Mercredi 7 mai 2008

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente. -

Orientation et insertion professionnelles - Audition de M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du Projet « 30.000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 », et de Mme Odette Repellin, chef du département « Formation » de la Fédération française du bâtiment (FFB)

La délégation a entendu M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du Projet « 30.000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 », et Mme Odette Repellin, chef du département « Formation » de la Fédération française du bâtiment (FFB).

Après avoir rappelé que la délégation avait choisi de travailler cette année sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différents métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué qu'elle avait pu recueillir, lors d'un déplacement en Loire-Atlantique, des témoignages de femmes qui avaient manifesté leur motivation à l'égard d'une insertion dans des métiers réputés masculins, et en particulier de jeunes femmes satisfaites d'avoir osé s'engager dans les métiers du bâtiment.

M. Jean-Luc Sethi a rappelé qu'il dirigeait une entreprise du secteur du bâtiment employant environ 50 personnes et qu'il était, au sein de la Fédération française du bâtiment (FFB), chargé au plan national de la féminisation des métiers. Il a précisé que le président de la FFB avait fixé comme objectif de porter les effectifs de femmes travaillant dans le bâtiment de 10 000 en 2004 à 30 000 en 2009. Il a observé que cet objectif, a priori très ambitieux, représentait très concrètement l'embauche d'une femme par semaine dans chaque département.

Puis il a présenté quelques indicateurs économiques sur le bâtiment en France, en rappelant que ce secteur, qui offre une palette de 29 métiers, devrait, en 2008 , enregistrer un taux de croissance de 3 % et créer 35 000 emplois. Il a chiffré à 32 % l'augmentation des salaires depuis 5 ans dans ce secteur et à 120 000 le nombre de recrutements prévus chaque année dans les 10 ans à venir, avec 500 000 logements à construire par an, dont 120 000 logements sociaux dès 2009.

Il a ensuite indiqué qu'en 2007, le nombre de femmes travaillant sur les chantiers et dans les ateliers s'élevait à environ 15 000, ce qui correspond à une augmentation de plus de 50 % depuis 2004, et diagnostiqué une poursuite de cette progression à court terme, en précisant que 9 300 femmes étaient en formation dans la filière des métiers du bâtiment en 2005 (dont 6 300 en formation initiale et 3 000 en reconversion professionnelle).

En réponse à une question de Mme Gisèle Printz sur la durée des formations, M. Jean-Luc Séthi a indiqué que celle-ci était très variable, en rappelant la diversité des métiers offerts.

Puis, évoquant les écueils traditionnels de la présence des femmes dans les métiers du bâtiment, il a constaté, sur le terrain, un élan nouveau de la féminisation et pronostiqué une accentuation de ce phénomène. Il a signalé, en particulier, que les centres de formation d'apprentis (CFA) du secteur du bâtiment accueillaient 167 filles fin 1993, 705 fin 2004 et 1 380 fin 2007, en précisant que ces chiffres correspondaient à une proportion d'1,85 % de filles dans les effectifs d'apprentis à fin 2007, contre 1,1 % à fin 2004.

Il a souligné la nécessité, pour parvenir à ces résultats et les consolider, d'aller au devant des « orienteurs » et de l'Education nationale, afin de convaincre que les femmes pouvaient s'orienter vers d'autres métiers que les métiers traditionnellement féminins. Il a souligné les multiples effets positifs induits par la présence des femmes sur les chantiers, en évoquant l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène ou de l'ambiance générale. Il a ensuite évoqué les témoignages de femmes salariées dans le secteur du bâtiment, qui mettent en avant la régularité des horaires, à la différence, par exemple, des métiers de la restauration, et le fait que les métiers du bâtiment ne peuvent être délocalisés par les entreprises, tout en permettant aux personnels de se déplacer géographiquement s'ils le souhaitent. Il a particulièrement insisté sur l'utilité et la force de conviction des témoignages relatifs à des expériences réussies, tant de la part des salariés que des chefs d'entreprise, en faisant observer qu'il fallait aider ces derniers à surmonter leurs réticences à embaucher des femmes.

Puis M. Jean-Luc Sethi a estimé que la profession avait désormais « passé le cap » des préjugés initiaux et précisé, qu'aujourd'hui, la mécanisation des métiers, qui limite les exigences de force physique, ainsi que leur diversification, étaient favorables à l'emploi féminin. Il a cependant évoqué un obstacle spécifique au développement de l'embauche de femmes sur de petits chantiers : la réglementation oblige, en effet, a-t-il rappelé, à installer des sanitaires séparés pour les hommes et les femmes sur les chantiers. Il a souhaité un assouplissement de la réglementation sur ce point, en expliquant la difficulté de sa mise en oeuvre pour les petits chantiers, pour lesquels l'installation de sanitaires non mixtes est déjà difficile lorsqu'il n'y a que des hommes. Il a cité l'exemple d'une entreprise que l'Inspection du travail avait empêchée d'embaucher une apprentie en raison de ce problème.

Mme Gisèle Printz s'est demandé s'il n'y avait pas là, parfois, l'occasion de trouver un prétexte pour ne pas embaucher de femmes.

Mme Odette Repellin a alors distingué le cas des ateliers permanents, où la mise en place de sanitaires distincts ne soulève pas de difficultés, de celui des petits chantiers, où il est plus difficile de procéder à des installations adéquates.

M. Jean-Luc Séthi a précisé que des expérimentations avaient été conduites pour satisfaire les exigences posées par le code du travail en aménageant des véhicules, mais que cette solution présentait un coût excessif.

Par ailleurs, il a regretté que les contrats de mixité souffrent d'une insuffisance de moyens, en précisant, qu'en moyenne, seuls, deux contrats par département avaient été conclus.

Puis Mme Odette Repellin a rappelé les préalables de cette opération générale de féminisation des métiers du bâtiment menée par la FFB, en indiquant que des expérimentations avaient été effectuées depuis 2001 en zone rurale et que les résultats d'une étude réalisée en 2003-2004 sur les représentations de ce secteur dans l'opinion avaient permis de mesurer que, contrairement à ce que l'on aurait pu en attendre, le bâtiment n'avait pas une mauvaise image, mais souffrait d'un déficit de communication. En outre, elle a souligné que cette étude avait démontré que le public envisageait positivement l'arrivée des femmes sur les chantiers.

Evoquant les campagnes d'information et de sensibilisation mises en place en partenariat avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour faire découvrir les métiers du bâtiment aux femmes, elle a également insisté sur l'importance du témoignage des demandeurs d'emploi qui avaient travaillé précédemment dans d'autres secteurs et pouvaient établir des comparaisons éclairantes avec les conditions de travail offertes dans le bâtiment.

Elle a fait observer que, désormais, toute la communication émanant de cette branche professionnelle respectait le principe de mixité, en faisant, par exemple, apparaître systématiquement des femmes et des hommes sur les affiches. Elle a insisté sur le développement de l'information diffusée aux collégiennes, et plus généralement aux femmes, en précisant que ces campagnes avaient un effet également bénéfique sur l'image des métiers du bâtiment auprès des hommes.

M. Jean-Luc Sethi a évoqué les modalités concrètes des actions entreprises par la FFB, notamment les témoignages apportés dans les collèges. Il a, en particulier, décrit l'opération « Un jeune, un jour » permettant d'accueillir un collégien pendant une journée en stage dans une entreprise du bâtiment, qu'il avait initiée dans le Nord-Pas-de-Calais il y a plusieurs années. Il a précisé qu'il avait prolongé cette initiative en lançant l'opération « Un professeur, un jour », qui, en accueillant un enseignant pendant une journée dans une entreprise, permet bien souvent de transformer le scepticisme initial en une prise de conscience des possibilités offertes par ce secteur.

A Mme Gisèle Gautier, présidente, qui s'est demandé si d'autres branches d'activité avaient développé des initiatives similaires, Mme Odette Repellin a répondu que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) s'y était également employé.

S'agissant des actions menées à l'intention des personnels des centres d'information et d'orientation (CIO), M. Jean-Luc Sethi a déploré qu'elles n'aient connu que des résultats mitigés.

A cet égard, Mme Gisèle Gautier, présidente, a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues n'aient pas une connaissance suffisamment précise des métiers.

M. Jean-Luc Sethi a ensuite évoqué, à la demande de Mme Brigitte Bout, les actions de tutorat développées au sein de la FFB, et notamment les expériences de « marrainage » par des femmes salariées ou chefs d'entreprise, qui organisent l'accompagnement d'une femme nouvellement embauchée pour faciliter son intégration dans l'entreprise. Il a également mentionné les trophées « Bâtir au féminin » qui permettent de valoriser les chefs d'entreprise qui ont embauché des femmes dans leurs équipes, par l'attribution de prix, décernés aux niveaux régional et national, pour trois catégories d'entreprises, définies selon leur taille.

Mme Odette Repellin a expliqué que les femmes étaient désormais un peu plus accessibles qu'auparavant à un engagement dans les carrières du bâtiment, tout en reconnaissant que des efforts restaient à faire pour mieux sensibiliser les chefs d'entreprise.

Evoquant ses observations de terrain, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné l'importance primordiale, selon les témoignages des intéressées, de la force de caractère et de la volonté de s'intégrer dans le milieu très masculin du bâtiment.

Approuvant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a souligné que les femmes qui s'engageaient dans ce secteur jouaient un rôle de « pionnières », tout en estimant que ses rencontres quotidiennes démontraient que leur intégration était de plus en plus naturelle.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier présidente, Mme Odettte Repellin a précisé que les femmes avaient, de façon générale, moins de difficultés à s'intégrer, dans le secteur du bâtiment, au niveau des cadres, où elles sont plus nombreuses, qu'à celui des ouvriers (en 2006, on comptait 12,4 % de femmes parmi les cadres, contre 1,6 % parmi les ouvriers).

Mme Anne-Marie Payet s'est demandé quels moyens permettaient de soutenir les femmes et de les encourager à progresser dans leurs carrières. Elle a constaté qu'à La Réunion, les femmes faisaient preuve d'un dynamisme remarquable dans ce secteur, aujourd'hui très porteur en raison des besoins croissants en logements.

Rejoignant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a constaté que, dans cette branche d'activité, les femmes se projetaient dans l'avenir plus que les hommes et étaient souvent plus ambitieuses dans leurs projets professionnels.

Il a considéré que le secteur du bâtiment, marqué par un contexte de pénurie de main d'oeuvre et par la perspective d'un départ à la retraite prochain de nombreux chefs d'entreprise âgés, offrait aujourd'hui beaucoup d'opportunités pour les femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a conclu en félicitant les intervenants pour le dynamisme de leur démarche.