Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Constitution - Révision constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution - Audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice

La commission a procédé à l'audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi constitutionnelle n° 167 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le projet de loi constitutionnelle comportait trois volets, le premier tendant à permettre l'organisation du référendum annoncé par le Président de la République sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, le deuxième concrétisant l'engagement du Président de la République de soumettre au référendum tout traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats et le troisième, appelé à entrer en vigueur après la ratification par l'ensemble des Etats membres du traité établissant une Constitution pour l'Europe, visant à réécrire intégralement le titre XV de la Constitution pour tirer les conséquences de cette ratification.

Après avoir indiqué que le premier volet du projet de loi constitutionnelle était exclusivement constitué de son article premier, il a observé que la rédaction très générale retenue permettait de lever tous les obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004.

Il a indiqué que les articles 2 et 4 du projet de loi constitutionnelle, formant son deuxième volet, tendaient respectivement à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et à définir les conditions d'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif. Il a précisé que cette procédure obligatoire s'appliquerait à la Turquie, mais pas aux projets de loi autorisant la ratification des futurs traités d'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie.

Le troisième volet du projet de loi constitutionnelle, composé de son article 3 comprenant lui-même sept articles numérotés de 88-1 à 88-7, lui a semblé le plus substantiel.

Evoquant les profonds remaniements apportés aux articles 88-1 et 88-2 de la Constitution, il a indiqué que le texte proposé pour l'article 88-1, dont l'objet était de proclamer la participation de la République française à la construction européenne, aurait désormais pour effet d'assurer la constitutionnalité de tous les transferts de compétences prévus par le traité établissant une Constitution pour l'Europe, ce qui rendait nécessaire, par coordination, d'abroger les deux premiers alinéas de l'actuel article 88-2. Il a en revanche souligné la nécessité de maintenir l'actuel alinéa de l'article 88-2 relatif au mandat d'arrêt européen en faisant valoir que son abrogation risquerait de rendre contraires à la Constitution les actes passés et futurs pris par les institutions européennes pour mettre en oeuvre cet instrument de la coopération judiciaire en matière pénale.

Il a noté que les articles 88-3 et 88-4 faisaient l'objet de modifications mineures tendant respectivement à actualiser et améliorer les modalités de vote des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne aux élections municipales et à clarifier la portée de l'obligation imposée au Gouvernement de soumettre au Parlement les projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions « de nature législative » en faisant désormais référence aux actes relevant du « domaine de la loi ». Il a ajouté qu'aucune stipulation du traité n'impliquait d'étendre le champ d'application de l'article 88-4 qui permet aux assemblées de voter des résolutions sur ces projets ou propositions d'actes ainsi que sur les autres documents que le Gouvernement décide de leur soumettre.

Il a précisé que l'Assemblée nationale avait adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement étendant aux projets d'actes législatifs européens la liste des textes obligatoirement soumis au Parlement en application de l'article 88-4, ce qui permettait de mettre en cohérence ce dispositif avec celui de l'article 88-5.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le Gouvernement s'était engagé à modifier ou à remplacer la circulaire du 13 décembre 1999 relative à l'application de l'article 88-4, afin de poser le principe de la soumission au Parlement de l'ensemble des documents européens, les refus de soumission devant constituer désormais l'exception.

Il a mentionné les nouveaux articles 88-5 et 88-6 destinés à inscrire dans la Constitution les nouvelles prérogatives reconnues aux Parlements nationaux par le traité établissant une Constitution pour l'Europe : le contrôle du respect du principe de subsidiarité par l'adoption d'avis motivés ou par la saisine de la cour de justice de l'Union européenne, d'une part, l'exercice d'un droit d'opposition à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée du traité établissant une Constitution pour l'Europe par l'adoption en termes identiques d'une motion, d'autre part.

Enfin, il a précisé que l'article 88-7 se bornait à reprendre l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, qui pose le principe de la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé que le projet de loi constitutionnelle permettait de lever l'ensemble des obstacles constitutionnels à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a observé que les dispositions prévoyant l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne avaient quant à elles pour objet de mettre en oeuvre un engagement pris par le Président de la République.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a souhaité connaître les raisons pour lesquelles le projet de loi constitutionnelle ne prévoyait pas, à la différence des articles 11 et 72-4 de la Constitution, un débat parlementaire préalable à l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne.

Il s'est demandé s'il ne convenait pas de prévoir dans la Constitution les modalités du retrait éventuel de la France de l'Union européenne, autorisé par l'article I-60 du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il s'est enquis du contenu de la circulaire en préparation sur l'application de l'article 88-4 de la Constitution.

Enfin, il a souhaité savoir si les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne pourraient participer aux référendums sur l'adhésion de nouveaux Etats.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a répondu par la négative à cette dernière question.

Il a justifié l'absence de dispositions prévoyant un débat parlementaire préalable à l'organisation d'un référendum sur un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne en faisant valoir, d'une part, que le Président de la République n'aurait pas la possibilité de renoncer à organiser le scrutin et de faire adopter le projet de loi par le Parlement, contrairement à la procédure prévue par l'article 11 de la Constitution, d'autre part, que le débat prévu à l'article 11 et à l'article 72-4 de la loi fondamentale constituait le corollaire du pouvoir reconnu au Gouvernement de demander la consultation des électeurs.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé qu'un éventuel retrait de la France de l'Union européenne nécessiterait une révision constitutionnelle.

Il a réaffirmé que la nouvelle circulaire d'application de l'article 88-4 de la Constitution ferait de la soumission au Parlement de l'ensemble des documents européens la règle de conduite du Gouvernement, les refus de soumission devant constituer désormais l'exception. Il a ajouté que les deux assemblées n'avaient actuellement la possibilité d'adopter des résolutions que sur le cinquième environ des quelque 1.500 documents élaborés chaque année par l'Union européenne.

M. Pierre Fauchon a rappelé l'absence de valeur normative des circulaires. Il a jugé singulier que le projet de loi constitutionnelle prévoie de rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne et de dispenser de cette obligation les adhésions de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. Il a souhaité connaître les raisons justifiant cette différence de traitement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé que le recours à une nouvelle circulaire sur l'application de l'article 88-4 de la Constitution correspondait à la volonté du Gouvernement de prendre un engagement politique, et non juridique.

Il a indiqué que les négociations avec la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie préalables à leur adhésion à l'Union européenne étaient déjà très avancées au moment de l'annonce par le Président de la République de son souhait de rendre systématique l'organisation d'un référendum sur les prochains élargissements de l'Union, ajoutant qu'il n'avait en conséquence pas paru souhaitable de modifier au dernier instant les règles applicables à ces adhésions.

M. Pierre Fauchon ayant souligné le caractère extraordinaire de l'obligation d'organiser un référendum, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné qu'il s'agissait de garantir le respect dans la durée de l'engagement pris par le Président de la République.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé que l'élaboration d'une nouvelle circulaire ne constituait pas la réponse idoine à la demande des parlementaires de pouvoir se prononcer sur n'importe quel texte européen en adoptant une résolution sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution.

Elle a souligné le caractère byzantin des explications fournies par le ministre pour justifier l'obligation d'organiser un référendum sur les prochains élargissements et les dérogations qui lui étaient apportées pour trois Etats.

Elle a dénoncé l'incohérence consistant à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur l'adhésion d'un Etat de 800.000 habitants à l'Union européenne, mais à permettre le retrait de la France de l'Union, fût-ce au terme d'une révision constitutionnelle, sans avoir recueilli le consentement des électeurs.

Enfin, elle a déploré que l'usage très limité des possibilités de référendum prévues par les articles 11 et 89 de la Constitution n'ait pas permis aux Français de se prononcer sur des sujets d'importance.

M. Jean-Pierre Sueur a mis en exergue le risque d'une faible participation des électeurs à un référendum portant sur l'adhésion d'un petit Etat à l'Union européenne et a exprimé la crainte qu'un tel résultat ne discrédite cette procédure.

M. Bernard Frimat s'est demandé s'il ne convenait pas de subordonner la validité des résultats d'un tel scrutin à un seuil minimal de participation, sur le modèle des dispositions régissant les référendums décisionnels locaux.

Rappelant que la France avait déjà donné son accord à l'adhésion de la Norvège à l'Union européenne à deux reprises, dont une fois par référendum, il s'est interrogé sur la nécessité de solliciter une nouvelle fois les électeurs dans ce cas.

M. Hugues Portelli a déclaré que le projet de loi constitutionnelle permettait de lever l'ensemble des obstacles à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe relevés par le Conseil constitutionnel.

Rappelant l'analyse de M. Dominique Rousseau, professeur de droit public à l'Université de Montpellier, lors de son audition devant la commission des lois le mercredi 26 janvier 2005, il a estimé que le Conseil constitutionnel avait fait une lecture erronée du principe de primauté du droit de l'Union sur le droit interne des Etats membres posé par le traité.

Il a souligné que la Cour de justice de l'Union européenne maintiendrait sans doute sa jurisprudence selon laquelle un Etat ne peut se prévaloir de son droit interne, même constitutionnel, pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit de l'Union et a exprimé la crainte que la France ne s'expose à des condamnations pour manquement.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé au contraire que la Cour de justice devrait, à compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, revoir sa jurisprudence pour prendre en compte les stipulations de son article I-5 invitant l'Union au respect de l'identité nationale des Etats membres, « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ».

M. Hugues Portelli a souhaité connaître les règles régissant le retrait d'un Etat de l'Union européenne.

Enfin, il a souligné que le débat parlementaire préalable prévu par l'article 11 et par l'article 72-4 de la Constitution n'avait pas pour objet d'inviter le Président de la République à reconsidérer sa décision d'organiser un référendum, mais d'éclairer le choix des électeurs.

M. Pierre-Yves Collombat a souhaité connaître la portée des résolutions adoptées par chacune des deux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Richard Yung a souhaité savoir si le Président de la République aurait la faculté de refuser de soumettre au référendum un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé que l'adhésion de la Norvège à l'Union européenne devrait être autorisée par référendum.

Il a souligné que le Président de la République ne serait pas tenu de soumettre au référendum un projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, observant toutefois que le traité ne pourrait être ratifié dans cette hypothèse.

Enfin, il a estimé que le choix des électeurs serait plus éclairé par la campagne référendaire que par un débat dans chaque assemblée, ajoutant que les parlementaires seraient bien évidemment appelés à participer à cette campagne.

En réponse à M. Hugues Portelli,M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposaient aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en application de l'article 62 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que cette règle ne s'appliquait pas au Constituant et a rappelé que certaines révisions constitutionnelles avaient eu précisément pour objet de dépasser une décision du Conseil constitutionnel.

M. Hugues Portelli a souscrit à ces propos, avant de déplorer qu'une clause générale autorisant par avance tous les transferts de souveraineté impliqués par la construction européenne n'ait pas été insérée dans la Constitution.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé l'absence de portée contraignante des résolutions votées par les assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution, tout en indiquant que le Gouvernement en tenait le plus grand compte et s'en prévalait souvent dans les négociations européennes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souhaité savoir si, dans l'hypothèse d'un traité prévoyant l'adhésion de plusieurs Etats à l'Union européenne, les électeurs auraient la possibilité de se prononcer séparément sur l'adhésion de chaque Etat.

M. Robert Badinter a indiqué qu'il ne lui semblait pas possible de poser plusieurs questions aux électeurs dès lors qu'il n'y aurait qu'un seul traité.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé que, dans cette hypothèse, les électeurs seraient invités à se prononcer sur le traité dans son ensemble et non sur l'adhésion de tel ou tel Etat.

M. Robert Badinter et M. Patrice Gélard, rapporteur, ont observé que le refus de l'adhésion d'un seul Etat par les électeurs les obligerait à refuser celle des autres.

Mercredi 2 février 2005

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante - Désignation des membres de la commission

La commission a tout d'abord désigné MM. Pierre Fauchon, Bernard Frimat et Henri de Richemont, pour siéger au sein de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a nommé Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, sous réserve de son dépôt, sur le projet de loi portant diverses mesures de transposition à la fonction publique du droit communautaire.

Missions d'information - Communication

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué par ailleurs que le Bureau du Sénat a accepté, lors de sa réunion du 1er février 2005, la création de deux missions d'information portant, d'une part, sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, d'autre part, sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, composées respectivement de 15 et 16 membres représentant tous les groupes sénatoriaux ainsi que les non-inscrits. Le président a invité les membres présents des groupes politiques à faire connaître au secrétariat de la commission avant le mardi 8 février 2005 à 17 heures le nom des sénateurs qu'ils proposent.

Justice - Traitement de la récidive des infractions pénales - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. François Zocchetto, à l'examen de la proposition de loi n° 127 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

M. François Zocchetto, rapporteur, a d'abord tracé un parallèle, d'une part entre le rapport de M. Guy Cabanel, ancien sénateur, intitulé « pour une meilleure prévention de la récidive » et la loi du 19 décembre 1997 d'initiative sénatoriale qui avait institué le placement sous surveillance électronique et, d'autre part, le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale consacré au traitement de la récidive des infractions pénales suivi de la présente proposition de loi, adoptée par les députés le 16 décembre dernier, créant en particulier le placement sous surveillance électronique mobile, à titre de mesure de sûreté pour les auteurs d'infractions sexuelles. Il a souligné ainsi la volonté continue de la représentation nationale de mieux lutter contre la récidive tout en précisant que le dispositif créé à l'initiative du Sénat constituait une alternative à la détention tandis que le système de surveillance proposé par les députés, et fondé sur la technique du GPS, avait vocation à contrôler les délinquants qui avaient purgé leur peine.

Le rapporteur a ensuite défini la notion juridique de récidive. Il a précisé que l'état de récidive légale supposait d'une part une condamnation définitive (premier terme de la récidive) et, d'autre part, une infraction commise ultérieurement (second terme de la récidive). La première condamnation, a-t-il ajouté, doit être pénale, définitive, toujours existante et, enfin, prononcée par un tribunal français. Le second terme de la récidive, constitué par la nouvelle infraction, répond à des conditions différentes selon qu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure à dix ans. Dans ce dernier cas, pour qu'il y ait récidive légale, le délit doit avoir été commis dans un délai inférieur à cinq ans et être identique ou assimilé par la loi à la première infraction commise. Lorsque la récidive légale est constatée, l'auteur de l'infraction encourt le doublement de la peine prévue par le code pénal.

M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé que la récidive, ainsi définie, devait être distinguée, d'une part, du concours d'infractions qui vise plusieurs infractions entre lesquelles n'est pas intervenu un jugement définitif (dans ce cas les peines peuvent se cumuler dans la limite du maximum légal de la peine la plus sévère), d'autre part, de la réitération d'infractions qui concerne des infractions ayant fait l'objet de condamnations définitives sans que les conditions de la récidive légale soient réunies (dans cette hypothèse, chaque infraction est traitée individuellement sans aggravation du plafond de la peine).

Le rapporteur a observé que l'aggravation de la peine encourue pour la récidive légale se traduisait dans la pratique judiciaire moins par un allongement de la peine prononcée que par la condamnation à une peine d'emprisonnement ferme. Il a en outre indiqué que le juge n'apparaissait pas toujours en mesure de relever l'état de récidive légale faute des informations nécessaires dans le casier judiciaire compte tenu du délai de l'ordre de dix mois en moyenne entre le prononcé d'un jugement et son inscription au casier. Toutefois, il a noté que les magistrats du parquet et les juges d'instruction pouvaient avoir accès au système de traitement des infractions constatées (STIC) géré par les services de police.

Evoquant ensuite les éléments statistiques relatifs à la récidive,M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé que les données issues du casier judiciaire faisaient apparaître un taux de récidive légale limité pour les condamnations délictuelles (5,3 % en 2002) et criminelles (2,6 % en 2002). Cependant, a-t-il ajouté, la notion statistique de « recondamnation » (nombre de personnes faisant l'objet d'une nouvelle condamnation dans un délai déterminé) permettait sans doute une approche moins juridique mais plus réaliste de ce phénomène. S'appuyant sur une étude conduite sur le suivi jusqu'en 2000 des personnes condamnées en 1996, M. François Zocchetto, rapporteur, a ainsi dressé les constats suivants :

- la probabilité d'une nouvelle condamnation apparaît élevée (un tiers des personnes condamnées ayant fait l'objet d'une nouvelle condamnation sur cette période), le cas des mineurs condamnés retenant l'attention car 45 % d'entre eux ont fait l'objet d'une nouvelle condamnation ;

- la nouvelle infraction présente souvent des similitudes avec la précédente (41 % des personnes condamnées reproduisent une infraction de même nature) ; la part des nouvelles condamnations pour une deuxième infraction à caractère sexuel n'apparaît pas particulièrement élevée (1,3 %) ;

- le délai de commission de la nouvelle infraction s'élève à quinze mois en moyenne ;

- le taux de retour devant la justice des condamnés à un emprisonnement ferme dépasse 55 %.

Le rapporteur a observé qu'il n'existait pas d'explication simple à un phénomène d'une grande complexité. Il a relevé néanmoins que le fait de persévérer dans la délinquance pouvait être associé à certains troubles de comportement s'agissant notamment des auteurs d'infractions sexuelles qui représentaient désormais plus de 20 % de la population pénitentiaire. Il a regretté que ces personnes ne fassent pas l'objet, faute de moyens suffisants, du suivi nécessaire à l'issue de leur détention. Il a noté également que le caractère dissuasif du système répressif souffrait des difficultés d'exécution de la sanction pénale qu'illustraient en particulier les sursis avec mise à l'épreuve dont les obligations apparaissaient rarement mises en oeuvre.

M. François Zocchetto, rapporteur, a alors présenté les dispositions de la proposition de loi. Il a relevé que le volet répressif de ce texte prévoyait en particulier l'extension des catégories de délits assimilés au sens de la récidive légale, la limitation à deux du nombre de sursis avec mise à l'épreuve susceptibles d'être prononcés à l'égard d'un prévenu en situation de récidive et à un seul sursis lorsque la récidive concerne les crimes les plus graves.

Abordant le placement sous surveillance électronique mobile, M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé que ce dispositif pourrait être prononcé par la juridiction de jugement pour des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou un délit sexuel. Ce placement, a-t-il ajouté, emportait l'obligation pour l'intéressé de porter un émetteur destiné à déterminer à distance sa localisation afin de prévenir la récidive. Il appartiendrait au juge de l'application des peines d'évaluer la dangerosité du condamné deux ans au moins avant la levée d'écrou et de saisir, le cas échéant, le tribunal de l'application des peines appelé, après avoir recueilli l'avis d'une commission des mesures de sûreté, à ordonner le placement pour une durée de trois ans renouvelable en matière correctionnelle dans la limite de vingt ans et de cinq ans renouvelable en matière criminelle dans la limite de trente ans. Par ailleurs, les députés avaient prévu, a relevé M. François Zocchetto, rapporteur, de donner, à titre transitoire, au juge de l'application des peines, la possibilité de prononcer un placement sous surveillance électronique mobile à l'encontre des personnes incarcérées à la date où la loi entrerait en vigueur.

Au chapitre du suivi socio-judiciaire, la proposition de loi permettrait également, a noté le rapporteur, d'associer les psychologues au dispositif de l'injonction de soins. En outre, elle visait à intégrer les personnes déclarées pénalement irresponsables, quelle que soit l'infraction commise dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

M. François Zocchetto, rapporteur, a alors indiqué qu'il proposerait, dans le cadre de l'examen des amendements, d'importantes modifications au texte voté par les députés.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Alex Türk a d'abord estimé que l'information des juges relative au passé des délinquants devait reposer sur les données fournies par le casier judiciaire qui portait sur les condamnations à la différence d'autres fichiers comme le STIC qui comportait également des données sur les victimes. Il s'est interrogé ensuite sur la finalité poursuivie par le placement sous surveillance électronique mobile en relevant que ce dispositif s'avèrerait sans doute beaucoup plus efficace comme instrument d'enquête policière que comme un moyen de prévenir la récidive. Il a noté que la définition de zones interdites impliquait au préalable une cartographie dont la réalisation technique soulèverait de nombreuses difficultés. Il a relevé que les conditions d'accès aux données réunies dans le cadre du placement sous surveillance électronique mobile n'avaient pas été précisées par les députés.

M. Alex Türk a souligné également les autres incertitudes soulevées par ce dispositif au regard du respect de la dignité et de l'intégrité de la personne ainsi que de l'objectif de réinsertion sociale pourtant affiché par la proposition de loi. Après avoir souligné que la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale relative au traitement de la récidive des infractions pénales avait appelé à la nécessité d'un grand « débat national » sur la surveillance électronique mobile, il a conclu qu'il serait hasardeux de légiférer dans la précipitation alors même que les conditions techniques du dispositif envisagé demeuraient très problématiques.

M. Henri de Richemont a souhaité connaître la proportion des mandats d'arrêt prononcés à l'audience pour des condamnations à des peines supérieures à un an. Il s'est également interrogé sur les fondements juridiques de l'obligation de porter un bracelet électronique mobile alors même que la peine aurait été purgée.

M. Pierre-Yves Collombat a d'abord relevé que le taux de récidive différait beaucoup selon les infractions et qu'il était particulièrement faible pour les crimes ou délits à caractère sexuel. Il a estimé par ailleurs que les mesures d'aménagement de peines apparaissaient sans doute comme un des moyens les plus efficaces de prévenir la récidive. Il s'est interrogé en outre sur les conditions d'évaluation de la dangerosité d'un individu dont le comportement apparaissait pour une large part imprévisible. Il a regretté par ailleurs que les victimes d'infractions sexuelles en particulier ne bénéficient pas d'un appui suffisant des pouvoirs publics.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a regretté que la loi pénale soit régulièrement durcie à l'occasion de nouveaux faits divers. Elle a déploré la situation actuelle de la psychiatrie publique et la vacance de nombreux postes. Elle a relevé en outre le caractère criminogène de l'incarcération. Elle a estimé que le placement sous surveillance électronique mobile constituait une double peine et serait en fait utilisé dans le cadre d'enquêtes de police.

Mme Alima Boumediene-Thiery a jugé que la proposition de loi n'apportait aucune réponse satisfaisante au problème de la récidive. Elle s'est interrogée sur le caractère particulièrement extensif de l'assimilation, au sens de la récidive légale, des infractions de violences volontaires avec les circonstances commises avec la circonstance aggravante de violence. Elle a également relevé que l'obligation liée au port de l'actuel bracelet électronique, utilisé comme alternative à l'incarcération, n'est acceptée par le condamné que parce qu'elle porte sur une période relativement courte. Elle s'est inquiétée en outre du caractère rétroactif du nouveau dispositif prévu par les députés à l'article 16 de la proposition de loi et s'est interrogée sur le rôle du juge de l'application des peines dans la procédure de placement sous surveillance électronique mobile.

M. Robert Badinter a d'abord observé que le procédé de surveillance électronique avait d'abord pour objet de localiser une personne réputée dangereuse et valait davantage comme technique policière que comme instrument de prévention de la récidive. Il a souligné que ce système soulevait de nombreuses interrogations au regard des principes constitutionnels, notamment du respect de la vie privée et de la dignité de la personne. Il a relevé en outre que ce système n'avait été mis en oeuvre qu'en Floride et au Royaume-Uni. Dans ce dernier pays, a-t-il ajouté, il est utilisé dans le cadre d'une expérimentation limitée dont l'évaluation devrait être présentée à la fin de l'année 2005. Il a jugé en conséquence tout à fait prématuré d'inscrire dans notre droit un dispositif sur lequel le Parlement ne disposait à ce jour d'aucune information sûre.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que des objections à caractère technique avaient également été avancées au moment où le Sénat avait proposé le bracelet électronique comme alternative à l'incarcération. Il a rappelé que la proposition de loi avait pour objet de mieux garantir la société contre les auteurs des infractions sexuelles les plus graves susceptibles de récidiver.

M. Christian Cointat a estimé que le placement sous surveillance électronique mobile présentait tous les caractères d'une peine complémentaire et a souligné que ce dispositif pouvait être renouvelé pendant une période maximale de vingt ans pour les délits et de trente ans pour les crimes. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la compatibilité d'une telle mesure avec les principes de notre droit. En revanche, a-t-il indiqué, la surveillance électronique mobile pourrait être envisagée dans le cadre de la libération conditionnelle.

M. Richard Yung a jugé pour sa part que la procédure de placement sous surveillance électronique mobile apparaissait excessivement lourde et complexe. Il a par ailleurs contesté la limitation, introduite par les députés, du nombre de sursis avec mise à l'épreuve alors même que cette mesure favorisait la réinsertion et permettait de limiter la surpopulation carcérale.

M. Laurent Béteille, après avoir indiqué qu'il partageait plusieurs des réserves exprimées par les autres commissaires, s'est interrogé sur la possibilité de prévoir la surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de l'injonction de soins.

En réponse, M. François Zocchetto, rapporteur, a d'abord reconnu les difficultés juridiques soulevées par le placement sous surveillance électronique mobile et indiqué qu'il proposerait pour sa part une réécriture complète du dispositif adopté par les députés. Il a également estimé que ce système n'interdirait pas la récidive mais serait sans doute utilisé comme un moyen de faciliter les enquêtes policières. L'efficacité technique de la surveillance électronique mobile soulevait encore, a-t-il noté, de nombreuses interrogations auxquelles une mission confiée par le Gouvernement à M. Georges Fenech, député, devrait permettre d'apporter des réponses. En outre, la commission « santé-justice », présidée par M. Jean-François Burgelin, dont les conclusions seront prochainement connues, pourrait contribuer à éclairer les travaux du Parlement sur les conditions d'une meilleure prise en compte dans notre droit des personnes reconnues irresponsables en raison d'un trouble mental.

Le rapporteur a également indiqué que plusieurs de ses amendements permettraient de répondre aux objections précédemment formulées. Il a enfin souhaité qu'une réflexion puisse être engagée sur le suivi et la surveillance des délinquants souffrant de troubles psychiatriques et susceptibles de récidiver.

La commission a alors procédé à l'examen des amendements du rapporteur.

A l'article 2 (définition du régime de la réitération d'infractions), elle a adopté trois amendements tendant à clarifier la rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour définir la notion de réitération.

A l'article 4 (incarcération, dès le prononcé de la peine, des prévenus en état de récidive légale en matière sexuelle, pour des faits de violence ou commis avec violence), elle a adopté un amendement tendant à laisser au tribunal correctionnel la possibilité, en motivant sa décision, de décerner un mandat de dépôt à l'audience dans tous les cas de récidive quelle que soit la peine encourue. Le rapporteur a précisé à cet égard que l'obligation fixée au juge par l'Assemblée nationale de décerner mandat de dépôt contre le prévenu heurtait le principe selon lequel la liberté devait rester la règle et la détention, l'exception.

A l'article 5 (limitation du crédit de réduction de peine pour les récidives légales), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article. M. François Zocchetto, rapporteur, a expliqué que les dispositions en vigueur permettaient déjà un traitement plus sévère du détenu récidiviste et qu'il convenait par ailleurs de prendre en compte la situation actuelle de surpopulation carcérale.

Aux articles 7 et 8 (régime juridique applicable au placement sous surveillance électronique mobile), le rapporteur a proposé deux amendements de réécriture complète du dispositif consacré au placement sous surveillance électronique mobile. Il a suggéré de faire de ce placement une modalité d'application spécifique du suivi socio-judiciaire. En effet, il a considéré que cette formule permettrait de s'appuyer sur une procédure déjà en vigueur dans notre droit pénal tout en répondant aux objectifs poursuivis par les députés dans la mesure où le suivi socio-judiciaire constitue une mesure de sûreté destinée à prévenir la récidive des auteurs d'infractions à caractère sexuel. Il a précisé qu'il appartiendrait à la juridiction de jugement d'ajouter au suivi socio-judiciaire le placement sous surveillance électronique mobile et qu'il reviendrait au juge de l'application des peines d'en définir la durée après une évaluation de la dangerosité de l'intéressé. Il a ajouté que, compte tenu des contraintes particulières liées à l'obligation du port d'un émetteur, il proposait néanmoins de soumettre le placement sous surveillance électronique mobile à des conditions d'application plus strictes que celles en vigueur pour le suivi socio-judiciaire. Ainsi ce dispositif ne pourrait être prononcé que pour les infractions punissables d'une peine de dix ans d'emprisonnement et à condition que la personne ait été condamnée à une peine de sept ans d'emprisonnement. En outre, le placement sous surveillance électronique mobile serait exclu pour les mineurs.

M. François Zocchetto, rapporteur, s'est déclaré ouvert à toute proposition d'amélioration du dispositif qu'il soumettait à l'appréciation de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué pour sa part que le régime juridique prévu par le rapporteur permettait de mieux préciser les modalités d'un procédé sur lequel demeuraient encore plusieurs incertitudes.

A la suite d'un large échange de vues auquel ont participé notamment MM. Jean-Jacques Hyest, président, François Zocchetto, rapporteur, Robert Badinter, Charles Gautier, Christian Cointat, Laurent Béteille et Patrice Gélard, la commission a préféré réserver, à ce stade, l'utilisation du placement sous surveillance électronique mobile à la libération conditionnelle dont il pourrait éventuellement faciliter la mise en oeuvre. L'intérêt de cette technique de surveillance pourrait ainsi être validé dans le cadre d'une mesure d'aménagement de peine qui suppose l'accord du condamné et vise à sa réinsertion.

Le rapporteur a précisé qu'il avait par ailleurs d'ores et déjà prévu de soumettre à la commission un amendement tendant à recourir au suivi socio-judiciaire et au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle.

Sur proposition de M. Jean-Jacques Hyest, président, le rapporteur a alors retiré ses amendements et soumis deux amendements tendant à la suppression des articles 7 et 8 de la proposition de loi adoptés à l'unanimité par la commission.

Après l'article 8, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à permettre l'application du suivi socio-judiciaire et, le cas échéant, du placement sous surveillance électronique mobile à la libération conditionnelle. Ce placement serait susceptible d'être applicable à une personne majeure bénéficiant de la libération conditionnelle à condition qu'elle ait été condamnée à une peine de sept ans d'emprisonnement pour l'une des infractions, punissable d'une peine supérieure à dix ans, pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru.

Aux article 8 bis (information de l'autorité administrative sur la situation d'une personne reconnue irresponsable pénalement en raison d'un trouble mental) et 9 (extension des critères autorisant le placement en détention provisoire), la commission a adopté deux amendements de suppression afin de les déplacer dans un nouveau titre intitulé dispositions diverses.

Aux articles 10 (coordination), 11 (sanctions encourues par le condamné se soustrayant au placement sous surveillance électronique mobile) et 12 (possibilité d'ordonner le placement sous surveillance mobile pour l'exécution de certaines obligations liées au suivi socio-judiciaire), la commission a adopté les trois amendements de suppression aux fins de coordination avec les positions prises sur les articles 7 et 8 de la proposition de loi.

Après le titre III, la commission a également adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement tendant à insérer un article additionnel élargissant l'application du suivi socio-judiciaire à tous les crimes de torture ou d'actes de barbarie.

A l'article 13 (participation de psychologues au dispositif d'injonction de soins), la commission a adopté un amendement tendant à simplifier la rédaction de cet article et à prévoir que des psychologues peuvent intervenir, dans le cadre de l'injonction de soins, non seulement en substitut du médecin traitant mais aussi en complément de celui-ci.

Après l'article 13, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à permettre aux psychiatres de prescrire des médicaments destinés à réduire la libido même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée pour cette indication.

A l'article 14 (élargissement du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles aux informations relatives aux irresponsables pénaux), la commission a adopté un amendement de suppression. M. François Zocchetto, rapporteur, a estimé que si le suivi des irresponsables pénaux constituait une préoccupation légitime, la mise en place d'un fichier spécifique serait sans doute préférable et qu'il était en tout état de cause utile d'attendre les conclusions de la commission « santé-justice », présidée par M. Jean-François Burgelin, sur cette question.

A l'article 15 (entrée en vigueur du fichier des délinquants sexuels), la commission a adopté un amendement de coordination.

Après l'article 15, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un titre additionnel consacré aux dispositions diverses.

Après l'article 15, la commission a adopté deux amendements tendant à réintroduire à cette place les articles 8 bis et 9 de la proposition de loi.

Après l'article 15, la commission a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à apporter certaines précisions ponctuelles aux dispositions de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Le rapporteur a précisé que ces mesures permettaient ainsi :

- d'autoriser les perquisitions sans l'assentiment de la personne pour les crimes alors que la loi avait réservé ce dispositif aux seuls délits punis d'une peine de cinq ans ;

- d'éviter la saisine automatique du juge des libertés et de la détention lorsqu'une personne a été condamnée en son absence par la juridiction de jugement dans le délai écoulé entre la délivrance du mandat d'arrêt et son arrestation ;

- d'éviter la remise en liberté automatique d'une personne qui ferait appel de son jugement au motif qu'elle n'aurait pas eu connaissance de la décision de justice ;

- d'appliquer au mandat d'arrêt européen et à la procédure d'extradition les règles applicables à la personne en fuite faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen ;

- de prévoir les modalités de désinstallation d'un dispositif de sonorisation de certains lieux ou domiciles permis dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée.

Au titre IV, la commission a adopté un amendement tendant à modifier par coordination l'intitulé de ce titre.

A l'article 16 (placement sous surveillance électronique mobile des personnes définitivement condamnées à une date antérieure à celle de l'adoption de la présente proposition de loi), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer par coordination cet article.

La commission a alors ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Résolutions européennes - proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (E 2617) - Examen du rapport

Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, la proposition de résolution n° 94 (2004-2005), présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert Del Picchia, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (E 2617).

Après avoir indiqué qu'aucun amendement n'avait été déposé, le rapporteur a replacé cette proposition de règlement dans le cadre de la politique de gestion intégrée des frontières. Il a rappelé la création récente de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, laquelle constitue le volet opérationnel de cette politique, tandis que la proposition de règlement en constitue le volet législatif.

Il a indiqué que, conformément aux orientations définies par le Conseil européen, ce code communautaire refondait le Manuel commun et regroupait des dispositions dispersées dans d'autres textes. Il a précisé que la Commission européenne allant au-delà de la commande initiale avait élargi la portée de ce code au franchissement des frontières intérieures de l'espace Schengen. Il a souligné qu'il s'agissait d'une codification à droit non constant.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite décrit les deux principales nouvelles dispositions qui poseraient des difficultés selon la délégation pour l'Union européenne.

D'une part, il a indiqué que le projet de code réformait la procédure de mise en oeuvre de la clause de sauvegarde. Il a rappelé que cette clause permettait à un Etat membre de réintroduire des contrôles aux frontières intérieures lorsqu'il existe une menace à l'ordre public ou à la sécurité nationale.

Il a expliqué que la Commission européenne, gardienne des traités, proposait d'être impliquée dans la procédure de déclenchement de la clause. Après avoir décrit la procédure très peu formalisée en vigueur, il a indiqué que la nouvelle procédure prévoyait une notification préalable à tous les Etats membres et à la Commission, suivie d'un avis de la Commission en vue de l'organisation d'une consultation réunissant tous les Etats membres et la Commission. Il a précisé que cette consultation devait être l'occasion d'examiner la proportionnalité des mesures de contrôles des frontières intérieures par rapport aux faits et aux risques qui les motivent. Enfin, il a indiqué que la consultation devait se dérouler au moins quinze jours avant la date envisagée pour le rétablissement des contrôles.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a également remarqué que la Commission proposait une procédure inédite de recours commun à la clause de sauvegarde en cas de menace d'une gravité exceptionnelle affectant plusieurs Etats membres et notamment en cas de menace terroriste à caractère transfrontalier.

Dans une telle situation, il a expliqué que le Conseil, sur proposition de la Commission, pourrait décider à la majorité qualifiée de réintroduire immédiatement les contrôles à toutes ou à certaines frontières intérieures.

D'autre part, il a annoncé que le projet de code tendait à supprimer la possibilité pour les Etats membres de se doter d'une législation particulière relative aux contrôles des personnes uniquement applicable dans la zone limitrophe de la frontière intérieure, la Commission considérant que tout contrôle exercé en raison du seul franchissement ou de la proximité d'une frontière intérieure était incompatible avec le concept d'un espace sans frontières.

Concernant la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, en a approuvé l'économie générale. Il a indiqué qu'elle approuvait la proposition de règlement, à l'exception des deux nouvelles dispositions précitées relatives aux frontières intérieures.

A propos de la clause de sauvegarde, il a expliqué que la délégation pour l'Union européenne estimait que l'appréciation des circonstances et de l'opportunité de recourir à la clause de sauvegarde revenait à l'Etat concerné, et à lui seul. Il a fait valoir que la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité nationale incombait aux Etats membres, lesquels doivent en rendre compte à leurs citoyens. Toutefois, il a remarqué que la proposition de résolution nuançait son opposition de principe en suggérant que l'Etat concerné soit en mesure de s'expliquer dès que possible sur sa décision.

Il a ensuite attiré l'attention sur une des conséquences probables de cette réforme qui fragiliserait la décision française de maintenir des contrôles permanents aux frontières belge et luxembourgeoise en réponse à la politique néerlandaise en matière de stupéfiants. Il a expliqué que la réforme soulignerait davantage le caractère anormal du maintien de tels contrôles. Il a indiqué que la proposition de résolution liait la levée éventuelle des contrôles permanents à l'approfondissement de la lutte contre les stupéfiants au niveau européen.

A propos de l'interdiction des contrôles renforcés dans les zones frontalières, il a affirmé son accord complet avec la réserve de la proposition de résolution. Il a déclaré que, si le projet de code était adopté en l'état, la France devrait abandonner sa législation qui facilite les contrôles d'identité et de véhicules dans la bande des vingt kilomètres. Il a expliqué que la Commission européenne justifiait sa proposition au nom du principe de la libre circulation des personnes. Toutefois, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a observé que ce principe ne devait pas signifier un désarmement juridique unilatéral des forces de sécurité.

Il a également déclaré qu'il serait très difficile, voire impossible, sans de tels contrôles, de faire réadmettre des étrangers en situation irrégulière dans les Etats membres de transit en raison de l'impossibilité de prouver que ces étrangers ont bien transité par ces pays.

Après avoir insisté sur le fait que ce texte serait adopté à la majorité qualifiée par le Conseil et en codécision avec le Parlement européen, il a estimé qu'il convenait de soutenir la position du Gouvernement au cours des négociations sur ces deux points essentiels pour la sécurité intérieure.

Il a donc proposé à la commission d'adopter la proposition de résolution sous réserve de trois modifications.

Tout d'abord, il a souhaité durcir la proposition de résolution à propos de la clause de sauvegarde en supprimant le dernier membre de phrase de la réserve qui permettrait de demander à l'Etat membre concerné de venir s'expliquer devant ses partenaires et la Commission. Bien que comprenant le but visé, il a estimé qu'une telle rédaction n'était pas opportune à ce stade des négociations et placerait l'Etat concerné en position défensive en ayant à se justifier.

Par ailleurs, il a souhaité ajouter une nouvelle réserve à propos de la procédure inédite de recours collectif à la clause de sauvegarde. Il a proposé que chaque Etat membre ait le pouvoir de proposer d'initier ou de clore cette procédure concurremment avec la Commission européenne. Il a fait valoir que la Commission européenne n'était pas dotée des moyens adéquats pour juger dans tous les cas de l'opportunité d'un rétablissement collectif des contrôles ou de leur levée.

Enfin, il a proposé d'actualiser la rédaction de la proposition de la résolution concernant la référence à la « stratégie anti-drogue ». Il a préconisé une rédaction plus générale.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a proposé d'approuver la proposition de résolution ainsi précisée et complétée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'est interrogée sur la compatibilité de la clause de sauvegarde avec le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, et M. Robert Badinter ont répondu qu'il n'y avait pas d'incompatibilité.

M. Christian Cointat a déclaré qu'il était nécessaire de préserver la liberté d'appréciation pour un Etat membre de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières. Toutefois, il a remarqué que les Etats ne devaient pas en faire un usage abusif comme il l'avait constaté aux frontières entre la France et la Belgique et le Luxembourg. Il a ajouté que ces contrôles permanents étaient inefficaces, les trafiquants ne passant plus par ces frontières. Il a estimé que le refus de toute réforme de la clause de sauvegarde n'était pas une position tenable face aux autres Etats membres et que prévoir une explication a posteriori permettrait de concilier la liberté d'appréciation avec la nécessaire responsabilisation des Etats membres.

De plus, il a craint que la proposition du rapporteur d'étendre à tous les Etats membres le pouvoir de proposer d'initier ou de clore la procédure de recours commun à la clause de sauvegarde ne soit contraire au projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui réserve le pouvoir d'initiative à la seule Commission européenne.

Mme Alima Boumediene-Thiery a déclaré être hostile à la proposition de résolution, estimant qu'il s'agissait de restreindre, à nouveau, la liberté de circulation, au nom de la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue.

Appuyant les réserves de M. Christian Cointat, M. Robert Badinter a émis des doutes sur la possibilité d'étendre aux Etats membres le pouvoir d'initiative normalement réservé à la Commission européenne. Il a indiqué que cette nouvelle procédure concernait tous les Etats membres à l'inverse de la clause de sauvegarde classique qui ne vise que les frontières intérieures de l'Etat concerné. A ce titre, il a estimé que la Commission devait avoir le monopole de l'initiative en tant que gardienne de l'intérêt commun. En revanche, il a approuvé les autres propositions du rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a réaffirmé sa conviction de la nécessité de maintenir des contrôles à proximité de la frontière. Il a ajouté que la procédure en vigueur pour recourir à la clause de sauvegarde prévoyait déjà une notification, une consultation et un rapport d'exécution. Il a jugé cette procédure suffisante et a estimé inutile de l'alourdir au préjudice de la liberté d'appréciation des Etats.

M. Patrice Gélard a déclaré que le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe n'interdisait probablement pas de donner aux Etats membres le pouvoir de proposer d'initier ou de clore la nouvelle procédure de recours commun à la clause de sauvegarde.

M. Christian Cointat a demandé la suppression de la troisième réserve proposée par le rapporteur en raison de son incompatibilité avec le futur traité constitutionnel.

Aucun amendement n'ayant été déposé et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, ayant indiqué être d'accord pour retirer sa proposition relative au pouvoir d'initiative des Etats membres pour déclencher le recours commun à la clause de sauvegarde, la commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur ainsi modifié.