Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Pierre Fauchon, rapporteur, sur la proposition de résolution n° 83 (2004-2005), présentée par M. Robert Del Picchia au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur le projet de décision du Conseil concernant l'amélioration de la coopération policière entre les États membres, en particulier aux frontières intérieures et modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen (E 2932).

Union européenne - Justice et affaires intérieures - Communication

La commission a ensuite entendu la communication de M. Charles Guené, à propos de la Conférence des Comités européens pour la justice et les affaires intérieures sur « Les réponses face à la menace terroriste et les effets sur les communautés », tenue à Londres les 23 et 24 novembre 2005.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que M. Charles Guené avait participé à cette conférence en qualité de membre de la commission des lois du Sénat, rappelant qu'elle avait notamment pour base deux rapports rendus par la chambre des Communes et la chambre des Lords.

Après avoir signalé que cette conférence s'était tenue au Parlement britannique et que vingt-et-un Etats membres de l'Union européenne et deux Etats en cours d'adhésion y étaient représentés, M. Charles Guené a rappelé qu'elle s'était déroulée dans un contexte particulier, faisant suite aux attentats de Londres du 7 juillet 2005 et au refus de la chambre des Communes d'autoriser, dans le projet de loi sur le terrorisme présenté par le gouvernement britannique, une garde à vue portée à quatre-vingt-dix jours pour les suspects d'actes de terrorisme.

Indiquant que la conférence s'était tout d'abord intéressée aux réponses des Etats et de l'Union européenne face à la menace terroriste, il a expliqué que M. Charles Clarke, ministre de l'intérieur du gouvernement britannique, avait rappelé la nécessité pour les parlementaires de définir l'équilibre qu'ils jugeaient nécessaire entre la sécurité et la protection des libertés lors de l'examen de nouvelles mesures antiterroristes.

Il lui est apparu nécessaire d'agir sur le terrorisme selon trois aspects différents : la prévention des actes terroristes, la protection des populations contre de tels actes et la réaction face à ces actes.

Faisant en particulier référence à l'intervention de M. Franco Frattini, vice-président de la commission européenne (Justice, liberté, sécurité), M. Charles Guené a également considéré indispensable de développer davantage la coopération internationale, et avant tout européenne, en l'apparentant plus à une coordination des moyens qu'à une centralisation. Il a signalé que, sans remettre en cause les compétences nationales et le principe de subsidiarité, des mesures devraient également être décidées au niveau communautaire, notamment en matière d'échanges d'informations et de lutte contre le financement du terrorisme. Il a précisé que l'établissement de dispositifs permettant de lutter contre le financement du terrorisme n'était pas considéré comme essentiel par les Britanniques, lesquels estimaient en effet qu'une action terroriste peut être menée à moindre frais. Il a également indiqué que de nombreuses mesures étaient actuellement prévues pour protéger de tout risque terroriste les infrastructures européennes vitales et les événements sportifs majeurs devant se dérouler en Europe en 2006.

Il a ensuite indiqué que plusieurs pays européens envisageaient de développer l'usage de fichiers regroupant les données personnelles des citoyens ainsi que l'introduction d'éléments biométriques dans les documents d'identité, faisant état du vif intérêt qu'avait suscité le rapport de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire - la France apparaissant bien avancée dans sa réflexion.

Après avoir souligné que plusieurs intervenants avaient insisté sur la nécessité de contrer l'expression publique de tout « prédicateur de la haine » et d'éviter la radicalisation des positions des uns ou des autres, il a expliqué que certains pays européens se sentaient plus fragiles face à l'entrée de terroristes sur leur territoire.

M. Charles Guené a rapporté qu'il avait été avancé que les obstacles rencontrés par certains gouvernements pour faciliter l'identification des individus pouvaient être liés à des aspects culturels et historiques propres aux pays concernés.

Sur les effets du terrorisme sur les communautés et les relations intercommunautaires, il a constaté que, d'après le témoignage de plusieurs intervenants, les actes terroristes avaient accru l'appréhension des populations vis-à-vis de certaines communautés, précisant que l'attitude des médias avait à ce titre été largement condamnée et qu'une attention toute particulière devrait être portée sur le langage employé par tous.

Il a salué les initiatives engagées par certains pays pour favoriser les relations entre communautés, citant l'exemple de l'association britannique « Peacemaker ».

Estimant qu'au regard des autres expériences européennes, le système d'intégration français, fondé sur le principe d'assimilation, devrait peut-être être reconsidéré, M. Charles Guené s'est demandé s'il ne conviendrait pas de développer une nouvelle conception de l'intégration qui permettrait de mieux connaître les différences culturelles et religieuses de chaque communauté, tout en définissant une nouvelle identité nationale, voire européenne, qui constituerait un socle de valeurs communes sur lequel chacun pourrait se retrouver.

Il a conclu sa communication sur une remarque de droit constitutionnel, en indiquant que, malgré la volonté du gouvernement britannique, un « Lord Chancellor » existait toujours au sein de la chambre des Lords, mais qu'il était envisagé d'y faire évoluer son rôle en le rapprochant de celui du « speaker » de la chambre des Communes.

Rappelant que chaque pays européen s'était construit différemment en fonction de son histoire, M. Pierre-Yves Collombat a indiqué que le système français d'intégration s'expliquait en particulier par la Révolution française, singulière au sein de l'Europe, ainsi que par la conception de l'égalité défendue par la France, et que, s'il convenait peut-être de le revitaliser, il ne faudrait pas le remettre totalement en cause.

M. Charles Guené a considéré que la France devait, au même titre que les autres Etats, s'interroger sur la détermination d'un nouveau socle commun de valeurs qui pourrait permettre une intégration plus aisée de tous les citoyens, y compris ceux qui désirent conserver leurs cultures d'origine, se demandant par là même si le principe de laïcité ne pouvait constituer un obstacle à l'intégration lorsqu'il est interprété d'une manière trop rigide.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'il était toujours très utile de connaître les situations rencontrées par les autres Etats européens et de confronter les opinions de chacun sur des thèmes aussi importants que le terrorisme, avant d'indiquer qu'il serait bienvenu qu'une telle conférence européenne soit organisé en France.

M. Pierre Fauchon a confirmé l'utilité de développer les comparaisons entre Etats, considérant qu'ils étaient généralement affrontés aux mêmes difficultés en dépit de la tendance à exagérer leurs différences.

M. Charles Guené ayant concédé que ses propos puissent paraître provocants, dans la mesure où ils tentaient de résumer une problématique complexe étudiée au cours d'une journée entière de conférence, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'est déclarée opposée à ses conclusions, estimant que le communautarisme conduisait systématiquement à l'instauration d'inégalités entre les différentes communautés. Elle a affirmé que l'échec actuel du système d'intégration français provenait du fait que le principe d'égalité qui le fonde n'était actuellement pas assez bien respecté. Elle a souligné que chaque Etat était tributaire de son histoire, notamment de sa période de colonisation.

M. Charles Guené a constaté que, dans tous les Etats européens, quelle que soit leur conception de l'intégration, les membres des minorités étaient en pratique confrontés aux mêmes difficultés, en particulier pour l'accès à l'emploi et au logement.

Sécurité - Lutte contre le terrorisme - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi n° 109 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Après avoir remarqué que ce texte avait été débattu dans un esprit constructif et relativement consensuel à l'Assemblée nationale, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué qu'il s'inscrivait dans la continuité des textes adoptés en matière de lutte contre le terrorisme depuis la loi du 9 septembre 1986. Il a expliqué que, dans le même esprit de consensus, il avait souhaité ouvrir à l'ensemble des membres de la commission ses auditions et déplacements.

Il a mis en valeur le pari français en matière de lutte antiterroriste, conciliant légalité et efficacité en maintenant le juge au coeur du dispositif. Il a estimé fondamental de ne jamais s'écarter du respect de l'Etat de droit pour éviter de faire le jeu des terroristes.

Il a expliqué que le projet de loi réaffirmait ce choix juridique, philosophique et stratégique, tout en adaptant à nouveau le dispositif français à l'évolution de la menace terroriste.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a rappelé que la France avait une expérience ancienne du terrorisme. Il a toutefois préféré parler de « terrorismes », ce phénomène pouvant prendre des formes très diverses, qu'il s'agisse du terrorisme corse, basque ou islamiste. Il a justifié par ce caractère protéiforme le choix fait d'un dispositif policier spécialisé dans la lutte antiterroriste suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des modes opératoires.

Bien que le sol français n'ait pas été touché par le terrorisme international depuis l'attentat du RER à la station Port-Royal le 3 décembre 1996, il a déclaré que cet excellent bilan ne rendait pas compte de la réalité de la menace terroriste en France. Il a indiqué que la France figurait parmi les principales cibles du terrorisme islamiste.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite présenté le dispositif judiciaire en rappelant qu'il était au coeur du modèle français de lutte contre le terrorisme. Il a rappelé que face à la menace terroriste, la France avait choisi d'aménager certaines dispositions de son droit pénal et de sa procédure pénale afin de tenir compte des spécificités de cette forme de violence extrême. Il a relevé que le code pénal définissait l'acte terroriste comme une infraction se rattachant à « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » et que la procédure applicable à ces infractions se distinguait sur quatre points :

- la garde à vue pouvait être prolongée au-delà de la durée maximale de quarante-huit heures pour une nouvelle période de quarante-huit heures, l'entretien avec un avocat ne pouvant intervenir qu'à compter de la soixante-douzième heure ;

- les perquisitions de nuit pouvaient être autorisées par le juge des libertés et de la détention en enquête préliminaire et en enquête de flagrance, et par le juge d'instruction au cours d'une instruction ;

- les actes criminels pouvaient être jugés par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels ;

- la prescription de l'action publique s'élevait à vingt ans pour les délits et trente ans pour les crimes, au lieu de trois et dix ans dans le droit commun.

Dressant alors le bilan de ce dispositif sur la base, en particulier, des entretiens qu'une délégation de la commission avait eus avec les magistrats du siège et du parquet de la section anti-terroriste du tribunal de grande instance de Paris, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a d'abord souligné que la spécialisation de ces magistrats constituait l'un des atouts majeurs de l'organisation judiciaire française en matière de lutte contre le terrorisme. Il a relevé que l'articulation entre les services de police et les magistrats semblait donner satisfaction aux responsables concernés. Il a souligné enfin que le développement de la coopération internationale, notamment à travers la mise en place des équipes communes d'enquête, le développement du mandat d'arrêt européen et les échanges noués dans le cadre de l'unité de coopération judiciaire Eurojust, constituait également un gage d'efficacité.

Le rapporteur a cependant fait état de certains facteurs de fragilité mentionnés par les magistrats. Il a noté que les juges d'instruction de la section anti-terroriste avaient estimé que la garde à vue de quatre jours s'était avérée, dans certains cas, insuffisante, en particulier lorsque les informations données par la personne gardée à vue pouvaient révéler un risque imminent d'attentat et qu'il pouvait alors être précieux de disposer d'un délai supplémentaire pour neutraliser les responsables de l'opération tout en s'assurant du contrôle de la personne placée en garde à vue. Il a ajouté par ailleurs que si l'ensemble des magistrats rencontrés avaient souligné l'intérêt du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ils avaient regretté l'insuffisance du quantum de peines encourues (dix ans maximum) eu égard à la gravité des faits et au risque de récidive. Le rapporteur a également rappelé qu'actuellement, les personnes condamnées pour terrorisme étaient réparties entre 31 prisons et relevaient donc d'un grand nombre de juges de l'application des peines. Cette situation, a-t-il estimé, n'était pas totalement satisfaisante dans la mesure où les décisions relatives à l'application des peines exigeaient une excellente connaissance des dossiers et une vue d'ensemble cohérente.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué que ces trois sujets de préoccupations trouvaient réponse dans le projet de loi. Il a souligné que les magistrats s'étaient fait l'écho de deux autres motifs d'inquiétude. D'une part, ils avaient évoqué la difficulté de poursuivre des personnes dont le train de vie ne correspondait manifestement pas aux ressources licites dont ils disposaient alors même que ces situations pouvaient trahir l'existence de circuits souterrains de financement d'actes de terrorisme. D'autre part, au stade du jugement, les mineurs ne pouvaient aujourd'hui être jugés que par la cour d'assises des mineurs composée de jurés populaires, cet état de fait contredisant la logique retenue par le législateur, s'agissant des majeurs, fondée sur le choix d'une formation spéciale composée de magistrats professionnels, afin d'éviter les pressions dont les jurés pourraient faire l'objet.

Le rapporteur a indiqué qu'il présenterait deux amendements afin de prendre en compte cette double préoccupation.

Il a souligné enfin que tous les acteurs policiers et judiciaires s'étaient inquiétés du risque de prosélytisme, dans le milieu pénitentiaire, de certains condamnés pour actes de terrorisme en estimant qu'il convenait de lutter contre un tel phénomène.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite présenté le dispositif policier soulignant que les moyens avaient été récemment renforcés et mieux coordonnés.

Il a indiqué que la prévention et la répression du terrorisme étaient principalement le fait de services spécialisés de la police et de la gendarmerie nationales mêlant les activités de renseignement et de police judiciaire. Il s'est félicité que depuis 2002 ces services spécialisés aient vu leurs effectifs augmenter de plus de 600 personnes. Dans un souci de meilleure coopération de ces services, il a également salué le regroupement sur un même site à Levallois-Perret dans le courant de l'année 2006 de la direction de la surveillance du territoire (DST), des renseignements généraux et de la division nationale anti-terroriste de la police judiciaire (DNAT).

Il a estimé ce rapprochement indispensable pour faire face à un terrorisme islamiste en pleine évolution qui brouille toujours plus les frontières classiques entre terrorisme d'origine interne et terrorisme d'origine externe.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a fait état du constat unanime des services spécialisés et des magistrats rencontrés sur le niveau très élevé de la menace.

Il a expliqué que cette inquiétude était nourrie par les évolutions à l'oeuvre au sein des mouvements terroristes d'inspiration salafiste. Il a notamment indiqué que la globalisation du terrorisme se manifestait par l'apparition au coeur de nos sociétés de « fantassins » du terrorisme islamiste. A cet égard, il a évoqué les attentats de Londres en juillet dernier qui avaient été commis par des citoyens britanniques ainsi que l'arrestation en janvier 2005 par la DST de plusieurs membres d'une filière d'acheminement de candidats au jihad vers l'Irak. Il a également attiré l'attention sur le phénomène particulièrement inquiétant, bien qu'encore relativement limité, des convertis. Il a indiqué que les services de renseignement évaluaient à 5 000 le nombre de militants salafistes en France, dont 500 considérés comme dangereux.

Il a expliqué qu'aucune structure hiérarchisée de commandement n'existait et que ce mouvement terroriste se composait de cellules éclatées et atomisées rendant impossible toute modélisation.

Face à cette organisation dispersée fonctionnant en réseau et ayant largement recours aux moyens de communication modernes, il a jugé primordial de parvenir à reconstituer les parcours de chaque individu afin de dessiner des réseaux de connaissances.

Enfin, après avoir ajouté que le recours à l'attentat suicide compliquait encore la réponse à apporter, il a conclu par la nécessité d'agir toujours plus en amont de façon préventive.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite présenté le projet de loi.

Dans le domaine policier, il a indiqué que ce texte accroissait les moyens dédiés au renseignement pour prévenir les actes terroristes, notamment en ouvrant aux services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme l'accès à certains fichiers de police administrative. Il a également expliqué que le projet de loi autorisait :

- la constitution de traitements automatisés à partir des données de passager et de réservation des transporteurs aériens, ferroviaires et maritimes relatives à des déplacements à destination ou en provenance de pays non européens ;

- la constitution de traitements automatisés à partir des données recueillies par des systèmes de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules avec prise de la photographie des passagers ;

- les réquisitions administratives des données techniques de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques, y compris les cybercafés.

Il a précisé que ces mesures n'avaient pas pour objectif d'instaurer une surveillance généralisée de la population, mais de permettre de reconstituer des parcours croisés et des itinéraires personnels d'individus déjà repérés ou en relation avec ceux-ci.

Il a ajouté qu'aucune des autorités judiciaires rencontrées n'avait exprimé de craintes quant à un éventuel basculement vers un système policier en dehors du contrôle du juge.

Enfin, il a indiqué que le projet de loi devait faciliter le développement de la vidéosurveillance afin de prévenir les actes de terrorisme en assouplissant les règles d'installation.

Dans le domaine judiciaire, a poursuivi M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, le projet de loi prévoit de porter de dix ans d'emprisonnement à vingt ans de réclusion criminelle la peine prévue pour l'infraction d'association de malfaiteurs à caractère terroriste, qui avait pour objet la préparation d'atteintes aux personnes ou d'autres actes terroristes susceptibles d'entraîner la mort. Par ailleurs, il tendait à centraliser auprès des juridictions de l'application des peines de Paris le suivi de l'ensemble des personnes condamnées pour acte de terrorisme. Il permettait également, aux termes d'un amendement adopté par les députés, de porter, sous certaines, conditions, la garde à vue en matière de terrorisme de quatre à six jours.

Enfin, il a évoqué les dispositions relatives au gel des crédits afin de lutter contre le financement du terrorisme.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a proposé de respecter l'équilibre du texte.

Sur le volet policier, outre des améliorations techniques, il a proposé de renforcer le contrôle des activités de sécurité privée et de la sécurité aéroportuaire. Il a expliqué que les milieux fondamentalistes tentaient d'infiltrer des entreprises de sécurité travaillant en relation avec le transport aérien ou sur des sites sensibles.

Sur le volet judiciaire, il a suggéré d'introduire deux articles additionnels afin, d'une part, de permettre le jugement des mineurs accusés d'acte de terrorisme par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels et, d'autre part, d'élargir et de simplifier le régime actuel des incriminations de non-justification de ressources.

Enfin, il a proposé à la commission d'approuver la proposition du gouvernement de créer un groupe de travail sur les modalités d'un contrôle parlementaire des services de renseignement. Il a souhaité que le Sénat prenne toute sa part à ce groupe de travail qui rendrait ses conclusions avant le 15 février 2006 dans la perspective de présenter une proposition de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. François Zocchetto a souligné que le travail des juges d'instruction de la section anti-terroriste du tribunal de grande instance de Paris se caractérisait par la part accordée à la prévention des actes de terrorisme. Il a estimé que les nécessités de la lutte contre le terrorisme justifiaient les adaptations apportées au droit pénal et à la procédure pénale et que le projet de loi respectait les équilibres nécessaires au respect des libertés individuelles. Il a relevé que les mesures relatives à la vidéo surveillance ne soulevaient pas d'objections dès lors que ces dispositifs concernaient des espaces publics. Il s'est étonné de l'insuffisance actuelle des peines en matière d'associations de malfaiteurs à objectif terroriste et a confirmé les inquiétudes suscitées par les risques de prosélytisme des condamnés pour actes terroristes dans le milieu pénitentiaire, en relevant sur ce point que la centralisation de l'application des peines prévue par le projet de loi permettrait sans doute d'exercer une plus grande vigilance sur ce type de comportement.

M. François Zocchetto a observé que le débat sur la garde à vue portait moins sur la durée de cette mesure que sur les modalités d'intervention de l'avocat. Il a indiqué qu'à titre personnel, il estimait que l'intervention de l'avocat dès la première heure permettrait de lever beaucoup des objections concernant la garde à vue. Enfin, il a regretté qu'Eurojust ne réponde pas tout à fait aux objectifs qui lui avaient été assignés. Il a également craint que la position de la cour constitutionnelle allemande sur le mandat d'arrêt européen ne freine la coopération avec ce pays dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Il a conclu en observant que le projet de loi dans son ensemble n'introduisait pas de bouleversements du dispositif français de lutte contre le terrorisme, mais apportait des aménagements limités et utiles.

M. Alex Türk a jugé incontestables les objectifs du projet de loi. Il a toutefois invité les parlementaires à replacer ce texte dans une perspective à long terme, attirant notamment l'attention sur la vidéosurveillance ou le contrôle automatisé des véhicules qui, tout en ne posant pas en l'état de problèmes très importants, pourraient dans quelques années avec les progrès rapides de la technologie en poser de plus délicats au regard du respect des libertés individuelles. Il a craint que, faute de prospective et de mise en garde, les pouvoirs politiques ne s'aperçoivent trop tard avoir été trop loin.

Il a justifié le décalage entre l'avis du Conseil d'Etat et celui de la CNIL sur ce texte par une différence d'approche, le Conseil d'Etat appréciant ce texte au regard de l'état du droit à un instant donné, tandis que la CNIL le juge à l'aune des risques qu'il pourrait comporter à l'horizon d'une dizaine d'années.

Il a enfin indiqué qu'il présenterait plusieurs amendements visant à mieux encadrer l'utilisation des données à caractère personnel recueillies.

M. Pierre-Yves Collombat s'est déclaré frappé par la présentation en apparence anodine de ce texte, comme s'il ne s'agissait que d'améliorer à la marge un système existant. Or, a-t-il poursuivi, les mesures proposées ont une portée beaucoup plus générale que la lutte contre le terrorisme. Il a également émis des doutes sur l'efficacité de ces dispositions, estimant qu'il fallait surtout faire porter l'effort sur le renseignement humain et l'infiltration des réseaux terroristes.

Enfin, il a jugé indispensable que le Parlement exerce un contrôle sur les services de renseignement et a souhaité qu'un amendement créant un tel contrôle soit adopté, quitte à améliorer le système mis en place ultérieurement.

M. Jean-Pierre Sueur s'est interrogé sur l'utilité de ce septième texte comportant des mesures relatives au terrorisme depuis 1986. Se déclarant sans conteste attaché à donner les moyens de lutter contre le terrorisme, il a craint qu'en cas d'attentat sur le sol français, une nouvelle loi ne soit encore exigée.

Il s'est en outre inquiété, à terme, du risque que le pouvoir exécutif puisse mener seul les investigations.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a remarqué qu'il était préférable de légiférer afin d'adapter et d'encadrer les moyens légaux plutôt que de ne rien faire au risque que ces moyens légaux soient déformés ou contournés.

Faisant écho à M. François Zocchetto, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a confirmé que les magistrats étaient demandeurs de ce texte.

Répondant à M. Alex Türk, il s'est déclaré ouvert à l'égard des amendements qu'il pourrait déposer sur ce texte.

Répondant à M. Pierre-Yves Collombat, il a répété que le projet de loi avait été conçu à partir des difficultés soulevées par les magistrats, notamment sur la question du quantum de la peine.

M. Pierre-Yves Collombat a remarqué que face à des kamikazes le relèvement du quantum de la peine était une réponse illusoire.

M. Jean-Patrick Courtois a répondu qu'en portant de dix ans d'emprisonnement à vingt ans de réclusion criminelle la peine prévue pour l'infraction d'association de malfaiteurs à caractère terroriste, le projet de loi permettrait de dissuader des complicités ou, à défaut, de maintenir les complices en prison plus longtemps.

Concernant la mise en place d'un contrôle parlementaire des services de renseignement, il a précisé qu'une proposition de loi devrait être présentée avant la fin du premier trimestre de l'année 2006.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article premier (extension et encadrement du recours à la vidéosurveillance), outre cinq amendements rédactionnels ou de précision, la commission a adopté deux amendements tendant, respectivement, à préciser que la commission départementale n'exerce pas son pouvoir de contrôle sur les systèmes de vidéosurveillance intéressant la défense nationale et à sanctionner pénalement le fait d'installer un système de vidéosurveillance ou de le maintenir sans autorisation, même lorsque celui-ci n'enregistre pas les images.

A l'article premier bis (détermination des services spécialisés dans la lutte antiterroriste), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article afin de le transférer dans les dispositions finales.

A l'article 2 (faculté pour le préfet de prescrire la vidéosurveillance de certains sites), outre un amendement de coordination, elle a adopté un amendement précisant que la commission départementale n'est compétente que lorsque le système de vidéosurveillance concerné filme la voie publique ou des lieux ou établissements ouverts au public.

A l'article 4 (assimilation des personnes offrant au public un accès au réseau à des opérateurs de communications électroniques), la commission a adopté un amendement supprimant la modification introduite par l'Assemblée nationale et prévoyant qu'aux fins de constatation des infractions pénales, l'effacement des données techniques de connexion devait être différé.

A l'article 5 (accès des services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme à certaines données de trafic des communications électroniques), outre trois amendements de coordination et de précision, la commission a adopté un amendement supprimant la modification introduite par l'Assemblée nationale et élargissant à la répression du terrorisme les finalités pour lesquelles les réquisitions administratives des données techniques de connexion pouvaient être demandées.

A l'article 6 (communication par les transporteurs des données relatives aux passagers aux services du ministère de l'intérieur), outre deux amendements rédactionnels, elle a adopté un amendement prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait les modalités de transmission au ministère de l'intérieur des données relatives aux passagers.

A l'article 7 (dispositifs de contrôle des données signalétiques des véhicules et de leurs passagers), elle a adopté un amendement précisant l'étendue des données à caractère personnel susceptibles d'être recueillies.

A l'article 8 (consultation de fichiers administratifs du ministère de l'intérieur par les services spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme), elle a adopté deux amendements rédactionnels.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer après l'article 10 un article additionnel afin d'instituer une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels -dont deux juges des enfants- pour le jugement des mineurs accusés d'actes de terrorisme.

A l'article 10 bis (adaptation du code de procédure pénale à la réforme des corps et carrières de la police nationale), la commission a adopté un amendement de coordination.

Après l'article 12, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'étendre le délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie aux personnes en relations habituelles avec des individus se livrant à des infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle avant le chapitre VII relative aux activités de sécurité privée et à la sécurité aéroportuaire. Elle a alors adopté deux amendements tendant à insérer deux articles additionnels avant le chapitre VII relatifs respectivement :

- au renforcement du contrôle des préfets lors de la délivrance des agréments et habilitations aux entreprises de sécurité privée et à leurs employés ;

- à la création d'une procédure d'agrément, précédée d'une enquête administrative, des personnes ayant accès aux lieux de stockage et de conditionnement des biens utilisés à bord des aéronefs, du fret et des colis postaux lorsque ces lieux se trouvent en dehors des zones réservées des aérodromes.

A l'article 13 (application outre-mer des dispositions relatives à la vidéosurveillance), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 14 (application outre-mer des dispositions du projet de loi), elle a adopté un amendement tendant à ne pas rendre applicables outre-mer les articles 10 sexies, 15 A et 15 C du projet de loi.

Enfin, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 15 et reprenant une partie des dispositions figurant à l'article premier bis supprimé par un précédent amendement.

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.