Mercredi 16 janvier 2008

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Education artistique et culturelle - Audition de M. Eric Gross, inspecteur général de l'éducation nationale

La commission a procédé à l'audition de M. Eric Gross, inspecteur général de l'éducation nationale, sur son rapport d'analyse et de propositions sur l'éducation artistique et culturelle.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que M. Eric Gross avait été chargé à la fin du mois d'août, par les ministres de l'éducation nationale et de la culture et de la communication, d'une mission d'étude qui a débouché, le 14 décembre dernier, sur la remise d'un rapport comportant un certain nombre de propositions en faveur de l'éducation artistique et culturelle.

M. Eric Gross a précisé que son rapport, faisant suite, notamment, aux travaux de l'Inspection générale de l'éducation nationale sur la mise en oeuvre de l'éducation artistique et culturelle à l'école primaire, constituait une contribution au plan d'action plus global que le Gouvernement envisage de mettre en place, et qui devrait prochainement donner lieu à une communication des deux ministres concernés.

Il a rappelé que la question de l'éducation artistique et culturelle avait été centrale au cours de la campagne présidentielle, et qu'il avait été envisagé de fusionner les deux ministères en charge de la culture et de l'éducation afin d'assurer plus efficacement cette mission. Si ce rapprochement n'a pas eu lieu, il appartient toutefois à ces deux ministères de renouveler et de coordonner leurs actions en faveur de l'éducation artistique et culturelle, afin que tous les élèves y aient accès. Cette exigence a été réaffirmée dans les lettres de mission adressées aux ministres et dans leurs décrets d'attribution.

M. Eric Gross a observé que la plupart de ses propositions concrètes pouvaient être mises en oeuvre à cadre budgétaire constant. Il a souligné, à cet égard, que les crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle émanaient des administrations centrales et déconcentrées, mais aussi des grands établissements publics culturels. La contribution de ces derniers, en cours d'évaluation par le ministère de la culture, serait de plus de 100 millions d'euros, et devrait s'inscrire dans une dynamique de croissance, avec l'inscription de cette mission dans les contrats de performance de ces établissements.

Il a indiqué, ensuite, que la généralisation de l'éducation artistique et culturelle se heurtait à la grande diversité des actions conduites et aux inégalités territoriales constatées dans ce domaine. En effet, l'éducation artistique ne se limite pas aux enseignements et activités mis en place au sein des établissements scolaires : les institutions culturelles remplissent également une mission de transmission.

M. Eric Gross a souligné, en outre, les attentes exprimées en matière d'histoire de l'art ou des arts. Il a estimé que cette dimension méritait d'être mieux prise en compte dans les disciplines existantes et qu'elle pourrait également être abordée dans le cadre d'un enseignement spécifique. Il a suggéré que des historiens en art soient associés à la réécriture, en cours, des programmes de collège, afin de renforcer les contenus culturels, notamment dans l'enseignement des humanités.

Soulignant, enfin, le foisonnement et la richesse des initiatives de terrain ainsi que les progrès accomplis ces dernières années, à moyens constants, il a considéré que la réussite de ces actions était subordonnée à l'existence d'un partenariat fort entre les rectorats et les directions régionales à l'action culturelle (DRAC) d'une part, et entre l'administration d'Etat et les collectivités territoriales d'autre part, dans la mesure où ces dernières sont gestionnaires des équipements scolaires et culturels. Il a estimé que l'objectif du Gouvernement visant à généraliser l'éducation artistique et culturelle, afin de dépasser les inégalités entre les territoires, tout en lui insufflant une dimension nouvelle, ne pourrait être atteint sans l'aide des collectivités territoriales.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

M. Jacques Valade, président, a d'abord rappelé que la commission avait confié à Mme Catherine Morin-Desailly le soin de préparer un rapport d'information sur la décentralisation de l'enseignement artistique. Puis il a souligné l'attachement des enfants et de leurs familles à l'éducation artistique et culturelle. C'est à ce besoin que les collectivités territoriales s'efforcent de répondre, en défendant des initiatives originales et novatrices dans leur champ de compétence. Il reste à réaffirmer également la place de la culture et des arts dans l'ensemble des enseignements, en utilisant pour cela des termes clairs et intelligibles par tous.

Mme Catherine Morin-Desailly a souligné à son tour l'intérêt et la diversité des initiatives locales, tout en regrettant que celles-ci ne soient pas systématisées. Pour atteindre cet objectif, différentes voies sont envisageables : développer la contractualisation, mieux articuler éducation artistique et culturelle et enseignement des pratiques artistiques proprement dites, notamment dans les conservatoires, ouvrir les établissements scolaires aux artistes et enfin réfléchir sur les liens qui doivent exister entre une éducation artistique et culturelle conçue comme une sensibilisation permanente, d'une part, et les disciplines qui lui sont spécifiquement consacrées, comme les arts plastiques ou l'éducation musicale, d'autre part.

M. Jacques Legendre a, pour sa part, mis l'accent sur la grande hétérogénéité des situations locales, qui tient à la très grande inégalité des moyens dont disposent les collectivités territoriales.

M. Yannick Bodin a rappelé qu'il existait, à n'en pas douter, une tradition française de faible développement des enseignements artistiques et culturels. Leur redonner une place de choix suppose donc de rompre avec certains réflexes bien installés, qui se sont à nouveau manifestés au moment de l'élaboration du socle commun de connaissances et de compétences résultant de la loi pour l'avenir de l'école.

M. Jack Ralite est revenu sur les difficultés financières que rencontrent désormais les collectivités territoriales et qui font obstacle à un soutien plus affirmé encore de leur part à l'éducation artistique et culturelle. De ce fait, les propositions énoncées par M. Eric Gross dans son rapport apparaissent certes séduisantes, mais supposent également que les collectivités territoriales soient en mesure de consacrer plus de moyens encore à ces enseignements, ce qui semble difficilement envisageable.

Il a également approuvé l'idée de renforcer la place de l'histoire de l'art dans les programmes scolaires, afin de mieux appréhender chaque oeuvre dans ce qu'elle a tout à la fois d'universel et de singulier.

En réponse aux intervenants, M. Eric Gross a apporté les précisions suivantes :

- il existe des expériences locales de contrats de partenariat poussés entre les services de l'Etat et les collectivités territoriales, aux effets particulièrement bénéfiques. Ainsi, dans l'académie de Lille, des accords passés entre la direction régionale des affaires culturelles et l'Institut universitaire de formation des maîtres permettent aux futurs professeurs de passer plusieurs jours en compagnie d'un artiste dans une institution culturelle ;

- les résidences d'artistes dans les établissements scolaires devraient être développées, car elles offrent une occasion unique aux enseignants et aux élèves de mettre en place des projets au long cours, lesquels permettent une véritable sensibilisation artistique. Des problèmes de financement demeurent toutefois, puisqu'il faut pour cela mettre en place des montages financiers complexes, faisant intervenir le ministère de l'éducation nationale, le ministère de la culture et de la communication et les collectivités territoriales. Cela est d'autant plus difficile à organiser que les établissements publics locaux d'enseignement rencontrent des obstacles administratifs lorsqu'ils veulent rémunérer des artistes, cela étant pourtant préférable dès lors qu'un financement provenant d'une institution culturelle n'ouvre des droits au titre du régime d'assurance-chômage que s'il vient rétribuer un spectacle donné dans l'enceinte scolaire ;

- la place de l'histoire de l'art pourrait être plus affirmée encore dans les programmes des différentes disciplines concernées. A titre d'exemple, les oeuvres littéraires sont trop souvent réduites à des textes dont les propriétés stylistiques seules sont étudiées. Il conviendrait au contraire de rendre à l'analyse de l'oeuvre sa place prédominante et d'accompagner celle-ci d'une réflexion sur son histoire ;

- s'agissant des moyens nécessaires au renforcement de l'éducation artistique et culturelle, il est certain qu'ils doivent être accrus. Le ministère de la culture et de la communication en est parfaitement conscient et s'efforcera d'accompagner les réformes à venir par des mesures budgétaires appropriées.

Bureau de la commission - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Jacques Valade, président, rendant compte des décisions du Bureau de la commission qui s'est réuni mardi 15 janvier 2008.

Le Bureau a tout d'abord décidé de ne pas donner suite à la proposition émanant des membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à la création d'une mission d'information sur le financement du service public de l'audiovisuel. Le Bureau a considéré que les travaux préparatoires à un éventuel projet de loi dans ce domaine devraient être conduits par l'ensemble des membres de la commission. Il a annoncé à cet égard la tenue, le 30 janvier prochain, d'une table ronde ouverte à l'ensemble des sénateurs, à la presse et au public, sur le thème « Quelles réformes pour le secteur de l'audiovisuel ? ».

Le Bureau de la commission a, en outre, décidé d'effectuer deux missions d'information en 2008 :

- la première en Inde, du 19 au 26 avril, chargée d'étudier l'organisation de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment dans le secteur des nouvelles technologies ;

- la seconde en Grande-Bretagne, dans le courant du mois de mai, afin d'étudier le fonctionnement de la chaine de télévision BBC dans la perspective des réformes du financement de l'audiovisuel public et de réorganisation de l'audiovisuel extérieur.