Mercredi 19 septembre 2007

- Présidence de M. Jacques Blanc, vice-président, et de M. Jean François-Poncet, vice-président.

Démission d'un sénateur

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, M. Jacques Blanc, président, a tout d'abord fait part à la commission de la démission de Mme Hélène Luc, sénatrice du Val-de-Marne. Au nom du président de la commission, il a tenu à rendre hommage à la longue carrière sénatoriale de Mme Hélène Luc, élue de la Haute assemblée depuis septembre 1977. Il a souligné l'implication constante de Mme Hélène Luc dans les travaux de la commission dont elle était vice-présidente et sa participation aux activités de très nombreux organismes, dont l'assemblée parlementaire de l'OTAN, l'assemblée parlementaire de la francophonie et la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel. Il a transmis, au nom de la commission, un message de sympathie et d'amitié à Mme Hélène Luc.

Programme de travail

M. Jacques Blanc a ensuite informé la commission qu'un contact avait été pris, le mardi 18 septembre, avec le cabinet du ministre des affaires étrangères et des affaires européennes, M. Bernard Kouchner, actuellement en déplacement en Russie, afin de prévoir une audition, le plus rapidement possible, sur la politique étrangère de la France et, en particulier, l'évolution des relations avec l'Iran. Le cabinet a informé la commission que cette audition ne pourrait avoir lieu avant le 2 octobre, compte tenu du déplacement du ministre à Washington, puis à l'Assemblée générale de l'ONU. La commission sera prochainement informée de la date fixée pour cette rencontre.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite procédé à la nomination de M. Hubert Haenel comme rapporteur sur les projets de loi :

. n° 64 (AN - XIIIe législature) autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens ;

. n° 151 (AN - XIIIe législature) autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

S'agissant du projet de loi n° 436 (2006-2007) autorisant l'approbation d'accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi, M. Jacques Blanc, président, a indiqué que ce projet n'avait été adopté par le conseil des ministres que le 12 septembre dernier et que la conférence des présidents qui s'était réunie le même jour en avait décidé l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du 25 septembre. Compte tenu de ce délai il a proposé de manière exceptionnelle de procéder simultanément à la nomination du rapporteur et à la présentation par celui-ci de son rapport.

M. André Rouvière a regretté les conditions de travail qui étaient ainsi fixées à la commission et a souhaité que ce cas demeure tout à fait exceptionnel.

A la suite de ces remarques, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, a été nommée rapporteur sur ce projet de loi.

Traités et conventions - Tunnel routier de Tende - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Peyrat sur le projet de loi n° 442 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a précisé que le tunnel routier de Tende était situé sur l'axe le plus direct permettant de relier Turin et la côte méditerranéenne, à hauteur de Vintimille. Il a rappelé que lors de sa construction et de sa mise en service, en 1882, ce tunnel était entièrement situé en territoire italien, les communes de Tende et La Brigue n'ayant pas été rattachées à la France avec le Comté de Nice en 1860, en dépit du voeu alors exprimé par les populations. C'est en 1947, deux ans après avoir été libérées par les troupes françaises et après un referendum, que Tende et la Brigue furent rattachées à la France, le tunnel routier prenant alors un caractère international.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a indiqué que le tunnel de Tende conservait toujours son gabarit d'origine, très étroit et incompatible avec le croisement des poids-lourds. Ce tunnel assure une fonction importante, puisque le trafic journalier moyen s'y élève à 3 700 véhicules et double en période estivale. Compte tenu de conditions de sécurité très insuffisantes, les transports de marchandises dangereuses sont interdits. Une circulation alternée a été imposée de nuit pour tous les véhicules et à l'intérieur de la journée, durant certains créneaux horaires, pour les poids-lourds et les cars.

Les premières discussions franco-italiennes sur le réaménagement du tunnel de Tende ont commencé en 1993, mais c'est en 2005 seulement que les deux Etats ont arrêté le projet définitif. Celui-ci prévoit le percement d'un tunnel neuf, parallèle au tunnel actuel qui sera élargi et mis aux normes de sécurité. Le futur tunnel sera donc formé de deux tubes parallèles qui seront chacun affectés à un sens de circulation.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a ensuite présenté l'accord intergouvernemental du 12 mars 2007 qui fixe les conditions de financement et de gestion du futur tunnel.

Le coût de l'opération est évalué à 141,2 millions d'euros hors taxes en valeur 2002. Il sera supporté à 58,35 % par l'Italie et à 41,65 % par la France, cette clef de répartition tenant compte de la part du trafic présentant un caractère strictement national pour l'Italie. La part française sera répartie en trois tiers égaux entre l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le département des Alpes-Maritimes.

L'accord confie la maîtrise d'ouvrage à l'Etat italien et met en place une gestion unifiée du tunnel, qui sera confiée à la société d'Etat italienne en charge des autoroutes et routes nationales. Elle sera responsable de l'exploitation, de l'entretien et de la sécurité du tunnel. La commission intergouvernementale franco-italienne des Alpes du sud est désignée comme l'autorité administrative unique chargée du contrôle. Elle aura autorité pour superviser toutes les mesures prises par le gestionnaire en matière d'exploitation.

L'accord stipule qu'un plan de secours élaboré conjointement par les préfets français et italien fixera les conditions d'intervention des secours et organisera des exercices conjoints annuels. En matière de police de la circulation dans le tunnel, l'accord autorise les agents de l'un des Etats à franchir la frontière à l'intérieur du tunnel pour constater les infractions éventuelles et verbaliser.

En conclusion, M. Jacques Peyrat, rapporteur, s'est réjoui de ce que la procédure d'approbation de l'accord du 12 mars 2007 ait été rapidement engagée par le gouvernement, dans la mesure où la réalisation d'un ouvrage satisfaisant aux exigences minimales de sécurité était attendue depuis de nombreuses années par les usagers de cet axe routier et les populations concernées. Il a demandé à la commission d'adopter le projet de loi.

Mme Catherine Tasca s'est félicitée de la conclusion de cet accord qui, grâce à la modernisation du tunnel de Tende, renforcera les relations entre la France et l'Italie.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Coopération administrative avec Monaco - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 327 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention destinée à adapter et à approfondir la coopération administrative entre la République française et la Principauté de Monaco.

M. Jacques Blanc, rapporteur, qui, par ailleurs, préside le groupe interparlementaire d'amitié France-Monaco du Sénat, a tout d'abord rappelé que cette convention s'inscrivait dans le cadre de la modernisation des relations franco-monégasques engagée par le traité du 24 octobre 2002, entré en vigueur le 1er décembre 2005, destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre les deux pays. Ce texte a fait passer les relations franco-monégasques d'une « amitié protectrice », selon les termes du précédent traité de 1918, à une « communauté de destin ».

Le rapporteur a souligné que l'esprit et le contenu du traité de 1918 ne correspondaient plus aux réalités actuelles et n'étaient plus compatibles avec les prérogatives d'un Etat souverain, qui dispose d'une Constitution (depuis 1962), qui est membre de l'ONU (depuis 1993), du Conseil de l'Europe (depuis 2004) et de nombreuses autres organisations internationales (mais pas de l'Union européenne).

En outre, M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que son poids économique (le PIB de Monaco était de 3,5 milliards d'euros en 2005) et son rôle pionnier (notamment en matière de protection de l'environnement et du milieu marin) lui permettent d'occuper une place au niveau international, et, en particulier, dans le cadre des relations euro-méditerranéennes, sans rapport avec sa dimension (32 000 habitants sur une superficie d'environ 2 km2).

Avec le nouveau traité de 2002 sont confirmées les relations d'amitié franco-monégasques, dont la spécificité est due à la situation géographique de la principauté ainsi qu'à notre histoire commune, a souligné M. Jacques Blanc.

Le nouveau traité réaffirme la souveraineté et l'indépendance de la Principauté de Monaco, tout en poursuivant la politique d'étroite concertation suivie par les deux Etats, notamment dans le domaine des relations internationales. Il prévoit ainsi que les actions de la principauté, conduites dans l'exercice de sa souveraineté, s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense.

Le traité du 24 octobre 2002 met aussi fin à la nécessité d'un agrément français dans le cas d'une modification de l'ordre successoral. Cette clause, a indiqué M. Jacques Blanc, rapporteur, s'expliquait par le contexte particulier de l'époque et la crainte des autorités françaises qu'en cas de décès de l'héritier du trône, le trône de la Principauté de Monaco ne revienne à un duc allemand. Elle n'a pas trouvé à s'appliquer, puisque le Prince Albert II a accédé au trône le 6 avril 2005 à la mort de son père, le Prince Rainier III, après plus de 50 ans de règne.

Enfin, le traité de 2002 a institué une commission de coopération franco-monégasque, qui sert de cadre aux consultations régulières entre les deux pays sur les questions d'intérêt commun. Lors de sa première réunion, cette commission a créé une « commission chargée des questions locales de coopération transfrontalière », qui s'est réunie à plusieurs reprises, associant les représentants des deux Etats et des collectivités territoriales intéressées. La Principauté de Monaco forme, en effet, avec les communes environnantes une agglomération de 103.000 habitants et joue vis-à-vis de celles-ci le rôle d'un pôle d'activité. Ainsi, sur 40.000 salariés du secteur privé que comptait Monaco en 2006, 27.000 étaient français et 30.000 résidaient en France. Les migrations quotidiennes sont donc importantes et justifient la mise en oeuvre d'un plan de déplacements urbains associant la principauté et les communes. La principauté est ainsi associée aux réflexions menées sur le projet de ligne à grande vitesse PACA, dont elle prend part au cofinancement des études.

Le centre hospitalier Princesse Grace met à la disposition des communes environnantes un ensemble complet de services hospitaliers.

Sur le plan fiscal, les ressortissants français domiciliés à Monaco (c'est le cas de 8.000 de nos compatriotes, installés à Monaco parfois depuis plusieurs générations) paient l'impôt sur le revenu et l'ISF comme s'ils étaient domiciliés en France, sauf pour une partie d'entre eux établie à Monaco avant 1957 et qui va en diminuant (environ 200 personnes).

Enfin les établissements scolaires monégasques accueillent en priorité les enfants domiciliés à Monaco, puis les élèves dont les parents occupent un emploi en principauté sans y habiter. Près de trois fois plus d'enfants français que d'enfants monégasques sont scolarisés à Monaco.

Le traité du 24 octobre 2002 est d'ailleurs complété par une série d'accords sectoriels, qui portent sur des sujets variés, comme l'entraide judiciaire en matière pénale, les relations économiques et financières ou encore le domaine social, a rappelé M. Jacques Blanc, rapporteur.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a ensuite abordé le contenu de la convention sur la coopération administrative avec Monaco. Celle-ci devrait se substituer à une précédente convention du 28 juillet 1930 relative à l'accession des sujets monégasques à certains emplois publics en France et au recrutement de certains fonctionnaires de la principauté, qui ne paraissait plus compatible avec les prérogatives d'un Etat souverain.

En particulier, les Monégasques souhaitaient que le principe du libre accès des ressortissants monégasques aux emplois publics de leur pays soit admis, tout en continuant de faire appel, en priorité sur toute autre nationalité, à des ressortissants français, pour un ensemble d'emplois et de fonctions auxquels l'étroitesse de la population monégasque ne permet pas de répondre.

Les autorités françaises rejoignaient cette préoccupation, conforme aux conventions internationales, en particulier à celle du Conseil de l'Europe, qui prévoient le droit des citoyens d'un Etat à accéder à tous les emplois publics de cet Etat.

La négociation a porté sur la manière dont serait conciliée cette préoccupation partagée et la nécessité de s'assurer que les titulaires de certaines fonctions ou emplois dits « sensibles », parce que mettant en cause les intérêts fondamentaux, jouissent de la confiance respective des deux Etats.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué qu'en ce qui concerne l'accès aux emplois publics à Monaco, le principe sera que, désormais, ces emplois reviendront aux ressortissants monégasques, alors qu'auparavant tous les emplois pouvaient être occupés par des Français et devaient même l'être pour certains emplois élevés et sensibles.

Ceux-ci pourront désormais être occupés par des ressortissants monégasques ou français, à condition qu'ils jouissent de la confiance respective des deux parties, ce qui préserve les intérêts français autant que la souveraineté monégasque.

L'accord prévoit donc, toujours dans le même esprit et également pour manifester la communauté de destin qui les lie, que les deux parties se consulteront à propos des titulaires d'emplois qui touchent à leurs intérêts fondamentaux.

Cela concerne notamment la désignation du Ministre d'Etat (l'équivalent du Premier ministre), du conseiller du Gouvernement pour l'intérieur, du directeur des Services judiciaires, du directeur de la Sûreté publique et du directeur des Services fiscaux de la principauté.

Ces consultations permettront de s'assurer que les personnalités concernées, qui seront choisies et nommées par le Prince de Monaco parmi des ressortissants monégasques ou français, jouissent de la confiance respective des deux parties.

De plus, les ressortissants français auront la priorité sur les ressortissants d'autres pays tiers, par voie de détachement ou sur contrat, pour les emplois publics non pourvus par des ressortissants monégasques.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que 267 fonctionnaires français étaient actuellement détachés dans la Principauté, dont 225 pour l'éducation nationale, 14 pour la magistrature, 10 pour le maintien de l'ordre, 8 pour les services hospitaliers et 8 pour les services fiscaux.

Le ministre d'Etat est français et deux conseillers de Gouvernement sur cinq le sont également (le conseiller du Gouvernement pour l'intérieur et le conseiller du Gouvernement pour l'équipement, l'environnement et l'urbanisme).

M. Jacques Blanc, rapporteur, a précisé ensuite que les Monégasques souhaitaient pouvoir accéder, de manière plus effective, à la fonction publique française.

En effet, les mécanismes de la convention de 1930 et de ses textes d'application se sont révélés relativement dissuasifs, puisqu'ils ne proposaient que des emplois ne relevant pas, a priori, du domaine régalien et seulement pour certaines professions (professeurs des universités, chirurgiens).

Il a donc été établi, à l'instar de ce qui prévaut pour les ressortissants andorrans, que l'accès des Monégasques à la fonction publique française s'opèrerait « dans les mêmes conditions que pour les ressortissants des pays membres de l'Union européenne ».

Dans la pratique, si l'on se réfère à la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, les ressortissants monégasques, comme les ressortissants des autres Etats membres, n'auront pas accès aux « emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques ».

Cela signifie, par exemple, que les citoyens monégasques ne pourront pas accéder à certaines fonctions, comme celle d'ambassadeur ou de préfet.

Cet accord inscrit donc dans le droit une pratique antérieure et une certaine asymétrie dans l'accès aux emplois publics respectifs.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué en conclusion que cet accord permet d'adapter et de moderniser les relations franco-monégasques en matière d'accès aux emplois publics, tout en assurant la sauvegarde des intérêts français.

Il participe donc à la refonte de nos relations politiques, administratives, juridiques et financières avec la principauté, engagée avec le traité de 2002.

M. Charles Pasqua a rappelé que plusieurs souverains de Monaco avaient servi dans les rangs de l'armée française, dont Louis II durant la Première guerre mondiale et le Prince Rainier lors de la deuxième guerre mondiale. Il a estimé que l'évolution des relations franco-monégasques était inéluctable compte tenu du caractère déséquilibré du précédent traité du 17 juillet 1918, qui ne correspondait plus aux réalités actuelles.

Il a toutefois souhaité obtenir des précisions sur la future désignation des hauts responsables de la principauté, notamment en ce qui concerne le ministre d'Etat et le conseiller du Gouvernement pour l'intérieur.

M. André Rouvière a fait part de sa préoccupation au sujet de cet accord qui ne lui paraît pas suffisamment équilibré. Il s'est interrogé sur le fait de savoir si la France ne renonçait pas un peu vite à ses prérogatives et si cela n'était pas susceptible de soulever des difficultés à l'avenir.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que, dès le traité de 1861, la souveraineté de Monaco avait été affirmée et que cet accord lui semblait équilibré et respectueux des intérêts français.

Il a ainsi indiqué que, si les postes de ministre d'Etat ou de conseiller du gouvernement pour l'intérieur pourraient désormais être occupés par des citoyens monégasques, alors qu'actuellement, ils ne peuvent l'être que par des ressortissants français, la France pourra toujours refuser un candidat qui ne lui conviendrait pas.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est également déclarée préoccupée, en sa qualité de sénateur représentant les Français de l'étranger, par la situation des résidents français à Monaco, dont le nombre a diminué ces dernières années, notamment en raison des difficultés liées au logement et au prix de l'immobilier. L'effectif des Français établis à Monaco, qui était de 12.000 en 1984, est revenu à 8.000 en 2004.

Elle a estimé que la réduction de l'influence française à Monaco, dont cette convention offrait l'illustration, était aussi la conséquence de la démographie et de la politique de la principauté, notamment en matière de fiscalité et de logement social. Elle a notamment cité le cas des retraités français ou des travailleurs français aux conditions modestes qui ont exercé ou qui exercent leur activité professionnelle dans la principauté, mais qui sont dans l'impossibilité de trouver un logement à un prix abordable sur le rocher.

M. Charles Pasqua a considéré que la convention fiscale de 1963, conclue après la crise de 1962, qui s'est traduite par l'assujettissement des Français établis à Monaco à l'ISF avait été une erreur dans la mesure où elle aboutissait à créer une inégalité de fait entre les Français résidant à Monaco et les ressortissants monégasques.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que cet accord traitait uniquement de la coopération administrative et que la question des relations dans le domaine social nécessitait une réflexion particulière.

Suivant l'avis du rapporteur, M. Robert Bret, M. André Rouvière, Mme Monique Cerisier-ben Guiga et Mme Catherine Tasca s'abstenant, la commission a adopté le projet de loi, en demandant qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique.

Traités et conventions - Répression du terrorisme - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 178 (2006-2007) autorisant la ratification du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme.

M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé qu'une première convention européenne pour la répression du terrorisme avait été élaborée dès 1977 sous l'égide du Conseil de l'Europe. Ce texte, entré en vigueur en 1978, a été ratifié par les 47 membres du Conseil.

Le rapporteur a ensuite précisé que cette convention visait à faciliter l'extradition des auteurs d'actes de terrorisme, et définissait, dans ce but, les infractions que les Etats s'engageaient à ne pas considérer comme une infraction politique, ou comme une infraction inspirée par des mobiles politiques. Tous les faits constituant des actes d'une gravité particulière, tels que le détournement d'avions, l'enlèvement, la prise d'otages ou l'utilisation de bombes, grenades, fusées et armes à feu, lettres ou colis piégés présentant un danger pour des personnes échappent ainsi à la « couverture » politique. La convention permettait également aux Etats de ne pas considérer comme une infraction politique tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes.

Cependant, a insisté M. André Rouvière, rapporteur, ce texte prévoit qu'aucune de ses stipulations ne devrait être interprétée comme obligeant un Etat à extrader une personne qui risquerait de ce fait d'être poursuivie ou punie pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques.

Le but de cette convention était donc d'empêcher que les auteurs d'actes de terrorisme ne se présentent, et se fassent reconnaître, comme des combattants politiques, non susceptibles d'extradition.

Puis M. André Rouvière, rapporteur, a indiqué qu'après le choc du 11 septembre 2001, le Conseil de l'Europe avait sollicité le Groupe multidisciplinaire sur l'action internationale contre le terrorisme (GMT), créé en son sein, pour étudier les possibilités de renforcer l'efficacité de la convention de 1977. Il a précisé que le GMT était composé d'au moins un expert des principaux Etats membres du Conseil de l'Europe.

Le GMT a constaté que, contrairement à de nombreuses autres conventions de lutte contre le terrorisme, notamment celles élaborées sous l'égide de l'ONU, la convention de 1977 ne contraignait pas les Etats à criminaliser les infractions définies dans son texte, mais précise qu'aucune de ces infractions ne sera considérée comme une infraction politique pour les besoins de l'extradition. Pour des raisons d'efficacité, le GMT s'est accordé sur la nécessité de ne pas modifier la nature du texte, mais de l'actualiser par un protocole d'amendement, qui entrera en vigueur simultanément pour tous les Etats parties à la convention lorsqu'elle aura été ratifiée par eux, ce qui élimine le problème posé par la création de différents régimes de traités pour les différents Etats.

Puis M. André Rouvière, rapporteur, a décrit le présent protocole, dont les principales caractéristiques sont l'allongement de la liste des infractions à «dépolitiser», pour englober toutes les infractions décrites dans les conventions et protocoles pertinents de l'ONU concernant la lutte contre le terrorisme, et l'actualisation des clauses relatives aux infractions annexes pour prendre également en compte les initiatives récentes prises par les Nations unies.

Une procédure d'amendement simplifiée a également été instaurée par le protocole, permettant d'ajouter à l'avenir de nouvelles infractions à la liste de celles déjà visées, et une procédure générale d'amendement a été instituée, pour en faciliter les futures révisions.

La convention de 1977 ne régissant pas directement les questions générales d'extradition, mais uniquement les infractions politiques dont l'extradition des auteurs peut être refusée, la clause traditionnelle de non-discrimination, corollaire nécessaire de la dépolitisation, a été étendue afin d'y intégrer un ajout autorisant le refus d'extrader une personne vers un pays où elle risque d'être condamnée à mort, d'être soumise à la torture ou d'être condamnée à une peine privative de liberté à perpétuité, sans possibilité de remise de peine.

Le régime des réserves dont tout Etat peut assortir sa signature a également été modifié : la possibilité d'émettre une réserve concernant les infractions politiques est maintenue, mais limitée aux actuels Etats signataires. De plus, lorsqu'un Etat fait une telle réserve, il doit indiquer les infractions auxquelles elle s'applique ; ces réserves sont valables trois ans, période au terme de laquelle elles pourront être reconduites pour une période de même durée. Cette reconduction nécessite toutefois une notification explicite de l'Etat intéressé ; l'obligation « d'extrader ou de poursuivre » a été renforcée pour que, chaque fois qu'un Etat refuse l'extradition sur la base d'une réserve, il soit tenu de soumettre le cas aux autorités nationales compétentes en matière de poursuites, et d'informer le Conseil de l'Europe de l'issue de la procédure. Enfin, l'Etat dont la demande d'extradition a été refusée peut saisir un comité de suivi, et, en dernier ressort, le Comité des ministres, qui peut faire une déclaration sur la question de savoir si le refus d'extrader est conforme à la convention. L'instauration d'un tel mécanisme de suivi, chargé d'appliquer la nouvelle procédure relative aux réserves complètera la mission remplie par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), touchant les conventions européennes relatives au droit pénal.

M. André Rouvière, rapporteur, a conclu que l'ensemble de ces modifications était de nature à améliorer la coordination entre pays européens en matière de lutte contre le terrorisme, et a donc proposé d'adopter ce protocole, comme l'ont déjà fait 25 Etats membres du Conseil de l'Europe. Ce texte entrera en vigueur avec sa ratification par les 47 Etats qui sont déjà parties à la convention de 1977.

M. Robert Bret a estimé que, si la lutte contre le terrorisme constituait une réelle priorité, elle n'en devait pas moins respecter les libertés fondamentales. A cet égard, l'allongement de la liste des infractions « dépolitisées » effectuée par le présent Protocole posait un problème en matière de libertés publiques qui conduirait son groupe à s'abstenir.

En réponse, M. André Rouvière, rapporteur, a estimé que le mérite de ce texte était de permettre la mise en cause, non seulement des exécutants, mais également des instigateurs des actes terroristes. Seule, une action concertée des pays membres du Conseil de l'Europe était de nature à restreindre le nombre des territoires constituant des sanctuaires pour les terroristes.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Musée universel d'Abou Dabi - Examen du rapport

Enfin, la commission a examiné le rapport de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le projet de loi n° 436 (2006-2007) autorisant l'approbation d'accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats Arabes Unis relatifs au Musée universel d'Abou Dabi.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a rappelé que la France et les Emirats Arabes Unis avaient signé trois accords le 6 mars 2007 relatifs à la réalisation d'un nouveau musée à Abou Dabi, qui devrait porter le nom de « Louvre Abou Dabi ». Elle a indiqué qu'avant même leur signature, ces accords avaient suscité une polémique et des critiques, reprises dans plusieurs journaux, notamment de la part de certains conservateurs de musée.

Trois principaux reproches ont été formulés à l'encontre de ce projet. Tout d'abord, le choix d'Abou Dabi pour accueillir le futur musée a fait l'objet de critiques. Certains ont estimé que ce choix résultait plus de considérations politiques et diplomatiques que culturelles. Ensuite, d'autres personnalités se sont inquiétées du nombre d'oeuvres d'art qui feront l'objet de prêts au musée d'Abou Dabi, privant ainsi le public français et les touristes étrangers présents dans la capitale de ces oeuvres pour une plus ou moins longue période. Enfin, certains conservateurs ont dénoncé la remise en cause du principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art entre les musées au profit d'une logique commerciale.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a donc souhaité examiner successivement ces trois arguments.

En premier lieu, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a évoqué le choix du site d'Abou Dabi pour accueillir le futur musée. Elle a rappelé que les Emirats arabes unis étaient une fédération de sept émirats qui forment un Etat prospère et stable (5e réserve de pétrole et de gaz, PIB par habitant de 26.000 euros parmi les plus élevés du monde). L'émirat d'Abou Dabi, qui détient 94 % des réserves pétrolières et représente 73 % du territoire, est la clef de voûte tant politique qu'économique de la fédération. Traditionnellement, l'émir d'Abou Dabi préside d'ailleurs la fédération. Les Emirats Arabes Unis entretiennent depuis longtemps des relations privilégiées avec la France, dans les domaines politique, militaire, économique et commercial. C'est le seul pays de la région avec lequel la France a conclu un accord de défense. En outre, c'est le premier partenaire commercial de la France dans la région avec plusieurs grands contrats dans les domaines de l'aéronautique, des biens d'équipement et du matériel militaire.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que les Emirats Arabes Unis s'étaient engagés à la fin des années 1980 dans un processus de diversification de leur économie, afin d'anticiper sur l'épuisement des ressources pétrolières et gazières. Mais alors que Dubai se caractérise par son dynamisme économique et commercial, notamment autour de son aéroport international et de son port, Abou Dabi souhaite se concentrer davantage sur l'aspect culturel et le tourisme.

Abou Dabi a, en effet, pour ambition de devenir le coeur de la région du Golfe pour l'enseignement supérieur et la culture et le lieu de rencontre et d'échanges entre les civilisations, au carrefour des continents, a précisé Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour ce faire, l'Emirat d'Abou Dabi a lancé sur l'île de Saadiyat, située en face de la capitale émirienne, un projet de district culturel d'envergure mondiale, qui comprendrait plusieurs musées, dont un musée des arts islamiques, un musée maritime et un musée d'art moderne construit en partenariat avec la Fondation Guggenheim.

Après s'être tourné une première fois vers l'expertise française en matière d'enseignement supérieur, avec l'installation, à l'automne 2006, d'une antenne de la Sorbonne, Abou Dabi a demandé l'aide de la France et du musée du Louvre pour l'aider à réaliser et à développer un autre musée, qui serait davantage axé sur la période classique, dans sa capitale.

Toutefois, les négociateurs français sont parvenus à faire évoluer cette demande vers un concept de « musée universel », c'est-à-dire un musée dont les collections présenteront, à terme, des oeuvres majeures dans les domaines de l'archéologie, des beaux-arts et des arts décoratifs, couvrant toutes les périodes, y compris la période contemporaine, et toutes les aires géographiques.

Le musée du Louvre ne pouvant porter à lui seul ce projet, étant donné que le futur musée devrait couvrir des périodes postérieures à celles couvertes dans les collections du Louvre (comme la période contemporaine) ou des civilisations qui n'y sont pas représentées (comme l'art asiatique), il a été décidé d'y associer d'autres institutions, notamment le musée d'Orsay, le musée national d'art moderne (centre Georges Pompidou), le musée du quai Branly ou le musée Guimet. Une structure particulière, l'« Agence France Museums », qui réunit l'Etat et les principaux musées français, a été créée en juillet 2007 pour mettre en oeuvre ce projet. Cette agence devrait notamment apporter une expertise à Abou Dabi afin que la conception et la réalisation du bâtiment soient conformes aux standards de conservation, de présentation des oeuvres et d'accueil du public des grands musées internationaux.

Les experts français devraient notamment apporter des conseils pour la mise en place de la future structure de gestion du musée, participer à la formation des cadres et accompagner pendant une durée de vingt ans le fonctionnement du musée jusqu'à ce qu'il acquière une totale autonomie. Les conservateurs et historiens d'art français, qui seront chargés d'élaborer le projet scientifique et culturel du musée, proposeront également une stratégie en matière d'acquisition d'oeuvres d'art sans toutefois y participer directement pour éviter tout conflit d'intérêt. Sur le plan architectural, la conception du futur musée, qui devrait ouvrir ses portes en 2013, a été confiée à l'architecte français Jean Nouvel, qui a réalisé le musée du Quai Branly.

En deuxième lieu, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a évoqué les garanties prévues concernant le prêt des oeuvres d'art et l'utilisation du nom du Louvre. En ce qui concerne les conditions en matière de prêt des oeuvres d'art, l'accord prévoit que l'Etat français prêtera au musée universel d'Abou Dabi des oeuvres issues des collections françaises pendant une durée de 10 ans. Pendant cette période, les Emirats arabes unis pouront acquérir des oeuvres afin de constituer leur propre collection nationale. Au-delà de ces dix ans, seules les oeuvres des collections émiriennes seront exposées dans les galeries permanentes du musée. Par ailleurs, la France organisera pendant quinze ans quatre expositions temporaires par an (une grande, une moyenne et deux petites).

Le nombre d'objets prêtés par la partie française diminuera progressivement (300 oeuvres les trois premières années à compter de l'ouverture du musée, puis 250 les quatre années suivantes et 200 les quatre dernières années). Ainsi, l'engagement de la France ira donc en décroissant jusqu'à ce que le Louvre Abou Dabi acquière une totale autonomie.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé que 35.000 oeuvres, dont 6.000 tableaux, sont exposées au musée du Louvre sur les quelque 445.000 que compte le musée, et que, chaque année le musée du Louvre acquiert entre 200 et 300 oeuvres d'art. Plus de 1.400 oeuvres sont prêtées chaque année par le musée du Louvre à d'autres musées, en France et à l'étranger, ce qui permet au Louvre de recevoir environ 1.000 oeuvres provenant d'autres musées.

Le prêt de 300 oeuvres issues de plusieurs musées ne devrait donc pas dégarnir les galeries de nos musées, a estimé le rapporteur. Chaque prêt se fera exclusivement sur la base du volontariat, sous le contrôle d'une commission scientifique et fera l'objet d'une convention particulière en conformité avec les règles des musées nationaux en matière de prêt. Chaque oeuvre sera prêtée pour une durée comprise entre six mois et deux ans, éventuellement renouvelable, à l'exception d'objets particuliers, notamment les oeuvres sur papier et textiles qui seront prêtées, conformément aux standards internationaux, pour des durées plus courtes. En cas de risque pesant sur la sécurité des oeuvres, la France pourra procéder au rapatriement sans délai de toutes les oeuvres prêtées.

L'accord prévoit que « ces oeuvres seront d'une qualité comparable à celles des oeuvres présentées au Musée du Louvre et dans les grands musées français » et qu'une « proportion raisonnable des oeuvres présentées sera en permanence issue des collections du Louvre ».

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a indiqué qu'elle avait interrogé, lors d'une audition, le président directeur du Louvre, M. Henri Loyrette, sur ce qu'il fallait entendre par cette expression de « part raisonnable », et qu'il lui avait répondu qu'il était difficile de chiffrer précisément le nombre d'oeuvres qui seront issues des collections du Louvre étant donné que cela dépendrait des thèmes qui seront retenus pour les expositions. Ainsi, dans le cas d'une exposition portant sur les impressionnistes français, le musée du Louvre ne serait pas concerné, mais le musée d'Orsay.

En tout état de cause, la France gardera un contrôle strict en matière de prêt des oeuvres. Il sera impossible par exemple de prêter la Joconde ou la Vénus de Milo. En effet, une oeuvre liée à l'histoire de France et dont on ne peut priver le public et celles dont la fragilité interdit un déplacement ne pourront pas quitter le musée du Louvre.

Toutefois, il est aussi dans l'intérêt du musée du Louvre de présenter des chefs d'oeuvres, car il y va de son prestige et, comme le montre l'exemple des expositions du Louvre organisées au Japon, cela incitera les amateurs d'art à se rendre en France, a précisé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur. Enfin, des garanties sont prévues en matière d'insaisissabilité des oeuvres prêtées.

En ce qui concerne le nom du « Louvre », afin de souligner de façon visible l'ambition universelle de ce projet et le rôle de l'expertise française dans la conception du nouveau musée, celui-ci sera autorisé à porter le nom de « Louvre Abou Dabi » pendant trente ans et six mois. Les modalités et conditions de l'usage de cette dénomination font l'objet d'une convention d'application spécifique, signée le même jour que l'accord, pour protéger la qualité d'utilisation du nom et de la marque « Louvre ». Cette convention prévoit de strictes conditions en matière d'utilisation du nom et de la marque « Louvre », notamment en ce qui concerne les produits dérivés.

En dernier lieu, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a abordé la question des contreparties financières prévues dans l'accord. Les retombées financières de cet accord pour le Louvre et les autres musées français participants ne sont pas négligeables.

Le Musée du Louvre devrait être le principal bénéficiaire, puisque le Louvre va bénéficier, outre des 400 millions d'euros pour le droit d'usage de son nom, d'un mécénat de 25 millions d'euros pour son développement. A cela s'ajoutent : 190 millions d'euros sur dix ans pour les institutions participant aux prêts d'oeuvres dans les galeries permanentes ; 195 millions d'euros sur quinze ans pour les musées participant à l'organisation des expositions ; 165 millions d'euros sur vingt ans pour l'expertise de l'Agence France Museums. Au total, c'est donc un montant d'environ 1 milliard d'euros sur trente ans qui sera versé directement par les autorités émiraties aux musées français participant au projet.

A titre de comparaison, le budget du musée du Louvre était de 188 millions d'euros en 2006, dont 110 millions provenant de la subvention de l'Etat et 78 millions d'euros de ressources propres, provenant essentiellement des droits d'entrée (avec 8,3 millions de visiteurs en 2006, dont un tiers de Français et deux tiers d'étrangers, le musée du Louvre est le premier musée du monde) a remarqué le rapporteur.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur l'utilisation de cette véritable « manne financière », dont le musée du Louvre devrait être le premier bénéficiaire. Ce dernier étudie la possibilité de créer un centre commun des réserves, en banlieue parisienne, pour accueillir les réserves du Louvre et des autres musées de la capitale, comme celles du musée d'Orsay, menacées par la crue centennale de la Seine. Cela permettrait de mettre à l'abri une grand nombre d'oeuvres des réserves, aujourd'hui stockées en zone inondable ou dans des conditions souvent déplorables, de libérer le pavillon de Flore, où sont actuellement situés les ateliers de restauration, pour pouvoir y accueillir des oeuvres et le rendre ainsi au public et de constituer un grand centre consacré à la conservation, à la restauration et à la recherche. Cette contribution pourrait également permettre d'achever le projet Grand Louvre, qui a commencé avec l'édification de la pyramide en 1989 et qui se poursuit actuellement avec l'ouverture d'un nouveau département des arts de l'Islam prévue en 2010. En effet, certaines parties du palais, comme la cour carrée, n'ont pas encore été rénovées. Enfin, les sommes recueillies pourront permettre aux musées participants de financer de nouveaux projets d'investissement et d'enrichir les collections par la restauration ou l'acquisition de nouvelles oeuvres, etc.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a rappelé que l'ancien ministre de la culture et de la communication s'était engagé à ce que ces ressources nouvelles viennent « en surcroît et non en compensation de l'effort budgétaire de l'Etat qui maintiendra son effort », et elle a indiqué qu'elle souhaitait interroger la Ministre de la culture, lors du débat en séance publique au Sénat sur ce texte, afin qu'elle confirme cet engagement pris par le précédent gouvernement.

En effet, il ne faudrait pas que ce projet se traduise par une réduction de la dotation budgétaire de l'Etat, ce qui remettrait en cause la philosophie même du projet, a-t-elle estimé.

L'accord intergouvernemental est d'ailleurs assorti d'une convention fiscale qui prévoit l'absence d'imposition des sommes versées par les Emirats arabes unis.

Afin d'assurer la meilleure gestion de ces fonds, le musée du Louvre, qui a déjà bénéficié d'un premier versement de 150 millions d'euros en avril dernier, et le ministère de la culture étudient également la possibilité de créer un fonds de dotation, sur le modèle des « endowment funds » américains, en vue de faire fructifier ce capital et pérenniser ainsi ces ressources financières.

Cela permettrait également d'encourager le mécénat, à l'image des grandes universités américaines. De nombreux grands musées, comme le Metropolitan Museum of art de New York, le British Museum ou le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, ont développé ces dernières années des stratégies au niveau international, avec plus ou moins de succès. Qu'on le veuille où non, il existe aujourd'hui un véritable marché de l'art et la concurrence entre les grands musées est très forte, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur. Or, notre pays dispose de formidables atouts dans ce domaine, avec un patrimoine d'une richesse exceptionnelle et une expertise reconnue. Dès lors, s'est-elle interrogée, pourquoi ne pas permettre à nos grands musées nationaux, comme le musée du Louvre, qui est le plus grand musée du monde, de développer leur coopération au niveau international ?

Bien entendu, cela ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions et il existe des exemples de dérives commerciales, comme l'illustre le cas de la Fondation Guggenheim. Afin de prévenir tout risque de dérive, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité que le Parlement, au travers de ses commissions compétentes ou d'une mission ad hoc, soit régulièrement informé de la mise en oeuvre concrète de ce projet, de l'utilisation des fonds versés par le gouvernement d'Abou Dabi ainsi que de l'action de l'agence France Museums, dans ses aspects administratifs, ses choix scientifiques et sa gestion financière.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a estimé que cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique.

Elle a donc recommandé l'adoption du projet de loi.

Mme Catherine Tasca a tout d'abord regretté que les négociations menées entre, d'une part, l'ancien ministre de la culture et l'actuel président directeur du Louvre et, d'autre part, les autorités émiriennes concernant le projet du Louvre Abou Dabi aient été menées dans le plus grand secret et sans concertation avec les milieux scientifiques et les conservateurs. Elle a également regretté les conditions dans lesquelles le Sénat était appelé à se prononcer sur cet accord, compte tenu de son inscription tardive par le gouvernement à l'ordre du jour des prochains travaux du Sénat en séance publique. Elle a souhaité, à l'image du rapporteur, que la ministre de la culture soit présente lors du débat en séance publique de ce projet de loi.

Sur le fond, elle a considéré qu'au-delà du discours sur le rayonnement de la France dans cette région et sur le dialogue entre les cultures et les civilisations, ce projet marquait un véritable tournant dans la politique culturelle de l'Etat et la tradition des musées nationaux français.

Elle a rappelé que la location du patrimoine artistique était un phénomène réservé jusqu'à présent à certains musées américains, à statut privé, tels que la fondation Guggenheim, mais que cette pratique n'avait jamais eu cours jusqu'à présent en France et qu'elle était contraire à l'idée même de patrimoine national et aux principes républicains.

Or, elle a considéré que, avec le projet Louvre Abou Dabi, cette pratique jusque là réservée à certains musées américains, à statut privé, était érigée en politique publique, dès lors que cet accord était un accord conclu entre l'Etat français et un Etat étranger.

Elle a également fait valoir que les autres musées français avaient été mis devant le fait accompli et elle s'est interrogée sur le statut, l'encadrement scientifique et le rôle de l'agence internationale des musées de France. Quelle sera la place réservée aux autres musées nationaux au sein de cette agence ?

Elle a également souhaité avoir des éclaircissements sur les garanties prévues par cet accord et sur la politique d'exposition.

Mme Catherine Tasca a considéré que, en réalité, dans cette affaire, les considérations financières l'avaient emporté sur toute autre considération, compte tenu de l'importance des contreparties financières proposées par les Emirats arabes unis, dans un contexte où les subventions de l'Etat consacrées aux musées nationaux étaient largement insuffisantes.

Elle a considéré que cet accord représentait un tournant en France dans la politique de l'Etat à l'égard du patrimoine et des musées nationaux, en encourageant la commercialisation du patrimoine national, une « marchandisation » de la culture, avec notamment l'entorse au principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art.

M. Robert Bret a indiqué qu'il partageait pleinement les préoccupations de Mme Catherine Tasca. Il a indiqué que son groupe ne pourrait souscrire à ce projet.

En réponse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué qu'elle regrettait également l'absence de concertation et d'information préalable de la part du gouvernement et l'inscription tardive de ce projet de loi à l'ordre du jour des prochains travaux en séance publique du Sénat.

Elle a toufefois indiqué qu'elle ne partageait pas les craintes exprimées par ses collègues au sujet de ce projet et qu'elle récusait l'expression de « marchandisation de la culture ».

Elle a rappelé, en effet, que la pratique des contreparties en matière d'échange des oeuvres d'art n'était pas un phénomène nouveau, étant donné que si les grands musées, qui disposent de riches collections, fonctionnent habituellement par le jeu d'échanges mutuels et gratuits de prêts et d'emprunt d'oeuvres pour leurs expositions temporaires, c'était dans l'intérêt bien compris d'une réciprocité, mais que cela ne concernait toutefois pas les musées éloignés des circuits internationaux ou qui ont des collections relativement réduites. Ainsi, de nombreux musées japonais, américains, canadiens et australiens sollicitent des expositions pour lesquelles ils offrent des contreparties financières, le plus souvent sous la forme de financements versés à l'établissement prêteur par des mécènes, qui peuvent être des individus ou des sociétés, comme le montre l'exemple de la coopération entre le musée du Louvre et le High Museum d'Atlanta.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde, au carrefour des continents, où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique, a-t-elle estimé.

Le projet Louvre Abou Dabi est certes novateur et donc risqué, d'après Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Toutes les conditions de sa réussite doivent donc être rassemblées, ce qui nécessite notamment un contrôle parlementaire étroit et régulier. Elle propose qu'un contrôle sur une base annuelle soit effectué par les trois commissions des affaires étrangères, des affaires culturelles et des finances sur l'activité de France Museums, que des auditions communes soient organisées et un rapport annuel publié.

Après avoir rappelé que la commission des affaires culturelles avait procédé, en 2007, à de nombreuses auditions sur cette question afin d'éclairer la représentation nationale, M. Jacques Blanc, président, a considéré que cet ambitieux projet était de nature à participer au rayonnement de la France à l'étranger et que, pour sa part, il y était très favorable. Il a indiqué que le débat en séance publique sur cet accord devrait permettre au gouvernement de répondre aux inquiétudes de certains collègues.

La commission a alors adopté ce projet de loi, Mme Catherine Tasca et M. Robert Bret s'abstenant.

Traités et conventions - Commission internationale pour le service international des recherches - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Joseph Kergueris sur le projet de loi n° 434 (2006-2007) autorisant l'approbation du protocole sur la modification de l'accord instituant une Commission internationale pour le Service international de recherches.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a tout d'abord indiqué que les onze Etats membres de la Commission internationale pour le service international de recherches avaient adopté, le 26 juillet 2006, un protocole à l'accord de Bonn de 1955 qui instituait cette même commission.

Il a rappelé que le rôle de la Commission internationale était de définir la politique d'archivage et d'exploitation, par le Service international de recherches, des documents saisis par les troupes alliées lors de la chute de l'Allemagne nazie et relatifs aux personnes civiles de toutes nationalités détenues dans les camps de concentration, les camps de travail et autres lieux de détention. Ces archives comprenaient 47 millions de cartes individuelles concernant plus de 17 millions de personnes.

L'objectif originel de l'exploitation de ces documents très divers (fiches, registres...) était humanitaire : il s'agissait de renseigner les familles sur le sort de leurs proches et de leur permettre, le cas échéant, de les retrouver.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a précisé que le Service international de recherches était administré par le Comité international de la Croix rouge et financé en quasi-totalité par le ministère allemand de l'intérieur.

Il a noté que la mission originelle n'avait pas disparu. Le service international de recherches était toujours sollicité, notamment pour attester du décès des personnes ou pour fournir les pièces nécessaires à l'indemnisation des familles.

Il a souligné, cependant, qu'une demande s'exprimait de plus en plus fortement pour que ces archives puissent également être utilisées pour les besoins de la recherche historique compte tenu de leur intérêt indéniable dans ce domaine. Le rôle qu'elles pourraient jouer à l'appui de la réfutation de thèses négationnistes est fréquemment évoqué.

Il a indiqué que, depuis 2000, le principe de cette ouverture avait fait l'objet d'un accord entre les Etats membres de la Commission. En 2006, le protocole soumis au Sénat avait été adopté. Il posait le principe de l'ouverture aux chercheurs des archives du Service international de recherches et prévoyait sa mise en oeuvre selon deux modalités : l'accès aux archives pourra s'exercer sur le site même du Service international de Recherches situé à Bad-Arolsen en Allemagne dans le Land de Hesse ou au sein de chaque Etat membre de la Commission qui pourra recevoir, sur sa demande, une copie des archives communicables aux chercheurs et en organiser l'accès selon les modalités prévues par son droit interne. Les Etats devront notamment tenir compte du fait qu'il s'agit pour l'essentiel de données à caractère personnel, concernant par exemple les expériences médicales ou les mauvais traitements subis.

M. Joseph Kergueris, rapporteur, a souligné que, pour l'essentiel, c'est la faculté nouvelle donnée aux chercheurs de consulter ces documents sur le territoire français qui avait conduit le gouvernement à solliciter l'approbation du Protocole par le Parlement.

Il s'agissait aussi, pour les autorités françaises, de clarifier une situation juridique particulière et incertaine. L'accord de 1955 instituant la Commission internationale avait en effet été conclu pour une durée de cinq ans et avait été à ce titre prolongé, pour une nouvelle durée de cinq ans, en 1960. Une nouvelle prolongation de l'accord n'avait pu être réalisée en 1965 en raison d'un désaccord opposant les tenants d'un « élargissement à l'Est » de la Commission à certains Etats membres, suite à la demande d'adhésion de la Yougoslavie.

Le protocole de 2006, a noté le rapporteur, a donc été adopté pour modifier un accord qui n'est plus formellement en vigueur. L'approbation parlementaire, qui n'avait pas été sollicitée en 1955, ni en 1960, permettra de réaffirmer la volonté française, jusqu'alors tacitement exprimée, de prolonger l'accord instituant la Commission internationale pour le service de recherches.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'approbation simplifiée en séance publique.

Présidence de M. Jean François-Poncet, vice-président, et de M. Hubert Haenel, président de la Délégation pour l'Union européenne.

Union européenne - Conférence intergouvernementale - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes

Conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.

Accueillant M. Jean-Pierre Jouyet, M. Hubert Haenel, président de la Délégation pour l'Union européenne, a souligné que la dimension européenne avait été extrêmement présente dans les récentes déclarations de politique étrangère du Président de la République, notamment lors de la Conférence des ambassadeurs. Il a souhaité que le Secrétaire d'Etat fasse le point sur les travaux de la Conférence intergouvernementale sur le nouveau traité et évoque la préparation de la présidence française du Conseil de l'Union, qui interviendra au second semestre 2008.

M. Jean François-Poncet, président, a estimé que, parmi les questions en suspens, celles des conditions de ratification du futur traité méritaient d'être précisées, notamment dans l'hypothèse d'une non-ratification par un Etat-membre. S'agissant de la présidence française, il a observé que les priorités risquaient de s'additionner et qu'il importerait de bien les hiérarchiser. Il a estimé que parmi celles-ci, la politique européenne de sécurité et de défense mériterait une attention particulière.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, a tout d'abord évoqué le déroulement des travaux de la Conférence intergouvernementale.

Il a précisé que le projet préparé par la présidence portugaise portait sur un traité modificatif intégrant tous les acquis institutionnels, notamment la présidence stable, l'extension de la majorité qualifiée et la facilitation des coopérations renforcées. Le texte sera prêt pour être soumis à l'accord politique des chefs d'Etat et de gouvernement lors du prochain sommet informel des 18 et 19 octobre 2007. Sa ratification aura vocation à être soumise au Parlement français.

M. Jean-Pierre Jouyet a estimé que la mise au point du projet de traité avait été facilitée par le caractère extrêmement précis du mandat défini au mois de juin. Lors du Gymnich de Viana do Castelo, auquel ont participé les ministres des affaires étrangères, une bonne volonté commune s'est largement exprimée. Certaines demandes polonaises, notamment l'intégration du compromis de Ioannina dans le traité, se sont heurtées au refus des 26 autres Etats membres dans la mesure où elles sortaient du cadre établi par le mandat.

M. Jean-Pierre Jouyet a déclaré avoir bon espoir que la Pologne, comme en juin, prendra ses responsabilités et il a considéré que les perspectives d'un accord semblaient tout à fait réunies, compte tenu d'une volonté largement partagée de mettre fin à un débat institutionnel qui a déjà duré près de quinze ans.

Le secrétaire d'Etat chargé des affaires européenne a ensuite abordé les perspectives de la présidence française du Conseil de l'Union européenne du second semestre 2008. Il a estimé que cette présidence devrait fournir l'occasion de confirmer le « retour de la France en Europe » et sa capacité à donner des impulsions significatives au projet européen, mais également le « retour de l'Europe en France », c'est-à-dire le retour d'un esprit européen chez nos concitoyens.

Il a souligné que cette présidence interviendrait, à bien des égards, dans un contexte particulier. Il s'agira de la dernière présidence tournante avant l'instauration d'un président stable du Conseil européen et du Haut-représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Elle interviendra quelques mois avant le renouvellement du Parlement européen et de la Commission, ce qui signifie qu'elle devra assurer l'adoption d'un grand nombre de textes. Elle coïncidera avec une partie des travaux du Comité des sages chargé de réfléchir à l'avenir de l'Europe à l'horizon 2020-2030. La Présidence française aura également à lancer les réflexions sur le réexamen des politiques européennes et de leur financement après 2013, en particulier avec la refondation de la politique agricole commune et la réforme du système des ressources financières de l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Jouyet a précisé que la conclusion de nombreux accords politiques et textes était attendue lors de la présidence française, notamment le « paquet environnement » qui concernera le nouveau système des permis d'émission, les énergies renouvelables et la lutte contre les changements climatiques.

Il a indiqué que le Président de la République avait retenu comme principales priorités la politique d'immigration et d'intégration, la sécurité énergétique, l'environnement et le développement durable et l'Europe de la Défense. Sur ce dernier point, il a ajouté que la France soutenait l'idée d'une politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ambitieuse, mais aujourd'hui encore trop bridée par l'insuffisance de moyens et de désaccords sur les orientations politiques, notamment avec les Britanniques. Il a également souligné la nécessité d'une meilleure articulation entre instruments civils et militaires de gestion des crises, tout comme d'une meilleure articulation entre l'OTAN et la PESD, l'une et l'autre devant se conforter et non se concurrencer.

La présidence française, a indiqué M. Jean-Pierre Jouyet, entendra également renforcer la construction d'une véritable Europe de la connaissance, de l'innovation et de la création en encourageant par exemple la mobilité des jeunes Européens. Elle visera à faire de l'Europe un acteur global de la mondialisation, tant aux plans économique et commercial que politique, et proposera dans cette perspective des initiatives en matière de politique industrielle et de régulation financière. Les travaux pourraient également être relancés sur les questions de sécurité et de justice, avec des projets tels que l'européanisation des dispositifs « alerte-enlèvement », la mise en place d'une protection consulaire commune en Europe pour les ressortissants des Etats-membres ou encore une meilleure coordination de la sécurité civile. Sur le plan extérieur, une attention particulière sera portée aux relations avec les grands pays partenaires, comme la Chine et la Russie, et à la politique d'aide au développement.

M. Jean-Pierre Jouyet a précisé qu'un Secrétariat général de la Présidence française de l'Union européenne, placé sous l'autorité du Premier ministre, avait été mis en place pour coordonner les manifestations organisées sous présidence française. Il sera doté d'un budget de 190 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Le secrétaire d'Etat a conclu en souhaitant que la présidence française soit l'occasion de renouveler l'adhésion des Français à l'Europe, en montrant la plus-value qu'elle apporte aux Européens dans la mondialisation. Dans cette perspective, des initiatives seront lancées en direction de la société civile, notamment dans les régions.

A la suite de l'intervention de M. Jean-Pierre Jouyet, M. Denis Badré s'est inquiété des nouvelles demandes formulées par la Pologne dans le cadre des discussions sur le futur Traité et il a préconisé une attitude extrêmement ferme à son égard, une Europe à 27 ne pouvant pas fonctionner si un Etat considère qu'il peut à tout moment revenir sur la parole donnée. De même, évoquant les réserves de certains Etats sur la Charte relative aux droits fondamentaux, il a jugé essentiel de ne pas transiger sur les valeurs essentielles de la construction européenne. Il s'est demandé si la crise politique en Belgique pouvait avoir des incidences sur la ratification par ce pays du futur Traité. Il a insisté sur la nécessité, pour la présidence française, d'engager la rénovation du fonctionnement financier de l'Union européenne et de promouvoir un véritable budget européen, doté de ressources propres.

M. Jean François-Poncet, président, a constaté que les progrès de la PESD étaient actuellement freinés par la crainte, chez plusieurs de nos partenaires, que celle-ci ne se développe au détriment de l'OTAN. Il a considéré que la clarification des relations entre l'OTAN et la PESD constituait un enjeu majeur et qu'un dialogue à cet effet avec les Etats-Unis était indispensable. Il a estimé que dans la situation difficile qu'ils traversent sur le plan international, les Américains pouvaient avoir intérêt à redéfinir leur relation avec l'Europe au sein de l'Alliance atlantique. Aussi a-t-il souhaité que la présidence française accorde un haut degré de priorité au dialogue avec les Etats-Unis sur les problèmes de sécurité.

M. Aymeri de Montesquiou a déploré l'absence de véritable politique européenne dans le domaine de l'énergie. Il a cité pour exemple l'absence de suite donnée par l'Union européenne à des propositions de partenariat formulées en la matière par des pays d'Asie centrale. Il a également estimé que l'Union européenne pourrait nouer un véritable partenariat avec la Russie afin d'aider cette dernière à renforcer sa performance dans le secteur de l'énergie.

M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les réponses suivantes :

- la France est déterminée à demeurer extrêmement ferme face à toute demande qui viserait à remettre en cause la référence aux valeurs essentielles de l'Union européenne ;

- dans l'hypothèse d'un échec de la ratification du futur Traité dans un Etat-membre, le Conseil devra se saisir de la question et évaluer les solutions possibles en fonction de la nature des difficultés rencontrées ;

- la refondation du fonctionnement financier de l'Union est nécessaire, tant du point de vue des ressources que des dépenses ; la réflexion sur un impôt européen suppose que des progrès soient préalablement réalisés en matière de rapprochement des assiettes fiscales ;

- en matière de défense, l'Union européenne a plusieurs opérations militaires à son actif, dont certaines sont menées avec le concours des moyens de l'OTAN dans le cadre du mécanisme dit « Berlin plus ». Les Britanniques sont cependant réticents à toute augmentation significative des moyens humains et financiers affectés à la PESD, ce qui entrave notamment la mise en place d'un véritable centre de planification et de conduite d'opérations propre à l'Union européenne. Le dialogue avec les Etats-Unis sur une meilleure articulation entre la PESD et l'OTAN est indispensable. Dix ans après la déclaration de Saint-Malo de 1998, il sera également nécessaire de trouver avec le Royaume-Uni les moyens de relancer la dynamique européenne en matière de défense ;

- les questions énergétiques ne peuvent être traitées à Bruxelles sous le seul angle du marché intérieur. Il est indispensable que les préoccupations liées à la sécurité et à la diversification des approvisionnements ainsi qu'à l'indépendance énergétique soient beaucoup mieux prises en compte, notamment par la Commission.

Mme Catherine Tasca a souhaité connaître la réaction de nos partenaires au projet d'Union de la Méditerranée. Elle a demandé si la présidence française aborderait la question d'une directive relative aux services publics.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est demandé si l'image de la France avait changé au sein de l'Union européenne au cours des derniers mois. Il s'est interrogé sur l'évolution des relations franco-allemandes. Il a demandé des précisions sur le périmètre géographique du projet d'Union de la Méditerranée et sur les réactions éventuelles des pays de l'Union non riverains de la Méditerranée. Il a souhaité savoir si la position britannique sur la question du mandat d'arrêt européen pouvait entraver la conclusion du futur Traité.

M. Roland Ries a interrogé le secrétaire d'Etat sur la promotion de la vocation européenne de Strasbourg. Il s'est inquiété de la diminution régulière des réunions effectivement tenues par le Parlement européen à Strasbourg. Il a souhaité sur ce point un engagement fort des autorités nationales. Enfin, il a demandé dans quelle mesure il serait envisageable de créer autour de Strasbourg un véritable district européen.

M. Jacques Blanc a souhaité savoir si, dans le cadre notamment du Comité des sages, de nouvelles réflexions étaient envisagées sur la question des frontières de l'Union européenne et sur la politique de voisinage. Il s'est inquiété de ce que le Comité des régions d'Europe ne soit plus mentionné dans le futur Traité parmi les institutions de l'Union.

M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les précisions suivantes :

- le statut de Strasbourg est fixé par les traités, tout comme ceux de Bruxelles et de Luxembourg dont il est indissociable. Le gouvernement est particulièrement sensibilisé à la question du lieu de tenue des sessions et il veillera, au cours de la présidence française, à valoriser Strasbourg par une forte présence des ministres français lors des diverses réunions qui s'y tiendront ;

- nos partenaires comprennent parfaitement que pour certains pays de l'Union européenne, la Méditerranée constitue la deuxième zone de solidarité après l'Europe, de même qu'ils doivent comprendre qu'il n'y a pas concurrence entre le projet d'Union de la Méditerranée et le processus euro-méditerranéen. Le projet d'Union de la Méditerranée ne concernera que les pays riverains, à l'image de la situation qui prévaut pour les organisations de pays riverains de la Baltique ou de la mer Noire. Cela n'exclut en rien la possibilité, pour d'autres pays, d'être associés en qualité d'observateurs. Conscient de la nécessité d'une meilleure information de nos partenaires, le gouvernement vient de désigner M. Alain Le Roy comme ambassadeur chargé du projet ;

- la France a obtenu que soit prises en compte dans une directive sur la poste les prescriptions du protocole garantissant l'accessibilité de services publics à des prix abordables ; elle entend mettre en avant la notion de service d'intérêt général lors de sa présidence ;

- nos partenaires savent gré à la France d'avoir participé à la relance du débat institutionnel. On observe en outre, sur certains sujets comme la nécessité pour l'Europe de se défendre à armes égales dans la compétition économique et commerciale internationale, un rapprochement de certains de nos partenaires vers les thèses françaises ; notre volonté d'accélérer la réforme de la politique agricole commune est également perçue de manière très positive ;

- le Royaume-Uni s'orientera très vraisemblablement sur la voie d'une approbation parlementaire du futur Traité ; la prise en compte de certaines demandes particulières est envisageable, mais il serait inacceptable que le Royaume-Uni rende inopérants des dispositifs de coopération policière et judiciaire souhaités par les autres Etats-membres ;

- les relations franco-allemandes doivent être appréciées en tenant compte des différences dans les systèmes de décision des deux pays. L'Allemagne est dirigée par un gouvernement de coalition qui doit lui-même tenir compte des prérogatives importantes des Länder ;

- le Comité des sages recevra un mandat extrêmement large, incluant entre autres la question des frontières de l'Union ;

- le Comité des régions d'Europe continuera de figurer parmi les institutions mentionnées par le Traité.

M. Robert Badinter s'est inquiété du blocage persistant sur le statut définitif du Kosovo et de la position qu'adopterait l'Union européenne.

Mme Marie-Thérèse Hermange, évoquant les évolutions en cours au Royaume-Uni en matière de biomédecine, s'est inquiétée des orientations que pourrait prendre l'Union européenne dans ce domaine et de leurs éventuelles conséquences pour la France.

M. Pierre Fauchon a souhaité savoir comment la France réagissait à la récente jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a reconnu à la Commission le droit d'assortir une directive relative à la protection de l'environnement de sanctions pénales.

M. Yann Gaillard a souhaité des précisions sur les initiatives que pourrait prendre la présidence française en vue d'accélérer la réforme de la politique agricole commune.

M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les précisions suivantes :

- il est primordial que l'Union européenne conserve, sur la question du Kosovo, une position unie, car il en va de sa crédibilité en matière de politique étrangère. L'Union cherchera par ailleurs à faire valoir auprès des parties en cause, et en vue de les amener à trouver un terrain d'entente, les avantages qu'elle peut offrir, notamment au travers de ses accords d'association ;

- en matière de biomédecine, la France s'en tiendra aux règles fixées par ses instances en charge des questions d'éthique ;

- le futur Traité prévoit que le Conseil « Justice et affaires intérieures » sera compétent pour toute question relative à des sanctions pénales ;

- la situation créée par l'évolution des cours mondiaux de produits agricoles justifie de lancer la réflexion sur la refondation de la politique agricole commune.

En conclusion, M. Jean François-Poncet, président, a remercié le secrétaire d'Etat et retenu, parmi les principales priorités que devra se fixer la présidence française, la clarification des perspectives financières, la sécurité, sous le double aspect de l'approvisionnement énergétique et de la défense, et enfin le changement climatique.