Mercredi 7 mars 2007

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audition de M. Jean-Richard Cytermann, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Richard Cytermann, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, sur le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche sur la valorisation de la recherche.

M. Jacques Valade, président, a demandé si le rapport avait ou non pris en compte la loi sur l'avenir de la recherche en France, votée en avril 2006.

Après avoir indiqué qu'il s'exprimerait à titre personnel, M. Jean-Richard Cytermann s'est interrogé sur le fait que la commande de ce rapport par le ministère intervienne après le vote de la loi. Il a indiqué que cette commande était circonscrite à la question de la valorisation de la recherche, entendue comme l'ensemble des relations entre la recherche publique et le monde économique : recherche de partenariats entre laboratoires publics et entreprises, valorisation de la propriété intellectuelle, création d'entreprises issues de laboratoires publics et mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé.

Evoquant la méthode, il a souligné qu'elle résultait de la combinaison de différentes sources d'information : visites d'organismes, questionnaires (en France et à l'étranger), déplacements dans plusieurs pays étrangers... Les investigations ayant duré dix mois, la mission lancée en février 2006 a abouti au rapport parachevé en novembre dernier. S'agissant ensuite des constats, M. Jean-Richard Cytermann a relevé que la situation n'avait globalement pas progressé depuis 1995, en dépit de la loi sur l'innovation et la recherche de 1999 et des mesures prises depuis, pour ce qui concerne les échanges entre les laboratoires publics de recherche et le monde industriel, sous les quatre aspects suivants :

- le volume des contrats avec les entreprises s'est stabilisé dans le temps, à un niveau inférieur à celui de nombreux autres pays ;

- l'augmentation des dépôts de brevets ne s'est pas accompagnée d'une hausse des revenus des licences d'exploitation avec des entreprises et ces revenus s'avèrent très concentrés sur quelques organismes et produits ;

- si l'on enregistre une forte hausse des créations d'entreprise issues de la recherche publique, il faut regretter que peu d'entre elles aient atteint un chiffre d'affaires ou un effectif suffisant ;

- s'agissant des échanges humains, peu d'évolutions sont notables depuis 1999, en dépit de dispositions législatives et réglementaires favorables.

Au total, M. Jean-Richard Cytermann a relevé que les progrès accomplis depuis 1999 sont réels dans certains domaines, mais sensiblement moins importants que ceux réalisés par d'autres pays. Il a cité, à cet égard, les universités belges, suisses et allemandes.

Il a attribué cette situation à différents facteurs :

- les caractéristiques de la recherche privée, cette dernière étant plus faible en France qu'à l'étranger, pour des raisons liées à l'internationalisation des grands groupes français, à leur restructuration, aux différences culturelles (le doctorat est moins reconnu en France et nos entreprises emploient peu de docteurs, car les élites économiques ne sont pas suffisamment en contact avec le monde de la recherche) et au faible nombre de petites et moyennes entreprises ;

- l'organisation de la recherche publique : un certain nombre de mesures de la loi de 2006 vont dans le bon sens, mais les résultats ne sont pas encore tangibles. Les structures françaises de recherche souffrent de leur émiettement et le système des unités mixtes de recherche (UMR) est peut-être « à bout de souffle » dans son organisation actuelle, qui entraîne des luttes intestines, des pertes d'énergie, des difficultés liées à la répartition des résultats de la propriété intellectuelle et à l'incompréhension des partenaires privés confrontés à la pluralité des partenaires publics et de leurs tutelles. Globalement, le système de recherche publique ne s'avère pas très coopératif dans son rapprochement avec les entreprises et la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) risque d'ailleurs d'exacerber la concurrence entre laboratoires publics, en incitant ces derniers à développer leur politique contractuelle ;

- les services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) et les autres services de gestion des universités et organismes de recherche manquent encore de professionnalisme et leurs équipes sont insuffisamment développées. Il est frappant de constater que seulement cinq embauches ont été réalisées par les SAIC en ayant recours à la possibilité de déroger aux grilles salariales de la fonction publique.

M. Jean-Richard Cytermann a relevé toutefois des différences entre les établissements, certains d'entre eux étant très performants dans ce domaine. Il a noté aussi le manque de concentration des dotations sur les meilleures équipes : 15 à 20 universités françaises perçoivent 50 % des dotations, tandis que 10 universités britanniques reçoivent 60 à 65 % des crédits. Il a également souligné l'insuffisante mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, ceci étant dû tant à des questions d'ordre culturel qu'aux écarts de rémunération.

Exposant ensuite les propositions du rapport, M. Jean-Richard Cytermann a indiqué qu'elles concernaient largement la gestion des ressources humaines de la recherche publique, qui doit bénéficier de davantage de souplesse. Il a suggéré ainsi que les politiques indemnitaires des établissements puissent inciter les chercheurs à conduire des activités de valorisation et que soit introduite une possibilité de cumul entre rémunération sur contrat et primes. Pour les enseignants chercheurs, les obligations de service pourraient être modulées au cours du temps.

Il a cité, au titre des autres propositions :

- une plus grande gestion de proximité des activités de valorisation ;

- une simplification tendant à éviter la copropriété de brevets par plusieurs partenaires publics ;

- la création d'offices mutualisés de transfert de technologies ;

- et la simplification, la professionnalisation ainsi que la rationalisation des « incubateurs ».

M. Jacques Valade, président, a demandé pour quelles raisons cette analyse sérieuse et pleine de bon sens de la situation, qui reprend d'ailleurs partiellement des idées connues, avait été considérée par certains comme une « critique dramatique » de la recherche française. Puis il a relevé que les chercheurs publics français publiaient sans doute plus qu'ils ne déposaient de brevets. Il a regretté que le rapport n'évoque pas le statut des chercheurs.

Enfin, il a remercié l'intervenant pour sa contribution et il lui a donné acte de la présentation de son rapport devant la commission, après avoir relevé qu'il ne traitait que d'un sujet bien circonscrit. Il en a conclu que la problématique de la recherche française ne portait pas seulement sur les moyens qui lui sont consacrés, mais encore plus sur son organisation.

Evoquant l'article du journal Le Monde, très critique à l'égard du rapport, M. Ivan Renar a indiqué que ce dernier avait été perçu comme une charge contre le service public et la recherche publique. Il a estimé que le débat suscité après les « fuites » d'un rapport non encore officiellement présenté faisait question du point de vue de la démocratie.

Il s'est interrogé, ensuite, sur la pertinence des critères sur lesquels s'appuient les conclusions du rapport. Il a relevé que la valorisation de la recherche intéressait plus les chercheurs du secteur privé que ceux employés par les laboratoires publics.

Il a souligné que le rapport laissait un certain nombre de sujets en débat ; il a cité, à cet égard, les interrogations quant à la pertinence des dispositifs fiscaux (notamment le crédit d'impôt recherche) ou sur les moyens d'encourager la recherche des petites et moyennes entreprises.

M. Pierre Laffitte a jugé crucial le problème de la valorisation de la recherche pour la France et pour l'Europe. Il a estimé correctes les analyses du rapport, qui ne s'emploient pas à « attaquer » la recherche publique, mais à identifier les raisons des insuffisances de la valorisation de notre recherche par rapport aux pays étrangers. Après avoir évoqué le problème de la gouvernance des établissements, il a mentionné une récente loi allemande qui donne beaucoup plus d'autonomie et une responsabilité de chef d'entreprise aux présidents d'universités. Il a cité l'exemple d'un partenariat entre l'université technologique de Munich et Singapour, ainsi que le dynamisme des laboratoires israéliens.

Après s'être félicité du débat que permet la parution du rapport, il a regretté toutefois que ce dernier n'évoque ni la question de l'appui aux petites et moyennes entreprises innovantes, ni les comparaisons internationales.

M. Jean-Richard Cytermann a apporté les éléments de réponses suivants :

- toute « fuite » avant la publication d'un rapport pose des questions déontologiques ; la présentation effectuée par le journal Le Monde s'avérait un peu déformée, dans la mesure où le rapport ne visait que la valorisation, et non l'ensemble de la recherche française ; or, certains ont associé qualité de la valorisation et qualité de la recherche. En outre, la citation du rapport était tronquée ;

- ceci étant, on peut établir certaines corrélations et s'interroger sur la stagnation de la production des résultats de la recherche française ; la Grande-Bretagne obtient d'ailleurs davantage de résultats avec des moyens un peu inférieurs ;

- le rapport a fait l'objet de la procédure contradictoire auprès de six directions (trois au sein du ministère de l'éducation nationale et de la recherche et trois au sein du ministère de l'économie et des finances) ;

- un rapport sur l'impact du crédit d'impôt recherche vient d'être mis en ligne sur Internet.

Audition de M. Jean-Louis Beffa, président du conseil de surveillance de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), président-directeur général de la compagnie de Saint-Gobain

La commission a ensuite entendu M. Jean-Louis Beffa, président du conseil de surveillance de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), président-directeur général de la compagnie de Saint-Gobain.

Après avoir admiré la force de conviction de l'intervenant, qui a permis la mise en oeuvre de ses recommandations et la création de l'agence, M. Jacques Valade, président, lui a demandé de préciser l'état d'avancement des travaux de l'AII, ses résultats et les éventuels obstacles rencontrés. Il lui a suggéré également de s'exprimer sur la mise en place des nouveaux instruments créés par la récente loi sur l'avenir de la recherche en France.

M. Jean-Louis Beffa a rendu compte tout d'abord de l'action de l'AII et présenté son bilan :

- mise en place en août 2005, l'AII a été dotée d'un capital d'1,7 milliard d'euros, sur les 2 milliards demandés. Son équipe, légère, est constituée de 21 personnes, et recourt aussi à des experts extérieurs ;

- les programmes de mobilisation pour l'innovation industrielle (PMII) visent des projets mondiaux, à forte dimension innovatrice, susceptibles de créer des emplois à forte valeur ajoutée sur le territoire européen et de contribuer au commerce extérieur ; enfin, les projets doivent être portés par une entreprise chef de file ;

- le bilan établi fin décembre 2006 fait apparaître qu'après entretien avec une centaine d'entreprises, françaises et étrangères, intéressées, 14 des 40 projets présentés ont été approuvés en 2006. La difficulté tient au fait que sur les 9 projets en cours de notification auprès de la Commission européenne, un seul a été autorisé par celle-ci ; le délai d'instruction par la Commission s'avère donc très long : 6 mois ;

- les programmes concernent des secteurs très variés (allant de la chimie verte, l'environnement ou les transports, à la santé) et l'effort est considérable : il porte sur 250 milliards d'euros d'engagements en recherche et développement par les entreprises concernées, sur trois à dix ans, dont seulement 900 millions par les grandes entreprises.

M. Jean-Louis Beffa a insisté sur le fait qu'un certain nombre d'entreprises de taille moyenne étaient prêtes à prendre des risques, grâce à leur mode de gouvernance, largement lié à un environnement actionnarial favorable à ce type d'investissement. Ceci étant, la France souffre cruellement de l'insuffisance de telles entreprises, contrairement à l'Allemagne, au Japon ou aux Etats-Unis. Or, les grands groupes, confrontés à des difficultés dans l'exercice de leur métier, ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour envisager de nouveaux développements. En outre, le fonctionnement des marchés financiers ne favorise pas les efforts en matière d'innovation industrielle. Dans ces conditions, M. Jean-Louis Beffa a souhaité que des mesures favorisent l'actionnariat de long terme.

Par ailleurs, il a souligné que six PMII étaient « interconnectés » avec des pôles de compétitivité, à hauteur de 180 millions d'euros.

Puis M. Jean-Louis Beffa a émis ses suggestions pour une nouvelle étape, plus ambitieuse et plus technique, centrée sur l'innovation d'avant-garde. Il a souhaité l'amélioration de la concertation entre les nouveaux outils mis en place dans le secteur de la recherche : l'AII, les pôles de compétitivité, l'Agence nationale de la recherche ainsi qu'Oséo-Anvar, ce dernier devant « monter en gamme ». Il a fait part des difficultés à trouver des entreprises qui, quelle que soit leur taille, puissent être pilotes et être davantage sources d'innovation sur le terrain. En effet, les PMII doivent être portés par des entreprises s'engageant clairement sur des projets, des programmes et des produits. Ceci pose le problème de l'adéquation de la gouvernance et de l'identification des projets, afin d'éviter les effets d'aubaine.

M. Jean-Louis Beffa a suggéré que l'AII soutienne également des entreprises de taille modeste, sur des projets de plus petite dimension.

M. Pierre Laffitte a indiqué qu'il avait été nommé président d'un conseil consultatif chargé de proposer un mémorandum en faveur de l'innovation en Europe, dont le rapport doit être remis fin 2007. Il a avancé un certain nombre de propositions : un financement massif de la recherche par un emprunt européen, la création d'une plate-forme permettant de faciliter les partenariats entre laboratoires et petites et moyennes industries. Il a également déploré que la direction de la concurrence de la Commission européenne interfère dans les décisions en matière d'innovation, d'autant plus que tout retard en la matière entrave les chances de réussite d'un projet. Enfin, il a suggéré que l'AII développe sa politique de communication sur l'ensemble du territoire français, en particulier auprès des régions, et sur les critères de sélection des projets trop méconnus.

M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur les délais évoqués (de trois à dix ans) pour faire aboutir les PMII. Il a demandé si les projets étaient assez nombreux et si l'esprit d'initiative et l'ambition à l'égard du développement des nouvelles technologies étaient suffisants en France. Evoquant ensuite les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), il a rappelé que leur lancement avait mobilisé de nombreux acteurs sur le territoire, mais il a regretté l'intervention réductrice des représentants de l'Etat, au cours de la première phase. Il s'est interrogé sur la capacité des acteurs et des PRES à proposer à l'AII des projets susceptibles d'être retenus.

M. Ivan Renar a demandé si les délocalisations avaient des conséquences sur la recherche.

M. Jean-Marc Todeschini a souhaité des précisions sur la proportion des projets écartés par l'AII.

M. Jean-Louis Beffa a apporté les éléments de réponse suivants :

- la durée moyenne de mise sur le marché des produits visés est de 4 à 5 ans, car il reste à résoudre des problèmes technologiques au niveau de la recherche industrielle ;

- l'AII a engagé 729 millions d'euros, avec un étalement sur 4 à 5 ans, dont 435 millions de subventions et 294 millions d'avances remboursables ;

- un tour des régions sera organisé prochainement en vue de faire converger les diagnostics et d'accroitre la capacité à réunir les efforts ;

- il convient d'être optimiste pour ce qui concerne les discussions avec les grands groupes et de continuer le dialogue avec les PME. La difficulté ne tient pas au manque d'idées, mais à la difficulté à trouver des entreprises ayant l'ambition et la capacité de porter des projets d'une taille réaliste. Il convient d'identifier les entreprises qui, quelle que soit leur taille, ont réussi dans un domaine - ce qui assoit la crédibilité du support industriel concerné - et acceptent de prendre un risque pour porter un « projet du futur » ;

- en règle générale, une entreprise localise l'essentiel de sa recherche dans le pays où est son siège. Ainsi, l'entreprise Saint-Gobain, qui a des usines dans de nombreux pays étrangers, n'a procédé qu'à des délocalisations partielles, la recherche de procédés restant en France ;

- 10 à 15 % des projets instruits par l'AII n'ont pas été retenus. Ce refus a fait l'objet d'explications auprès des entreprises et il en a été rendu compte au conseil de surveillance ; en outre, l'AII joue une fonction de conseil, y compris auprès des entreprises écartées.

Contrat d'objectifs et de moyens 2007-2011 d'Arte-France - Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits du programme Médias, sur le contrat d'objectifs et de moyens 2007-2011 d'Arte-France, présentée par M. Jacques Valade, président.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que cette communication avait lieu conformément aux nouvelles dispositions de l'article 53 de la loi de 1986 offrant aux commissions des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat la possibilité de formuler un avis sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus entre l'Etat et les sociétés de l'audiovisuel public, avant leur signature définitive.

A titre liminaire, il a relevé qu'il existait un véritable consensus sur l'utilité de ces contrats. En définissant, dans une perspective de moyen terme, des orientations stratégiques, il a estimé que des contrats de qualité pouvaient en effet contribuer à dynamiser et moderniser les relations que les sociétés publiques de l'audiovisuel entretiennent avec l'Etat.

Après s'être félicité de l'association du Parlement au bon fonctionnement du service public par l'intermédiaire de la transmission de ces documents, il a rappelé que les observations et critiques formulées par la commission à l'encontre du COM de Radio France en octobre dernier avaient ainsi été prises en compte par la tutelle et entraîné la modification du contrat dans le sens souhaité.

Evoquant la tonalité des COM examinés, il a indiqué que si ceux-ci constituaient des documents « politiques » permettant de mettre en valeur les résultats obtenus par le passé, ils devaient toutefois éviter de verser dans l'autosatisfaction ou dans la critique des concurrents.

A cet égard, il a rappelé que les différentes chaînes publiques et privées réalisaient des choix éditoriaux spécifiques dictés par des contraintes particulières qui ne pouvaient systématiquement faire l'objet de comparaison pertinentes avec Arte, seule chaîne de télévision française intégralement financée par la redevance.

Se penchant plus spécifiquement sur le contrat d'objectifs et de moyens d'Arte, il a estimé que le premier chapitre était le plus intéressant pour la commission, puisqu'il abordait deux sujets-clés : le soutien à la création et l'audience de la chaîne.

S'agissant du soutien à la création, il s'est réjoui des objectifs affichés par la chaîne en matière d'oeuvres audiovisuelles, d'oeuvres cinématographiques et de documentaires.

Il a regretté que la contribution au développement du documentaire ne soit pas quantifiée, mais a néanmoins souligné la progression des engagements de production d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes pris par la chaîne. Ainsi entre 2006 et 2011, ces engagements progresseront de plus de 20 %, pour atteindre 67 millions d'euros par an, Arte se donnant ainsi les moyens de cofinancer de nouvelles oeuvres originales et de rivaliser, dans ce domaine, avec les autres chaînes du paysage audiovisuel.

Il a également noté qu'un effort particulier était envisagé en matière de financement de fiction française et en matière d'écriture et de développement afin de renouveler les thématiques de la fiction sérielle et de proposer des programmes alternatifs aux programmes anglo-saxons. Il a rappelé qu'il s'agissait là de l'une des principales faiblesses de la création française, les dépenses d'écriture ne représentant dans notre pays que 2 à 3 % de l'ensemble des dépenses de production, contre une proportion pouvant atteindre 10 % aux Etats-Unis.

En ce qui concerne l'audience, il a estimé que le contrat d'objectifs et de moyens ouvrait des pistes de réflexion intéressantes.

Il a souligné que l'audience demeurait la principale faiblesse d'Arte. Avec près de 210 millions d'euros de budget, la chaîne enregistre en effet une audience hebdomadaire cumulée inférieure à 10 millions de téléspectateurs, représentant 3,3 % de part d'audience sur le hertzien et 1,9 % de part d'audience sur la TNT.

Dans la mesure où la mission d'une chaîne de service public est de s'adresser à toutes les catégories de public, il s'est félicité de ce que la chaîne s'engage à élargir son public vers les jeunes actifs. Il a précisé que, pour ce faire, le contrat d'objectifs et de moyens prévoyait deux innovations notables : la mise en place d'une mécanique de grille rationalisée permettant de donner plus de lisibilité à cette dernière et de renforcer l'audience des premières parties de soirée et la possibilité offerte au téléspectateur de choisir entre la version originale et la version française lors de la diffusion de films sous-titrés.

Si, en matière de création et d'audience, ce contrat d'objectifs et de moyens recèle incontestablement des points positifs, il s'est toutefois interrogé sur la pertinence de certains choix. Compte tenu de la fiabilité relative des indicateurs d'opinion, il a notamment regretté le recours à des indicateurs qualitatifs pour mesurer la perception, par le public, du respect par les programmes de la chaîne de la diversité des points de vue et la perception, par ce même public, du reflet de la diversité des origines de la population en général.

Il a souhaité, par ailleurs, dans la mesure du possible, qu'en matière de financement d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes, Arte mette en oeuvre ses engagements plus vite que les projections contenues dans le contrat.

Il a indiqué que l'autre chapitre du contrat méritant un commentaire était consacré aux « possibilités offertes par le numérique pour le service public ».

Il a rappelé que, compte tenu de l'extinction du numérique, du lancement de la télévision mobile personnelle (TMP) et de l'arrivée de la haute définition, l'ensemble des chaînes du service public était appelé à relever sur la période du COM de nombreux défis technologiques, à enveloppe budgétaire quasi constante.

Dans ce domaine, il a précisé qu'Arte souhaitait se lancer dans une politique résolument volontariste. La chaîne propose ainsi :

- de créer près de 2.000 nouveaux sites de diffusion numérique afin de couvrir d'ici à 2011, plus de 95 % de la population métropolitaine en télévision numérique terrestre, (TNT), conformément à la loi sur la modernisation audiovisuelle ;

- de diffuser simultanément Arte et Arte en haute définition sur le câble, le satellite et l'asymetric digital subscriber line (ADSL) dès 2007 ;

- de proposer Arte en haute définition sur la TNT dès le lancement des appels à candidatures prévus à cet effet ;

- de développer des contenus adaptés à la télévision sur les terminaux mobiles afin de diffuser Arte sur la TMP ;

- d'accroître ses efforts en matière de video on demand (VOD) afin de proposer au public une diffusion délinéarisée des programmes de la chaîne.

En première analyse, il a affirmé que l'on pouvait difficilement condamner cette volonté de diffuser les programmes d'Arte sur tous les supports. Ce programme ambitieux tranche en effet avec la frilosité caractérisant généralement les entreprises du service public en matière de nouvelles technologies.

Il a toutefois souhaité faire un certain nombre de remarques sur cette stratégie audacieuse.

D'une part, il s'est demandé s'il appartenait au service public d'être précurseur en matière de nouvelles technologies, compte tenu des surcoûts et des incertitudes qui caractérisent celles-ci lors de leur apparition sur le marché.

A cet égard, si l'argument selon lequel les programmes d'Arte (opéras, films, documentaires) sont particulièrement adaptés à la haute définition est tout a fait recevable pour justifier une stratégie offensive en ce domaine, celui consistant à affirmer que « la diffusion des programmes d'Arte en HD est importante pour favoriser l'introduction de cette nouvelle technologie » parait beaucoup moins convaincant.

Il a estimé, en effet, que l'introduction de technologies telles que la HD et la TMP en France se ferait avec succès sans la diffusion des programmes d'Arte dans la mesure où, selon les résultats des premières expériences en ce domaine, les téléspectateurs souhaitent avant tout retrouver sur ces supports les chaînes les plus populaires.

Dans le même ordre d'idée, il s'est interrogé sur l'opportunité de diffuser dès 2007 Arte et Arte en haute définition sur le câble, le satellite et l'ADSL. Il a estimé que le surcoût engendré par ce « simulcast » comparé à l'audience limitée de la chaîne sur ces supports (0,7 % de part de marché sur le câble et le satellite) devait faire l'objet d'une véritable réflexion.

D'autre part, il a insisté sur la nécessité de rester attentif aux modalités de financement d'une telle stratégie pour une chaîne quasi intégralement financée par la redevance.

Certes, l'arrêt total de la diffusion de la chaîne en analogique devrait permettre à terme un gain de 17 millions d'euros par an. Mais, avant cette date, la double diffusion analogique et numérique hertzienne, la diffusion de la chaîne en TMP et la diffusion de la chaîne en HD sur le câble, le satellite et l'ADSL pèseront fortement sur l'équilibre financier d'Arte, marqué par une progression modérée de la redevance et des recettes commerciales, qui passeront, entre 2006 et 2011, de 1 à 1,46 million d'euros.

La commission devra donc se montrer particulièrement attentive à ce problème, cette stratégie de diffusion « tous azimuts » ne devant pas se faire, faute de moyens budgétaires, aux dépens de la programmation de la chaîne.

Au terme de cette analyse, il a proposé de donner un avis favorable à la signature du COM d'Arte.

Un bref débat s'est ensuite engagé.

M. Ivan Renar s'est félicité des engagements pris par Arte en matière de financement de documentaires, d'oeuvres audiovisuelles et d'oeuvres cinématographiques.

Il a rappelé que la spécificité d'Arte, à savoir son statut de véritable chaîne culturelle, faisait sa force et sa faiblesse en termes d'audience. Il s'est par conséquent félicité de ce que celle-ci entreprenne de véritables efforts pour attirer un plus large public.

Il a enfin souhaité que la chaîne s'éloigne du modèle franco-allemand, qui la caractérise, pour développer son caractère européen et international.