 , mais aussi par une majoration des crédits du programme 552 .

A. UNE BUDGÉTISATION EXCEPTIONNELLE DU PROGRAMME 551

1. Une dotation destinée à compenser en partie la hausse de la CSG dans la fonction publique

Depuis 2009, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » n'a fait l'objet que d' une seule ouverture de crédits, en 2016 , destinée à financer l'accompagnement indemnitaire de la réforme territoriale.

En 2018, le Gouvernement entend prendre des mesures de compensation intégrale de la hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) 51 ( * ) pour le personnel de la fonction publique d'État, dont l'impact sur les finances de l'État est estimé à 3 milliards d'euros . Est notamment prévue la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité (CES), prévue à l'article 47 du projet de loi de finances pour 2018. Le rendement de la CES étant évalué à 1,4 milliard d'euros , sa suppression ne sera toutefois pas suffisante, d'autant que certains agents ne sont pas redevables de la CES.

290,533 millions d'euros ont donc été inscrits en AE et en CP dans le programme 551, dans l'attente des décisions qui devaient être prises lors d'un « rendez-vous salarial » entre le ministre de l'action et des comptes publics et les organisations syndicales représentatives de la fonction publique.

Si la dotation du programme 551 pour 2018 semble exceptionnellement élevée au regard des budgétisations précédentes (11,5 millions d'euros en 2016), il faut noter qu'elle est en réalité déjà diminuée des gains réalisées à partir du report décidé par le Gouvernement de l'application du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) .

2. Des crédits modifiés à l'Assemblée nationale à la suite du « rendez-vous salarial » du 16 octobre 2017

Le « rendez-vous salarial » tenu le 16 octobre 2017 a été l'occasion pour le Gouvernement de confirmer son souhait de compenser intégralement la hausse de CSG pour les agents publics.

En conséquence, une prime fixe compensatoire sera créée en 2018 , et calculée sur la base de la rémunération de 2017. Elle sera versée par les employeurs publics à hauteur de 530 millions d'euros pour la fonction publique territoriale et de 320 millions d'euros pour la fonction publique hospitalière. L'indemnité sera elle-même compensée par une baisse de 1,62 point du taux de cotisation employeur maladie pour ces deux versants de la fonction publique. Un décret prévoyant les modalités d'introduction de ces différentes mesures devrait être publié le 30 novembre 2016 .

À la fin de la première lecture devant l'Assemblée national, en seconde délibération, le Gouvernement a déposé un amendement sur les crédits du programme 551, en vue de procéder à la répartition des crédits avant même leur exécution . Les 290,5 millions d'euros d'AE et de CP sont annulés et le programme 551 n'est donc plus budgétisé. Dans le même temps, le Gouvernement a ouvert 624 millions d'euros de crédits destinés au versement de la prime compensatoire pour la fonction publique d'État sur chaque mission comportant des dépenses de personnel, tout en minorant 334 millions d'euros les dépenses de titre 2 de l'ensemble de ces missions, afin de tenir compte des effets du report de l'application du protocole « PPCR ».

Cette modification porte ainsi l' ensemble des crédits de la mission à 124 millions d'euros en crédits de paiement et 424 millions d'euros en autorisation d'engagement .

B. L'AUGMENTATION DE LA DOTATION DU PROGRAMME 552

1. Une dotation destinée à couvrir les dépenses accidentelles et imprévisibles

Les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » sont destinés à financer des dépenses liées à des calamités, par nature urgentes et imprévisibles, et le cas échéant, sont répartis en cours de gestion à travers un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles, pris dans un délai rapide et sans consultation préalable du Parlement, au contraire des décrets d'avance.

Mouvements réglementaires intervenus en 2017

Le 3 octobre 2017, un mouvement réglementaire a été effectué à partir de programme 552. Le décret du 9 février 2017, non publié, a ouvert 10,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) au profit du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Cependant, les plafonds de crédits des autres missions intègrent une « réserve de précaution », selon le principe d'auto-assurance, réaffirmé dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 . Ce principe, implique que « les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits, soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies complémentaires. Ces redéploiements ou économies doivent être mis en oeuvre prioritairement au sein du programme qui supporte les aléas ou les priorités nouvelles. À défaut, ils doivent être réalisés entre les programmes de la même mission. 52 ( * ) » .

Dès lors, la dotation du programme 552 est demeurée jusqu'alors assez faible et atteignait 24 millions d'euros en CP et 324 millions d'euros en AE en 2017 .

Maintenu en 2018, l' écart de 300 millions d'euros entre AE et CP est récurrent depuis 2012. Il s'explique par la nécessité de constituer une provision spécifique pour couvrir les besoins d'engagements imprévisibles, telles que d'éventuelles prises à bail privées des administrations centrales et déconcentrées, dans le cadre de décisions urgentes de relocalisation qui nécessiteraient la provision en AE de la totalité des dépenses de location pour toute la durée du bail.

Fixé à titre conventionnel, le montant des AE du programme 552 paraît toutefois élevé au regard de sa sous-consommation fréquente . En 2016, 27,1 % des AE avaient été consommées, et seuls 3 % devraient l'être en 2017.

2. Une majoration des crédits pour compenser partiellement l'abaissement du taux de mise en réserve

Annoncée par le Gouvernement, la réduction du taux de mise en réserve, de 8 % à 3 % des crédits - hors dépenses de personnel, pour lesquelles le taux s'élève à 0,5 % - devrait réduire de 8 milliards d'euros les capacités de redéploiements interministériels en cas d'évènements imprévisibles.

Les crédits du programme sont ainsi majorés de 100 millions d'euros en AE et en CP par rapport à 2017, dans l'optique de compenser partiellement l'abaissement du seuil de mise en réserve.

Cette majoration s'inscrit dans la nouvelle trajectoire pluriannuelle qui prévoit une augmentation significative des crédits de la mission.


* 51 Cette hausse est prévue à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 52 Rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.