Mercredi 18 mars 2009

- Présidence commune de M. Jacques Legendre, président, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense -

Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel

Au cours d'une première réunion, la commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires étrangères et de la défense, à l'audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a indiqué en préambule qu'il avait été chargé par le ministère des affaires étrangères de mener une étude comparative entre les dispositifs culturels extérieurs de la France et ceux de ses principaux partenaires européens, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. A la demande de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère, sa mission s'est élargie à la formulation de préconisations sur la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l'étranger.

Si les quatre réseaux culturels concernés par l'étude consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, il a pu néanmoins constater combien la conception du rayonnement culturel pouvait varier en fonction des différents pays. Les réseaux culturels espagnol et britannique, s'appuyant respectivement sur l'Institut Cervantès et le British Council, enregistrent les meilleures performances dans le domaine de l'enseignement linguistique. Le British Council apparaît comme la structure adoptant l'horizon stratégique le plus vaste dans la mesure où sa politique culturelle extérieure recouvre aussi bien le dialogue interculturel et le soutien à la promotion des industries culturelles britanniques que la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément cette logique d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité qu'illustre le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. La manière d'appréhender le lien entre culture et développement continue de susciter de nombreux débats en France. De l'équilibre entre une diplomatie culturelle au service d'une politique de coopération plus large et une politique culturelle extérieure qui met en avant l'autonomie et la spécificité de la sphère artistique dépendent le poids relatif et les compétences des différentes administrations en matière d'action culturelle extérieure.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a relevé ensuite la très grande complexité de l'organisation des tutelles du réseau culturel français à l'étranger, un réseau qui s'illustre principalement par sa dualité. Une grande partie de ce réseau repose, en effet, sur des initiatives locales de création d'alliances françaises dont certaines, bien qu'autonomes sur le plan de la gestion, sont subventionnées par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de conventions. Quant aux centres et instituts culturels français à l'étranger, établissements publics disposant de l'autonomie financière, ils sont appelés à fusionner très prochainement avec les services de coopération artistique et culturelle (SCAC) des ambassades au sein des futurs « EspacesFrance ». Ces derniers demeureront soumis à l'autorité hiérarchique directe des postes diplomatiques français.

A titre de comparaison, les rapports entre le British Council et le ministère britannique des affaires étrangères (« Foreign Office ») obéissent au principe de la gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length ») qui permet de concilier gestion décentralisée de l'action culturelle extérieure et coopération étroite sur le plan stratégique.

La situation matérielle des différents réseaux culturels extérieurs est extrêmement variable, notamment en termes de personnels et d'infrastructures. Se développe progressivement la notion de programmation « hors les murs » qui vise à privilégier l'investissement dans les équipes plutôt que dans les bâtiments. Dans le domaine de la formation des personnels, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a fait observer que les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offraient de bien meilleures perspectives de carrière à leurs agents culturels à l'étranger.

Il a ensuite formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France :

- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication, en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;

- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;

- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, s'est tout d'abord interrogé sur le vaste périmètre d'intervention qui devrait être consenti au futur opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure de la France et sur l'accueil qui lui serait réservé dans les milieux culturels. S'agissant de sa tutelle, si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence doit être préservé, la réflexion devrait se poursuivre sur la place à accorder aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il a sollicité des précisions sur l'articulation sur le terrain entre les futurs établissements issus de la fusion des centres et instituts culturels et des SCAC et les ambassades, notamment en matière de promotion des industries culturelles.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a cité l'exemple du British Council qui fonctionne en grande partie comme un opérateur au service d'autres administrations que le ministère des affaires étrangères : près d'un tiers de son budget est ainsi constitué de subventions affectées à la réalisation de commandes spécifiques sollicitées par des organismes tiers investis dans la coopération technique. Or, en France, la coopération technique relève d'une agence spécifique, l'Agence française de développement (AFD). Le périmètre d'intervention d'une future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, qui constitue une des faiblesses de l'action culturelle extérieure de la France. Il a notamment souligné que les espaces « CampusFrance », en charge de la promotion de l'enseignement supérieur français et des échanges éducatifs, partagent déjà bien souvent des locaux avec les centres culturels français à l'étranger.

En matière de pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure française, l'administration du ministère des affaires étrangères semble redouter qu'un système de co-tutelles ne dilue les responsabilités et n'entrave la définition de lignes directrices claires. En conséquence, il a estimé qu'un compromis satisfaisant résiderait dans la mise en place, au sein d'une agence placée sous la tutelle unique du Quai d'Orsay, de programmes spécifiques qui seraient cogérés par le ministère des affaires étrangères et d'autres ministères tels que le ministère de la culture.

La fusion des établissements publics culturels français et des SCAC au sein des « EspacesFrance » devrait être l'occasion de transformer le lien hiérarchique traditionnel avec les ambassades en un lien de tutelle qui réserverait à ces nouvelles structures une plus grande marge d'autonomie de gestion sur le terrain.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité des éléments d'information complémentaires sur les perspectives en matière de recrutement, de formation et de gestion des carrières au sein du réseau culturel française à l'étranger. Elle s'est également interrogée sur les obstacles susceptibles d'entraver l'émergence d'une grande agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que la formation des personnels en poste à l'étranger constituait le point noir du réseau culturel français. A titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. Dans ces conditions, les nouveaux arrivants s'appuient en grande partie sur les seuls conseils prodigués par leurs prédécesseurs et les personnes les plus expérimentées du réseau. Il a également souligné que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeurait relativement courte, trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a insisté en particulier sur la nécessité de permettre à nos personnels en poste à l'étranger de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. A ce titre, il a fait observer que les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne. Il revient donc à la France de concentrer ses efforts sur la formation continue de tous les personnels susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre de sa politique culturelle extérieure, y compris les personnels en charge des affaires culturelles dans les collectivités territoriales et les personnels déconcentrés de l'État.

Il a ajouté que, si la création d'une agence culturelle en charge de l'influence culturelle française à l'étranger pouvait susciter un certain nombre de craintes de la part des administrations centrales concernées, le problème principal demeurait l'insuffisance des moyens consentis à l'action culturelle extérieure, notamment face à la nécessité de financer une programmation « hors les murs » en pleine croissance.

M. Yves Dauge a souhaité s'assurer que la gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure relèverait désormais de la compétence de la future agence culturelle, y voyant là une rupture fondamentale. Il s'est interrogé sur la réelle marge de manoeuvre dont disposeraient les futurs « EspacesFrance » par rapport aux ambassades. Il a émis le souhait que la nouvelle agence en charge du rayonnement culturel puisse s'inspirer du modèle de gestion décentralisée du British Council et du Goethe Institut afin de décliner au mieux une stratégie nationale en fonction des spécificités régionales. Il a regretté l'absence de « gouvernail » stratégique dans la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France et a plaidé en faveur de la création d'un conseil d'orientation, en charge de la réflexion stratégique, auprès de la future agence.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que le rapprochement des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) et des SCAC au sein des « EspacesFrance » sous l'autorité hiérarchique des ambassadeurs devrait s'accompagner du maintien, voire du renforcement de l'autonomie de gestion des établissements publics culturels à l'étranger. Il a évoqué la possibilité que la future grande agence culturelle dispose d'antennes locales placées sous la tutelle des ambassades. Il a jugé que l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fondait sur un échelon régional de coordination intéressant, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques. Il a également déploré que la France ait trop souvent tendance à naviguer à vue dans la conduite de sa diplomatie culturelle alors que ses principaux partenaires européens font un effort significatif de réflexion stratégique dans ce domaine. A titre d'exemple, le Royaume-Uni accorde une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques telles que le cinéma ou la musique. A cet égard, il s'est félicité de la volonté récemment manifestée par le ministère français de la culture de doubler le nombre des bureaux de soutien aux exportations de biens culturels.

M. Ivan Renar a souligné le développement significatif des échanges culturels entre les collectivités territoriales françaises et leurs homologues à l'étranger dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a regretté que ce levier de l'influence culturelle française à l'étranger soit insuffisamment soutenu par l'administration centrale. Il a déploré la dimension culturelle relativement pauvre de notre chaîne internationale qui devrait multiplier les coups de projecteur sur les activités du réseau culturel français à l'étranger. Il a en outre plaidé en faveur d'un renforcement des partenariats entre la France et ses partenaires européens dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Enfin, il s'est interrogé sur le statut juridique d'une grande agence culturelle, rappelant à ce titre qu'une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyait déjà sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

M. Jean-Claude Etienne a considéré que l'insuffisante coordination des initiatives culturelles des collectivités territoriales françaises constituait une forme de gâchis et a regretté le manque d'intérêt des administrations centrales pour le levier majeur que constitue la coopération décentralisée. Il a fait observer que l'Espagne était à la pointe de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de la langue espagnole à l'étranger. Il en résulte une relative modicité des coûts pour des actions phares de la politique culturelle extérieure de l'Espagne.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a regretté le manque de souplesse des parcours professionnels des agents culturels français à l'étranger et s'est interrogée sur les perspectives de carrière qui leur seraient ouvertes à l'avenir dans le cadre de la future agence culturelle.

En réponse à ces interrogations, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a apporté les précisions suivantes :

- les échanges culturels menés dans le cadre de la coopération décentralisée connaissent une croissance significative, notamment au niveau des régions depuis 1992. La DGCID comprend une délégation pour l'action extérieure des collectivités locales dont le budget reste cependant insuffisant pour exercer un véritable effet de levier sur le développement des actions internationales des collectivités territoriales. Il a reconnu, par ailleurs, que le réseau culturel français à l'étranger était très peu sollicité dans la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Il a également déploré l'absence d'une plateforme d'information commune et centralisée qui permettrait de mieux identifier et coordonner les multiples initiatives lancées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel ;

- une grande opération de communication sur le dispositif culturel de la France à l'étranger devrait mobiliser des chaînes internationales telles que France 24 ou Arte afin de médiatiser le parcours d'artistes formés et portés par le réseau culturel français ;

- grâce à des initiatives privées, des équipes internationales composées de professionnels européens de la culture ont été créées pour mener des opérations de formation en direction des futurs responsables culturels et directeurs de festivals européens ; il s'agit là d'un signe encourageant en faveur de l'émergence d'une véritable ingénierie culturelle de dimension européenne ;

- l'Espagne a en effet un temps d'avance dans l'enseignement de la langue via les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce qui témoigne d'un très haut niveau d'ambition en matière de promotion linguistique, notamment auprès de pays émergents à fort potentiel tels que le Brésil ; à l'heure actuelle, la France n'a pas les moyens de rattraper son retard dans ce domaine ;

- la forme juridique que pourrait prendre la future agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger fait encore l'objet de nombreuses réflexions et devrait être précisée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion d'une prochaine communication ;

- il est impératif d'améliorer la fluidité des trajectoires professionnelles de nos personnels culturels, notamment entre les conseillers auprès des directions régionales des affaires culturelles et les directeurs d'établissements publics culturels français à l'étranger. Dans cette logique, le ministère de la culture pourrait être mieux associé à la politique de recrutement des personnels du réseau culturel français.

M. Jacques Legendre a fait remarquer que les postes de conseiller culturel des ambassades étaient en règle générale réservés à des fonctionnaires d'État disposant d'une formation en matière de diplomatie, certes de haut niveau mais peut-être trop classique. Il a noté, en outre, que les attachés culturels, bien souvent issus des personnels de l'éducation nationale, se voient offrir peu de possibilités de formation dans ce domaine. Il a donc plaidé en faveur d'un renouvellement de la politique de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que les diplomates de carrière ont généralement tendance à suivre une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil. Il a également regretté que les personnels relevant du ministère de la culture soient insuffisamment sollicités pour animer le réseau culturel français à l'étranger.

- Présidence commune de M. Jacques Legendre, président, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, puis de M. Jean-Pierre Plancade, vice-président de la commission des affaires culturelles -

Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française

La commission a ensuite procédé, conjointement avec la commission des affaires étrangères et de la défense, à l'audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, a rappelé le rôle majeur joué par les Alliances françaises pour la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Il a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française concernant l'état actuel et les perspectives de réforme de l'action culturelle de la France à l'étranger et ses incidences sur le réseau des Alliances françaises.

Après avoir rendu hommage à l'intérêt manifesté à ce sujet depuis longtemps dans de nombreux rapports du Sénat, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a présenté le réseau des Alliances françaises comme un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur et connaissant actuellement un fort développement.

Il a rappelé que l'Alliance française avait été créée à Paris en 1883 et qu'elle avait pour mission la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Sous l'appellation aujourd'hui de Fondation Alliance française, le siège parisien est la « tête de pont » du réseau des Alliances françaises dans le monde. Les Alliances françaises installées dans les Etats étrangers sont indépendantes, tant statutairement que financièrement, de la Fondation, même si elles entretiennent des liens étroits avec elle. Les Alliances françaises résultent le plus souvent d'initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative. Il est d'ailleurs remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales.

Le réseau compte actuellement 1 070 Alliances, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, sur tous les continents.

Les missions d'une Alliance française sont identiques à celles d'un institut ou d'un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, les deux types de structures étant répartis selon une complémentarité géographique, puisque les Alliances françaises sont à peu près seules présentes en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie, alors qu'elles coexistent avec les centres et les instituts culturels en Europe, en Afrique et au Levant. Les « doublons » dans une même ville sont désormais rares. Mexico, qui compte à la fois une Alliance française et un centre culturel, est l'une des exceptions, mais présente un caractère particulier étant donné la dimension de cette ville.

Les objectifs, qui peuvent varier selon les Alliances françaises, sont fixés par le conseil d'administration de chaque Alliance, en tenant compte des orientations données par le service culturel de l'ambassade de France, lesquelles sont formalisées dans une convention d'objectifs et de moyens. Environ trois cents Alliances, sur plus d'un millier, sont dans ce cas, et bénéficient ainsi d'un soutien de l'Etat, sous forme de subventions et de mise à disposition de personnels de la part du ministère des affaires étrangères et européennes. Une convention générale, signée entre la fondation et le ministère, encadre les conventions locales de partenariat qui sont signées par les présidents d'Alliances et les ambassadeurs.

Les Alliances françaises sont sensibles aux aléas politiques, économiques et sociaux des pays où elles sont implantées, mais, en raison de leur statut privé et du fait qu'elles emploient majoritairement des personnels locaux, elles ne sont pas assimilées à une structure étrangère et disposent d'une grande légitimité locale, même si elles bénéficient du soutien de l'ambassade de France. Cela explique notamment la pérennité d'Alliances françaises dans des pays en crise ou encore le rôle qu'ont joué les Alliances françaises auprès de l'opinion publique aux Etats-Unis d'Amérique au moment de la campagne anti-française qui a suivi le refus de la France de participer à l'intervention militaire en Irak.

En 2008, les Alliances françaises ont assuré plus de trente-six millions d'heures de cours de français à plus de 461 000 étudiants dans le monde, ce qui fait de ce réseau la plus grande école de langue du monde.

Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement. Les fonds propres sont issus des cours de langue, de financements privés ou de dons et legs. Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.

Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés à partir du 1er janvier 2008. Désormais, l'Alliance n'est plus une association régie par la loi de 1901, mais une fondation reconnue d'utilité publique. Cette réforme avait pour objectif à la fois de renforcer la visibilité de l'Alliance française sur la scène internationale, le statut de fondation étant mieux compris à l'étranger, et de distinguer la coordination du réseau international des activités de gestion de l'école du boulevard Raspail à Paris, qui accueille 12 000 élèves.

La Fondation s'occupe désormais exclusivement du réseau. Elle compte douze collaborateurs et dispose d'un capital de 5 millions d'euros provenant du mécénat de grandes entreprises françaises, d'une dotation de l'Etat et de dons et legs privés. Elle poursuit une active campagne de levées de fonds, n'ayant pas encore atteint ses objectifs sur ce point.

La Fondation Alliance française et le ministère des affaires étrangères et européennes sont liés par un contrat d'objectifs et de moyens, renouvelé en 2009 pour une durée d'un an.

M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l'Alliance française, a ensuite évoqué le fort développement que connaît le réseau des Alliances françaises.

Avec un taux de croissance de l'ordre de 3 à 5 % par an en moyenne, les effectifs des Alliances ont augmenté fortement ces dernières années, en particulier dans les grands pays du monde développé (Etats-Unis, Russie) et dans les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Mexique) ou encore dans des pays comme le Congo et l'Angola. Ainsi, il existe aujourd'hui quatorze Alliances françaises en Chine qui se sont créées en moins de dix ans et une dizaine en Russie.

La Fondation Alliance française s'efforce d'accompagner ce mouvement de trois manières.

Tout d'abord, elle exerce une importante mission en matière de professionnalisation des personnels des Alliances françaises, notamment en assurant des formations à la gestion et au management. A cet égard, la suppression de la moitié des postes d'expatriés détachés par le ministère des affaires étrangères et européennes sur les quinze dernières années rend plus que nécessaires ces formations.

Ensuite, l'Alliance française mène des actions en matière de gouvernance. Ainsi, une révision générale des statuts est en cours et un cadre de référence a été publié. La Fondation est également étroitement associée à la procédure de sélection des directeurs d'Alliances françaises.

Enfin, la Fondation s'efforce de renforcer la coordination du réseau, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chacune des Alliances.

En définitive, le réseau des Alliances françaises, qui bénéficie d'une forte notoriété et d'une bonne image à l'étranger, aborde avec confiance son avenir.

Après avoir remercié M. Jean-Claude Jacq pour son exposé et relevé son optimisme qui contraste avec le constat plus réservé dressé par d'autres intervenants, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souhaité connaître ses motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude concernant l'action culturelle de la France à l'étranger.

M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a indiqué que, en ce qui concerne le réseau des Alliances françaises, le principal défaut, inhérent à toute structure décentralisée, pouvait être une homogénéité insuffisante concernant la qualité des prestations offertes au public entre les différentes Alliances françaises. On peut répartir grossièrement celles-ci en trois cercles. Un premier tiers est constitué d'environ trois cents Alliances françaises, qui bénéficient en général d'un soutien financier du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces Alliances françaises sont assez homogènes et leurs prestations linguistiques et culturelles de très bonne qualité. Le deuxième tiers est composé d'Alliances qui dispensent des cours de langue et organisent quelques activités culturelles plus modestes (conférences, réunions). Enfin, un troisième cercle comprend des Alliances qui s'apparentent davantage à des clubs ou à des cercles d'amitiés. La Fondation a pour objectif de faire passer le plus grand nombre d'Alliances possible du troisième au deuxième cercle, et du deuxième au premier.

Si les Alliances sont indépendantes et s'il n'existe pas de lien hiérarchique entre elles et la Fondation, celle-ci est toutefois garante du nom « Alliance française » et elle peut le retirer en cas de dysfonctionnement, le cas se présentant au pire une ou deux fois par an.

La Fondation organise également des actions de formation destinées aux directeurs des Alliances françaises, aux membres du conseil d'administration et aux personnels.

La deuxième difficulté, qui n'est pas propre au réseau des Alliances françaises, mais qui touche l'ensemble de l'action culturelle de la France à l'étranger, tient à la forte diminution des financements de l'Etat, de l'ordre de 10 % en 2007 comme en 2008 et de 20 % en 2009. Certes, le recul des crédits consacrés à l'action culturelle de la France à l'étranger n'est pas nouveau mais elle atteint aujourd'hui une telle ampleur qu'elle touche désormais le coeur même de l'action culturelle extérieure.

En outre, la recherche de financements extérieurs auprès de partenaires privés donne lieu désormais à une forte concurrence entre les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, les directeurs de centres ou d'instituts culturels et les directeurs des Alliances françaises, comme on peut l'observer à New-York ou en Inde.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française sur la création éventuelle d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Elle lui a notamment posé des questions sur l'exercice de la tutelle et le pilotage stratégique, la gestion des ressources humaines, la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels et la relation entre les nouveaux établissements issus de cette fusion et les ambassades.

En réponse, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a apporté les précisions suivantes :

- à ce jour, la Fondation n'a jamais été consultée par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la réforme en cours, ni sur le projet plus particulier de création d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger ; elle ignore ce que pourraient en être les compétences, l'organisation, les financements et l'articulation avec la direction générale, en particulier la direction de la coopération culturelle et du français. Elle ne peut donc avoir d'avis sur la question ;

- si une telle agence venait à être créée, il faudrait s'interroger sur sa tutelle et sur son pilotage stratégique. A cet égard, il semble préférable d'avoir une seule tutelle, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes, car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle. Cela n'empêche pas pour autant de renforcer l'implication d'autres ministères, comme au premier chef le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère du commerce extérieur, en instituant, par exemple, un conseil d'orientation interministériel chargé de définir les orientations stratégiques. Il serait même possible d'étudier la présence au sein de ce conseil d'orientation d'un ministère comme celui de la défense, compte tenu des enjeux stratégiques de l'action culturelle extérieure.

La meilleure formule, claire et simple, serait une direction générale chargée de traduire les grandes orientations ainsi retenues en stratégies, de piloter l'ensemble du dispositif et d'assurer l'évaluation des actions menées, la mise en oeuvre étant confiée à quelques grands opérateurs tels que par exemple l'agence française de développement, l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'Alliance française et CulturesFrance.

- une réforme de la gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel apparaît nécessaire, que ce soit en matière de recrutement, de formation ou de déroulement de carrière, laquelle semble aujourd'hui inadaptée aux besoins d'un réseau culturel moderne. A cet égard, l'idée de créer un corps spécifique, sur le modèle de l'Institut Goethe, mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un renforcement de la formation initiale et continue. Il serait également envisageable d'adopter une certaine souplesse en matière de durée de mission dans les postes, qui serait variable selon les pays, allant, par exemple, de trois ans en Europe à six ans dans un pays demandant un fort investissement linguistique et culturel comme la Chine ;

- l'idée de fusionner les services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels n'est pas une nouveauté puisqu'avaient été instaurés naguère les centres de coopération culturelle (CCC), de même inspiration. Cependant, sa mise en oeuvre dans toutes les villes où n'existent que des Alliances françaises et non des centres culturels semble problématique. Il résulte d'entretiens avec un auditeur de la Cour des comptes qu'il conviendrait de mieux séparer associatif et administratif dans le réseau culturel extérieur français et de donner une plus large autonomie aux directeurs d'Alliances. La Fondation Alliance française a donné mandat à des délégués généraux pour coordonner l'action dans une quarantaine de pays ; à cette fin, elle a ouvert des comptes bancaires sur lesquels sont versées, afin de leur permettre de remplir cette mission, des subventions du ministère des affaires étrangères inscrites dans la programmation des postes. Dans deux ou trois cas, les services culturels ont été tentés de bénéficier de la souplesse et de la rapidité permises par le mode associatif (celui de la Fondation, en l'occurrence) pour mettre en oeuvre plus efficacement leur propre programmation culturelle, ce qui, selon les règles de la comptabilité publique, pourrait s'apparenter à une « gestion de fait » dans laquelle il sera mis bon ordre. Il n'en reste pas moins que, d'une façon plus générale, une clarification des relations entre les ambassades et les opérateurs semble nécessaire, dans le respect, pour ce qui concerne l'Alliance française, des conventions signées avec les ambassades, par lesquelles ces dernières fixent les priorités.

M. Yves Dauge a fait part de son inquiétude au sujet de la forte baisse des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure et s'est interrogé sur la possibilité pour l'Etat d'exercer dans ce contexte un véritable pilotage stratégique.

Mme Monique Papon s'est interrogée sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Alliances françaises, au regard de ceux décernés par le British Council.

M. Jean-Claude Jacq a indiqué que les diplômes de langue délivrés par les Alliances françaises étaient les diplômes officiels (Delf-Dalf) du ministère de l'éducation nationale et reconnus à ce titre à l'étranger.

M. Jack Ralite a souhaité revenir sur la fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, en rappelant que la moitié des centres et instituts culturels français en Allemagne avaient été fermés ces dernières années, ce qui constitue un réel motif de préoccupation. Il s'est demandé si l'interprétation éventuelle de la Cour des comptes d'une « gestion de fait » concernant certaines délégations générales n'entraînait pas des effets pervers en limitant à l'avenir les possibilités pour les services des ambassades de mener des actions de coopération culturelle par l'intermédiaire des Alliances françaises. Enfin, il a fait part de son inquiétude au sujet de la création éventuelle d'une agence et il a regretté que le mot « culture » n'apparaisse pas dans la dénomination de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Claude Jacq a rappelé que la suppression du terme « culture » datait de la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et qu'elle avait déjà à l'époque provoqué un certain émoi au sein des milieux culturels.

Il s'est également déclaré préoccupé par un mouvement de fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, si celui-ci devait se faire trop rapidement et sans étude préalable des possibilités de relève par une Alliance française. En effet, si une Alliance française peut prendre de manière tout à fait satisfaisante la suite d'un centre ou d'un institut culturel, comme récemment à Gênes, à Porto ou à Nairobi, cela ne peut s'appliquer partout en Europe de la même manière. Ainsi, au Luxembourg par exemple, le remplacement du centre culturel existant par une Alliance française n'apparaît guère possible, étant donné que les autorités locales offrent gratuitement aux adultes, dans un centre de langues public, des cours de langues étrangères, ce qui prive une Alliance française d'une possibilité essentielle de financement.

M. Jean-Pierre Plancade, président, ayant fait observer que la question centrale restait celle du financement, M. Jean-Claude Jacq, a confirmé que, malgré un poids très modique de l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'Etat, la forte baisse des crédits consacrés à la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, qui résulte sans doute d'un manque de véritable volonté politique dans ce domaine depuis des décennies, créait une situation préoccupante pour l'avenir du rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.

Service d'accueil des élèves dans les communes de moins de 2 000 habitants - Examen du rapport

Au cours d'une seconde réunion, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Richert sur la proposition de loi n° 219 (2008-2009) visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves d'écoles maternelles et élémentaires.

M. Philippe Richert, rapporteur, a d'abord rappelé que la question de la répartition des compétences entre l'État et les communes avait été au coeur des débats lors de l'examen du projet de loi instituant un droit d'accueil et que c'est ce sujet particulièrement délicat que la proposition de loi de M. Yvon Collin invitait aujourd'hui à réexaminer, à la lumière des premiers tests « grandeur nature » du service d'accueil. Il a indiqué que la mise en oeuvre de ce service avait révélé un certain nombre de difficultés mais que ces dernières ne justifiaient pas de modifier en profondeur la répartition des compétences prévue par la loi.

M. Philippe Richert, rapporteur, a souligné que la loi a confié à la commune le soin d'organiser le service d'accueil en cas de grève massive pour deux raisons. D'une part, lorsqu'un conflit majeur survient dans l'éducation nationale, l'État ne peut pas organiser ce service d'accueil sauf à réquisitionner ses agents en grève et à porter ainsi atteinte à un droit constitutionnel. D'autre part, il semble évident que le service d'accueil ne peut être bien organisé qu'à l'échelle locale.

Ainsi, M. Philippe Richert, rapporteur, a précisé que, lors de la grève du 29 janvier dernier, le seuil de personnel permettant l'organisation du service d'accueil a été atteint dans 22 000 communes françaises soulignant que les services des préfectures ou des rectorats n'auraient pas été capables d'organiser le service dans chacune de ces communes ; les maires, eux, l'ont été, puisque 18 000 communes ont proposé le service. Il a ajouté que consacrer la compétence de l'État pour l'organisation du service d'accueil dans les communes de moins de 2 000 habitants, soit 75 % des communes françaises, reviendrait alors à supprimer le service dans ces communes et fragiliserait définitivement ce dernier en ouvrant la voie à sa suppression pour toutes les catégories de communes qui, à des degrés divers, ont toutes dû surmonter des obstacles pour le mettre en oeuvre.

M. Philippe Richert, rapporteur, a reconnu que l'organisation du service d'accueil est une lourde charge pour les communes, et notamment pour les plus petites d'entre elles. Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat l'avait largement amendé, bien souvent sur proposition de la commission des affaires culturelles, afin de donner aux communes les moyens d'exercer cette compétence dans les meilleures conditions. Il a considéré que, désormais, la question posée était de savoir si, malgré ces améliorations, le texte se révélait impossible à appliquer dans les plus petites communes.

M. Philippe Richert, rapporteur, a estimé paradoxal de vouloir abroger un texte avant de l'avoir appliqué, constatant que certaines communes avaient décidé que le texte était inapplicable avant même d'avoir essayé de l'appliquer. Il a souligné que, une fois la loi votée et promulguée, elle doit s'appliquer et qu'il revient au Gouvernement de veiller à ce qu'elle le soit, y compris en saisissant les tribunaux compétents.

M. Philippe Richert, rapporteur, a évoqué le cas, plus difficile, des communes ayant essayé de bonne foi d'appliquer le texte sans y parvenir. En effet, les maires de ces petites communes ont assez mal vécu, et cela se comprend, d'être assignés devant les tribunaux administratifs, l'État semblant ainsi les stigmatiser au lieu de les aider à surmonter leurs difficultés. Le rapporteur, rappelant la déclaration du Président de la République lors du congrès des maires, a souligné que c'est ce choix peu judicieux que le Président avait remis en cause, et que, conformément à l'engagement présidentiel, l'État a depuis lors abandonné ses recours chaque fois qu'ils visent une commune qui n'a pu, malgré ses efforts, mettre en oeuvre le service d'accueil.

M. Philippe Richert, rapporteur, a indiqué que, dans le droit fil des déclarations présidentielles, le ministère de l'éducation nationale a également engagé une concertation approfondie avec l'ensemble des représentants des maires. Celle-ci a permis d'identifier les deux difficultés principales des communes, et notamment des plus petites d'entre elles, et d'y apporter une première série de réponses. Tout d'abord, concernant le délai-limite fixé par la loi pour la transmission des déclarations de grève, le rapporteur a précisé qu'il est demandé, d'une part, aux inspecteurs d'académie de transmettre en temps réel l'évolution du nombre de grévistes déclarés et, d'autre part, aux directeurs d'écoles de questionner les familles quelques jours avant le mouvement afin de savoir si elles entendent ou non bénéficier du service. Ensuite, s'agissant de la question des personnels nécessaires pour la mise en oeuvre du service, le rapporteur, rappelant que le principe de la constitution d'un « vivier » avait été inscrit dans la loi, a indiqué que le ministre de l'éducation nationale s'est récemment engagé à aider les communes à trouver ces personnels.

Néanmoins, M. Philippe Richert, rapporteur, a rappelé que la loi ne fixe aucune norme de qualification pour les personnels et ne détermine aucun taux d'encadrement minimal. Il ne s'agit pas là d'un oubli ou d'une malfaçon, mais d'un choix volontaire, qui a reçu au moment de l'examen du texte l'assentiment de la plupart des associations de maires, celles-ci craignant en effet que la fixation de normes contraignantes ne soit un obstacle pour les communes, et notamment pour les plus petites d'entre elles.

M. Philippe Richert, rapporteur, a évoqué la réunion récente du comité de suivi de l'application de la loi au cours de laquelle des mesures ont donc été prises : deux instructions successives ont été envoyées aux inspecteurs d'académie tandis que les préfets et sous-préfets ont été également alertés par M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale et Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il est désormais évident pour tous que les services déconcentrés de l'État doivent prendre les devants et accompagner les maires. Le rapporteur a souligné que la bonne application de la loi progresse et que, désormais, plus de 80 % des communes proposent le service d'accueil.

M. Philippe Richert, rapporteur, a observé que, au-delà des apparences entretenues, parfois sciemment, par quelques grandes villes, la mise en oeuvre du service d'accueil n'a donc rien d'impossible par principe. Certes, des difficultés sont apparues à la lumière de la pratique. Mais elles sont désormais bien repérées et la réunion, à l'invitation du ministre, du comité de suivi a permis d'y apporter une première série de réponses. Il a estimé que, plutôt que d'abroger partiellement la loi et d'ouvrir ainsi la voie à la suppression progressive du service, il valait mieux continuer à faire preuve de pragmatisme, en aidant les communes à la mettre en oeuvre grâce aux réponses apportées point par point à chacune des difficultés rencontrées.

En conclusion, M. Philippe Richert, rapporteur, a recommandé de ne pas adopter la proposition de loi, afin de laisser ainsi au service d'accueil le temps de se mettre en place dans la concertation.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jean-Pierre Plancade a d'abord indiqué qu'il faisait le même constat que le rapporteur s'agissant des difficultés d'application de la loi dans les petites communes, mais qu'il n'en tirait pas les mêmes conclusions. Il a ensuite estimé que le service d'accueil trouvait sa pertinence dans les grandes villes, notamment pour aider les familles défavorisées, mais que cette charge aurait pu être épargnée aux petites communes au regard de la faiblesse de leurs moyens. Il a souligné que l'objet de la proposition de loi était bien de soulager les petites communes plutôt que de les renvoyer devant le tribunal administratif.

M. Claude Domeizel a souhaité pour sa part connaître la teneur des instructions données aux inspecteurs d'académies évoquées par le rapporteur qui lui a répondu que celles-ci seraient annexées au rapport.

M. Pierre Martin a reconnu que des inquiétudes s'exprimaient dans les petites communes et pas seulement s'agissant du service d'accueil, évoquant notamment les transports scolaires. Il s'est ensuite étonné qu'il ne soit pas fait référence à l'obligation faite depuis la loi « Jules Ferry » de 1881 aux directeurs ou chargés d'école d'accueillir les enfants les jours de grève. Il a cependant réaffirmé son soutien au rapporteur.

Mme Béatrice Descamps n'a pas constaté de véritables difficultés dans l'application de la loi mais a plutôt relevé des inquiétudes s'agissant notamment de la responsabilité des maires, mais aussi du taux d'encadrement et du niveau de qualification des personnes assurant le service d'accueil. Elle a également estimé que, contrairement à ce qui avait été avancé, ce service ne pénalisait pas l'exercice du droit de grève, bien au contraire.

Tout en admettant un certain nombre de difficultés d'application de la loi dans les petites communes, M. Jean-Claude Carle a soutenu le rapporteur dans sa volonté de rejet de la proposition de loi. Puis, évoquant le grand défi de l'aménagement du territoire, il a fait part de sa crainte de voir les familles renoncer à s'installer dans les petites communes qui n'offriraient plus de service d'accueil en cas de grève. Il a estimé que l'adoption de la proposition de loi créerait ainsi deux types de communes : celles avec un service d'accueil et celles qui n'en ont pas.

Mme Marie-Thérèse Bruguière, s'exprimant en sa qualité de maire, n'a pas souhaité communiquer aux services de l'académie la liste des grévistes de sa commune, laissant le soin à cette autorité d'en effectuer elle-même le recensement. Elle s'est ensuite interrogée sur la position des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles dans la fonction publique (ATSEM) lors des mouvements de grève ne touchant que l'éducation nationale.

Mme Catherine Morin-Desailly a tout d'abord précisé que la position du groupe centriste n'était pas encore arrêtée sur la proposition de loi. Puis, tout en reconnaissant le bien fondé de cette réflexion sur les petites communes, elle s'est dite gênée, à titre personnel, par une possible rupture de l'égalité républicaine dans le cas de l'adoption de ce texte. Enfin, elle a constaté dans son département une certaine évolution : à l'inquiétude et l'incompréhension a succédé une forme d'adaptation et de créativité dans la recherche de solutions.

M. Bernard Fournier s'est également interrogé sur les motifs de la non application, déjà évoquée par M. Pierre Martin, de l'obligation faite aux directeurs ou chargés d'école d'accueillir les enfants les jours de grève.

Mme Colette Mélot s'est tout d'abord déclarée en phase avec la position du rapporteur. Elle a ensuite estimé qu'il y a eu tout autant de difficultés dans les petites communes que dans les communes moyennes pour organiser le service d'accueil, mais que, en définitive, la bonne volonté a prévalu. Elle s'est déclarée opposée aux différences de traitement entre les communes et à l'exigence d'un niveau de qualification des personnes assurant ce service.

S'agissant des locaux municipaux que sont les écoles primaires, M. Serge Lagauche a évoqué le mode de passation des consignes qui prévalait avant la mise en oeuvre du service d'accueil. M. Jacques Legendre, président, a souhaité que le ministère de l'éducation soit interrogé sur cette question.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert, rapporteur, a tout d'abord jugé que, s'agissant de l'obligation faite aux directeurs ou chargés d'école d'accueillir les enfants, cette réglementation ancienne ne pouvait prévaloir sur la reconnaissance constitutionnelle du droit de grève intervenue depuis lors.

Il a observé que, lors de la réunion du comité de suivi de l'application de la loi, ce sont les représentants des grandes villes qui ont exprimé le plus de problèmes d'organisation du service et il a réaffirmé qu'une abrogation partielle de la loi ouvrirait ainsi la voie à la suppression progressive du service d'accueil. Il a estimé qu'aujourd'hui persistaient plus d'inquiétudes que de vraies difficultés, notamment s'agissant des questions financières et de responsabilité pénale, ce dernier sujet constituant le quotidien de tout élu local qui doit pouvoir compter sur l'appui des services de l'État.

M. Philippe Richert, rapporteur, a indiqué que les listes des personnes susceptibles d'assurer le service d'accueil faisaient l'objet de vérifications par les services de l'inspection académique, rappelant que les règles applicables aux centres de loisirs sans hébergement (CLSH) ne concernaient pas les services d'accueil ponctuel. Il a néanmoins estimé que la vigilance restait de mise. Il a également précisé que les ATSEM n'étaient pas des personnels de l'éducation nationale, mais des fonctionnaires territoriaux.

Pour conclure, M. Philippe Richert, rapporteur, a souligné que les inquiétudes qui s'étaient exprimées à l'occasion des premières applications de la loi s'étaient largement apaisées et que les attitudes avaient évolué, sans pour autant nier les difficultés restant à surmonter.

Suivant les conclusions de son rapporteur, la commission ne s'est pas déclarée favorable à l'adoption de la proposition de loi n° 219 (2008-2009) visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves d'écoles maternelles et élémentaires.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné M. Louis Duvernois rapporteur de la proposition de loi n° 257 (2008-2009) de M. Adrien Gouteyron pour le renouveau de la culture française à l'étranger et la francophonie.

Projet de loi de finances rectificative pour 2009 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

Elle a ensuite demandé à être saisie pour avis du projet de loi n° 1494 (AN) de finances rectificative pour 2009 et a désigné M. Jacques Legendre rapporteur pour avis sur ce projet de loi.

Diffusion et protection de la création sur Internet - Désignation de candidats pour une éventuelle commission mixte paritaire

Enfin, la commission a désigné sept candidats titulaires et sept candidats suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Elle a nommé :

- MM. Jacques Legendre; Michel Thiollière, Mmes Catherine Morin-Desailly, Colette Mélot, MM. Serge Lagauche, Claude Domeizel et Mme Françoise Laborde comme membres titulaires, et MM. Yannick Bodin, Yves Dauge, Mle Sophie Joissains, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Lucienne Malovry, MM. Ivan Renar et Bruno Retailleau comme membres suppléants.