AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 18 mai 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Sécurité sociale - Création de la couverture maladie universelle - Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle

La commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n° 338 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).

M. Jean Delaneau, président,
a regretté que les dispositions du projet de loi, au titre IV, aient été transformées, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, en un véritable projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a reconnu que le défaut d'inscription à l'ordre du jour parlementaire d'un véritable DMOS -qui comporterait, en tout état de cause, un très grand nombre d'articles, en raison notamment de la transposition de cinq directives européennes- était pénalisant. Elle a souligné cependant le caractère d'urgence qui s'attache aux dispositions du titre IV, en observant qu'elles avaient pour objectif l'amélioration de notre système de santé, et qu'elles étaient ainsi indirectement liées à la mise en place de la CMU.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, par certaines de ses dispositions (programmes régionaux d'accès aux soins, permanences d'accès aux soins de santé), avait annoncé le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Elle a souligné que l'apport essentiel de la CMU consistait à mettre un terme à l'inadmissible injustice que représentait l'inégalité devant la prévention et les soins, le niveau de revenu ne devant plus introduire de discrimination dans le domaine de la santé. Elle a indiqué qu'un Français sur quatre renonçait à se soigner pour des raisons financières et que l'espérance de vie variait considérablement en fonction des critères socioprofessionnels, l'écart ayant tendance à s'accroître à nouveau, tandis que des pathologies, comme la tuberculose, réapparaissaient.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi comprenait deux parties distinctes. La première partie correspondait au projet d'assurance maladie universelle sur lequel avait travaillé le précédent Gouvernement. Elle a indiqué que le projet de loi disposait ainsi que tout résident stable et régulier qui n'aurait pas de droits ouverts auprès d'un régime de sécurité sociale bénéficierait, sur la seule justification de sa résidence régulière, des prestations du régime général. Elle a précisé que les personnes au revenu supérieur à 3.500 francs par mois, pour un célibataire, s'acquitteraient d'une cotisation proportionnelle au revenu au-delà de ce seuil. Elle a expliqué que l'affiliation serait à la fois immédiate -la caisse concernée recherchant ensuite si la personne ne peut bénéficier de droits à un autre titre- et automatique, sur présentation de la carte d'identité, ou, s'il s'agit d'un étranger, de la carte de séjour. Elle a souligné que les droits aux prestations en nature seraient ouverts dès le dépôt de la demande et que leur continuité serait garantie, le paiement de cotisations ne constituant plus un préliminaire à l'accès aux soins. Elle a observé que 700.000 personnes n'avaient pas accès actuellement à un régime de base obligatoire, 550.000 d'entre elles étant affiliées au régime de l'assurance personnelle (dont 50.000 cotisants), régime complexe qui laisse subsister une population de 150.000 personnes ne bénéficiant d'aucune couverture maladie.

Elle a observé que la seconde partie du projet de loi visait à ouvrir un droit à la couverture complémentaire pour les 10 % de personnes les plus modestes de la population. Elle a constaté que l'assurance maladie laissait 25 % des dépenses de santé à la charge des ménages, alors que de nombreux pays européens garantissent un accès gratuit. Précisant que 84 % de la population disposent d'une couverture complémentaire prenant en charge le forfait hospitalier et le ticket modérateur, elle a observé que cette proportion tombait à 45 % dans la tranche des revenus inférieurs à 2.000 francs par mois. Elle a indiqué que l'aide médicale gérée par les départements n'avait pas résolu ces problèmes d'accès aux soins, en raison de barèmes de ressources trop restrictifs dans certains départements, certains se limitant à l'obligation légale de prise en charge des bénéficiaires du RMI. Elle a précisé que la couverture maladie universelle permettrait à 6 millions de personnes de bénéficier d'une couverture complémentaire, définie de manière égale sur tout le territoire. Elle a souligné que les soins, comme le forfait hospitalier, seraient pris en charge à 100 % et que des remboursements adaptés seraient mis en place pour les prothèses dentaires et l'optique. S'agissant du problème de l'avance de frais, elle a observé que les personnes aux revenus les plus modiques bénéficieraient du tiers payant tant sur les prestations obligatoires qu'au titre de la couverture complémentaire.

Abordant la question de l'effet de seuil, induit par la fixation d'un plafond de revenus par unité de consommation fixé à 3.500 francs pour une personne seule, elle a constaté qu'il était particulièrement difficile de l'éviter. Elle a observé que les départements avaient, à l'heure actuelle, recours au même système. Elle a expliqué qu'un certain nombre de mécanismes serait mis en place pour en atténuer au maximum les effets :

- les droits à la couverture complémentaire seront ouverts pendant un an, quelle que soit l'évolution du revenu des bénéficiaires pendant la période de référence ;

- les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) qui viendraient à dépasser le seuil de revenus et qui auront choisi une mutuelle ou une assurance, verront leurs droits à la couverture complémentaire prolongés d'un an à un tarif préférentiel ;

- les fonds d'action sociale des caisses, soulagés par la mise en place de la CMU, pourront intervenir pour les personnes dont les ressources sont supérieures au barème, mais qui rencontreraient des problèmes particuliers.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a évoqué les critiques des députés de l'opposition, qu'elle a jugées contradictoires. Elle a constaté qu'il n'était pas possible simultanément de dénoncer un système d'assistance généralisé et demander le relèvement du plafond de ressources de 3.500 francs à 3.800 francs, ce qui concernerait 2,5 millions de personnes supplémentaires, pour un coût de 2,5 à 3 milliards de francs.

Présentant le financement du dispositif, elle a constaté que la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle n'aggravait pas le déficit de la sécurité sociale, le coût de la couverture complémentaire étant pris en charge, au sein d'un fonds spécifique, par l'Etat et par une contribution des organismes de protection complémentaire, portant sur 1,75 % de leur chiffre d'affaires consacré à la santé. Elle a précisé que les sommes consacrées par les départements au titre de la couverture complémentaire seraient transférées à l'Etat à hauteur de 95 %, les 5 % restants, conservés par les départements, pouvant être consacrés à l'action sociale. Elle a reconnu que les départements qui avaient consacré des efforts importants en matière d'aide médicale étaient pénalisés. Elle a observé que ces départements disposaient de ressources plus importantes que les autres. Elle a précisé que ce système -dont le principal mérite est la simplicité- avait reçu l'aval de l'Association des départements de France.

Evoquant le chiffre de 1.500 francs retenu pour l'évaluation financière de la couverture santé d'un ressortissant de la CMU, elle a précisé que ce montant avait été retenu en concertation avec les mutuelles et les compagnies d'assurance. Elle a observé que les études réalisées au sein des départements montraient que la consommation médicale des plus défavorisés restait inférieure de 10 % à la consommation moyenne. Elle a reconnu qu'un phénomène de rattrapage pouvait exister, mais qu'il restait tout à fait temporaire.

S'agissant de la gestion de la prestation, elle a observé que le choix d'un système mixte était justifié par plusieurs considérations, au premier rang desquelles l'intérêt des bénéficiaires. Elle a constaté qu'il était apparu plus efficace de permettre leur inscription aussi bien auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) que des sociétés d'assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance afin de ne pas courir le risque d'une carence dans l'application de la loi en cas d'engagement insuffisant de ces dernières ou d'une rupture d'adhésion. Elle a considéré que cette formule mixte était à la fois la plus simple et la plus souple, la CPAM pouvant compenser, le cas échéant, la défaillance des autres acteurs de la protection complémentaire.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souhaité, en conclusion, que la réforme fondamentale que proposait le projet de loi puisse recevoir une large adhésion.

A titre préliminaire, M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué au ministre que le dépôt de contre-propositions au projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, par des membres de la majorité comme de l'opposition, ne signifiait pas que les parlementaires ne considéraient pas que l'accès aux soins pour tous constituait une base de la démocratie.

Il a demandé à Mme Martine Aubry ce qu'elle pensait des protocoles d'accord conclus entre l'assurance maladie et les représentants des assureurs et des mutuelles, si elle estimait que les 6 millions de personnes concernées par la CMU constituaient une catégorie homogène de la population devant se voir proposer une solution unique. Il l'a également interrogée sur la compatibilité des dispositions du projet de loi avec le droit européen et il lui a demandé selon quels moyens elle s'en était assurée.

Il a rappelé que M. Jean-Pierre Davant, président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), avait affirmé devant la commission que l'estimation du coût de la couverture complémentaire à 1.500 francs par personne était sous-évaluée.

Il a demandé au ministre comment elle comptait éviter que les étudiants issus des classes moyennes décident de sortir du foyer fiscal de leurs parents afin de bénéficier de l'allocation logement et de la CMU.

Rappelant les propos du ministre selon lesquels ce sont les réticences du monde mutualiste à assurer la couverture complémentaire des populations bénéficiaires de la CMU qui ont conduit le Gouvernement à proposer qu'elles puissent s'adresser aussi aux caisses primaires, M. Charles Descours, rapporteur, s'est demandé si les réticences prises en compte n'avaient pas été celles des associations.

Il lui a enfin demandé à quelle date serait réunie la commission des comptes de la sécurité sociale.

Répondant aux questions du rapporteur, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé qu'à l'Assemblée nationale, pas un des députés membres de l'opposition n'avait affirmé de désaccord avec l'ambition poursuivie par le projet de loi, mais que pas un non plus n'avait voté en faveur du texte.

Elle a affirmé qu'elle ne pouvait accepter que le protocole conclu entre l'assurance maladie et les représentants des assureurs et des mutuelles ne prévoie l'intervention des caisses primaires d'assurance maladie pour assurer la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU que sous des conditions restrictives.

Rappelant que les associations étaient au départ favorables au scénario partenarial proposé par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, Mme Martine Aubry a déclaré qu'elles avaient ensuite exprimé des craintes face aux réactions des mutuelles et avaient finalement affirmé leur préférence pour la possibilité d'une gestion de la couverture complémentaire par les CPAM.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) était à l'origine du chiffrage des 1.500 francs par personne et par an du coût de la couverture complémentaire et que ce chiffrage avait été vérifié à l'aide des statistiques des départements : cette vérification avait d'ailleurs permis de constater que le coût réel s'établissait à un niveau inférieur de 10 % à ces 1.500 francs.

Constatant que personne n'avait intérêt à sous-évaluer ce coût, elle s'est déclarée favorable à l'établissement d'un bilan d'application de la loi, qui pourrait conduire à une réévaluation, si celle-ci se révélait nécessaire.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a jugé importante la question posée par M. Charles Descours, rapporteur, sur l'homogénéité du groupe constitué par les bénéficiaires potentiels de la CMU et elle a rappelé qu'elle s'était interrogée sur la légitimité d'un droit à des soins gratuits sans aucune contribution de leur part. Elle a toutefois observé que l'institution d'une cotisation d'un montant peu élevé, de 30 à 50 francs, se heurterait aux difficultés financières de beaucoup de bénéficiaires de la CMU et se traduirait par un coût de recouvrement important. Elle a affirmé qu'elle préférait proposer une loi dont les dispositions seraient, en pratique, applicables, quitte à ne pas prévoir de contribution.

Evoquant la compatibilité des dispositions du projet de loi avec le droit communautaire, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le secrétariat général du Gouvernement, comme le Conseil d'Etat, n'avaient formulé aucune observation à cet égard. Elle a également répondu à M. Charles Descours, rapporteur, que seuls pourraient bénéficier de la CMU les étudiants qui n'habitent pas chez leurs parents et ne sont plus inclus dans leur foyer fiscal. Elle a enfin déclaré que la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale se tiendrait le 31 mai prochain.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, a particulièrement insisté sur les dérives financières susceptibles d'être entraînées par l'application du projet de loi et affirmé que le budget de l'Etat n'était pas extensible. Il a rappelé la croissance considérable des dépenses publiques consacrées au revenu minimum d'insertion et, dans une moindre mesure, à l'allocation aux adultes handicapés. Il a fait part de sa crainte que l'adoption, par la France, de dispositions aussi généreuses que celle de la création de la CMU donne à notre pays une " attractivité sociale " certaine pour des populations de nationalité étrangère, qui pourraient ainsi être tentées de séjourner sur le territoire français. Prenant acte de la convocation de la commission des comptes de la sécurité sociale pour le 31 mai, il a regretté que le secrétaire général de cette commission ne dispose que d'une dizaine de jours pour rédiger son rapport.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que, déjà, compte tenu du droit en vigueur, 2,5 millions de personnes bénéficiaient de prestations maladie sans payer de cotisation. Répondant à la crainte exprimée par M. Jacques Oudin, elle a affirmé que la CMU ne comportait que des prestations en nature, qui n'étaient pas susceptibles de connaître des dérives comparables à celles qui pourraient être constatées pour des prestations en espèces. Elle a également estimé qu'au-delà des premiers mois d'application de la loi au cours desquels se manifesteraient des effets de rattrapage dans l'accès aux soins, la règle selon laquelle les personnes défavorisées consommaient généralement moins de soins que la moyenne se trouverait à nouveau confirmée. Elle a enfin considéré que la CMU permettrait à ces personnes de bénéficier de soins préventifs, évitant ainsi de coûteuses hospitalisations.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que les délais impartis pour la rédaction du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avaient toujours été très brefs.

M. Jean Chérioux a pris acte de la reconnaissance, par le ministre, du rôle des départements, ainsi que de ses propos sur la solidarité financière entre départements que devrait traduire le mécanisme de récupération prévu par le projet de loi. Il a demandé si, dans les départements qui s'étaient dotés de mécanismes plus favorables que celui de la CMU, cette solidarité serait à la charge des bénéficiaires de la carte santé dont les droits seraient réduits ou à celle des contribuables de ces départements. Il a rappelé que le système de l'aide médicale ne comportait pas de cotisation à la charge de ses bénéficiaires, mais prévoyait l'application du principe de l'obligation alimentaire, ce qui le différenciait fondamentalement de la couverture maladie universelle.

M. Alain Vasselle a estimé que le ministre faisait un mauvais procès aux députés de l'opposition, ceux-ci approuvant le principe de l'amélioration de l'accès aux soins mais ayant exprimé leur désaccord sur les modalités prévues par le projet de loi. Il a fait siennes les craintes exprimées par M. Jacques Oudin sur " l'attractivité sociale " de la France en cas d'adoption du projet de loi sur la CMU. Il a exprimé le souhait que les communes puissent continuer à donner leur avis dans la procédure d'attribution de la CMU et rappelé que, dans le département de l'Oise, les titulaires du minimum vieillesse étaient aujourd'hui éligibles à l'aide médicale, mais ne bénéficieraient pas de la CMU demain. Il s'est enfin interrogé sur l'avenir des personnels départementaux chargés de l'aide médicale.

M. Gilbert Chabroux a affirmé que le Sénat s'honorerait s'il votait en faveur du projet de loi de la CMU. Evoquant les contingents communaux d'aide sociale et rappelant que la moyenne nationale de ces contingents s'élevait à 201 francs pour l'ensemble des communes mais à 332 francs dans les grandes villes, il s'est interrogé sur la possibilité de profiter du débat sur le projet de loi tendant à la création d'une couverture maladie universelle pour plafonner la contribution des communes à un taux proche de celui de la moyenne nationale, classer les communes en fonction d'un indice synthétique et répartir ensuite la contribution en fonction des résultats de ce classement.

Mme Nicole Borvo, constatant que la majorité sénatoriale s'étonnait d'une inégalité entre des Français qui cotisaient et d'autres qui ne cotisaient pas, a estimé encore plus choquant que certains aient accès aux soins et d'autres, pas. Elle a rappelé la nécessité d'améliorer les remboursements de la sécurité sociale pour tous les assurés sociaux, notamment en matière d'optique et de soins dentaires et a également évoqué les difficultés rencontrées par certaines personnes pour acquitter le montant du forfait hospitalier. Constatant qu'une trentaine de départements avait prévu un dispositif plus favorable que celui de la CMU, elle a demandé au ministre si elle s'était entretenue de cette question avec eux. Mme Nicole Borvo a enfin affirmé qu'elle souhaitait que le critère d'affiliation à l'assurance de base soit celui d'une résidence " stable ", mais pas nécessairement d'une résidence régulière.

M. Guy Fischer a souhaité que le ministre donne des informations complémentaires sur la réforme des contingents communaux d'aide sociale qui était envisagée.

M. Bernard Seillier a d'abord rappelé qu'il avait regretté, en tant que rapporteur du projet de loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, que ce texte ne comporte pas la création d'une assurance maladie universelle. Comparant les logiques respectives de cette première loi et du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, il a regretté que l'approche très personnalisée et très concrète qui avait été retenue l'an dernier n'ait pas été choisie cette fois-ci.

Observant que la gestion d'une couverture complémentaire ne constituait pas la vocation principale des caisses primaires d'assurance maladie, M. François Autain s'est inquiété de l'inégalité de traitement que semblait entériner le projet de loi entre les bénéficiaires de la CMU qui choisissaient les caisses primaires et ceux qui préféraient s'assurer auprès d'organismes de protection sociale complémentaire, notamment en matière de maintien des droits.

Mme Gisèle Printz et M. Louis Boyer se sont inquiétés de la situation des gens du voyage par rapport aux dispositions du projet de loi créant une couverture maladie universelle.

Se référant aux propos de M. Alain Vasselle, M. Roland Huguet a affirmé qu'il avait déjà étudié la reconversion, dans d'autres services sociaux, des personnels départementaux qui s'occupent aujourd'hui d'aide médicale. Il a également déclaré que les représentants de la mutualité devaient, dans leur discours, revenir aux sources qui avaient inspiré la création de ce mouvement. Il a manifesté le souhait qu'aucun des bénéficiaires actuels de l'aide médicale ne soit perdant à la suite de l'institution de la CMU. Citant enfin l'exemple de son département, qui consacrait 205 millions de francs à l'aide médicale légale et 15 millions de francs à des remboursements additionnels résultant de conventions conclues avec les chirurgiens-dentistes et les opticiens, il a demandé au ministre si l'Etat allait prendre à ce département 205 ou 220 millions de francs.

Répondant aux intervenants, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que, dans la préparation du projet de loi, elle avait été confrontée à la question des remontées financières des départements et que celle-ci n'avait trouvé aucune réponse simple, évidente et parfaite. Constatant que les départements au dispositif d'aide médicale plus favorable que celui du projet de loi se verraient demander la contribution la plus forte, mais observant également qu'ils se caractérisaient souvent par un potentiel fiscal élevé, elle a estimé que cette différence de contribution entre départements constituait l'expression d'une certaine solidarité financière.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, estimant que les diverses propositions des députés de l'opposition pour remédier à l'effet de seuil étaient difficilement compatibles entre elles, a rappelé qu'environ 2 milliards de francs, sur le terrain, demeuraient disponibles dans les centres communaux d'action sociale, les fonds d'action sociale des caisses et les départements pour aider les personnes dont le revenu se situait au-dessus du seuil retenu par le projet de loi à bénéficier d'une couverture complémentaire. Elle n'a pas souhaité modifier la définition du critère de résidence stable et régulière pour l'affiliation à l'assurance maladie, rappelant toutefois que les personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière continueraient à bénéficier, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, de l'aide médicale.

Au terme d'une discussion avec M. Alain Vasselle, s'appuyant sur le barème d'aide sociale du département de l'Oise qui inclut les bénéficiaires du minimum vieillesse, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que la situation des personnes âgées était différente en fonction de leur lieu de résidence.

Evoquant la réforme des contingents communaux d'aide sociale, elle a indiqué que plusieurs tables rondes réunissant toutes les institutions intéressées avaient été réunies, mais que les conclusions de leurs discussions n'étaient pas encore connues.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est déclarée favorable à une amélioration de la prise en charge des dépenses de soins au-delà du tarif de responsabilité actuel pour l'optique et les soins dentaires et a affirmé que le Gouvernement comptait s'appuyer sur les changements introduits par la création de la CMU pour améliorer ce niveau de prise en charge pour tous les assurés sociaux. Elle a enfin précisé que la situation des gens du voyage au regard du projet de loi était identique à celle des personnes sans domicile fixe.

M. Claude Huriet, rapporteur du titre IV du projet de loi, a évoqué les diverses dispositions d'ordre sanitaire qui avaient été introduites par l'Assemblée nationale en addition au titre IV du projet de loi. Il a notamment abordé les questions très délicates que soulevait l'article concernant les aides opératoires, ainsi que les dispositions de l'article 37 du projet de loi sur la communication des résultats des programmes de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et celles relatives au paiement des honoraires des médecins hospitaliers exerçant une activité libérale. S'il a déclaré comprendre les fondements de cet article qui visait à mettre un terme à certaines pratiques qui n'étaient pas défendables au regard de la déontologie médicale, il a toutefois rappelé que l'un des principes de la médecine libérale était le paiement direct des honoraires par le malade.

M. Louis Boyer a également évoqué la situation des aides opératoires non titulaires du diplôme d'infirmier et manifesté son soutien à l'article 34 bis du projet de loi.

M. François Autain s'est interrogé sur l'avenir des médecins de nationalité étrangère qui n'avaient pas été admis à se présenter au concours de praticien adjoint contractuel, ou qui ne l'avaient pas réussi.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé l'opposition du Gouvernement à l'article additionnel introduit par l'Assemblée nationale sur les aides opératoires. Elle a déclaré qu'elle ne souhaitait pas que les médecins étrangers se voient proposer une filière d'intégration qui constitue une sorte de ghetto et affirmé que le texte du projet de loi avait reçu l'accord des syndicats et de l'ordre national des médecins. Elle a estimé que l'article concernant l'activité libérale à l'hôpital constituait une mesure de moralisation faisant suite au rapport de la Cour des comptes et que les dispositions relatives au paiement des honoraires qu'il comportait étaient de nature à rendre possible un nécessaire contrôle. Elle a expliqué les raisons qui avaient conduit le Gouvernement, après avoir donné aux journalistes les résultats du PMSI, à proposer l'article 37 du projet de loi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ayant affirmé que les données qu'il comprenait ne pouvaient être qualifiées d'anonymes.

M. Charles Descours, rapporteur, ayant évoqué les questions posées par l'article 14 du projet de loi, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que les dispositions qu'il comportait étaient particulièrement protectrices.

Mercredi 19 mai 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord désigné M. Lucien Neuwirth comme rapporteur de la proposition de loi n° 348 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.

Santé publique - Droit à l'accès aux soins palliatifs - Examen du rapport

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué, en introduction à son rapport, que la question des soins palliatifs revenait devant le Sénat à l'issue d'une procédure à bien des égards atypique.

Il a rappelé que le 7 avril 1999, la Haute Assemblée avait adopté à l'unanimité une proposition de loi tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement qui s'inscrivait dans le droit fil des travaux entrepris dès 1994 par la commission des affaires sociales sur la prise en charge de la douleur.

Il a observé que, parallèlement, trois propositions de loi ayant un objet similaire avaient été mises en distribution, le 7 avril dernier, à l'Assemblée nationale.

Tout était donc mis en oeuvre pour que chaque Assemblée vote, de son côté, sa propre proposition de loi relative aux soins palliatifs, l'Assemblée nationale écartant le texte du Sénat qui lui était transmis le 7 avril, au profit des trois propositions de loi opportunément mises en distribution ce même jour.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a constaté que le bon sens avait prévalu in fine grâce aux efforts de chacun et d'abord des présidents des deux Assemblées et du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui a accepté de joindre à l'examen des propositions de loi précitées, celle de M. Bernard Perrut et de plusieurs de ses collègues tendant à créer un congé d'accompagnement des personnes en fin de vie et celle qu'avaient bien voulu déposer M. Jean-Louis Debré et plusieurs de ses collègues, reprenant le texte adopté par le Sénat.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a regretté que les excellentes conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui reprenaient le texte adopté par le Sénat, aient été amoindries en séance publique par deux amendements du secrétariat d'Etat à la santé. Prétextant que les soins palliatifs seraient, en quelque sorte, trop importants pour être soumis à une procédure d'autorisation hospitalière, et faisant semblant de croire que le Sénat voulait, en inscrivant les soins palliatifs dans la carte sanitaire, créer des " ghettos " pour les malades en fin de vie, le Gouvernement a, en effet, préféré, à l'article 2, que les soins palliatifs soient simplement inscrits dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). De même, à l'article 3, le Gouvernement a souhaité que le système de troc en vigueur pour l'hospitalisation à domicile ne soit pas supprimé.

Enfin, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, s'est déclaré déçu que le texte ne comporte plus la prise en charge des dépenses de formation et de coordination de l'action des bénévoles par l'assurance maladie.

Pour autant, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que l'essentiel demeurait ; il a rappelé à cet égard que la commission avait demandé que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale soit inscrite à la plus prochaine séance réservée, par priorité, à l'ordre du jour fixé par le Sénat.

Il a également proposé de ne pas amender ce texte afin que le Sénat puisse l'adopter sans modification, de telle sorte que cette loi entièrement d'initiative parlementaire soit définitivement votée avant l'été et entre en vigueur sans délai.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a affirmé son intention de proposer ultérieurement de modifier le texte de cette loi sur les trois points qui posaient problème.

M. Jean Delaneau, président, a observé que les péripéties qui avaient caractérisé la procédure d'examen de la proposition de loi sur les soins palliatifs avaient été surmontées et qu'il convenait de se féliciter que le Sénat puisse se mettre d'accord avec l'Assemblée nationale sur des textes importants.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a affirmé qu'elle voterait en faveur des conclusions du rapporteur. Elle a fait part de son regret que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne comporte plus les dispositions relatives à la prise en charge des dépenses de formation des bénévoles et, sur la forme, les péripéties de procédure auxquelles avait donné lieu l'examen de la proposition de loi.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a confirmé que la commission des affaires familiales, culturelles et sociales de l'Assemblée nationale avait retenu, dans ses conclusions, des compléments très utiles au texte adopté par le Sénat et manifesté à nouveau son regret que deux amendements du Gouvernement affaiblissant sensiblement la portée de la proposition de loi aient été adoptés. Il a toutefois déclaré qu'il était indispensable que la proposition de loi, même imparfaite, entre au plus vite en vigueur afin que soit reconnu le droit d'accès aux soins palliatifs pour tous les malades qui en ont besoin.

M. Jean-Louis Lorrain a approuvé les propos du rapporteur sur la nécessité d'une adoption définitive rapide de la proposition de loi. Il s'est toutefois inquiété du retard que pourrait prendre le Gouvernement pour publier ses décrets d'application.

M. Jean Delaneau, président, a affirmé que la commission manifesterait à cet égard une grande vigilance.

M. Alain Gournac a félicité le rapporteur pour le sens des responsabilités qu'il avait manifesté en proposant à la commission d'adopter conforme le texte voté par les députés malgré tout ce qui avait été entrepris pour que la loi sur les soins palliatifs, définitivement adoptée par le Parlement, ne soit pas une loi " Neuwirth ". Se félicitant de l'action accomplie par les associations de bénévoles dans son département des Yvelines, il a affirmé que ces dernières seraient très déçues de la disparition de la prise en charge de leurs dépenses de formation et de coordination par l'assurance maladie. Il s'est également déclaré inquiet à propos des délais de publication des textes d'application de la loi.

M. Louis Souvet a affirmé qu'il était très important que le Parlement adopte rapidement une loi sur les soins palliatifs et s'est insurgé contre les propos du secrétaire d'Etat chargé de la santé laissant à penser que le Sénat voulait, en favorisant le développement des soins palliatifs à l'hôpital, créer des " ghettos " pour les personnes en fin de vie.

M. Jean Chérioux a adressé ses compliments au rapporteur et s'est félicité de son pragmatisme, le mieux étant l'ennemi du bien. Il a réaffirmé que la loi sur les soins palliatifs traduisait l'implication du Sénat et de l'Assemblée nationale qui ont chacun accompli les efforts nécessaires pour que le texte aboutisse. Evoquant les dispositions qui soumettent l'activité des associations de bénévoles à l'hôpital à la conclusion d'une convention conforme à une convention type, il s'est interrogé sur les modalités selon lesquelles elles pourraient continuer d'accomplir une oeuvre entreprise depuis fort longtemps.

M. Bernard Cazeau a estimé que le texte adopté par les députés traduisait les mêmes ambitions que celles qui avaient animé le Sénat, considérant toutefois que la proposition de loi issue de l'Assemblée nationale était perfectible. Il a affirmé l'importance de la future loi qui rompait, dans son esprit, avec la vieille tradition judéo-chrétienne concernant la prise en charge de la douleur. Il a enfin félicité le rapporteur pour ses propos.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a remercié les divers orateurs pour leurs propos. Il a indiqué qu'il interrogerait le ministre sur les conditions dans lesquelles les associations de bénévoles pourraient poursuivre leur activité et les délais pendant lesquels le Gouvernement entendait instituer une prestation de sécurité sociale complétant le congé d'accompagnement créé par la loi.

La commission a alors approuvé, à l'unanimité, le rapport de M. Lucien Neuwirth tendant à adopter la proposition de loi sans modification.

Sécurité sociale - Création d'une couverture maladie universelle - Audition de M. Michel Mercier, président, et M. Bernard Cazeau, vice-président, de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des départements de France (ADF)

Puis la commission a poursuivi son programme d'auditions sur le projet de loi n° 338 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle.

Elle a d'abord entendu M. Michel Mercier, président, et M. Bernard Cazeau, vice-président, de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des départements de France (ADF).

M. Michel Mercier
a tout d'abord évoqué la position générale de l'Assemblée des départements de France (ADF) concernant la couverture maladie universelle (CMU).

Il a tout d'abord rappelé que s'agissant de la couverture de base, les départements étaient essentiellement cantonnés à un rôle passif d'organisme payeur au vu des demandes d'aide médicale gratuite qui étaient transmises par les caisses d'allocations familiales.

Il a souligné en outre que les droits à l'assurance maladie étaient difficiles à établir, ce qui rendait particulièrement complexe la gestion administrative de cette compétence.

S'agissant de la couverture complémentaire, M. Michel Mercier a souligné que les départements avaient pris un certain nombre d'initiatives positives qui devaient être conservées. Il a évoqué également l'aspect positif du traitement personnalisé des demandes d'aide médicale.

D'une manière générale, il a souligné que l'ADF était favorable au principe de la CMU prévue par le projet de loi dans la mesure où les conseils généraux regrettaient la fracture entre la protection médico-sociale accordée aux travailleurs cotisant à la sécurité sociale et la situation de précarité des personnes qui n'était pas intégrées au monde du travail et ne remplissaient pas les conditions légales pour bénéficier de la sécurité sociale.

Il a tenu à rappeler que le projet de loi " ne partait pas de rien " et bénéficiait de l'expérience et des initiatives prises par les collectivités locales, notamment par les départements, afin d'assurer l'accès aux soins des personnes en difficulté.

Sur le plan financier, il a rappelé que la mise en oeuvre de la CMU soulevait divers problèmes relatifs à l'évaluation du coût actuel de l'aide médicale gratuite, aux transferts financiers consécutifs aux transferts de compétences en matière d'aide médicale et aux relations financières entre les diverses catégories de collectivités territoriales.

Soulignant qu'il convenait de ne pas opposer artificiellement les communes et les départements sur la question du contingent communal d'aide sociale, il a rappelé que l'ADF souhaitait la suppression de ce contingent tout en demandant que soit préservée la neutralité financière indispensable à l'exercice des compétences d'action sociale.

M. Charles Descours s'est interrogé sur la situation des départements qui avaient adopté des barèmes d'aide médicale plus avantageux que le minimum légal, sur le bien-fondé de l'imputation des dépenses facultatives d'aide médicale financée par les départements en diminution de la dotation générale de décentralisation (DGD), sur les conséquences pour les départements de l'effet de seuil pour les personnes dépassant le plafond de ressources de 3.500 francs fixé au titre de la CMU, sur l'évaluation du coût unitaire de la prise en charge à 100 % des personnes en difficulté, et sur les modalités concrètes de la réforme des contingents communaux d'aide sociale.

M. Michel Mercier, concernant le transfert financier consécutif au transfert de compétence en matière d'aide médicale, a tout d'abord rappelé que pour de nombreux départements, la mise en oeuvre de la CMU aboutirait à un calcul de DGD " négative ", c'est-à-dire à des reversements au profit du budget de l'Etat.

Après avoir rappelé qu'une dizaine de départements avaient mis en oeuvre une couverture complémentaire pour des niveaux de ressources plus élevés que le seuil de 3.500 francs retenu pour la CMU, il a estimé que l'ADF n'avait pas vocation à revenir sur des décisions prises au niveau local et qu'il lui appartenait, dans le cadre de son avis sur la compensation financière, de respecter le contenu des délibérations prises par chacun des départements.

En revanche, il a considéré que, dès lors que la réforme serait entrée en application, il n'incomberait pas aux départements de créer un barème spécifique d'aide médicale pour les personnes dépassant le niveau de ressources de 3.500 francs par mois et qui ne bénéficieront pas de la CMU.

Il a souligné néanmoins que les départements conserveraient une capacité d'intervention au titre de l'action sociale générale qui relève de leur compétence.

S'agissant de l'effet de seuil au-delà du plafond de ressources, il a rappelé que celui-ci avait toujours existé, même s'il était variable selon les départements, et il a observé que l'effet de seuil était amplifié par l'objectif même du projet de loi, qui est d'instituer une couverture complémentaire au niveau national.

Il a considéré que si le seuil de 3.500 francs paraissait trop bas, il appartiendrait à l'Etat de prendre les mesures nécessaires pour relever le niveau du plafond de ressources, mais que les départements n'avaient pas pour rôle de pallier les insuffisances du dispositif d'Etat.

Concernant le coût réel de la prise en charge de la couverture complémentaire des personnes, relevant actuellement de l'aide médicale, il a indiqué tout d'abord que le montant de 5,5 millions de francs retenus au titre des dépenses départementales devait être manié avec prudence dans la mesure où il s'agissait de dépenses brutes qui n'intégraient pas certaines compensations. En outre, prenant l'exemple du département du Rhône, il a rappelé que les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite présentaient un profil de consommation médicale et pharmaceutique inférieur à la moyenne. Il a estimé toutefois que le montant de 1.500 francs retenu pour estimer le coût de la couverture complémentaire au titre de la CMU était sans doute sous-évalué, sans même prendre en compte l'effet induit par la mise en place d'une couverture généralisée sur le plan national.

S'agissant des relations entre les départements et les communes, il a rappelé que l'aide médicale devait représenter globalement en moyenne un peu plus de 10 % de l'assiette du contingent communal d'aide sociale et il a souligné que les conseils généraux ne pourraient pas durablement continuer à demander aux communes de participer à des dépenses liées à une compétence que les départements n'exerceraient plus.

Constatant par ailleurs qu'il était impossible de déterminer pour chaque commune quelle était la part du contingent communal imputable à l'aide médicale, il a estimé inévitable de supprimer le dispositif des contingents communaux d'aide sociale, qui apparaissait comme une source potentielle de conflit entre les communes et les départements.

Il a considéré que l'argument selon lequel le dispositif des contingents communaux jouerait le rôle d'un " ticket modérateur des dépenses communales " ne correspondait plus à la réalité en raison du caractère quasi automatique des admissions à l'aide sociale.

Il a regretté que l'opacité des modalités de calcul des contingents ouvre la voie aux critiques de la part des communes.

Il a donc estimé que l'Etat devait organiser la suppression des contingents communaux d'aide sociale, en assurant une compensation au travers de la DGD et de la dotation globale de fonctionnement (DGF), afin d'éviter le risque d'une augmentation de la pression fiscale locale.

M. Bernard Cazeau a apporté une nuance sur la question de la mise en place d'aide médicale complémentaire sur l'initiative des départements, en rappelant que certains conseils généraux considéraient qu'il ne leur était pas interdit de prendre en compte l'effet de seuil pour les personnes dont les ressources excéderaient 3.500 francs de ressources et de traiter sur le terrain, au cas par cas, ce type de problème.

Concernant le contingent communal d'aide sociale, il a souligné que cette question devait être traitée rapidement, en même temps que la mise en oeuvre de la CMU, tout en soulignant qu'il était impossible de distinguer à l'intérieur du contingent versé par chaque commune la part relevant de l'aide médicale.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'à la suite de la délibération du comité des finances locales du 17 mars dernier, un groupe de travail avait été constitué entre la direction générale des collectivités locales et les associations d'élus locaux. Il a estimé nécessaire de se référer aux résultats de ces travaux de concertation.

M. Jean Chérioux a souligné que le mode de calcul retenu pour compenser financièrement les transferts de compétence résultant de la CMU pénalisait les départements qui avaient mis en place des dispositifs de " carte-santé " en faveur des personnes à faibles revenus au-delà du montant de ressources prévu pour l'attribution du RMI. Il a souligné que l'application de la CMU risquait de défavoriser les personnes qui entraient dans le champ des dispositifs départementaux actuels mais dont le niveau de ressources excédait le plafond mis en place par la CMU.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard, après avoir constaté que la majorité des départements s'était déclarée favorable à la recentralisation de l'aide médicale, s'est demandé si la décentralisation de cette compétence en 1983 avait été, dès l'origine, une erreur ou si le dispositif décentralisé avait été fragilisé par l'aggravation de la pauvreté dans notre pays. Elle s'est interrogée sur la mise en place de fonds locaux d'aide sociale adossés à des crédits versés par les communes, les départements et les caisses de sécurité sociale, qui permettraient de gommer les effets de seuil.

Elle a noté que la prise en compte d'un coefficient de réduction de 5 % sur le montant des dépenses nettes d'aide médicale pour le calcul du transfert au titre de la DGD permettrait aux départements de disposer de crédits pour renforcer les mesures d'action sociale générale. Elle s'est interrogée sur le coût de la mise en oeuvre d'un troisième niveau d'aide en faveur des personnes, au-dessus du seuil de ressources de 3.500 francs.

En réponse, M. Michel Mercier a tout d'abord noté que si l'action des départements au titre de l'aide médicale avait parfois pu faire l'objet de critiques en raison d'une certaine disparité des niveaux de prise en charge, la mise en oeuvre de la CMU montrait aujourd'hui qu'un système d'aide au niveau national soulevait également des problèmes. A cet égard, il a souligné que les départements avaient réalisé un effort important pour assurer un traitement personnalisé des demandeurs de l'aide médicale et il s'est demandé si l'administration de la sécurité sociale était aujourd'hui apte à opérer le " changement culturel " qui serait nécessaire pour accompagner efficacement les personnes en difficulté qui demanderaient la CMU.

Concernant le coefficient de réduction de 5 % sur le prélèvement au titre de la DGD, il a rappelé que la somme correspondante n'était pas un " gain " pour les départements mais qu'elle compensait le coût des dysfonctionnements du dispositif actuel qui aboutissait à ce que les départements prennent en charge les cotisations d'assurance personnelle de personnes qui avaient en réalité un droit à prestation de la sécurité sociale, mais qui avaient dû renoncer à obtenir l'application de ce droit, du fait de sa complexité administrative.

De ce point de vue, il a estimé que la mise en place de la CMU pourrait provoquer des économies si la sécurité sociale effectuait bien les rapprochements nécessaires pour éviter les doubles prises en charge.

S'agissant de l'hypothèse de la mise en place de fonds locaux pour pallier les effets de seuil, il a considéré qu'instaurer de tels dispositifs reviendrait à contester implicitement le projet de loi et à souligner ses insuffisances.

M. Charles Descours s'est demandé si le personnel des caisses de la sécurité sociale serait motivé pour prendre en charge dans de bonnes conditions les futurs titulaires de la couverture maladie universelle.

M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur le risque d'une " sécurité sociale à deux vitesses ", plus défavorable pour les couches moyennes que pour les personnes bénéficiant des effets de seuil induits par le RMI ou par la CMU.

M. Bernard Cazeau a souligné que le mécanisme de la CMU connaîtrait une période de rodage et qu'il fallait éviter une approche caricaturale de l'action des services de la sécurité sociale.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la CMU n'était pas un dispositif expérimental, et qu'il serait intégralement appliqué au 1er janvier 2000.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que l'objectif de la loi était positif, même si ses modalités étaient perfectibles. Il a rappelé que la réforme des contingents communaux d'action sociale devait impérativement éviter d'entériner les disparités actuelles en matière de calcul des contingents communaux entre départements et communes.

Prenant l'exemple du département du Rhône où une politique généreuse en matière d'aide sociale avait produit ses effets au cours des deux dernières années, il s'est demandé si le choix de l'année de 1997, pour l'année de référence d'évaluation des dépenses d'aide médicale, était la plus réaliste.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles l'ADF avait pris sa délibération à propos de la CMU et a rappelé que dans le département de l'Oise, 10 % des bénéficiaires de l'aide médicale devrait être exclu du champ de la CMU du fait du seuil de ressources. Il a évoqué le problème du maintien du personnel administratif à la charge des départements en soulignant les difficultés de reconversion. Il a insisté sur la nécessité d'une instruction communale des dossiers afin de maintenir une analyse personnalisée des demandes.

M. Alain Gournac a souligné l'importance d'une approche de proximité pour les plus démunis tout en faisant valoir les effets pervers du texte pour les personnes au-dessus du seuil de ressources de 3.500 francs. Il a rappelé que les Français devaient continuer à être conscients du rôle important qui était joué par les départements en matière d'aide sociale.

M. Michel Mercier a rappelé que la concertation au sein des groupes de travail mis en place par la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur se poursuivait, en souhaitant que ces travaux puissent déboucher sur une traduction concrète dans l'actuel projet de loi. Il a souligné l'avantage que retireraient progressivement les communes, dès lors que la suppression des contingents communaux serait gagée par une diminution de la DGF dont le taux d'évolution était beaucoup plus modéré que celui des dépenses sociales.

Concernant la position de l'ADF, il a rappelé qu'il serait impossible de demander aux départements, qui avaient respecté les obligations légales, de supporter une baisse de leur DGD qui serait supérieure au niveau réel de leurs dépenses d'aide médicale. Il a donc estimé qu'il était raisonnable de s'en tenir au respect des décisions qui avaient été prises au niveau de chaque département.

Il a souligné qu'il serait important que les départements continuent à jouer un rôle d'action sociale de proximité en travaillant en amont de la demande de couverture au titre de la CMU.

Il a rappelé, en outre, que l'ADF était très attachée à l'article 37 novodecies du projet de loi tendant à imposer un taux directeur opposable aux dépenses des établissements sociaux médico-sociaux financés par les départements.

Sécurité sociale - Création de la couverture maladie universelle - Audition de M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), accompagné de M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes

Puis, la commission a entendu M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), accompagné de M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître la position de la FFSA sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Il s'est interrogé sur les raisons qui avaient incité la FFSA à participer à ce dispositif.

Il a demandé à M. Denis Kessler quelle appréciation la FFSA portait sur le financement du dispositif et a souhaité savoir si l'évaluation d'un coût de 1.500 francs par bénéficiaire de la CMU paraissait raisonnable.

Il a souhaité connaître la position de la FFSA sur le fonds inséré dans le texte par l'Assemblée nationale et destiné à atténuer les effets de seuil de la CMU ainsi que sur la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires prévue par le projet de loi. Il a interrogé M. Denis Kessler sur le protocole d'accord conclu entre la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la FFSA et les représentants des mutuelles.

En réponse à M. Charles Descours, M. Denis Kessler a estimé que le projet de loi répondait à une intention louable, mais reposait sur des modalités qui n'étaient pas satisfaisantes.

M. Denis Kessler a observé tout d'abord que la CMU symbolisait l'échec du revenu minimum d'insertion (RMI), considéré comme le revenu minimum nécessaire pour répondre aux dépenses de première nécessité. En créant la CMU, on reconnaissait implicitement que le RMI était insuffisant pour assurer le minimum vital.

M. Denis Kessler a regretté que le Gouvernement ait finalement choisi, après six mois de concertation avec les organismes de couverture complémentaire, un dispositif différent de celui sur lequel les organismes d'assurance et les mutuelles s'étaient engagés. Il a jugé que l'on ne pouvait, comme le faisait le Gouvernement, à la fois prôner la concertation et renoncer à un scénario véritablement partenarial.

Il a considéré que le dispositif du projet de loi se caractérisait par une confusion des rôles entre les régimes de base et les organismes de couverture complémentaire. Il a jugé que cet aspect soulevait un réel problème de conformité au droit européen.

M. Denis Kessler a ajouté que le projet de loi allait entraîner de nombreux autres effets pervers tels que des effets de seuil, des effets d'aubaine, des effets d'éviction.

Evoquant l'estimation du coût par bénéficiaire de la protection complémentaire, il a jugé sous-évalué le montant choisi de 1.500 francs. Il a rappelé que les taux de remboursement n'étaient pas les mêmes dans tous les régimes de base de sécurité sociale. Il a jugé indispensable que soit institué un mécanisme d'évaluation des coûts réels et que la détermination des taux de prise en charge complémentaire se fasse en fonction du régime d'affiliation.

Il a indiqué que les organismes d'assurance avaient fait le choix de participer à la CMU, car l'assurance complémentaire était précisément leur métier. Il a rappelé que la couverture de base était prise en charge par la sécurité sociale et, par conséquent, interdite aux organismes d'assurance. En revanche, la couverture complémentaire, qu'elle soit réalisée par des mutuelles ou des sociétés d'assurance, relevait d'une logique de marché.

Il a souligné que la solution au problème réel que constituait l'accès aux soins d'une partie de la population aurait été de solvabiliser cette population afin de lui permettre de s'adresser à l'organisme complémentaire de son choix.

Evoquant le fonds de financement de la protection complémentaire, M. Denis Kessler a estimé que la présence des représentants des organismes complémentaires au conseil d'administration de ce fonds aurait été légitime. Il a regretté que l'amendement en ce sens présenté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ait finalement été rejeté par cette Assemblée. Il a souligné que les organismes complémentaires, qui constituaient les financeurs de ce fonds, demandaient simplement à être représentés au conseil d'administration de ce fonds, sans y être naturellement majoritaires.

S'agissant du système imaginé par l'Assemblée nationale pour limiter les effets de seuil, M. Denis Kessler a jugé qu'il s'apparentait à une boutade.

Après avoir estimé que la multiplication des seuils dans la législation fiscale et sociale semblait une spécialité française, M. Denis Kessler a constaté que toute tentative pour supprimer un seuil aboutissait inéluctablement à la création d'un nouveau seuil. Il a indiqué que les sociétés d'assurance auraient préféré un mécanisme dégressif de solvabilisation de la demande, grâce à une aide personnalisée à la santé versée par les caisses d'allocations familiales, lesquelles connaissaient déjà les revenus d'une grande partie de la population.

M. Denis Kessler a souligné que les sociétés d'assurance n'étaient pas satisfaites de la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires prévue par le projet de loi, qui comprenait les frais de soins, mais également les indemnités journalières et d'invalidité qui ne devraient pas y figurer. Il a rappelé que les sociétés d'assurance devaient acquitter une taxe de 7 % sur leurs contrats d'assurance santé et a souhaité que cette taxe ne s'applique pas à la cotisation de 1,75 % destinée à financer la couverture complémentaire.

Evoquant la nécessité de préserver la répartition des rôles entre les différents acteurs de la protection sociale, M. Denis Kessler a indiqué que les sociétés d'assurance, les mutuelles et la CNAMTS avaient signé un protocole prévoyant que les caisses primaires d'assurance maladie n'interviendraient pour la couverture complémentaire qu'en cas de carence des organismes complémentaires.

En réponse à M. Charles Descours qui s'interrogeait sur le coût réel de la couverture complémentaire, M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes, a indiqué que le montant de 1.500 francs devait être réévalué. Il a expliqué que ce chiffre avait été établi à partir d'un profil de population différent de celui choisi pour la CMU ; il a également rappelé que les différences entre la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM) et la CNAMTS en matière de prestations de base se traduisaient par un coût moyen plus élevé de 500 francs pour les bénéficiaires de la CMU qui ressortissent de la CANAM.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que la sous-estimation du coût de la couverture complémentaire pouvait entraîner un désengagement des organismes complémentaires, qui ne seraient guère incités à accueillir les bénéficiaires de la CMU. Il a jugé qu'une telle situation risquait de provoquer un afflux de demandeurs de la CMU dans les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et, par conséquent, une dérive des dépenses de la branche maladie. Il a craint que cette augmentation des dépenses ne soit pas compensée par l'Etat et soit constatée dès l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

M. Denis Kessler a souligné que le projet de loi risquait de susciter un effet d'éviction : un certain nombre de personnes cotisant jusqu'ici pour une couverture complémentaire pourraient en effet bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite. Il a considéré que les conséquences de cet effet d'éviction seraient particulièrement lourdes pour certaines sociétés d'assurance et certaines mutuelles.

M. André Renaudin a confirmé que les petites structures mutualistes risquaient de rencontrer, de ce fait, de graves difficultés financières.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

Enfin, la commission a procédé à la désignation de M. Charles Descours comme candidat pour siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale.